lundi 7 juillet 2008

Dossier Sidi Ifni : révolte, répression, résistance, solidarité

Chronique de Sidi Ifni, depuis le samedi noir du 7 juin 2008



Dimanche 6 juillet 2008
Solidarité avec la population de Sidi Ifni
Le réseau des Attac d’Europe réclame la liberté pour les prisonniers de Sidi Ifni, l’arrêt immédiat du harcèlement, la fin de la répression policière ainsi que l’ouverture d’une enquête indépendante sur l’action des autorités. Nous soutenons les demandes des citoyens de Sidi Ifni en faveur d’un développement économique bénéficiant à la population.
Le 7 Juin 2008 (« Samedi noir »), les habitants de Sidi Ifni, une ville située à environs 120 km au sud d’Agadir, ont été victimes d’une opération de représailles et d’une répression généralisée. Femmes et enfants n’ont pas été épargnés. Plus de 4 000 policiers et forces auxiliaires ont violemment réprimé le blocage du port, où des militants étaient installés depuis une semaine afin de défendre leur droit légitime pour obtenir du travail et une possibilité de vie décente. Les forces de répression ont aussi attaqué et investi des demeures choisies au hasard, terrorisant la ville entière.
Les citoyens de Sidi Ifni ont depuis trop longtemps été ignorés par les autorités marocaines. Aucun projet de développement local n’a été initié, aucun emploi n’a été créé. Seulement des promesses sans suite. Depuis 2005, les habitants ont décidé de prendre leur propre sort en main afin d’améliorer leur situation. Ils refusent la marginalisation qu’on leur impose et proposent des alternatives concrètes à la pauvreté, au chômage et à l’exclusion sociale et économique.
Les habitants de Sidi Ifni ne réclament pas la charité, ils proposent un véritable plan de développement local.
La brutalité des violences policières démontre l’incapacité des autorités marocaines à répondre aux demandes légitimes des citoyens. Au lieu d’écouter les populations, elles se rabattent sur les anciennes méthodes répressives : violation des demeures au hasard, torture, pillage et arrestations. Certains évoquent même des viols et des assassinats.
C’est pourquoi le réseau des Attac d’Europe exprime sa solidarité entière avec les habitants de Sidi Ifni-Aït Baamrane et soutient leurs aspirations et demandes légitimes. Nous ferons le nécessaire afin de rendre publique, dans nos pays respectifs, l’information sur ces violences et la lutte légitime des habitants de Sidi Ifni.
Nous exigeons la libération immédiate et sans condition des prisonniers de Sidi Ifni, ainsi que celle de notre camarade Brahim Bara, secrétaire général du Comité local d’Attac à Sidi Ifni. Nous demandons la fin des poursuites à leur encontre.
Rabat, le 6 juillet 2008
Premiers signataires :
Attac Allemagne
Attac Autriche
Attac Espagne
Attac France
Attac Maroc
Attac Norvège
Source : http://maroc.attac.org/jooomla/index.php?option=com_content&task=view&id=547&Itemid=97


samedi 5 juillet 2008
Rapport d’Attac Maroc sur la situation à Ifni
Source : http://maroc.attac.org/jooomla/index.php?option=com_content&task=view&id=542&Itemid=97
3 Juillet 2008

La ville de Sidi Ifni, petite ville côtière de 20 000 habitants au Sud du Maroc, a connu les 7 et 8 juin dernier une vague de répression extrêmement violente, en guise de réponse à un mouvement social qui depuis des années réclame que soit pensée une réelle politique de développement de la région et un appui social de l'Etat à cette région marginalisée par une extension et une amélioration des services publics.
Attac Maroc a accompagné depuis leur début les luttes sociales de la population de Sidi Ifni-Ait Baâmrane, qui ont démarré en 2005. Après la constitution du groupe local Attac Ifni en 2006 notre association est apparue comme un acteur essentiel du mouvement social, aux côtés des autres organisations militantes locales en lutte pour les revendications économiques et sociales des habitants.
Jouant son rôle d'aide aux citoyens de façon continue, tout de suite après la répression qui s'est abattue le samedi 7 juin, Attac Maroc s'est trouvé immédiatement associée à d'autres forces pour lancer une vaste campagne d'information en solidarité avec les victimes de la répression, pour dénoncer les crimes odieux commis à l'encontre des manifestants et pour apporter un soutien concret . L'Etat et la presse aux ordres ont immédiatement désigné Attac[1] et l'ANDCM[2] comme des associations extrémistes et fauteuses de troubles. Les militants des groupes les plus proches d'Ifni et un membre du SN se sont rendus à Ifni pour établir la vérité sur les évènements et les détails de ce qui s'est passé le samedi noir.
Ce rapport est le résultant de cette visite. Il ne vise pas seulement à apporter une simple image des évènements ni à vouloir refermer les plaies, mais aussi à comprendre l'état du mouvement social et les moyens de le renforcer après la répression du samedi noir.
Cadre des évènements
Le mouvement est né à Ifni en 2005 et a connu une succession de sit in, rassemblements de protestations, marches populaires qui ont culminé le 7 aout 2005 puis se sont poursuivies par des mobilisations successives sur plusieurs dossiers revendicatifs.
- pour des soins gratuits et de qualité
- pour l'emploi
- pour le boycott des élections parlementaires de 2007
- pour le versement des indemnités sociales aux ayant-droits des familles des victimes de la colonisation.
Le comportement négatif de l'Etat marocain, qui a fait beaucoup de promesses mais ne les a pas tenues, explique la montée des protestations populaires. Les dernières promesses en date étaient les projets annoncés lors de la visite royale en décembre 2007. Le permanent va et vient entre la carotte et le bâton, les promesses et la répression, a également contribué à attiser le mouvement.

