samedi 31 janvier 2009

Chroniques de la vie quotidienne dans la France sarkozyenne (Vol.II, N°7) - Mon agression par les gendarmes le 29 Janver 2009

par Abdelaziz Chaambi, Lyon, 30 Janvier 2009
Suite à mon agression par des gendarmes devant le Casino des Partouche Le Lyon Vert
à Charbonnières Les Bains 69 dans lequel se déroulait le repas annuel du CRIJF, je tenais, avant de vous relater les faits, à remercier très sincèrement toutes les personnes qui m’ont apporté des messages de sympathie, d’encouragements et de soutiens dans cette épreuve qui m’a certes amoché physiquement mais renforcé moralement et politiquement et les messages reçus de France et de l’étranger m’ont fait chaud au cœur et renforcé ma détermination à continuer la lutte et à résister à l’oppression et à l’injustice.
Compte tenu des massacres qui ont eu lieu à Gaza et sachant que des hommes et femmes politiques(dont le président du Sénat Mr Larcher) complices par leur silence ou leur approbation allaient venir à ce diner du CRIJF , nous avons voulu manifester notre désapprobation en petit groupe et de manière pacifique.
Arrivés sur les lieux et alors que nous aurions pu nous infiltrer par un petit chemin jusqu’à l’entrée du Casino, nous avions opté pour la transparence et la visibilité et avions marché sur la route principale en direction de l’entrée en commençant à crier nos slogans ; c’est alors que nous avons vus arriver sur nous un groupe de gendarmes très violents qui ont commencé à nous brutaliser, nous bousculer, et tenter de nous enlever les mégaphones , la percussion, en nous repoussant loin de l’entrée qui se trouvait déjà à 100 mètres .
Nous avons expliqué que nous venions mener une action citoyenne non violente qui visait à dénoncer les massacres commis à Gaza et le soutien apporté par le CRIJF à l’action criminelle des sionistes. Les gendarmes ont alors temporisé leurs actions en attendant du renfort , et au bout d’une heure environ on a vu arriver des dizaines de gendarmes , qui étaient alors plus d’une cinquantaine, pour une vingtaine de manifestants, nous foncer dessus et nous obligeant à reculer pour être à environ 150 mètres (distance exigée d’après eux par le Préfet pour que ces convives puissent manger sans être incommodés par nos slogans) .
Devant cette brutalité et cette violence gratuite que rien ne justifiait , ni le nombre ni l’attitude ni les slogans, ni la proximité du lieu, nous avons expliqué que nous ne faisons rien de mal et qu’on exprimait une opinion politique ; j’ai personnellement pris le mégaphone pour expliquer que c’était une manifestation non violente, qu’on ne devait pas provoquer ou répondre aux provocations et que nous devions nous asseoir, ce que tout le monde a fait. Mais rien n’y fait les gendarmes continuent à charger, à nous transporter un par un et à un moment j’entends l’un d’eux dire « c’est lui, tire le, tire le » et c’est alors que j’ai été arraché du groupe par cinq gendarmes qui m’ont retiré en arrière pendant que leurs collègues en masse ont continué à repousser notre groupe, de façon à ce qu’un rideau de gendarmes se forme entre mes amis (qui ne voyaient plus ce qui se passe) et moi.
C’est alors que le calvaire commence, après m’avoir soulevé en l’air ils m’ont jeté à terre et se sont rués sur moi et m’ont littéralement lynché : une rouée de coups de poing et de pieds qui m’ont mis à terre, j’avais beau crier que je n’avais rien fait que j’étais prêt à les suivre rien n’y faisait , alors que j’étais à plat ventre et que deux gendarmes me tenaient le cou et les épaules à l’arrière , un autre me tenait les jambes et deux autres se sont jetés sur mon dos pour me donner des grands coups de genoux à hauteur des poumons ce qui m’a fait suffoquer , je n’arrivais plus à respirer, ni à crier ni à faire quoi que ce soit, j’ai senti mon visage écrasé sur le goudron par un coup de pied. Après m’avoir menotté les mains dans le dos, ils m’ont relevé pour me mettre dans leur voiture et ont alors réalisé que je n’arrivais pas à respirer et que je commençais à perdre connaissance , j’ai trouvé la force de leur dire que j’avais un flacon de Ventoline dans ma poche et que j’étais asthmatique, et c’est un homme en civil (je pense un de leurs supérieurs) qui l’a pris et m’en a donné pour que je retrouve mon souffle.
Ils m’ont ensuite chargé dans la voiture avec les mains menottées dans le dos en me disant on va t’emmener au poste et on va t’expliquer les choses. Puis à mi chemin ils ont reçu un message dans leur radio et ont fait demi-tour pour me ramener au lieu du rassemblement. Les copains avaient exigé fermement mon retour.
Alors que j’étais souffrant, que je respirai très difficilement et blessé ils m’ont jeté sur la route dans un froid glacial sans répondre à ma demande d’appeler le Samu, j’ai appelé moi-même le 112 qui m’ont orienté sur le Samu qui me dit on vous envoie la Police, j’explique alors que j’ai été agressé par des gendarmes et que j’ai besoin d’une ambulance ou d’un médecin, mais rien n’y fait , on ne verra ni Police ni médecin, un médecin de passage en voiture a voulu s’arrêter pour me soigner et voir mon état, mais les gendarmes l’en ont empêché, et j’a attendu une heure sans couverture sans soins et malgré les appels successifs des manifestants au 15 les pompiers ne sont arrivés qu’une heure après le ;premier appel, et lorsqu’on leur a demandé depuis combien de temps ils ont été appelés ils nous répondu 5 ou 10 minutes, ce qui veut dire que durant 50 à 55 minutes le Samu n’a pas mobilisé de secours, mettant ainsi ma santé et ma vie en jeu.
J’ai été pris en charge à l’Hopital Saint Joseph à Lyon où j’ai eu droit à 8 jours d’arrêt de travail et 4 jours d’ITT et au constat que j’avais une entorse cervicale, de nombreuses dermabrasions des membres et du visage, avec des atteintes de la colonne vertébrale, une épaule démontée, des douleurs et traces de coups à la tête, un nerf du bras abimé avec la main droite insensible à motié.
La leçon qu’on peut tirer de cette agression, c’est qu’aujourd’hui en France un degré dans l’inacceptable vient d’être franchi par les autorités, qui , après avoir diabolisé et criminalisé des militants , après les avoir chassés du monde du travail et jetés dans la précarité, cherchent à les éliminer physiquement et à les empêcher de parler de certaines causes et en particulier la cause Palestinienne. Il est impératif de réagir avec la plus grande fermeté et de ne pas baisser les bras jusqu’à obtenir la garantie que cette agression ne restera pas impunie et que les droits à dénoncer les crimes et les politiques sionistes soient garantis dans ce pays et partout. L’enjeu consiste donc à tenter de préserver le peu d’espace qu’il reste à notre liberté d’expression , de manifestation et de condamnation de l’infamie et de l’injustice.
Plusieurs organisations , mouvements et associations s’apprêtent à mener des actions pour dénoncer ce que j’ai personnellement subi ainsi que cette atteinte grave aux libertés et à l’intégrité des citoyens . Merci à toutes et à tous , la résistance continue !!!


Communiqué de presse suite à l'agression d'un militant lors du dîner du CRIJF le jeudi 29 janvier 2009


Ce jeudi 29 janvier 2009 lors de la rencontre annuelle du dîner du CRIJF, un de nos militants Abdelaziz Chaambi a violemment été agressé par les gendarmes. Alors que les manifestants étaient rassemblés dans le calme sur la voie publique, les gendarmes se sont rués sur Abdelalziz sans que cela ne soit justifié par ailleurs. Les gendarmes l'ont d'abord violemment plaqué au sol avant de l'écraser à plusieurs jusqu'à ce qu'il ne puisse plus respirer alors qu'il est atteint d'asthme et qu'il est également reconnu comme partiellement invalide. Les forces de l'ordre n'ont pas jugé nécessaire d'appeler les pompiers et le SAMU tout de suite alors que notre ami était victime d'une violente crise d'asthme. Ces derniers ne sont arrivés qu'une heure plus tard et les gendarmes malgré la faiblesse de la victime ont demandé à ce qu'elle soit menottée dans l'ambulance. Abdelalziz a finalement été transporté à l'hôpital et d'après le premier examen médical, il aura sans doute plusieurs jours d'ITT. Cette agression est inacceptable et donnera lieu à des poursuites judiciaires.

Or de quoi sommes-nous coupables? Nous avons simplement organisé un rassemblement pacifique sur la place publique pour dénoncer l'attitude du CRIJF qui est coupable de soutenir la politique criminelle d'Israël, qui au regard des lois internationales a commis des crimes de guerre à Gaza. C'est au nom de la défense du droit international et par respect pour les valeurs humanistes que nous avons initié une plainte en collaboration avec l'avocat lyonnais Gilles Devers pour qu'Israël soit traduit devant la juridiction internationale pour les faits criminels commis à Gaza. Notre démarche est donc profondément citoyenne. Aucune des actions que nous avons organisées depuis 20 ans, n'a donné lieu à des débordements. Rien ne justifiait la présence disproportionnée des forces de l'ordre à ce dîner sauf la volonté de faire taire les voix qui dénoncent le CRIJF comme une organisation coupable d'apologie de crimes de guerre. Les pressions se multiplient de toutes parts pour éviter toute opinion discordante sur cette question. Il y a quelques jours une journaliste du Progrès était menacée par sa direction car elle avait rapporté les propos racistes contre les Arabes lors du dernier rassemblement organisé par le CRIJF. Cette attitude confine à un véritable terrorisme intellectuel totalement incompatible avec les règles élémentaires induites par la liberté d'expression. Aujourd'hui par cette agression inacceptable sur un militant, les autorités se rendent également complices de ce comportement.
Dès demain, nous entamerons toutes les démarches nécessaires pour que cette affaire soit portée devant la justice, car au-delà de la question palestinienne, cette agression est révélatrice d'un climat malsain qui menace gravement la liberté d'expression dans ce pays.

