dimanche 2 novembre 2008

Escalade de la répression: le journaliste Pedro Matias kidnappé et torturé à Oaxaca

par Scott CAMPBELL , traduit par Isabelle Rousselot et révisé par Fausto Giudice

Pedro Matias, journaliste connu du quotidien local Noticias, et correspondant de l'hebdomadaire national Proceso, a été kidnappé, battu, torturé et dévalisé dans la nuit de samedi dernier à Oaxaca. Reporters sans Frontières a indiqué:

« Pedro Matías Arrazola a été enlevé dans la soirée du 25 octobre, alors qu’il quittait le siège du quotidien pour regagner son domicile. Ses geôliers l’ont passé à tabac et terrorisé pendant des heures, en simulant notamment son exécution. Ils l’ont tour à tour menacé de le traîner au sol avec leur véhicule, de lui couper les parties génitales, de le violer et de le décapiter, en lui demandant cyniquement comment il préférerait mourir. L’avertissement concerne aussi sa famille, qu’ils ont déclaré avoir “localisée”.

Il n’a été relâché que le lendemain matin dans la localité de Tlacolula de Matamoros, à une trentaine de kilomètres d’Oaxaca, dépouillé de son véhicule et de ses papiers. »

Matias fait beaucoup de reportages sur les mouvements sociaux à Oaxaca, donnant une couverture juste, voire plutôt favorable à leur cause. Selon Reporters sans Frontières, il collabore aussi à une radio où il a critiqué le PRI (le Parti Révolutionnaire Institutionnel), le parti qui gouverne Oaxaca depuis presque 80 ans.

Ce n'est pas la première attaque dirigée contre Noticias ou ses journalistes ; le journal est, depuis de nombreuses années, le seul grand média d'information local, qui critique le gouvernement de l'État. Le Mexique est égalemement le pays le plus dangereux du continent américain pour les journalistes

Le 19 novembre 2004, des hommes armés et masqués ont pris le contrôle des entrepôts et des presses d'imprimerie de Noticias, les ont occupés pendant plusieurs jours et ont assassiné un jeune de 19 ans.

Le 17 juin 2005, le gouverneur de l'État d’Oaxaca, Ulises Ruiz, avec l'aide d'un député, membre du parlement de l'État et d'un syndicat contrôlé par le PRI, le CROC (Confédération révolutionnaire ouvrière et paysanne), ont fomenté une grève contre Noticias dans le but de le faire fermer. Des membres du syndicat, des paramilitaires et la police locale ont bloqué le bâtiment et retenu, à l'intérieur, 31 employés de Noticias, coupant l'électricité, le téléphone et l'eau. Au bout d'un mois, les malfrats ont pris d'assaut le bâtiment, traînant dehors les 31 employés et détruisant les bureaux.

Le 9 août 2006, durant la révolte d'Oaxaca, deux hommes masqués et armés, ont pénétré dans les bureaux de Noticias, tirant sur le matériel et les gens, blessant deux employés.

Le 16 janvier de cette année, deux journalistes de Noticias ont reçu des menaces de mort de Rubén Marmolejo Maldonado, alias «El Dragón», un chef des porros (des hommes de main stipendiés) qui a engagé de nombreux conflits sur le campus de l’Université autonome Benito Juárez d’Oaxaca (UABJO) et qui a organisé des attaques contre l'APPO (l'Assemblée Populaire des Peuples d'Oaxaca). La chaire de la faculté de droit et de sciences sociales de l’UABJO l’a accusé de travailler pour le gouvernement de l’État.

Et maintenant, Pedro Matias a été kidnappé et torturé. Si cet événement doit être perçu comme un nouvel acte de répression gouvernementale contre Noticias, il s'inscrit également dans le climat de plus en plus tendu de répression contre le mouvement social qui s'intensifie ces deux dernières semaines. Le 16 octobre, à Oaxaca, trois membres de l'APPO ont été arrêtés pour le meurtre de Brad Will qui s'est produit le 27 octobre 2006, plus de 300 mandats d'arrêt ont été émis et le 25 octobre, ont eu lieu l'assaut et le saccage sans mandat d'une maison appartenant au CODEP, groupe aligné sur l'APPO, par l'AFI, l'équivalent mexicain du FBI.

Les choses ne peuvent qu'empirer à l'approche de novembre, un mois chargé en anniversaires. Le 2 novembre n'est pas seulement le jour des morts mais il marque aussi l'échec de l'attaque des forces policières spéciales de la Police fédérale préventive (PFP) contre la barricade de la Radio Universidad. Et le 25 novembre est la date du deuxième anniversaire des attaques massives et brutales de la PFP et de la police paramilitaire, fédérale et locale contre l'APPO. Manifestement, le gouvernement d'Oaxaca essaye d'intimider et d'effrayer, de façon préventive, une population rebelle qu'il craint toujours autant.



Source : Repression escalates : Well-known reporter Pedro Matías kidnapped and tortured in Oaxaca

Article original publié le 29/10/2008

Sur l’auteur

Scott Campbell, Isabelle Rousselot et Fausto Giudice sont membres de
Tlaxcala, le réseau de traducteurs pour la diversité linguistique. Cette traduction est libre de reproduction, à condition d'en respecter l’intégrité et d’en mentionner l’auteur, le traducteur, le réviseur et la source.

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