Chronologie
A partir de mai 2008, le mouvement social de Sidi Ifni a connu de nouveaux développements, avec son extension aux chômeurs non diplômés et aux travailleurs précaires du port. Le mouvement des chômeurs illustre la maturité d'un grand nombre de jeunes qui ont rejoint les luttes depuis le 7 août 2007 et ont acquis une expérience de lutte qui lui a permis de construire son propre mouvement, ce qui a par voie de conséquence rallumé le flambeau de la lutte de la ville tout entière autour des cinq revendications qui avaient été avancées en 2005.
Ci-dessous, les détails jour après jour des évènements.

vendredi 30 mai
- 8 postes (échelle 1) ont été mis au tirage au sort à la municipalité d'Ifni (+ 4 postes qui n'ont pas été mis au tirage au sort mais réservés, après accord avec le syndicat CDT des municipalités, à des veuves ou des enfants d'anciens employés décédés de la municipalité. Plus de 100 candidats ont postulé pour ces emplois, mais les conditions du tirage au sort ont été entachées de népotisme et ont semé la colère parmi les jeunes d'Ifni
- Un regain d'activité au port d'Ifni a renforcé cette colère, « comment tant de poisson peut arriver tous les jours et nous crevons de faim et restons chômeurs » . Ces deux éléments ont mis le feu aux poudres et des dizaines de jeunes, au départ, ont organisé un rassemblement de protestation sur l'avenue à la suite du tirage au sort. C'est pendant le rassemblement que l'idée a germé d'organiser un sit in afin de bloquer la route du port. L'idée a été mise immédiatement mise à exécution et les jeunes en colère ont pris le chemin du port, ont commencé leur sit in et ont bloqué 83 camions frigorifiques chargés de sardines et d'anchois.
- Composition sociale des participants ! chômeurs du port + autres chômeurs non diplômés
- Nombre : au début, plus de 100 personnes, nombre qui s'est élargi dès le 2ème jour.
- Commentaire sur l'aspect social et psychologique
- Le niveau social est un élément import des mobilisations depuis 2005, qui a un impact direct sur la mobilisation dans les quartiers, sur les capacités de défense dans les quartiers face au déchaînement de la répression et sur l'auto-organisation du mouvement.

Samedi 31 mai
Le matin du samedi l'association Attac et l'A NDCM sont allés rencontrer les jeunes bloquant l'accès au port, ils ont accepté certaines critiques qui leur ont été faites et la discussion a abouti aux conclusions suivantes : Attac et l'ANDCM peuvent se joindre au mouvement, en solidarité et en tant que conseil mais sans participer aux prises de décision.

Dimanche 1er juin 08
De nouvelles discussions ont abouti à la nécessité de dépasser le caractère spontané du mouvement et de mettre en place d'un minimum d'organisation. D'où la création de 4 commissions : soutien financier, information, nourriture, surveillance.

Lundi 2 juin
Les autorités demandent l'ouverture de négociations entre les manifestants et le représentant du pacha. La question a été débattue démocratiquement et il a été décidé d'accepter la proposition. Le débat a ensuite porté sur le contenu des revendications de ce mouvement spontané, qui a adopté les revendications suivantes :
* L'octroi de cartes de la solidarité nationale aux familles pauvres
* La création de plusieurs unités industrielles dans la région afin de fournir de l'emploi aux jeunes
* Construction d'un centre de formation aux métiers de la mer au bénéfice des jeunes
* Construction d'un centre de formation professionnelle
* Octroi des permis maritimes aux jeunes chômeurs pour qu'ils puissent travailler sur les bateaux de pêche
* Généralisation effective de la pesée électronique à la criée
* Ouvrir une enquête sur les dysfonctionnements existant au port (ANP+ONP)
* Octroi de permis de pêche traditionnelle aux chômeurs (un permis par personne et non pour 3 personnes comme cela se pratique
* Réserver un quota de pêche aux habitants de la région
* Exécution des projets inaugurés sur le papier lors de la visite royale (assainissement, électricité, routes) malgré leur inadéquation


* Tout cela en complément des 5 revendications réclamées depuis 2005 qui constituent le socle revendicatif du mouvement

Ont participé aux négociations : les délégués des manifestants, le gouverneur de la région Souss-Massa –Draa, les responsables des forces de sécurité.

Le gouverneur a mis comme préalable le déblocage du port en promettant en échange la délivrance de cartes de la solidarité nationale aux manifestants pour les deux mois de juillet et aout (pour éviter que des luttes viennent troubler la période estivale) en attendant la construction d'unités industrielles dans la région pour leur fournir de l'emploi. Les propositions du gouverneur ont été jugées insuffisantes et accompagnées de trop de conditions administratives et de calendrier et les délégués des manifestants ont refusé de lever le blocage sans réponse réelle à leurs revendications. Le langage simple des délégués, exprimant leur vécu amer, a suffi à provoquer la colère du gouverneur qui s'est drapé dans sa dignité et il leur a déclaré « nous avons affronté l'Algérie qui est un Etat, serions nous incapable d'affronter une poignée d'excités ? »
Après l'échec des négociations, les délégués ont réclamé l'ouverture de négociations centrales avec les responsables de l'Etat à Rabat.

Mardi 3 juin

Le blocage commence à grossir et à bien s'organiser dès le 2ème jour, atteignant le nombre de 500 à 600 participants, dont 1/3 ne reste que la journée et ne rste pas la nuit (Eliminer cette phrase).
Des groupes de solidarité descendent vers le port.
Certaines organisations rendent visite au blocage et demandent à ses organisateurs de le lever par mesure de sécurité.
Un plan géographique est dressé de façon à ce que le blocage puisse éviter l'arrivée des forces répressives ou puisse se préparer à l'affronter (une commission se charge de surveiller la montagne, des tours de veille et de sommeil sont organisés)
Des marches féminines de solidarité sont organisées à l'initiative des militants d'Attac, de l'ANDCM, et des familles des bloqueurs pour élargir la solidarité.