Collectif Résistance Palestine
Email:
resistancepalestine@yahoogroupes.fr
Contact: 0618797661

La photo du jour

"Vous êtes la crise" : manifestation contre le Forum éconmique mondial, Davos, Suisse, 31/1/2009. Photo Michel Euler, AP

vendredi 30 janvier 2009

"WANTED !" : 15 dirigeants israéliens sur la sellette /Call for arrest of 15 Israeli leaders suspected of war crimes in Gaza

Quinze suspects de crimes de guerre israéliens sont recherchés.
Public asked for information on travel plans and whereabouts of top Israeli leaders

26 January 2009
An international human rights organization has submitted evidence to the International Criminal Court for the arrest of top Israeli leaders for war crimes in Gaza and has called for information about the travel plans and whereabouts outside Israel of the suspects.A human rights organization has called for the arrest of a number of senior Israeli leaders for war crimes and crimes against humanity.
The International Coalition against Impunity (HOKOK), a non-governmental organization registered with the United Nations Economic and Social Commission for Western Asia, has submitted a “Letter of Notification and Referral” to the prosecutor of the International Criminal Court outlining the case for the arrest of 15 Israeli political and military leaders for crimes committed in Gaza in violation of the Rome Statute and the Fourth Geneva Convention.
It has also issued an international appeal for information about the undermentioned war crimes suspects.
Members of the public in Israel and throughout the world who have information about the travel plans or whereabouts of the undermentioned suspects when they are outside Israel should report this immediately to:
The Prosecutor
P.O. Box 19519
2500 Hague
Netherlands
Fax +31 70 515 8 555
otp.informationdesk@icc-cpi.int

The Israeli war crimes suspects are:

1- Ehud Barak
2 - Amir Peretz
3 - Binyamin Ben Eliezer
4 - Avi Dichter
5 - Carmi Gillon
6 - Dan Halutz
7 - Doron Almog
8 - Ehud Olmert
9 - Eliezer Shkedy
10 - Gabi Ashkenazi
11 - Giora Eiland
12 - Matan Vilnai
13 - Moshie Bogie Yaalon
14 - Shaul Mofaz
15 - Tzipi Livni
Quinze suspects de crimes de guerre israéliens sont recherchés.
Une organisation internationale pour les droits humains lance un appel pour recueillir toute information sur les projets de voyage de ces dirigeants israéliens dont vous trouverez les noms et les photos ci-dessous.
La Coalition Internationale contre l'Impunité (International Coalition against Impunity - HOKOK), qui est une organisation non-gouvernementale enregistrée auprès de la Commission économique et sociale pour l'Asie de l'ouest des Nations Unies, a déposé une "Lettre de notification et de saisine" au procureur de la Cour pénale internationale, lettre, qui fournit les grandes lignes de la demande d'arrestation de 15 dirigeants politiques et militaires israéliens pour crimes commis à Gaza en violation du Statut de Rome et de la Quatrième Convention de Genève.
Cette Coalition a également émis un appel international en vue d'obtenir des informations sur les personnes suspectées de crimes de guerre et listées ci-dessous.
Toute personne en Israël comme dans le monde entier qui détiendrait des informations relatives aux projets de voyage ou sur la localisation actuelle des suspects listés ci-après s'ils sont hors d'Israël, doit immédiatement en informer :
Le procureur
P.O. Box 19519. 2500
La Haye. Pays-Bas.
Fax +31 70 515 8 555 -
otp.informationdesk@icc-cpi.int
Les suspects sont :

1- Ehud Barak 2 - Amir Peretz 3 - Binyamin Ben Eliezer 4 - Avi Dichter 5 - Carmi Gillon 6 - Dan Halutz 7 - Doron Almog 8 - Ehud Olmert 9 - Eliezer Shkedy 10 - Gabi Ashkenazi 11 - Giora Eiland 12 - Matan Vilnai 13 - Moshie Bogie Yaalon 14 - Shaul Mofaz 15 - Tzipi Livni

Israel War Crime Suspects

jeudi 29 janvier 2009

3 février 2009 : Procès contre un deuxième agresseur de Ginette Skandrani

Le prochain procès contre un des nervis sionistes qui avaient violemment agressé Ginette Hess Skandrani à son domicile avec des casques le 25 octobre 2006 - les deux autres étant en fuite dans le pays de la barbarie - aura lieu le 3 février à 13 h 30 devant la 15è chambre au Palais de justice de Paris.
Celui qui était mineur au moment des faits a été jugé le 18 novembre 2008 et a écopé d'un an de prison avec sursis et cinq ans de mise à l'épreuve, 3000 euros de dommages à verser à la victime et 800 euros de frais de justice. Nous verrons si la justice sera plus sévère avec le deuxième qui était majeur et donc responsable de ses actes au moment des faits.

mercredi 28 janvier 2009

Un islamisme ouvert sur sa gauche : l’émergence d’un nouveau tiers-mondisme arabe ?

Islamismes, mouvements de gauche radicale et nationalismes arabes ont longtemps semblé s’opposer. Des alliances se sont pourtant nouées entre eux, recomposant profondément le champ politique en Palestine, au Liban et en Égypte.
par Nicolas Dot Pouillard, 20 janvier 2009
L'auteur est doctorant en études politiques à l’EHESS (Paris) et à l’Université libanaise (Beyrouth).
Les débats sur la place du religieux et du politique sont souvent biaisés par des perceptions idéologiques et culturelles subjectives. L’appréhension du phénomène islamiste en France reste ainsi très largement dominée par une série de paradigmes très abstraits, qui ne laissent pas la place à une analyse concrète et même factuelle du champ politique moyen-oriental. Une dichotomie arbitraire est dessinée entre « laïcs » et « religieux », « islam modéré » et « islam extrémiste », « progressiste » et « réactionnaire ».
Des typologies sont ainsi créées, correspondant en réalité à une réalité imaginée du politique : le politique tel qu’on aimerait qu’il soit, non tel qu’il est. Le champ politique moyen-oriental apparaît comme fondamentalement retors aux simplifications historiques, qui dessineraient une ligne de clivage irrémédiable entre des islamistes identiques les uns aux autres, de Al-Qaïda au Hezbollah libanais, et des laïcs naturellement attentifs aux droits de l’homme et de la femme. Ces catégorisations apparaissent en effet aujourd’hui comme partiellement fausses : en Palestine, c’est bien le Fatah « laïc » qui est l’auteur d’une des lois les plus réactionnaires sur les droits de la femme, limitant à six mois les peines d’emprisonnement pour les auteurs de crimes d’honneur. C’est que l’on confond souvent laïc et progressiste. De même, on imaginera les laïcs comme forcément persécutés par les intégristes musulmans. Vrai dans certains cas, cette assertion se révèle fausse dans d’autres. Il faut alors comprendre par exemple comment le Parti communiste libanais noue des alliances avec le Hezbollah, ou comment le Front populaire de libération de la Palestine (FPLP) marxiste travaille souvent avec le Hamas ou le Djihad islamique, et se laisser interroger politiquement et méthodologiquement par ces nouvelles réalités.
Il y a toujours une tendance récurrente à la simplification du débat, selon des lignes idéologiques tenaces, qui considèrent les acteurs politiques islamiques comme des catégories fixes, incapables de se transformer politiquement et idéologiquement. Le mouvement islamique a aujourd’hui pratiquement quatre-vingts ans d’existence au Moyen-Orient. L’imaginer comme un ensemble uni, homogène et sans différenciation, c’est comme supposer que la gauche recoupe un spectre large allant des anciens de la bande à Baader à Tony Blair, ou que la droite est un tout homogène regroupant indifféremment la démocratie chrétienne allemande et les néo-fascistes italiens. Il y a une histoire des droites, une histoire des gauches. Et il doit bien y avoir une histoire des islamismes, car ce référent politique s’est considérablement pluralisé. L’exemple des recompositions politiques au Moyen-Orient arabe, et la production d’un islamisme politique de type nationaliste aujourd’hui ouvert vers les gauches et les mouvements nationalistes arabes n’est pas sans poser certaines questions théoriques et politiques.
Un nouveau modèle d’alliance politique en Palestine et ailleurs
Les premières élections municipales en Cisjordanie depuis 1976, qui se sont tenues le 23 décembre 2004, constituaient à l’époque un sujet d’interrogation : le Hamas prendrait-il le pas sur le Fatah ? Quel serait l’état du rapport de force politique entre les islamistes, le mouvement nationaliste et la gauche à l’issue du scrutin ? La réponse n’était pas à sens unique : les élections municipales n’ont pas été l’objet d’une structuration claire du champ politique. Au contraire, certaines coordonnées ont été bouleversées, et des tendances ont semblé se confirmer. Plutôt qu’à une indéfectible opposition entre des camps clairement délimités – Fatah, Hamas, FPLP, FDLP, PPP [
1] -, localement de nouvelles alliances se sont nouées, fluctuantes et conjoncturelles. À Bnei Zayyaid, tout comme à Bethléem, c’est une alliance entre le FPLP et le Hamas qui permit de contester au Fatah la prédominance politique au sein du Conseil municipal. À Ramal-lah, un an plus tard, ce fut une femme membre du FPLP qui fut élue à la tête de la mai-rie, les trois voix du Hamas s’ajoutant aux six voix du FPLP, mettant en minorité les six conseillers municipaux du Fatah.
Ces alliances inédites se sont également dessinées dans le domaine des opérations militaires : les branches armées du FPLP — les Brigades Abou Ali Mustapha — ont régulièrement opéré depuis 2001 dans la Bande de Gaza au côté des Brigades Ezze-dine al- Quassem — la branche armée du Hamas — et des Brigades al-Quds — celle du Djihad islamique. Enfin, des éléments dissidents du Fatah, structurés autour de la nébuleuse des Comités populaires de la résistance (CPR), se sont peu à peu rapprochés de la direction gazaouite du Hamas : ce dernier, après sa victoire aux élections législatives de janvier 2006, nomma un des principaux activistes des CPR, Jamal Samhada-na [
2] , ancien militant du Fatah, à la tête des nouveaux services de sécurité palestiniens formés par le gouvernement Hamas : il s’agissait alors de faire contrepoids, surtout dans la Bande de Gaza, aux forces de sécurité tenues par Mohammad Dahlan, dirigeant du Fatah. Samhadana symbolise cette frange du Fatah qui s’est peu à peu éloignée de la direction du parti, et qui confirme son éclatement progressif, accéléré par la mort de Yasser Arafat le 11 novembre 2004, dont l’aura symbolique permettait d’assurer encore un minimum d’unité interne. C’est ainsi que Saed Siyyam, le nouveau Ministre de l’intérieur palestinien, membre du Hamas, choisit un ancien membre du Fatah, soit un élément politique issu du nationalisme palestinien, et non du mouvement islamique lui-même, pour diriger des services de sécurité n’ayant d’autres buts…que de concurrencer sur le terrain la prédominance armée de la Sécurité préventive, attachée à la direction du Fatah.
Les affrontements Fatah-Hamas des deux dernières années correspondent à une divergence politico-stratégique, à une différence quand au positionnement à adopter face à Israël et à la communauté internationale, non à une querelle idéologique séculariste- croyants. Et lorsque les deux partis hégémoniques Fatah-Hamas favorisent par leur combat fratricide un processus de guerre civile latente, c’est le FPLP et le Mouvement du Djihad islamique (MJIP), soit une organisation de gauche et une organisation islamique, qui jouent communément le rôle d’intermédiaire. Si le FPLP reste ainsi aujourd’hui très critique envers le Hamas, c’est essentiellement parce qu’il lui reproche de s’enfermer dans un tête à tête armé Hamas-Fatah, qui bride l’unité nationale palestinienne, et qui risque de plonger les territoires palestiniens dans le chaos sécuritaire. Et encore une fois, cette position, le FPLP la partage avec le Djihad islamique, avec qui il a pu manifester dans les rues de Gaza lors des événements de juin 2007.
La cartographie politique palestinienne n’est pas une exception : le champ politique arabe semble être en pleine recomposition, et les clivages traditionnels, notamment ceux qui avaient vu s’opposer un camp religieux à un camp séculier, voir laïc, se sont peu à peu estompés à l’échelle de la région. L’islam politique subit une phase désormais accélérée de nationalisation et de régionalisation, tandis que les secteurs issus de la gauche et du nationalisme arabe, baathiste ou nassérien, en perte de modèle politique et de partenaire stratégique, en proie à une crise structurelle et militante, tentent peu à peu de redéfinir leurs modèles idéologiques et pratiques, et se retrouvent obligés de complexifier leur réseau d’alliance, en privilégiant désormais le partenaire islamiste. Depuis 2000, une phase de recomposition politique s’est ouverte dans le monde arabe, selon des rythmes et des temporalités hétérogènes selon les pays et les espaces, tirant certains traits d’union avec le passé, amenant de nouvelles problématiques et des ruptures inédites.
Cette recomposition politique se fait autour de la question nationale arabe et de la question démocratique : dans un contexte politique marqué par l’Intifada palestinienne de septembre 2000, par l’offensive américaine sur l’Irak en 2003, ainsi que par la récente « guerre des trente-trois jours » entre le Hezbollah et Israël, la question nationale est reposée dans le monde arabe, et détermine les modèles d’action et de contestation, les formes de recomposition politique et les différents modes d’alliance tactiques entre les courants opposés au plan américain de « Grand Moyen-Orient ». S’y ajoute la question démocratique : dans la mesure où les systèmes politiques arabes souffrent très majoritairement d’un modèle fondé sur l’autoritarisme et le népotisme politiques, et où la majorité d’entre eux, de l’Égypte à la Jordanie en passant par l’Arabie saoudite et les principales pétro-monarchies du Golfe, se retrouvent liés organiquement aux différents intérêts américains et européens dans la région, la contestation de la politique israélienne et américaine passe souvent par une dénonciation des systèmes politiques internes : en Égypte, tout au long des années 2000 à 2006, ce sont les mêmes cadres politiques et les mêmes structures de mobilisation qui vont tour à tour passer de la mobilisation en faveur des Palestiniens et des Irakiens à celle en faveur de la démocratisation du régime.
Question nationale arabe et question démocratique tracent donc une série de rapprochements transversaux entre l’espace panarabe focalisé historiquement sur la problématique palestinienne et l’espace national interne : depuis 2000, une interaction constructive entre la dimension panarabe du politique et son expression nationale interne, une transversalité accrue entre question nationale arabe et question démocratique, favorisent une série de mutations politiques aboutissant à une série d’alliances tactiques et/où stratégiques entre la gauche radicale, les secteurs issus du nationalisme arabe nassérien ou baathiste, et enfin les formations islamo-nationalistes. Cette interaction entre différents espaces – nationaux, régionaux, globaux- tout comme cette transversalité entre des courants politiques autrefois opposés, laissent se dessiner peu à peu une reformulation du nationalisme arabe, une recomposition politique lente et progressive du champ politique qui commence à peine à bouleverser les donnes politiques, et qui rompt singulièrement avec les cadres d’action issus de l’histoire du XXe siècle.
Du « concordisme politique » à la dynamique unitaire
La gauche marxisante, les nationalismes arabes de diverses obédiences, et enfin les secteurs centraux de l’islam politique semblent aujourd’hui collaborer étroitement. Il n’en fut pas toujours ainsi : les différents types de nationalisme arabe se sont distingués pendant plusieurs dizaines d’années par des politiques répressives vis-à-vis des courants issus des Frères musulmans, que cela soit dans l’Égypte de Nasser ou dans la Syrie de Hafez el-Assad ; l’islamisme politique, dans sa phase montante des années 1980, à la suite de la révolution iranienne de 1979, s’est quant à lui caractérisé par un système de répression directe des groupes de gauche, lorsque ceux-ci faisaient entrave à leur développement, et plongeaient leur racine dans certains secteurs clés du monde universitaire, politique, syndical ou associatif : au Liban, le Hezbollah s’en prit physiquement, tout au long des années 1980, aux militants chiites du Parti communiste libanais, lorsqu’ils s’agissaient de leur disputer l’hégémonie de la résistance nationale au sud- Liban. Deux de ses plus brillants intellectuels, Mahdi Amil et Hussein Mroue, furent assassinés par des militants proches de la mouvance islamique [
3] .
En Palestine, les groupes évoluant dans la nébuleuse des Frères musulmans, qui allaient donner naissance au Mouvement de la résistance islamique (Hamas) en 1986, s’en prirent également aux militants du FPLP et du PPP. Le docteur Rabah Mahna, qui est aujourd’hui le négociateur du Bureau politique du FPLP dans les discussions inter-palestiniennes, et qui est ainsi amené régulièrement à trouver des points d’accord autant avec le Hamas qu’avec le Djihad islamique, fut par exemple la victime d’une tentative d’assassinat par des militants du Hamas en 1986. Mais la vision qu’il a du mouvement islamique est déterminée par la réalité politique actuelle, non par celle du passé : s’expliquant au sujet du Hamas, il en souligne les points d’avancée et de stagnation, les deux se combinant plus ou moins différemment selon la conjoncture politique : « Il y a eu une certaine évolution dans Hamas. Depuis 1988, il s’est en effet peu à peu transformé d’une organisation de type Frères musulmans en un mouvement de libération nationale islamique. Nous, on a poussé depuis Hamas à intégrer l’OLP, d’être un mouvement de libération nationale au sein de l’OLP. Mais sa non- reconnaissance de l’OLP dernièrement était très suspecte pour nous (…) Nous ne mettrons donc pas la pression sur le Hamas, et nous le reconnaissons en tant que courant de la résistance, et deuxièmement en tant que gouvernement élu. Mais au- delà, nous on ne veut pas que le Hamas reste enfermé dans une vision fermée, idéologique, de type Frères musulmans : c’est pourquoi les forces politiques mondiales et arabes qui soutiennent la cause palestinienne mais qui ne sont pas d’accord avec tout ou partie du programme du Hamas doivent nous aider à les faire sortir d’une vision enfermée, à continuer leur évolution. Sinon, en les isolant, ils risquent de retourner en arrière, de retourner vers un mouvement de type intégriste, comme avant 1988 [
4] . »