Mercredi 4 juin

Deux parlementaires viennent rencontrer les bloqueurs, Achenkli, parlementaire et homme d'affaire bien connu dans le sud et Abdeljebbar El Kastalani, député du PJD* (parti qui s'est opposé au mouvement depuis le 7 septembre 2005).
Les deux parlementaires entreprennent de négocier avec les représentants des bloqueurs et reprennent exactement les mêmes propositions avancées par le gouverneur mais en ajoutant qu'au cas où le blocage serait levé, El Kastalani se porte garant de l'ouverture d'une négociation avec des autorités ministérielles ;
La négociation est un nouvel échec car elle n'apporte aucune avancée et les manifestants insistent pour l'ouverture de négociations sérieuses au niveau central.
L'organisation s'améliore avec l'implantation de baraques en haut des montagnes afin de rendre plus difficile l'intervention policière et la dispersion du blocage
Ce sont les bloqueurs qui organisent la sortie et l'entrée du port pour éviter que voitures ne rentrent et ne les encerclent.
Les manifestations de femmes se poursuivent et deviennent de plus en plus nombreuses.

Jeudi 5 juin
Les marches de femmes de la ville jusqu'au port reprennent.
Un communiqué signé de 18 organisations apporte leur solidarité avec les piquets.
Abdelwahab Belfqih, riche député de l'USFP** pour la région Aït Ba Amrane et président de la municipalité de Guelmim tente de disperser le blocage en argumentant sur le poisson qui pourrit et risque de provoquer des nuisances environnementales. Il propose d'acheminer par avion spécial une commission de négociation pour des discussions centrales à Rabat.
Pendant que se déroulaient ces discussions, un avion des services de renseignement survolait les lieux. Les manifestants comprennent que l'objet de Abdelwahab Belfqih n'est pas l'ouverture de négociations, mais le démantèlement du piquet, qu'il présentait comme condition préalable aux négociations. Il ne parvient pas à ses fins.
Une rencontre est organisée à la Province de Tiznit. Y participent le gouverneur, le conseil municipal, l'administration du ministère de l'intérieur, des parlementaires et des membres d'associations de développement. Le but de la rencontre est d'informer les manifestants sur le fait qu'ils ne sont qu'un groupe minoritaire, isolé des habitants de la région et que la patience de l'Etat avait atteint ses limites leur isolement.
Pendant ce temps l'avion continue de surveiller le piquet, soit- disant pour amener une délégation à Rabat. Mais comme les membres du piquet refusent, les autorités déclarent qu'ils ne souhaitent pas de négociations mais semer le désordre. En réalité, tout cela est apparu comme une manœuvre de version en attendant que la police donne l'assaut contre le blocage..
Un comité de défense de la ville contre les forces de répression est constitué au sein des habitants mobilisés qui organise des rassemblements et des groupes mobiles qui sillonnent la ville jusqu'à 6 heures du matin pour éviter toute mauvaise surprise.