S’il y a bien eu par le passé affrontements, les différents modes d’opposition entre nationalistes, islamistes et gauche radicale peuvent être historiquement relativisés par une série de passages dynamiques, d’emprunts discursifs et idéologiques, de circulation militante entre ces trois secteurs politiques-clés du monde arabe : déjà, le sociologue Maxime Rodinson rappelaient qu’entre le nationalisme arabe, l’islam et le marxisme, existaient un « concordisme », qui favorisait la circulation des idées et des pratiques : « l’incompatibilité doctrinale incontestable des idéologies le cède à divers procédés de conciliation quand les considérations de stratégies internationales font pencher vers une attitude amicale entre les deux mouvements (communistes et musulmans). Il y a emprunt d’idées à l’idéologie communiste par les Musulmans quand ces idées correspondent à ce que leur réclame leur idéologie implicite, même en dehors de cette attitude amicale. […]. Quand on va plus loin, il y a normalement réinterprétation des notions, des idées, des symboles musulmans comme équivalents d’idées ou de thèmes communistes courants. L’opération est souvent faite par les communistes qui veulent pousser à l’alliance. Quand l’effort de réinterprétation est particulièrement forcé, on obtient ce qu’on a appelé du concordisme. Le terme pourrait être peut-être généralisé pour désigner un ensemble systématique de réinterprétation [
5] . »
Ce qu’Olivier Carré nommait pour sa part les « secteurs médians » entre religion et nationalisme [
6] se constate tout au long du siècle et de l’émergence et du développement de ces trois courants. La génération des fondateurs du mouvement national palestinien et du Fatah – Yasser Arafat, Khalil al Wazir, Salah Khalaf-, ont côtoyé de près les Frères musulmans, dans le cours des années 1950 et 1960. Le nassérisme lui-même n’est pas exempt, dans les premières années suivant la révolution de 1952, d’un rapport complexe à l’islam politique. À ces parcours personnels, s’ajoutent une réutilisation et une réinterprétation systématique des différents types de discours religieux ou politiques par un ensemble de mouvements, une circulation permanente des ensembles sémantiques et conceptuels. Par exemple, le Parti communiste irakien (PCI) n’a pas hésité à se référer aux fondements doctrinaires du chiisme, peu après la révolution de 1958 et la prise du pouvoir par Abdel Karim Kassem. La perspective révolutionnaire fut associée, dans le discours du PCI, aux fondements millénaristes et messianiques du chiisme, tandis que les dirigeants du Parti jouaient ardemment sur la proximité des termes shii’a (« chiite ») et shouyou ‘i (« communiste » en arabe). Quand au terme « socialiste » (ishtarâkii), il fut abondamment utilisé et transformé par certains cadres et idéologues des Frères musulmans comme Sayyid Quotb ou Muhammad al-Ghazali, dans la perspective d’un « socialisme islamique ».
Ainsi, on assiste depuis près d’un demi-siècle à une circulation dynamique et à une mutation continue du vocabulaire politique. C’est dire combien l’idéologie elle- même est soumise à des processus complexes de passage, d’emprunts, et de réinterprétations, toujours en mouvement une fois mise dans la pratique du politique. La temporalité du nationalisme des pays du tiers- monde est en effet une temporalité politique différenciée, où le passé, les traditions culturelles et les héritages idéologiques font figure de principes constituants dans la conscience nationale : le nationalisme anti- colonial est un espace hybride, en interaction avec les éléments des modernités politiques, mais les critiquant en même temps par la récupération, le recyclage et le réinvestissement d’éléments tirés du passé. Les « concordismes » entre nationalisme et islam ont correspondu à une actualisation politique et idéologique de l’islam, qui était alors moins une survivance du passé qu’un élément culturel hérité, vivant et pratique, en interaction et en métissage permanent avec le présent politique, même et y compris quand ce dernier était d’essence séculière et laïque. Le nationalisme anti- colonial, fondé historiquement sur une série de concordisme, n’est pas l’envers de la modernité, mais sa reprise et son détournement dans le contexte particulier d’un espace qui se sent dominé tant politiquement que culturellement.
La décennie des années 1980 est essentiellement marquée par le passage croissant et spectaculaire de militants marxistes, souvent maoïstes, ou nationalistes arabes, vers l’islamisme politique. C’est particulièrement visible au Liban, ou, alors que l’OLP est peu à peu amenée à quitter le Pays des Cèdres, et où l’axe « palestino- progressiste [
7] » disparaît sous le coup de divisions internes et des pressions syriennes, de jeunes cadres entrent dans le Hezbollah, né entre 1982 et 1985. Il en va ainsi de la majorité des combattants de la Brigade étudiante, la Katiba Tullabiya, corps militaire attaché au mouvement palestinien Fatah, qui s’engage peu à peu dans la résistance militaire islamique du « Parti de Dieu », ou dans d’autres structures à caractère islamique, sous les effets de la Révolution iranienne.
L’expérience de cette tendance de gauche du Fatah née au début des années 1970 est particulièrement intéressante : bien avant la révolution iranienne, de jeunes militants libanais et palestiniens tentent d’articuler islam, nationalisme et marxisme arabe, preuve s’il en est que la question des rapports entre les trois était déjà posée. Saoud al Mawla, aujourd’hui professeur de philosophie à l’Université libanaise de Beyrouth, ancien membre de la tendance de gauche du Fatah, est passé au Hezbollah dans les années 1980. Il l’a quitté depuis. Il explique : « Dans les années 1970, on a commencé à s’intéresser aux luttes des peuples musulmans. C’était une mixture de nationalisme arabe et d’islam, ou bien de communisme arabo-islamique, de marxisme arabo-islamique. On a essayé de faire comme les communistes musulmans soviétiques des années 1920 : Sultan Ghaliev. Et on a commencé à étudier l’islam. On avait débuté cela dès que l’on a commencé à appliquer les principes maoïstes : il faut connaître les idées du peuple, s’intéresser au peuple, à ce qu’il pense…. Il faut connaître les traditions du peuple. Et on a commencé à s’intéresser aux traditions populaires, aux idées populaires, à tout ce qui constitue la vie des gens. Et l’islam est venu comme étant le fondement de cette société, censée la mobiliser. Et c’était dans un sens militant, pragmatique, prendre et utiliser des facteurs qui peuvent mobiliser les gens dans la lutte. Et c’est comme cela qu’on s’est approché de l’islam : à partir du maoïsme, d’un point de vue théorique, et à partir de l’expérience quotidienne (….) Et c’est pour cela, quand la révolution iranienne est venue, on était déjà là. Et même cela ne s’est pas fait sur des bases idéologiques ou religieuses. C’est-à-dire qu’on a vu dans l’islam une force de civilisation, et de politique, un courant civilisationnel, qui peut regrouper des chrétiens, des marxistes et des musulmans, comme une réflexion, une riposte, un chemin de lutte, contre l’impérialisme, pour donner un chemin de lutte, pour renouveler nos approches, nos idées, nos pratiques politiques [
8] ». Si les années 1970 peuvent encore s’accommoder d’une réflexion théorique et politique chez certains militants sur l’articulation entre marxisme, islam et nationalisme, la décennie des années 1980, marquée par les effets politiques régionaux idéologiques et politiques de la révolution iranienne, et par l’hégémonie politique de l’islamisme politique, ne laisse plus la place à ces élaborations.
En l’occurrence, les années 1990 marquent une rupture, et le système tacite qui avait vu s’allier concordisme et opposition violente s’est peu à peu transformé en une dynamique unitaire, ou le concordisme est d’autant plus favorisé par un processus d’alliances tactiques entre ces différents courants. En effet, avec la guerre du Golfe, les tentatives de règlement du conflit israélo-palestinien au travers de la Conférence de Madrid et des Accords intérimaires d’Oslo en 1993, avec la fin de la bipolarisation Est-Ouest et la réunification du Yémen, un monde s’effondre. La phraséologie révolutionnaire et nationaliste est à bout de souffle, qu’elle soit islamiste ou marxiste ; cela n’est pas étranger non plus à l’abandon progressif du discours messianique et tiers-mondiste par le régime de Téhéran, sous l’impulsion du nouveau Président Rafsandjani.
Les coordonnées politiques sont changées. Il faudra déterminer en quoi il y a eu un triple échec : de l’islam politique, du nationalisme arabe, de la gauche. Mais, au-delà, c’est bien sûr les décombres des grandes utopies et des mythologies multiples du siècle finissant que va peu à peu se reconstruire et se recomposer le champ politique arabe. Les dynamiques à l’œuvre ne sont plus unilatérales : si, dans les années 1980, l’islamisme récoltait les gains des déceptions politiques et sociales du monde arabe, on assiste depuis 1991 à une plus grande interaction et à une plus large transversalité des dynamiques politiques : gauche, nationalisme et islamisme sont désormais dans un processus complexe de réélaboration idéologique et programmatique, de croisements des problématiques, face à un sentiment d’échec et d’impasse du monde arabe.
Cela se constate, en tout premier lieu, en Palestine : peu après les accords d’Oslo, en octobre 1993, une « Alliance des forces palestiniennes » se constitue, composée d’éléments ayant rompu avec le Fatah, mais surtout du FPLP marxiste et du Hamas [
9] . Des cadres progressifs de discussion se créent entre nationalistes, marxistes, et islamistes : la Fondation Al-Quds, à leadership islamiste, et surtout, la Conférence nationaliste et islamique, lancée en 1994 à l’initiative du Centre d’études pour l’unité arabe (CEUA) de Khair ad-Din Hassib, basé à Beyrouth, qui se réunit tous les quatre ans, destinée à trouver des points d’accords tactiques et/où stratégiques, et à redéfinir les liens, même et y compris d’un point de vue idéologique entre la gauche, le nationalisme et l’islamisme. Le CEUA a ainsi tenu, en mars 2006, à Beyrouth, une Conférence générale arabe de soutien à la résistance, où les principales directions des organisations nationalistes, marxisantes et islamistes (notamment le Hamas et le Hezbollah) étaient fortement représentées.
Question nationale et question démocratique
Depuis 2000, les rythmes de recompositions politiques entre nationalisme, gauche radicale et islamo-nationalisme se sont accélérés : sous le coup de la Seconde Intifada et de l’intervention américaine en Irak, les convergences tactiques entre eux se sont accentuées. Elles tournent particulièrement autour de la question nationale et de la question des « occupations », de la Palestine à l’Irak en passant par le Liban, et de la dénonciation conjointe des politiques américaines et israéliennes.
C’est d’abord sur le terrain que se réalisent ces alliances, dans le domaine pratique, non pas dans le domaine théorique : lors de la « guerre des trente-trois jours » entre le Liban et Israël, en juillet et août 2006, le Parti communiste libanais (PCL) a réactivé certains de ses groupes armés au sud Liban et dans la plaine de Baalbek, et a combattu militairement au côté du Hezbollah. Dans certains villages, comme à Jamaliyeh, où trois de ses militants sont morts lors d’une attaque d’un commando israélien repoussé, c’est lui qui a pu prendre l’initiative militaire et politique, même si le Hezbollah garde de facto le leadership politique, militaire et symbolique de cette guerre. Un Front de la résistance s’est créé, regroupant pour l’essentiel le Hezbollah et la gauche nationaliste, du PCL au Mouvement du peuple de Najah Wakim [
10] , en passant par la Troisième force de l’ancien Premier ministre Sélim Hoss : fondé sur le principe du droit à la résistance et défendant les revendications principielles de Hezbollah, à savoir la libération des prisonniers libanais en Israël et le retrait israélien des territoires libanais de Chebaa et de Kfar Chouba, ce Front avait comme dénominateur commun la question nationale et le positionnement par rapport à Israël : ce n’était pas, par exemple, un front prosyrien – le Parti communiste ayant pour sa part une longue tradition de lutte contre la tutelle et la présence syrienne au Liban.
Mais l’accord tactique sur la question nationale ne permet pas de parler a priori de « recomposition politique ». Toute la question est alors de savoir si l’accord tactique peut se transformer en accord plus ou moins stratégique, et comprendre une vision à long terme de la société, de l’État, des politiques économiques. Or, c’est là que la transformation du champ politique arabe semble être la plus profonde : de 2000 à 2006, la série d’accords politiques entre gauche, nationalistes et islamistes s’est peu à peu élargie à un ensemble de thématiques, ce qui est tout à fait nouveau par rapport aux cadres d’alliances des années 1980 et 1990.
La question nationale permet en effet de passer et d’effectuer une série de passages conceptuels, pratiques et politiques d’un domaine à l’autre : en Egypte, la dénonciation des politiques américaines et israéliennes cachait en effet une critique latente mais explicite du régime du Président Moubarak. Rapidement, les cadres de mobilisation sur la question palestinienne et irakienne ont donné naissance à une autre série de cadres politiques transversaux, touchant notamment à la question démocratique : des campagnes de dénonciation de la loi d’urgence de 1982 aux élections syndicales de novembre 2006, qui ont vu les Frères musulmans, les radicaux de gauche du groupe Kefaya et les nassériens du mouvement al-Karamah s’allier pour contester la prédominance des listes du parti au pouvoir, le Parti National Démocratique, en passant par les campagnes de soutien au mouvement de protestation des juges égyptiens qui avaient dénoncé la fraude électorale en mai 2006, le champ d’action et d’alliances est passé rapidement de la question nationale à la question de l’élargissement des droits démocratiques.
Au Liban, le Mouvement du peuple, l’Organisation populaire nassérienne, sunnite, et dont le dirigeant, Oussama Saad, est député de Saïda, le Congrès populaire arabe de Kamal Chatila, une formation nassérienne, sont au cœur du mouvement de protestation initié par Hezbollah et le Courant patriotique libre du Général Aoun en décembre 2006, un mouvement trouvant sa voie dans le quotidien de gauche al- Akhbar : ici encore, la mobilisation de l’opposition ne touche pas qu’à la question nationale et aux « armes de la résistance ». Les traits communs entre les organisations de l’opposition au gouvernement de Fouad Siniora touchent tant à la question de la réforme de la loi électorale et du système confessionnel, qu’à celle de la définition d’une politique économique d’état de type régulateur, ou keynésien, sans pour autant remettre en cause les mécanismes du marché, toutes options qui ne sont pas celles de la majorité parlementaire actuelle, très marquée par l’ultralibéralisme [
11] . Un bon exemple en est le nouveau journal al-Akhbar, quotidien de gauche très proche du Hezbollah, dont le premier numéro est paru en août 2006, et qui cherche à créer, de fait, des passerelles théoriques et politiques entre la gauche, le nationalisme et l’islam. Le PCL, qui a établi au fur et à mesure des années une sorte de partenariat avec le Hezbollah, soutient l’opposition sur la question de la chute du gouvernement Siniora, considéré comme pro- américain. Cependant, il ne cache pas que son alliance avec Hezbollah et des partis de l’opposition est un soutien critique : pour le PCL, le programme avancé par Hezbollah n’est pas encore assez radical, tant sur le plan politique qu’économique, pour remettre en cause le système libanais, fondé sur le confessionnalisme politique. Prêt à faire un front commun, il ne ménage pas ses critiques vis-à-vis de Hezbollah, mais d’une manière autre que dans les années 1980 : désormais, il s’agit de définir une politique de gauche indépendante prête à établir une complémentarité et un échange constructif avec le mouvement islamique chiite.
La question nationale joue donc aujourd’hui par extension : alors que dans les années 1990 les alliances entre gauche, nationalistes et islamistes étaient simplement fondées sur la reconnaissance d’un commun ennemi, en l’occurrence Israël, la collaboration longue entre ces courants débouche à terme sur un élargissement du champ d’action politique, allant de la question nationale à la question démocratique, et de la question démocratique à la question de l’État, des institutions et des formes sociales à adopter. Le « concordisme » et les médiations entre les organisations et les courants se sont peu à peu transformés en une dynamique d’action unitaire, qui, si elle n’est que très peu théorisée et conceptuellement pensée, prend une ampleur certaine dans la pratique politique quotidienne.
Cette recomposition politique n’est pas indépendante des nouvelles dynamiques politiques mondiales à l’œuvre, avec un mouvement altermondialiste installé dans le paysage politique, mais aussi et surtout avec l’apparition d’un pôle nationaliste de gauche en Amérique latine, symbolisé par Hugo Chavez et Evo Morales. Un mouvement islamo-nationaliste comme le Hezbollah pense son réseau d’alliance sur un modèle tiers-mondiste : Hassan Nasrallah ne cesse de faire référence au président vénézuélien, tandis que son organisation a invité, avec le Parti communiste libanais, près de 400 délégués issus de la gauche mondiale et du mouvement altermondialiste à Beyrouth, du 16 au 20 novembre 2006, dans le cadre d’une Conférence de solidarité avec la résistance, et dont le communiqué final fixait trois points stratégiques : la question nationale et la lutte contre les occupations, la défense des droits démocratiques et la protection des droits sociaux [
12]
Ce sont ces dynamiques de recomposition politique à l’œuvre qui sont aujourd’hui mésestimées : la question libanaise n’est généralement perçue que par le prisme syrien et iranien, en sous-estimant les dynamiques internes propres à la société politique libanaise. La mouvance islamique subit elle-même des tournants programmatiques pro-fonds : le Hezbollah adopte un discours tiers-mondiste, fondé sur l’opposition sud- nord et Mustakbar (arrogants) [
13] / musta’adafin (opprimés), certains cadres des Frères musulmans sont tiraillés entre leurs alliances avec la gauche et leur défense principielle de l’économie de marché. Comme l’écrit Olivier Roy, « le jeu d’alliances (des islamistes) va dans deux directions possibles : d’une part, une coalition sur les valeurs morales (….), et, d’autre part, une alliance sur des valeurs politiques essentiellement de gauche (anti-américanisme, altermondialisme, droits des minorités), où la ligne de clivage est clairement la question de la femme [14]
Et encore, même la question de la femme est sujette aujourd’hui à débat : au Liban comme en Palestine, les associations féministes issues de la gauche n’hésitent plus à mener des campagnes communes avec les associations de femmes islamistes, notamment sur la question du droit au travail et de la dénonciation des violences faites aux femmes. Pour Islah Jad, militante féministe palestinienne et chercheuse sur le mouvement des femmes en Palestine, il ne s’agit pas d’opposer les femmes laïques aux femmes islamistes, mais de développer un discours féministe séculier et radical tout en discutant et en travaillant communément avec des cadres femmes du mouvement islamique : « Les islamistes ont admis que les femmes étaient persécutées et victimes de l’oppression sociale, en le mettant sur le compte non pas de la religion mais des traditions qu’il faut faire évoluer. Selon eux, l’Islam demande que les femmes s’organisent pour libérer leur pays, qu’elles soient éduquées, organisées et politisées, actives pour le développement de leur société. Le paradoxe est qu’il y a 27 % de femmes dans l’organisation du parti islamique et 15 % au sein du « politburo », plus que dans l’OLP (…) Comme je l’ai déjà dit, le fait que les femmes islamistes ne cherchent pas à bâtir leur discours en s’appuyant sur des textes religieux donne des possibilités aux femmes laïques d’influencer la vision et les discours des islamistes, d’éviter les blocages. Nous ne pouvons pas demander nos droits en les isolant du contexte politique. C’est une étape très importante pour établir une relation de confiance entre les tendances laïques et les islamistes. Le fait que les islamistes acceptent de reconnaître que les femmes sont opprimées ouvre des perspectives sur les mesures à prendre pour faire évoluer la société. Il y aura toujours des conflits idéologiques et politiques, et c’est souhaitable. On ne sera pas totalement d’accord, mais, à mon avis, les femmes laïques peuvent peser dans le débat idéologique avec les islamistes [
15]. »
Cette interaction pratique entre gauche arabe, nationalisme et islamisme, si elle est nouvelle, et désormais avérée tant dans le domaine syndical, associatif, électoral et militaire, n’en est encore qu’à ses débuts. Des points d’accord sur la question nationale, la démocratie ou la défense des droits sociaux ne constituent pas encore un corpus assez clair et stable pour savoir jusqu’à quel point peut allier cette alliance. C’est qu’il y a justement un écart entre le pratique et le théorique : les concordismes se sont approfondis, mais il n’y a pas encore eu, dans le domaine intellectuel et théorique, de définition claire et d’élaboration d’un langage commun. Les alliances sont encore majoritairement du domaine de l’empirique et du pratique, et manquent ainsi d’assises théoriques et d’un véritable processus d’homogénéisation. Encore une fois, le Liban fait plus ou moins exception. Dernièrement, il existe encore une disjonction entre les espaces nationaux : l’alliance entre la gauche, les nationalistes et les islamistes la plus forte se trouve aujourd’hui au Liban, dans la tentative de définir ce que la gauche et le Hezbollah appellent une « société de résistance » et un « Etat de résistance ». En Palestine, les alliances entre le FPLP et le Hamas, par exemple, sont loin d’être aussi approfondies, les deux organisations gardant une méfiance réciproque. En l’occurrence, le partenariat FPLP/Djihad islamique est quand à lui établi pleinement. En Egypte, une certaine méfiance persiste entre les Frères musulmans et la mouvance de gauche. Or, cette question de la recomposition politique et des nouvelles alliances à l’œuvre dans le monde arabe est loin d’être secondaire : elle redessine en effet le visage du nationalisme panarabe, et pourrait à terme constituer un redoutable défi stratégique pour les régimes en place, tout comme pour les Etats-Unis, et les puissances européennes. L’ouverture du mouvement islamo-nationaliste sur sa gauche peut en effet ouvrir à un nouveau nationalisme panarabe en mutation une redoutable ouverture stratégique et internationale : il peut aboutir à la réémergence d’un pôle tiers-mondiste et nationaliste à l’échelle internationale, comme le suggère symboliquement cette série d’affiches rouges collées dans les rues de Beyrouth depuis septembre 2006, et qui voit se côtoyer les trois portraits de Nasser, de Nasrallah et de Chavez. Il ne s’agit donc pas de postuler l’émergence d’un islamisme de gauche, il n’y en a pas. Mais il s’agit de comprendre que le développement d’un islamisme ouvert sur sa gauche et ses dimensions nationales change quelque peu la donne politique, et enclenche des processus longs de recomposition politique, stratégique et idéologique. Les vingt dernières années ont vu le référent politique islamiste se pluraliser, avec un islamisme fondamentaliste déterritorialisé sur le modèle du réseau Al-Qaïda, la soumission d’un néo-fondamentalisme islamique aux modèles du marché, l’apparition d’un islamisme turc gouvernemental s’apparentant plus au modèle consensuel de la démocratie chrétienne des années 1950 qu’à celui de l’islam comme modèle d’Etat. Encore à ses débuts mais en développement exponentiel, l’émergence d’un pôle islamiste ouvert tout autant sur sa gauche que sur ses dimensions nationalistes et arabes constitue un phénomène politique qui est à même, lui aussi, de recomposer durablement la scène politique moyen-orientale.
Notes
[
1] Le Fatah, Mouvement national de libération de la Palestine, est l’organisation historique du nationalisme palestinien. Le FPLP (Front populaire de libération de la Palestine), et le FDLP (Front démocratique de libération de la Palestine), sont les deux organisations principales de l’extrême gauche. Le Hamas – Mouvement de la résistance islamique-, est la première organisation islamiste, en terme de forces militantes. Enfin, le PPP (Parti populaire palestinien), est l’ancien Parti communiste.
[
2] Jamal Samhadana a depuis été exécuté dans une opération ciblée israélienne, en juin 2006.
[
3] Certaines sources libanaises accusent directement le Hezbollah. Cependant, des dirigeants du Parti communiste laissent aujourd’hui le doute subsister, et n’écartent pas la thèse d’assassinats perpétrés par des groupes intégristes sunnites.
[
4] Rabah Mhana, membre du Bureau politique du FPLP, entretien avec l’auteur, Paris, 2 mai 2006.
[
5] Maxisme RODINSON, « Rapport entre islam et communisme », Marxisme et monde musulman, Seuil, 1972, pp 167- 168.
[
6] A ce sujet, cf. Olivier CARRE, L’Utopie islamique dans l’orient arabe, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 1994.
[
7] L’axe que l’on a communément appelé « palestino- progressiste » est constitué des organisations de la gauche libanaise (Parti socialiste progressiste, Organisation d’action communiste du Liban), et des forces palestiniennes au Liban (Fatah, FPLP, FDLP). Dans les années 1970, c’est lui qui s’oppose principalement, dans le cadre de la guerre civile, aux milices chrétiennes, les Phalanges libanaises.
[
8] Saoud al Mawla, entretien avec l’auteur, Quoreitem, Beyrouth, 27 mars 2007.
[
9] L’ensemble de ces organisation s’unissent sur le principe du refus inconditionnel des Accords intérimaires d’Oslo, signés en 1993 par le leader de l’OLP, Yasser Arafat.
[
10] Le Mouvement du peuple est une organisation nationaliste arabe de gauche. Son leader, Najah Wakim, ancien député nassérien de Beyrouth, est une figure politique nationale, réputé notamment pour ses campagnes de luttes contre la corruption.
[
11] Le point de vue de l’opposition concernant la réforme du système libanais sur le modèle d’un Etat « fort et juste » peut notamment être compris au- travers de deux documents clés : premièrement, le Document d’Entente mutuelle entre le Hezbollah et le Courant patriotique libre du 6 février 2006, et, deuxièmement, le document commun produit par le Parti communiste libanais et le Courant patriotique libre : Comment résoudre la crise politique au Liban ? Les points communs entre le Parti communiste libanais (PCL) et le Courant patriotique libre (CPL), 7 décembre 2006.
[
12] La séance d’ouverture de la Conférence, le 16 novembre 2006, au Palais de l’Unesco à Beyrouth, était symbolique de cette convergence progressive entre la gauche mondiale et alter- mondialiste et la mouvance islamo- nationaliste : parmi les intervenants d’ouverture, se trouvaient notamment Mohammad Salim, membre du Parlement indien et du Parti communiste indien, Gilberto Lopez, du Parti de la révolution démocratique mexicain, Victor Nzuzi, agriculteur et leader syndicaliste congolais, Georges Ishaak, dirigeant de Kifaya et militant de la gauche égyptienne, Khaled Hadade, Secrétaire général du Parti communiste libanais, et enfin Naim al-Quassem, Secrétaire général adjoint et numéro deux du Hezbollah libanais. .
[
13] L’opposition Arrogants/ Opprimés renvoie tout droit à la Révolution iranienne de 1979, ainsi qu’au principe doctrinaire du chiisme. Dans le vocabulaire politique de la première période de la Révolution de 1979, le couple Arrogants/ Opprimés signifiait l’opposition entre les pauvres et les riches, mais aussi entre le sud « colonisé » et le nord « impérialiste ». Cette catégorisation était autant adoptée par les Mollahs autour de Khomeyni que par les groupes de gauche et nationaliste.
[
14] Olivier Roy, « Le passage à l’ouest de l’islamisme : rupture et continuité », Islamismes d’occident. Etat des lieux et perspectives, sous la direction de Samir Amghar, Lignes de repères, 2006.
[
15] Islah Jad, entretien avec Monique Etienne, revue Pour la Palestine, mars 2005.