Vendredi 6/ samedi 7 juin
Des rassemblements de jeunes et de femmes sont organisés dans les quartiers Colomina et Boulaâlam jusqu'à 2h30 du matin. Hicham CHARA est arrêté et torturé à Colomina. Les jeunes en colère partent à la recherche des responsables et partent en cortège vers le commissariat à deux heures du matin pour exiger la libération du jeune détenu. Il sera relâché après avoir été torturé, dans un endroit isolé.
Stratégie militaire contre les masses désarmés
Tous ceux qui ont observé les évènements du 7 et 8 juin constatent que l'intervention des forces policières s'est déroulée selon un plan militaire digne d' un ennemi armé jusqu'aux dents, équipé de chars et de fusils ! Des pelotons ont débarqué par la mer, d'autres sont intervenus à partir d'hélicoptères et les troisièmes ont surgi des alentours de la ville. D'autres enfin ont occupé les hauteurs environnantes. La ville a été complètement cernée. Ce plan militarie est en contradiction avec l'idée que le piquet de blocage du port est minoritaire : plus de 4000 personnes de différents corps de répression ont été mobilisés pour encercler 20 à 50 extrémistes !
Le samedi à 4 heures du matin, les forces de répression apparaissent du côté de Tamhraoucht, à deux kilomètres d'Ifni. Elles débouchent sur le quartier Colomina et font la jonction avec les pelotons qui arrivent de la mer, pendant que d'autres encerclent les principaux points névralgiques de la ville. A cinq heures du matin, commence la charge contre le piquet de blocage du port, pendant que d'autres forces de police pénètrent dans les quartiers.
A sept heures du matin, la répression s'étend aux maisons de plusieurs quartiers de la ville : Colomina, Boulaâlam, Gataa, Braber, Jotia, Amezdouz.
Les populations de ces quartiers tentent de se protéger face aux forces de l'ordre, mais que faire face à 4000 hommes en arme ? Plusieurs centaines de jeunes qui tentaient de se défendre et de protéger leurs familles se sont trouvés obligés de s'enfuir vers les montagnes environnantes, poursuivis par la police. Les forces de l'ordre ont investi toute la ville et encerclé les issues. Elles ont pénétré sauvagement dans les maisons, cassant tout sur leur passage, ont opéré des arrestations arbitraires, ont pris en otage les familles des militants, ont proféré des menaces de viol, ont lancé des grenades lacrymogènes et tiré des balles en caoutchouc.
* Dès le premier jour de cette vague de répression les habitants d'Ifni ont continué à organiser des manifestations et des protestations contre la répression. La police a riposté par des grenades lacrymogènes, des balles en caoutchouc et des matraquages d'une extrême violence. Ifni s'est crue revenue au Moyen Age. Tous les témoignages recueillis montrent la sauvagerie de la répression qui s'est abattue tout autant sur les manifestants que sur ceux qui n'étaient pas mobilisés. Les domiciles ont été violés, jusque dans les chambres à coucher, les couples ont été humiliés, ont été chassés dans la rue en chemise de nuit et pyjamas. Toute la ville a été prise ne otage, à la merci de la razzia
Dégâts matériels
Des centaines de domiciles ont été violés de façon sauvage, portes, armoires, vaisselle, télévisions, réfrigérateurs, tout a été cassé et tout ce qui pouvait être volé (argent, bijoux, téléphones portables) l'a été.
Les écoles et les deux lycées de la ville ont été transformés en caserne.
Arrestations
Un témoin a fait état de plus de 300 arrestations. Lui –même, membre de la section locale de l'Association Nationale des Diplômés Chômeurs (ANDCM), a été arrêté et a raconté comment ils ont été sauvagement torturés, insultés (fils d'espagnols, fils de putes…) et obligés à signer un engagement à travailler comme informateurs. Après avoir été torturé, le détenu a été présenté devant une commission constituée de gradés de la police et des forces auxiliaires, du pacha et du député de l'USFP (Union Socialiste des Forces Populaires) Abdelwahab Belfqih. Ce dernier les a traités de fauteurs de trouble et leur a enjoint de devenir responsables s'ils voulaient éviter ce genre de traitements à l'avenir ! Après cela ils ont été relâchés.
Viols
Une femme d'un âge avancé a raconté comment elle a été arrêtée, amenée au commissariat où elle a été mise nue, ne lui laissant que son maillot. Elle a été insultée et a subi des attouchements. Après cela, on l'a fait entrer dans une autre pièce où se trouvaient 6 femmes entièrement nues. Deux de ces femmes lui ont dit avoir été violées, mais ne pas vouloir rendre la chose publique.
Une autre femme a aussi déclaré connaître une jeune fille qui a été violée mais ne vent pas non plus rendre la chose publique.
Un homme âgé a déclaré que les CMI (équivalent des CRS) après s'être introduits chez lui, ont insulté ses filles qui ont subi des attouchements et des propos à connotation sexuelle dégradants.
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Autres exactions
-Abassi Mohamed : vol du téléphone, destruction de tous les équipements de la maison
- El Hamidi Aïcha : vol de 1400 dirhams et destruction des équipements de la maison
- El Bachir Gazouli : vol du téléphone et de bijoux en or
- Famille Bourouais : destruction du mobilier de la maison
- Malika Albachira, elle est membre d'Attac et épouse du secrétaire général d'Attac Ifni. Plus d'une quarantaine de CMI se sont introduits chez elle, ont pris son ordinateur, les CD et embarqué son beau-frère en otage. Par la suite, ils se sont introduits chez elle plus de 20 fois dans le but de la harceler moralement en la menaçant de viol et d'utiliser une « bouteille ». Le dimanche 9 juin, ils se sont introduits dans sa chambre à coucher et l'ont menacée avec des pistolet en visant sa tête, la menaçant de la tuer ou de la violer « dans le meilleurs des cas ». Jusqu'à aujourd'hui (12 juin) son domicile est surveillé.
Liste des personnes qui ont été arrêtées, torturées au commissariat ou dans les établissements scolaires réquisitionnés (essentiellement le lycée MoulayAbdallah)
1 Houssein Fikri
2 Ismaïl Kantachi
3 Khalil Rifi
4 Ahmed Zahid
5 Saïd Dayeh
6 Fares Eddaih
7 Abdeslam Laouinat
8 Mohamed Laouinat
9 Saïd Saman
10 Mustapha Zirian
11 Abdellah Mohand
12 Mohamed Aarab
13 Hassan Ahrad
14 Lahbib Ahrad
15 Ould Akhaouin Ahrad (aveugle)
16 Brahim Atbib
17Lahcen Bouhouch
18 Ali Bara
19 Lahcen Kadad
20 Lahcen Lahssaini
21 Mohamed Qissa
22 Boutoukha Ahmed
23Ibn Boutoukha
24Ali Belghrid
25 Majid Ouchen
26 Mohamed Diani
27 Mounir Ezzahi
28 Ahmed Jimi
29 Lahcen Jimi
30 Abdallah Jaafri
31 Abdallah Lamrani
32 Brahim Zaouani
33Omar Bouhouch
34 Abou Salah
35 Said Bouqriba
36 Mokhtar Rouiki
37 Ahmed Abassi
38 Boujemaa Aba
39 Abidat
40Lhoussein Bziou
41 Jamal Mejjati
42 Fekroui
43 Omar Aboulkheir
44 Moussa Achnid
45 Mohamed El Ouahadani
46 Aziz El Ouahadani
47 Boufim Ahmed
48 Hassan Aghrabi
49 Fayçal Mkhilif
50 Khalil Ezzin
51 Zinelabidin Radi
52 Mounir Zakarya
53 Abderahmane Ben Ahmed
54 Abdellatif Makiza
55 Bouchaïb El ghati

Liste des personnes maintenues en détention et déférées devant la cour d'appel d'Agadir
Mohamed El Ouahadani , Ahmed Boufim, Zinelabidin Radi, Mohamed Atbib
D'autres sont poursuivis mais remis en liberté provisoire :
Fayçal Moukhilif, Khalil Ezzin, Mounir Zakarya, Abderrahmane Ben Ahmed
Abdellatif Makiza, Bouchaib El Ghati.

* Les militants qui se sont dispersés dans la montagne éteint au nombre de 150 à 200. Ils ont fait l'objet de recherches. Plusieurs, qui sont revenus en ville ont été arrêtés et torturés avant d'être relâchés. C'est le cas de Faris Eddeyh, arrêté le 11 juin.