Source :
http://www.cetri.be/spip.php?article1022&lang=fr

Témoignage de Gaza حكايا ت من غزة


Oradour-sur-Gaza : une rescapée de Zeitoun témoigne
par Gazamoukawama


Lire
http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2009/01/23/a-gaza-des-habitants-racontent-l-acharnement-de-l-armee-israelienne-sur-des-civils_1145435_3218.html http://www.wsws.org/francais/News/2009/jan09/zeit-j13.shtml http://www.liberation.fr/monde/0101314062-les-samouni-famille-brisee-par-un-crime-de-guerre

samedi 24 janvier 2009

Ce que l’humanité doit aux Palestiniens

par Gilles Devers, Avocat, 23/1/2009
Pendant longtemps j’ai cru qu’Israël n’était pas un État comme un autre. Je vois aujourd’hui, dans un déchirement douloureux, que pour les dirigeants d’Israël, le crime de guerre est un choix politique.
L’Histoire reste là. Après l’Holocauste, comment la communauté internationale pouvait-elle ne pas tout faire pour offrir au peuple rescapé du nazisme une pérennité ? Décision incontestable, mais injustice fondamentale pour les Palestiniens. « Les Palestiniens» ? Surtout celui-ci, celle-là à qui on a dit : « Tu n’es plus chez toi . Tu n’es plus chez toi parce que l’ONU a décidé que la terre de tes aïeuls n’était plus la tienne ». Et l’ONU a décidé ainsi parce que la communauté internationale, lors de la conférence d’Evian de 1939, avait fermé la porte de l’humanité à la communauté juive, la précipitant dans l’enfer nazi. L’Occident voulait compenser sa faute. Une faute payée sur le dos des Palestiniens, auxquels pas le moindre reproche ne peut être fait. Si, un seul : être là où il ne fallait pas.
Équation impossible ? Ce n’est plus le problème de 2009. Car soixante trois ans ont passé. En 2009, rien ne justifie qu’Israël, puissance économique et militaire, utilise la force armée pour construire son avenir. Israël peut continuer ses guerres. Israël peut continuer d’interdire aux partis arabes de se présenter aux élections. Israël peut faire tout ce qu’il veut avec la puissance qui est la sienne, mais Israël tombera devant la loi, qui est plus forte que lui. Car, devant l’intelligence du monde, c’est le juste qui est le plus fort.
Qu’on ne se trompe pas. Il y a eu d’autres guerres, et il y en aura d’autres, avec leurs horreurs. Mais l’agression d’Israël sur Gaza de décembre 2008 marque un basculement dans l’Histoire.
Qu’est-ce-que Gaza ? Gaza est une partie d’un territoire auquel la communauté internationale, par lâcheté, n’a jamais su imposer la qualité d’État. Une population isolée dans un territoire de 10 km sur 30, affaiblie par le blocus, sans possibilité de fuir. Désormais, quand Israël veut gagner une guerre, il attaque des civils… Fin d’un système. N’oubliez jamais le premier jour : 200 morts. Morts pourquoi ? Parce qu’ils se promenaient dans la rue, parce qu’ils allaient faire les courses, parce qu’ils étaient des enfants qui rentraient de l’école.
Et quel est le gouvernement qui a enclenché la guerre le 27 décembre 2008 ? Un premier ministre démissionnaire depuis septembre 2008 pour corruption et les deux principaux ministres – affaires étrangères et défense – en une opposition politique telle qu’ils n’ont pas réussi à constituer une coalition. C’est un pouvoir sans tête qui s’est engagé dans la guerre. Le matin, on décide des bombardements de civils ; le soir, on tient meeting. Du jamais vu ! Les bilans sont là. Monsieur Ban Ki Moon a dénoncé la disproportion dans l’attaque et il demande aujourd’hui qu’une enquête approfondie ait lieu pour qu’Israël rende compte. Toutes les grandes organisations intergouvernementales et les ONG dénoncent ces crimes de guerre.
Pendant longtemps, lorsque j’entendais le mot d’Israël, je voyais en image de fond les camps de concentration et d’extermination. Le crime commis dans le berceau de la culture. Aujourd’hui je vois toujours les camps, mais Israël est ailleurs.
L’avenir appartient aux hommes qui savent construire la paix. Or, aujourd’hui la paix s’appelle le respect du droit. Qu’est-ce qui aujourd’hui fonde les droits de l’homme ? L’analyse de 1945 en réponse aux crimes nazis, qui est au cœur de l’actualité. Les bases du droit humain ont leurs racines dans la criminalité nazie. Tout part de là. De la Déclaration des Droits de l’Homme de 1948 à la Convention Européenne des Droits de l’Homme en passant par les multiples systèmes nationaux, le droit de la civilisation a posé pour base qu’aucun homme ne peut être atteint pour le seul motif qu’il est l’homme qu’il ne faut pas.
Israël peut trembler. Trembler parce que, loin des bombes, s’est enclenchée la justice qui le jugera. Israël pourra encore gonfler les muscles de ses hélicoptères et de ses tanks. Mais un jour, dans 5 ans, dans 10 ans ou dans 30, on rendra hommage au peuple palestinien parce qu’il a su, puisant dans les tréfonds de ce qui fait l’humanité, retrouver l’idée même des droits de l’homme.
Parce que j’existe, sans que quiconque soit en mesure d’apporter la moindre appréciation sur la qualité de ma vie, j’ai droit à l’ensemble de ce qui fait la dimension humaine et qui s’appelle la liberté. Parce que je suis né ici, entre Rafah et Gaza, ou que je suis né ailleurs et que le canon des tanks m’a assigné à résidence ici, quand la terre n’est plus la mienne et que l’eau m’est volée, je reste. Regarde mes yeux, Israël, c’est un être humain qui te regarde. Écoute ce que je te dis, Israël, car sans le langage nous périssons. Sors de la prison de ta violence, et viens goûter la force de la liberté. Depuis soixante ans, tu cherches, par la force, à m’enfermer dans une prison. Les murs brisent ma vie, mais c’est toi qui es devenu le prisonnier. Prisonnier des certitudes qui t’interdisent de voir le monde. La vraie liberté s’invente à Gaza, quand tu as tout détruit. Cette mère éplorée, qui a perdu sa famille et sa maison, assise sur les gravats en implorant Dieu, dit tout de la force humaine alors que tes misérables tanks signent la fin d’une folle épopée.
La sagesse arabe nous dit qu’il n’y a pas de malheur absolu. A Gaza, des êtres humains ont été tués parce qu’ils étaient palestiniens. Accusés et condamnés parce que Palestiniens. Qui peut aujourd’hui imaginer que le crime paie ? Qui peut imaginer qu’Israël emmènera au paradis les enfants qu’il a tués à Gaza ? C’est la justice humaine qui rétablira l’ordre, et rétablira les Palestiniens dans l’histoire.

vendredi 23 janvier 2009

Israël a besoin du Hamas

par Knut Mellenthin, Junge Welt 14/1/2009. Traduit par Michèle Mialane et révisé par Fausto Giudice, Tlaxcala. Original : Israel braucht Hamas
L’État sioniste suppose nécessairement un environnement hostile qui maintient la fiction d’une menace sur son existence. En attaquant Gaza, Israël fait aussi échouer les tentatives de rapprochement des États arabes sunnites avec Tel Aviv

Israël pourra-t-il survivre à son attaque contre Gaza ? Une question bien étrange, non seulement à première vue, mais aussi en deuxième examen. Elle a été posée
le 8 janvier dans le Time par le correspondant en chef du magazine US à Jérusalem, Tim McGirk.

Le journaliste, qui a déjà travaillé pour le compte du Time en Irak, en Afghanistan et au Pakistan, s’est avisé que les retombées de la guerre sur la population civile de Gaza sont contre-productives pour Israël. Par exemple, en causant la mort de centaines de Palestiniens, Israël sonne le glas de « ses espérances de pouvoir faire cause commune avec les États arabes sunnites modérés contre les ambitions de l’Iran chiite dans le domaine nucléaire ». « L’offensive de Gaza a fortement affaibli les rares alliés d’Israël dans le monde arabe. »

Selon Mc Girk, Israël pourrait bien, en s’appuyant sur sa puissance militaire - « continuer à survivre des années, durant même dans un environnement hostile » «dans une situation qui n’est ni la guerre totale ni une paix véritable, toujours prêt à engager des conflits certes durs, mais limités, comme avec le Liban ou à Gaza ». Mais , objecte-t-il, « les armes sont impuissantes face au danger qui guette Israël à l’intérieur même de ses frontières ». Sur l’ensemble d’Israël et des territoires palestiniens sous contrôle israélien, la population arabe est déjà légèrement plus nombreuse, et ce différentiel ne fera que croître en raison d’une natalité supérieure chez les Arabes. »

Un affaiblissement du gouvernement de Mahmoud Abbas
Israël n’a donc d’autre choix que se retirer d’une grande partie des territoires occupés et de s’accommoder de la fondation d’un État palestinien. Les dirigeants israéliens, poursuit le journaliste du Time, devraient « admettre que, s’il est impossible de vaincre le Hamas par les armes, il faut le prendre en compte politiquement. C’est à dire accepter de traiter avec un gouvernement d’unité palestinien qui inclut d’une façon ou d’une autre le Hamas. Une coalition Fatah- Hamas est d’une importance capitale pour ouvrir un avenir à l’État palestinien et modérer l’extrémisme du Hamas. » - Suit l’incontournable mention des espoirs placés dans le nouveau Président des USA, Barack Obama, qui doit prendre le 20 janvier la succession de George W.Bush, qui a échoué sur toute la ligne.

Mc Girk et le Time ne sont pas seuls à craindre les conséquences qu’auront pour Israël les massacres de Gaza. Sur le site web de Newsweek, le deuxième magazine d’informations aux USA, l’un des rédacteurs les plus influents, Farid Zakaria, se demande : « Qu’est-ce qui fait sourire Ahmadinedjad ? » Réponse : « L’attaque sur Gaza a renforcé la position des faucons iraniens et nui aux Arabes modérés qui avaient fait un pas en direction d’Israël ». « Les opérations militaires israéliennes ont réduit à néant une évolution favorable à Israël. Au cours des deux dernières années certains pays arabes - l’Égypte, l’Arabie saoudite, la Jordanie- s’étaient en effet avisés que la montée en puissance de l’Iran constituait la principale menace régionale - et que sur ce plan leurs intérêts et perspectives étaient liés à ceux d’Israël. Mais cette position avait un talon d’Achille : l’opinion publique arabe, qui face aux massacres à Gaza évolue en sa défaveur. Il en va de même en Iran :
« Les lignes de force se déplacent. Désormais les modérés se taisent. Les journaux réformateurs publient en première page des photos de jeunes enfants palestiniens tués par les Israéliens. »

Sur le site de gauche « Antiwar.com » Helena Cobban, longtemps chroniqueuse au Christian Science Monitor, a passé en revue, le 10 janvier dernier, les campagnes menées par Israël depuis la guerre d’octobre 1973 : cinq au Liban (1978,1982,1993,1996 et 2006) et deux dans les territoires occupés (2002 en Cisjordanie et en ce moment à Gaza). Conclusion de Cobban : au total les résultats de ces opérations ont été exactement l’inverse de ce que souhaitaient les gouvernements israéliens qui les ont engagées. Au Liban le Hezbollah chiite pro-iranien est devenu la première force politique, sociale et militaire du pays. Et dans les territoires palestiniens occupés ou contrôlés par Israël, c’est le groupe relativement modéré du Président Abbas qui a été affaibli et les activistes du Hamas qui se sont trouvés renforcés.

Prenons par exemple l’attaque de la bande de Gaza, commencée fin décembre 2008, mais planifiée et préparée depuis plusieurs années déjà. Les effets négatifs qu’elle aurait sur les pays arabes de la région et plus largement dans de vastes pans du monde musulman étaient parfaitement prévisibles.

Sur ce plan, il est impossible de donner tort à Cobban. Mais faut-il réellement en tirer la conclusion que les gouvernements israéliens successifs ont depuis trente ans au moins- on pourrait au fond y ajouter les 30 années précédentes, remontant ainsi à la fondation de l’État d’Israël- s’en sont obstinément tenus, sans tirer la leçon des faits, à des comportements contraires aux intérêts et buts stratégiques de l’État sioniste et qui lui nuisent gravement ? Ou ne devrait-on pas plutôt envisager que ce qui semble de toute évidence contre-productif et absurde aux observateurs extérieurs constitue aux yeux des dirigeants israéliens en partie des dommages collatéraux inévitables et en partie un choix délibéré ? Cette analyse n’exclut bien sûr pas que certaines de ces entreprises militaires, par exemple la guerre au Liban à l’été 2006, n’aient pas pris le meilleur tour pour les sionistes et de surcroît aient considérablement nui aux politiques qui les ont décidées.

Prenons par exemple l’offensive menée contre Gaza depuis fin décembre 2008, mais préparée et planifiée depuis plusieurs années déjà. Les effets négatifs qu’elle produirait sur les pays arabes de la région et au-delà sur de vastes pans du monde islamique étaient parfaitement prévisibles, surtout compte tenu de l’expérience accumulée pendant des décennies. Que les massacres de Gaza aient en outre affaibli le régime plutôt docile de Mahmoud Abbas et que le Hamas sorte affermi de cette guerre, y compris peut-être sur les plan politique et moral n’est pas vraiment une surprise. On peut admettre sans risque d’erreur que les dirigeants israéliens, durant les mois où ils ont planifié l’opération, ont évalué et inclus dans leurs calculs tous ces facteurs et effets. Si l’on abandonne l’idée, que rien ne vient objectivement confirmer, selon laquelle Israël souhaite en finir avec l’état de guerre permanent avec les Palestiniens et intégrer un État sioniste pacifique dans la région, voir celui-ci persister dans des guerres en apparence contre-productives et une occupation en apparence autodestructrice n’a plus rien d’étonnant.

Reprise des livraisons civiles
Selon la version officielle israélienne le seul moyen de faire cesser les tirs de roquettes à partir de Gaza était la guerre. Les politiciens allemands, d’Angela Merkel (CDU) à Gregor Gysi (Die Linke) se rallient sans réfléchir à cette thèse. Face à un argumentaire qui falsifie la réalité, c’est James Carter, ex-président (1977-1981) des USA, qui a raison, lorsqu’il parle dans le Washington Post du 8 janvier dernier d’une «guerre inutile», qui aurait pu facilement être évitée. Carter sait de quoi il parle, puisqu’il a joué un rôle central dans les négociations qui ont conduit à la trêve conclue entre Israël et le Hamas le 19 juin 2008. Il s’est également personnellement impliqué en décembre dernier dans les efforts pour rétablir et sauver cette trêve.