La question des morts parmi les manifestants

Certains journaux et chaînes de télévision ont annoncé l'information qu'il y avait entre 4 et 8 ou 12 morts. Cette information n'a pu être confirmée mais la sauvagerie et l'état d'esprit des forces de répression lors de leur offensive permet d'imaginer cela. Le témoignage de trois personnes va dans ce sens :
Le premier a dit avoir été arrêté et torturé au commissariat et avoir vu en passant devant un bureau 6 corps entassés les uns sur les autres. Même s'ils n'étaient qu'évanouis, les corps jetés en dessous avaient toutes les chances de mourir étouffés avec le temps sous le poids des autres corps.
Le deuxième a vu deux corps inertes dans la rue ramassés par une voiture de police et au moment de son arrestation, 5 corps ont été amenés au commissariat. Les policiers les ont arrosés d'eau froide. 3 d'entre eux ont bougé, mais les deux autres n'ont pas réagi même après un deuxième arrosage et les corps ont été introduits dans un bureau.
Le troisième témoin était au port et a vu arriver des zodiacs pour réprimer les gens qui tenaient le piquet. Pendant la charge de police, il a vu un gradé des CMI donner l'ordre de jeter 3 corps inanimés dans la mer, ce qui a été fait et qu'il a vu de ses propres yeux, puis ils sont revenus pour continuer la répression du mouvement. 20 minutes plus tard, le même gradé a donné l'ordre de récupérer les 3 corps jetés dans l'eau, et ils ont transportés dans leurs voitures. Il est difficile d'imaginer qu'ils aient pu rester vivants après tout ce temps passé dans l'eau. si toutefois ils n'étaient pas morts auparavant
- Nous avons écouté de nombreux autres témoignages, mais ces trois étaient les plus fiables et nous les avons recueillis directement et non en 2ème main.
- Le problème de la confirmation des morts réside dans
• le fait que de nombreuses familles sont sans nouvelles de leurs enfants, mais ne savent pas s'ils sont dans les montagnes, ou en état de détention ou morts.
§ le fait que la répression n'a pas touché que les acteurs direct du mouvement mais aussi des SDF qui ont aussi subi durement les effets de la répression. S'il y a des morts parmi eux, il sera difficile de le confirmer car ils n'étaient pas de la région et on ne les connaissait pas.
De façon générale Attac Maroc ne peut donner pour certaine l'information selon laquelle des gens sont morts ou pas jusqu'à ce que des preuves concrètes soient apportées, de leur existence ou non existence. Pour cela, il convient de multiplier les efforts pour faire surgir la vérité aujourd'hui sans attendre demain. Nous ne sommes pas disposés à attendre 20 ans ou plus pour savoir ce qui s'est passé, comme cela a été le cas à Nador dernièrement.

Etat de la mobilisation populaire
Les gens en ont assez et sont très en colère après ce qui s'est passé et n'attendent qu'une occasion pour protester et exprimer leur colère pour « venger » leur dignité piétinée et humiliée. Le régime n'a fait qu'allumer un nouveau foyer de protestation populaire contre les politiques, surtout qu'il n'y a eu aucune avancée sur le terrain des revendications principales des habitants de la région qu'ils défendent de façon continue depuis 2005. Le mouvement populaire se poursuit, malgré qu'il se soit retrouvé sans leader, car il s'appuie sur des centaines de jeunes actifs, mobilisés et prêts à tous les sacrifices, de même qu'il s'appuie sur une participation des femmes importante et des forces féminines militantes et courageuses.
Le mouvement a seulement un manque d'organisation. En effet, après la disparition du secrétariat local après les manifestations du 7 août et malgré sa résurrection lors de l'été 2007, il est resté un cadre paralysé et sans initiative. Le résultat de cette situation et de la démission des partis politiques de toute responsabilité directe sur le terrain a été que Attac Maroc et l'AN DCM se sont retrouvés à la tête du mouvement. Les quartiers doivent alors s'auto-organiser et se coordonner à l'échelle de la ville pour que le mouvement puisse aller de l'avant.
Le 9 et10 juin rares sont les lycéens qui sont à mêmes de se présenter aux épreuves du baccalauréat, du fait du nombre de blessés parmi eux et du choc psychologique subi. Malgré un large absentéisme, elles n'ont pas été reportées.
Le 11 juin, une première tentative de sit in est organisée.
Le 12 juin, un cortège de femmes en noir reprend possession de la rue et elles continueront à le faire quotidiennement. La ville reste toujours encerclée et quadrillée par les forces de l'ordre.
Le 15 juin une caravane nationale est organisée à l'initiative d'Attac Maroc, avec la participation de l'AMDH, de la CDT, du congrès mondial amazigh, de certains partis de la gauche marocaine et d'associations locales…. Près de 500 militants venus de tout le Maroc convergent vers Ifni où ils rejoignent un long cortège de 12 000 personnes environ . Cette caravane permettra à la population de reprendre possession de la ville et de ses rues, jusqu'alors occupées par les forces de l'ordre, de faire le lien avec la grande vague de solidarité qui se constitue tant à l'étranger qu'au Maroc, en particulier par les nombreux témoignages directs que les manifestant venus de l'extérieur pourront recueillir sur place. Elle permettra de lever le blocus de la ville et verra plusieurs des jeunes réfugiés dans les montagnes se joindre progressivement au cortège.
Pendant toute la semaine du 15 au 22 la population d'Ifni continue de se mobiliser et le 22 juin une nouvelle caravane, à l'appel de 4 partis de gauche rejoints par les militants associatifs et syndicaux, gagne Ifni et une nouvelle manifestation, de 8000 à 10 000 personnes environ sillonnera les quartiers durement touchés par la répression.
Le 17 juin, de nouveaux militants descendent à leur tour des montagnes. Mais à l'aube du 18, 16 estafettes encerclent le quartier Moutalak et pénètrent en commando dans quelques maisons. Quatre personnes seront arrêtées et sauvagement frappées avant d'être conduits au commissariat de Tiznit, les yeux bandés et menottés. Après plus de 8 heures d'interrogatoire, un seul sera maintenu en détention et inculpé : notre camarade Brahim Bara, secrétaire général du groupe Attac d'IFNI.
Le 18 juin, le Parlement constitue une commission d'enquête qui démarrera ses auditions dès le 25 juin.
Le 26 juin, Brahim SBAALIL, secrétaire général de la section locale du Centre Marocain pour les Droits humains participe à une conférence de presse organisée à Rabat par le CMDH. Dans la nuit, il sera arrêté au domicile où il loge à Rabat et inculpé de propagation d'informations mensongères.
Le 30 juin marque chaque année l'anniversaire de la rétrocession d'Ifni au Maroc. Cette année, cette journée habituellement festive se déroulera dans le plus grand silence : les habitants d'Ifni ont décidé d'une journée ville morte, boycottant la célébration officielle et c'est sur fond de photos d'archive, avec l'interview d'un seul ancien combattant que la télévision « officielle » parlera de cette journée. Vers 16 heures, une nouvelle manifestation sillonne à nouveau les rues d'Ifni.
Tout au long de leurs mobilisations, les habitants d'Ifni mettent en avant les demandes suivantes :
- libération des prisonniers (6 à ce jour).
- Satisfaction des revendications économiques et sociales
- Poursuites des responsables des violences policières
- Respect et dignité pour les habitants de Sidi Ifni-Aït Baâmrame

Attac Maroc appelle
- à une large campagne de solidarité, sous toutes ses formes, afin d'obtenir la libération de tous les prisonniers, l'arrêt de toute poursuite et les conditions du retour de tous les jeunes
- à la constitution d'une commission d'enquête indépendante qui puisse faire la lumière sur ce qui s'est exactement passé à Ifni (rappelons le fiasco de la commission d'enquête constituée après le soulèvement de Fès en décembre 1990 qui après une année de travail a été incapable de reconnaître les exactions et crimes policiers mais a blâmé la rébellion des va-nu-pieds et des affamés.) et établir les responsabilités dans les exactions et violences policières
- Des réponses satisfaisantes et concrètes aux revendications économiques et sociales des habitants d'Ifni. Le problème n'est pas financier mais politique. La répression constitue une solution facile mais, aussi violente soit-elle, elle ne mettra pas fin au mouvement qui a ses racines dans la marginalisation, le développement du chômage et touts sortes de frustrations sociales .
[1] Association pour la Taxation des Transactions financières et l'Aide aux citoyens
[2] Association Nationale des Diplômés chômeurs au Maroc

* Notes de Basta !
PJD : Parti de la justice et du développement (حزب العدالة والتنمية, Hizb al-εadala wa at-tanmia), successeur du Mouvement populaire, constitutionnel et démocratique créé par Abdelkrim Al Khatib en février 1967. Généralement classé comme « islamique modéré ».
USFP : Union socialiste des forces populaires (الاتحاد الاشتراكي للقوات الشعبي, Al Ittihad Al Ichtiraki Lil Kouwat Ach Chabia), parti de gauche dirigé par Mohamed Elyazghi, qui participe aux gouvernements de coalition avec l’Istiqlal depuis 1998.

jeudi 3 juillet 2008
Sidi Ifni et le quatrième pouvoir
par Haytham MANNA,
elbadeel, 4 juillet 2008, Traduit par Tafsut Aït Baamrane, Tlaxcala, révisé par Violette Daguerre سيدي إفني والسلطة الرابعة
Le Docteur Haytham Manna était mandaté par 5 ONG des droits humains pour observer le procès de Hassan El Rachidi et Brahim Sbaâ Ellil à Rabat le 1er juillet 2008.

Les événements de Sidi Ifni (Maroc, 700 km au sud de la capitale Rabat) le samedi noir 7 juin 2008 ont sans doute représenté un défi majeur au travail des journalistes en période de crise. Le journaliste est un historien de l’instant, un témoin direct, qui transmet de manière immédiate les différents points de vue des protagonistes. Dans ce sens, on peut le considérer, selon l’expression de Michel Seurat, un « sociologue à chaud », obligé de concilier la plan de son récit avec des déductions logiques, en tenant compte des contradictions entre plusieurs lectures du même événement. Tandis que la vérification des informations peut amener le chercheur à reconsidérer ses conclusions, le journaliste ne peut pas se permettre tout cela, obligé qu’il est de travailler sous la pression du scoop : il doit se dépêcher pour transmettre ses informations.
Dans le Sud marocain, un groupe de jeunes diplômés chômeurs ont tenu un sit-in devant l’entrée du port de Sidi Ifni Aït Baamrane, une ville qui n’excède pas 24 000 habitants, que le destin a fait entrer hier dans la résistance au colonialisme et aujourd’hui dans la résistance citoyenne. Ils ont bloqué l’accès au port, empêchant la sortie des camions de poissons destinés aux entrepôts frigorifiques et conserveries d’Agadir. Tout cela pour protester contre la dégradation des conditions sociales des jeunes chômeurs de la ville, la fin de non-recevoir opposée aux revendications de la population et la trahison des promesses faites par les responsables officiels de créer localement une zone industrielle et des structures de formation.
La réponse à ce sit-in a été l’envoi de Compagnies mobiles d’intervention et de gendarmes, équipés de matraques, de balles réelles et en caoutchouc et de grenades lacrymogènes pour évacuer les protestataires et leurs familles à cinq heures du matin. Ils ne se sont pas contentés de les frapper et disperser, mais ils ont fait irruption par la violence dans les maisons des familles solidaires des revendications des jeunes, d’une façon sauvage, saccageant, volant des biens, de l’argent et des bijoux personnels, tabassant les gens aux endroits sensibles, violant les femmes en arrachant leurs vêtements, proférant des injures grossières et des phrases portant atteinte à la dignité des gens (des attestations médicales et sous serment en font état). Selon certaines sources, il y avait 3000 membres des forces de sécurité, mais seulement 300 seulement selon le pouvoir. 5 heures après le déclenchement de l’opération, la ville de Sidi Ifni a été soumise à un blocus total : plus personne ne pouvait plus y entrer ni en sortir.
Plusieurs jeunes participants au sit-in ont préféré s’enfuir dans les montagnes environnantes pour ne pas tomber entre les mains des forces répressives.
Un rapport médical qui nous est parvenu établit le constat d’agressions sexuelles et de coups graves au visage, à la tête et aux oreilles. Un autre certificat médical établit un traumatisme provoqué par la mise à nu et les attouchements sexuels, un troisième certificat établit une incapacité visible à bouger les doigts, des douleurs insupportables et un traumatisme de viol. Une victime d’agressions sexuelles ne peut plus ni marcher ni supporter le regard des gens sur son corps.
Devant l’absence de parution des journaux nationaux (qui ne paraissent pas le week-end), dès le lendemain, le relais a été pris par les agences audiovisuelles, les organisations des droits humains et l’internet.
Je me suis retrouvé observateur dans un tribunal où l’on jugeait le quatrième pouvoir, représenté par journaliste Hassan El Rachidi, directeur du bureau d’Al Jazeera au Maroc et le contre-pouvoir, représenté par Brahim Sbaâ Ellil, militant des droits humains, tous deux dans le box des accusés, au nom de l’article 42 du Code de la presse*. Pour compléter le tableau, on a retiré par décision politique l’accréditation à Hassan El Rachidi , qui se retrouve confronté à l’alternative suivante : soit rester au Maroc en changeant de métier, soit quitter le pays pour aller exercer ailleurs son métier. Quant au militant Sbaâ Ellil, qui avait été enlevé et détenu à la prison centrale de Salé, on ne lui pas permis de se présenter dans la salle d’audience du tribunal à Rabat.
Trois semaines après le samedi noir, on peut dire que le dossier est très fourni : chaque citoyen conscient de l’importance de ces événements a photographié avec son portable les policiers frappant les gens dans la rue. Des défenseurs des droits humains ont rassemblé les témoignages, accrédités par des certificats médicaux. Ils ont rompu la violence policière, surmonté l’obstacle de la peur chez les gens ; les femmes, parlant avant les hommes, ont témoigné de ce qu’elles ont subi.
on a vu avec une extrême clarté que c’est dans les pays où le régime veut faire main basse sur le pouvoir exécutif et judiciaire, que le quatrième pouvoir joue pleinement son rôle, de manière pacifique et essentielle, dans une situation où aucune autre expression n’est tolérée. Il ne faut pas s’étonner dès lors de l’acharnement du pouvoir contre le quatrième pouvoir, dans ses formes traditionnelles ou modernes.
Plus de 20 avocats connus de causes politiques ont essayé en vain de convaincre le président du tribunal qu’il était grotesque de donner un délai de 72 heures à la défense pour examiner des dossiers d’accusation incomplets, alors que les enquêtes de la commission parlementaire, du gouvernement, des ONG n’en étaient qu’à leurs débuts. Le président a opposé un niet ferme et a renvoyé le procès au 4 juillet 2008, avant même d’examiner sérieusement le dossier, sortant ainsi de la neutralité requise du pouvoir judiciaire dans une affaire aussi sensible.
À ce jour, il serait aventureux de parler avec une certitude confiante de ces événements dans tous leurs détails. Ce qui est certain, c’est que ceux qui ont transmis des informations à l’opinion publique ont sauvé des dizaines de vies d’une violence exercée par tous les corps de répression de manière telle qu’ils ont provoqué une fracture non seulement localement mais à l’échelle nationale. Les gens ont commencé à parler du retour des années de plomb.
Loin de toute théorie du complot, est-ce une coïncidence si on condamne en même temps Abdelkarim Al Khiwani** à 6 ans de prison au Yémen, qu’on juge 4 directeurs de rédaction en Égypte, qu’on punit la presse écrite par l’étranglement financier, qu’on empêche la pratique du métier journalistique au Maroc, qu’on interdit plusieurs journaux et magazines indépendants dans d’autres pays arabe et qu’on pratique l’ escalade dans l’étouffement de symboles du quatrième pouvoir dans le monde arabe ?...
La réponse est toute simple : il y a encore des cercles de l’autoritarisme qui n’acceptent toujours pas l’idée d’un quatrième pouvoir refusant de rester cantonné dans les tranchées de la « Voix de son Maître ».

Notes de la traductrice
*Article 42 : « La publication, la diffusion ou la reproduction, de mauvaise foi par quelque moyen que ce soit, notamment par les moyens prévus à l'article 38, d'une nouvelle fausse, d'allégations, de faits inexacts, de pièces fabriquées ou falsifiées attribuées à des tiers, lorsqu'elle aura troublé l'ordre public ou a suscité la frayeur parmi la population est punie d'un emprisonnement d'un mois à un an et d'une amende de 1.200 à 100.000 dirhams ou de l'une de ces deux peines seulement. Les mêmes faits sont punis d'un emprisonnement d'un à cinq ans et d'une amende de 1.200 à 100.000 dirhams lorsque la publication, la diffusion ou la reproduction peut ébranler la discipline ou le moral des armées. »

** Abdelkarim Al Khiwani : Rédacteur en chef du journal indépendant Ach Choura, il avait révélé l’année dernière le scénario envisagé par le président Ali Abdullah Saleh (au pouvoir depuis 1990) pour sa succession, par son fils, ce qui avait amené le président à abandonner cette bonne idée et à se succéder à lui-même, « à la demande du peuple ». Al Khilwani avait été arrêté en juin 2007, son journal interdit, son site web bloqué, sa famlle menacée. Le 9 juin 2008, il a été condamné à six ans de prison pour « offense au président » et « démoralisation de l’armée », le juge de service considérant qu’il était complice des « terroristes » de la secte zaïdite du défunt Cheikh Hussein Badreddine Al Houti, qui mène depuis plusieurs années une dissidence armée dans le Nord du Yémen.

mardi 1 juillet 2008
Disparu : où est Brahim Sbaâ Ellil ?
Dernières nouvelles de Rabat : Hassan Rachidi et Brahim Sbaâ Ellil ont comparu devant la justice marocaine mardi à Rabat. Le procès du premier a été renvoyé au vendredi 4 juillet et celui du second à la semaine prochaine. On a appris que Sbaâ Ellil avait été enlevé à son domicile sur un ordre de détention administrative provisoire délivré par un policer en lieu et place du procureur et incarcéré à la prison centrale de Salé, pour une deuxième inculpaton :"incitation à troubles à l'ordre public". Nous publierons prochainement un article d'un observateur au procès. Dans la nuit du jeudi 26 au vendredi 27 juin, à 1 h 30 du matin, dix homme en civil, appartenant de toute vraisemblance à la DST marocaine, ont fait irruption au domicile de Brahim Sbaâ Ellil, à Rabat et l'ont emmené vers une destination inconnue.
Brahim Sbaâ Ellil devrait comparaître devant la justice marocaine le 1er juillet, ainsi que le directeur du bureau d'Al Ajzeera au Maroc, Hassan Rachidi. Les deux hommes sont inculpés de "diffusion d'une fausse information et complicité". Suite au samedi noir de Sidi Ifni, la chaîne satellitaire avait diffusé une interview du responsable du Centre marocain des droits humains (CMDH), dans laquelle il déclarait que l'opération policière à Sidi Ifni avait fait entre "un et cinq morts", que d'autres avaient disparu, et que des jeunes filles avaient été violées. En réaction, l'accréditation de Hassan Rachidi lui a été retirée, malgré la publication par la chaîne du démenti gouvernemental. Déjà au mois de mai, la diffusion d'un journal quotidien d'information sur le Maghreb par Al Jazeera, depuis Rabat, avait été suspendue "pour des raisons techniques".

Bahim Sebâa Ellili réapparaîtra-t-il en vie à son procès le mardi 1er juillet, et dans quel état ? Ou rejoindra-t-il la longue liste des disparus forcés du Maroc ancien et "nouveau" ?

Pour le Makhzen, Brahim Sbaâ Ellil semble être un homme à abattre. C'est lui qui, par son interview à Al Jazeera sur le samedi noir de Sidi Ifni, a attiré l'attention du monde sur ces événements. La réaction du Makhzen a été très violente : Sbaâ Ellil et Hassan Rachidi, le chef du bureau d'Al Jazeera à Rabat, ont été interpellés et inculpés le 13 juin pour "difusion de fausses informations".
Puis l'accréditation au Maroc a été retirée à Al Jazeera.
Quel a été le crime de Brahim Sbaâ Ellil : dénoncer le fait qu'il y a eu des morts, des disparus forcés et des viols le 7 juin. Le régime a démenti. Que vaut ce démenti, dans un pays où l'on met 24 ans pour retrouver des fosses communes des précédentes répressions ? "Ils ont très bien pu jeter les corps des tués à la mer", a dit avec pertinence Brahim.Quant aux jeunes femmes violées, leurs
témoignages publiés par l'hebdomadaire Al Michaal sont irrefutables.
96 heures après la disparition de Sbaâ Ellil, on attend toujours les appels urgents des défenseurs patentés des droits de l'homme en sa faveur.
Mais il y a pire :Le vendredi 27 juin, à 18 h., Madame Souahyr Belhassen, présidente (tunisienne) de la FIDH a tenu une conférence de presse au siège de l'OMDH, où a été présenté un autre rapport sur Sidi Ifni.
Les patronnes de la FIDH et de l'OMDH ont été catégoriques : "aucun cas de mort ni de viol n'a été enregistré", mais seulement des "cas de torture", une pratique qui selon la présidente de l'Organisation marocaine des droits de l'homme, Mme Amina Bouayach, "n'était pas systématique". "Aucun cas de disparition n'a été, d'autre part, enregistré au cours de ces événements", a ajouté Mme Bouayach. Et ces dames n'ont évidemment fait aucune allusion à l'enlèvement de Brahim Sbaâ Ellil.
C'est que voyez-vous, il y a "droits de l'homme" et "droits de l'homme". La FIDH compte parmi ses affiliés au Maroc deux organisations : l'AMDH, créée en 1979, et l'OMDH, créée en 1988. Le CMDH, créé en 1999, ne fait pas partie de la famille et il est, semble-t-il, considéré comme "islamiste", ce qui est parfaitement ridicule.
Bref, pour dire les choses crûment, la FIDH et l'OMDH ont avalisé de fait la répression du régime contre le CMDH et risquent d'avoir longtemps sur la conscience la disparition de Brahim Sbaâ Ellil, qui pourrait s'avérer définitive.

Et dire qu'il n'y a pas plus tard que les 12-14 juin, la FIDH organisait la la Deuxième rencontre Euroméditerranéenne sur les disparitions forcées...Quant aux morts, disparus et violées de Sidi Ifni, il leur faudra se passer de la FIDH pour réclamer justice.
FG, rédacteur de Basta !


Houma la ta9oulani chian, la tarayani chian, latasm3ani chian...



dimanche 29 juin 2008
30 Juin : jour de fête, jour de deuil, jour de lutte
Le 30 juin 1969, la ville de Santa Cruz del Mar Pequeña retrouvait son nom de Sidi Ifni Aït Baamrane et hissait le drapeau marocain. Ce jour-là s'achevaient cinq siècles de présence et un siècle de colonisation espagnole, dont 35 ans de protectorat. En 1934, les Aït Baamrane avaient cru préférable se soumettre au protectorat de l'Espagne, qui était alors une République, plutôt qu'à celui de la France. Ils durent déchanter, une fois soumis au régime franquiste et à ses tirailleurs et goumiers. En 1947, ils reprenaient donc la lutte armée, qui devait aboutir 22 ans plus tard. Entretemps, la guerre d'Ifni, appelée en Espagne La guerre oubliée, mit aux prises l'armée franquiste appuyée par l'aviation de la France de la IVème République, et l'Armée de libération du Maroc, de novembre 1957 à juin 1958.
Mais aujourd'hui, les Ifnaouis n'ont aucune raison de faire la fête. Déjà, l'année dernère, ils avaient boycotté les festivités de l'indépendance et il en sera de même cette année.
L'appartenance au Maroc n'a rien apporté de bon aux Ifnaouis : ni développement, ni emploi ni justice. Un ancien résistant touche 500 dirhams (50€) de pension par mois alors qu'un ancien combattant ifnaoui de l'armée espagnole en touche 5000 (500 €). Depuis 27 ans, ils attendent un développement promis du port et toujours renvoyé, depuis 2005, ils attendent la création d'une zone industrielle, en vain.
Rattachés à la région du Souss Massa Draâ, les Ifnaouis revendiquent depuis des années leur rattachement à la province - annexée - du Sahara occidental, dont ils sont plus proches, géographiquement, historiquement et culturellement. Ce qui a le don de susciter la colère et la panique au makhzen, bien conscient qu'il risque de devoir un jour plier les bagages du Sahara qu'il occupe illégalement par la force armée. Donc la revendication ifanouie a comme un relent de revendication d'indépendance.L'État a brillé par son absence à Sidi Ifni, à une exception près : ses forces de répression. La population gardera longtemps le souvenir du samedi noir, ce 7 juin où 3000 mroud (flics) ont déclenché une offensive barbare par voie terrestre et...maritime, se comportant comme une véritable armée coloniale d'occupation. Ce que reçoivent de l'État les Ifnaouis, c'est ça :

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