Carter fait remarquer - ce que la plupart des politiciens allemands ignorent, à moins que cela ne les intéresse pas- que les accords comprenaient, au moins du point de vue du Hamas, la reprise complète des convois civils nécessaires à la survie à Gaza (nourriture, eau, médicaments, carburant). Complet, c’est à dire en quantité égale à ceux qui arrivaient à Gaza avant le retrait unilatéral des Israéliens de Gaza, soit environ 700 camions par jour. Or le gouvernement israélien n’en a laissé passer, selon Carter, que le tiers à peine, même après la conclusion des accords. En décembre 2008, alors que la trêve était déjà rompue, le Hamas se déclara prêt à la respecter à nouveau si les convois reprenaient normalement. Mais dans la situation d’alors le gouvernement israélien n’avait accordé que 15% du volume précédent, ce que le Hamas avait trouvé inacceptable et qui l’avait poussé à la rupture formelle de la trêve.
Les chiffres officiels fournis par le gouvernement israélien montrent qu’en dépit d’une forte réduction des convois qui revenait à affamer délibérément la population, le Hamas a respecté la trêve durant des mois. Selon les statistiques de l’Intelligence and Terrorism Information Center, que l’on pouvait consulter jusqu’au début des massacres à Gaza sur le site du Ministère israélien des Affaires étrangères, le nombre des tirs de roquettes a évolué comme suit : 257 en février 2008,149 en mai, 87 en juin (le cessez-le-feu a été conclu le 18 de ce mois) ; puis un seul en juillet, 8 en août, à nouveau un en septembre et deux en octobre. Pour tous les observateurs neutres, y compris l’ONU, il était clair que le tout petit nombre de tirs résiduels n’était en aucun cas imputable au Hamas et que ses forces de sécurité ne pouvaient pas, avec la meilleure volonté et les plus grands efforts, les empêcher à 100%.
De toute évidence mécontent de cette évolution qui menaçait de leur faire perdre un épouvantail permanent et très rentable au sein de l’opinion publique, le gouvernement israélien eut recours à une grossière provocation : le 4 novembre dernier, six membres du Hamas furent tués dans une attaque aérienne menée dans la zone frontalière. Le nombre des tirs de roquettes remonta en novembre à 126. Il faut toutefois constater que durant les six mois de trêve- dénoncée le 20 décembre par le Hamas- on n’eut à déplorer aucune victime israélienne.

5000 à 15
Au total les roquettes bien rudimentaires et tirées au jugé à partir de Gaza au cours des huit dernières années ont fait, comme l’écrit Juan Cole, un orientaliste usaméricain bien connu, 15 morts israéliens. Dans le même temps, toujours selon lui, l’armée israélienne a causé la mort de 5000 Palestiniens, dont 1000 enfants et jeunes.

La manière dont Israël a de fait rompu lui-même la trêve tout en faisant porter la responsabilité au Hamas rappelle le procédé déjà utilisé en juin 2006. Cette fois-là, la trêve avec le Hamas avait même duré SEIZE mois. Le gouvernement israélien livra alors deux actions militaires pour provoquer la rupture. Un bombardement de la plage de Gaza par des canonnières israéliennes fit sept morts, dont un couple avec trois jeunes enfants. Cet événement, que rien n’expliquait, provoqua le chagrin et la colère de la population.

Le même jour, trois membres du Comité de résistance populaire, dont son fondateur, Abou Jamal Samhadana, furent victimes d’un assassinat ciblé de l’aviation israélienne. Le Ministère de l’Intérieur palestinien, dirigé par le Hamas, avait quelques semaines auparavant nommé Samhadana chef d’une nouvelle force de police sous son contrôle. Le Président Abbas, qui cherchait à concentrer entre ses mains le contrôle de l’ensemble des forces de sécurité, avait vivement protesté contre cette nomination, la déclarant illégale. Du point de vue du Hamas, cet assassinat ciblé était une déclaration de guerre évidente à l’encontre de l’ensemble des membres et fonctionnaires de son gouvernement.

Pour mémoire : Lors des élections du 25 janvier 2006, le Hamas avait remporté la majorité des sièges au Parlement et en mars 2006, devant le refus du Fatah d’entrer dans une coalition, il avait formé un gouvernement. Fin juin 2006 on semblait être à la veille d’une vaste offensive militaire contre Gaza, après la dénonciation de la trêve par le Hamas en réponse aux provocations israéliennes et la reprise des tirs de roquettes sur les territoires israéliens limitrophes de Gaza. Après la capture du soldat Gilad Shalit, le 25 juin 2006, des hélicoptères de combat israéliens détruisirent l’unique centrale de Gaza, privant d’électricité la majorité de la population. De fortes unités militaires israéliennes marchèrent de plusieurs côtés sur Gaza, mais n’allèrent pas jusqu’au bout. Le Premier ministre Ehud Olmert annonça une vaste opération militaire de longue durée (« Pluie d’été ») destinée à détruire les « infrastructures terroristes » à Gaza. Mais Israël se concentra alors sur l’offensive lancée le 12 juillet 2006 contre le Hezbollah au Sud-Liban, après la capture par l’organisation chiite de deux soldats israéliens au cours d’un accrochage.

On s’attendait à une vaste offensive contre Gaza au moins depuis la victoire électorale du Hamas en janvier 2006. Quelques opposants israéliens avaient même prédit une action de ce type après l’évacuation des colonies israéliennes de Gaza et le retrait des troupes d’occupation, décidés en septembre 2005 par le gouvernement d’Ariel Sharon. Il était effectivement fondamental d’évacuer les colons avant de livrer une offensive militaire aussi brutale.

But de la manœuvre : tuer beaucoup de Palestiniens

L’offensive contre Gaza constitue, du point de vue des dirigeants israéliens, la suite logique de l’ « Operation Defensive Shield » commencée le 29 mars 2002 avec l’attaque de Ramallah et concentrée sur la Cisjordanie. Analogue à l’action actuelle contre Gaza, elle représentait la plus grosse opération militaire contre la Cisjordanie depuis l’occupation de ce territoire lors de la guerre des Six Jours en juin 1967. En trois semaines - en fait les actions israéliennes, ont duré beaucoup plus longtemps, des mois entiers - elle fit au moins 500 morts et 1500 blessés chez les Palestiniens. À Gaza l’on comptait, deux semaines et demie après le début de l’offensive, 900 morts et 4000 blessés.

Trait commun aux deux opérations : sous le prétexte démagogique de combattre le terrorisme on s’en prend essentiellement aux infrastructures civiles palestiniennes, visant à les détruire de manière ciblée, et en tuant au passage un maximum de gens qui y travaillent. On commence par de petits postes de police et on finit par les ministères et autres bâtiments gouvernementaux, en passant par toutes sortes d’infrastructures sociales. Ce sont au premier chef les institutions de l’administration palestinienne autonome, les germes d’un État indépendant, qu’on détruit systématiquement ; si nécessaire pas seulement une fois, mais après chaque reconstruction.

La raison en est simple : Israël ne veut ni ne peut admettre l’existence d’un État palestinien. Depuis que ce qui restait de la Palestine après la grande déportation de centaines de milliers de ses habitants au cours de la première guerre, en 1948-1949, a été occupé par l’armée israélienne, Israël a constamment pratiqué une politique systématique du fait accompli qui pouvait théoriquement permettre l’évacuation de Gaza, mais en aucun cas l’établissement d’un État palestinien viable en Cisjordanie. Et cela continue. Le temps travaille en faveur d’une annexion rampante par l’État sioniste des territoires occupés. Gagner du temps, par toutes petites bribes, tout en rendant la vie des Palestiniens dans les territoires occupés toujours plus insupportable et pour finir impossible est donc la base de la stratégie qu’ont mise en œuvre tous les gouvernements israéliens. Et parallèlement la responsabilité en est imputée aux Palestiniens si le « processus de paix » n’avance pas, en dépit de promesses inlassablement répétées et de projets toujours plus imaginatifs. Rien de plus important, dans cette optique, que des actions palestiniennes comme les tirs de roquettes, qui d’un côté n’infligent aucun véritable dommage à Israël, mais de l’autre permettent de mettre en accusation les Palestiniens, ou tout au moins des fractions incontournables d’entre eux.

Tout cela rend bien douteux qu’Israël veuille vraiment, comme beaucoup le prétendent, éradiquer à Gaza le Hamas et des groupes d’activistes de moindre importance. Les affaiblir, sans doute, - mais pas vraiment les éradiquer, s’en débarrasser. Car pour se maintenir à long terme l’État sioniste suppose nécessairement un environnement hostile qui maintient la fiction d’une menace pour son existence - une menace qui ne représente pas un réel danger, mais que la propagande peut présenter comme telle. La fiction d’un État d’Israël menacé dans son existence - et donc de l’exigence d’une protection permanente contre une réédition de l’Holocauste - est centrale pour la raison d’État israélienne. C’est le maintien de cette fiction qui seul permet à l’État sioniste de manipuler un grand nombre de Juifs de la diaspora, qui ne sont pas vraiment des sionistes et moins encore des sionistes conséquents et de les mobiliser en faveur de sa propre stratégie.

Bien sûr il y a un abîme entre les roquettes tirées au jugé depuis Gaza, dont 95% ne causent même pas de véritables dégâts matériels, et la mise en scène dramatique de la menace qui planerait sur l’existence d’Israël. Mais il est sans doute bien clair pour tous ceux qui participent au processus que la mobilisation à l’échelle planétaire de témoignages de solidarité non seulement avec Israël en général, mais aussi avec ses forces combattantes et leurs actes d’héroïsme en particulier, est aussi une sorte de répétition générale pour l’orchestration d’une générale pour l’orchestration d’une confrontation imminente avec l’Iran.

L'invasion de Gaza : l' «Opération plomb jeté» n’est qu’une étape dans l’échéancier militaire élaboré par les services secrets israéliens

Par Michel Chossudovsky, Global Research, 4/1/2009. Traduit par Isabelle Rousselot et révisé par Fausto Giudice, Tlaxacala.
Les bombardements aériens et l'offensive terrestre en cours à Gaza des forces militaires israéliennes doivent être analysés dans un contexte historique. L'opération «Plomb jeté» est une entreprise soigneusement planifiée, qui fait partie d'un vaste échéancier des services de renseignements israéliens qui a été formulé pour la première fois par le gouvernement du Premier Ministre Ariel Sharon, en 2001 :

"Des sources de la Défense ont déclaré que le ministre de la Défense Ehoud Barak a demandé aux Forces Israéliennes de défense de se préparer pour cette opération il y a plus de six mois, bien qu’Israël ait commencé à négocier un accord de cessez-le-feu avec le Hamas". (Barak Ravid,
Operation "Cast Lead" : Israeli Air Force strike followed months of planning, Haaretz, 27 décembre 2008)

C'est Israël qui a rompu la trêve le 4 novembre 2008, jour de l’élection présidentielle US :

« Israël a utilisé cette diversion pour rompre le cessez-le-feu avec le Hamas, en bombardant la bande de Gaza. Israël prétend que cette violation du cessez-le-feu visait à empêcher le Hamas de creuser des tunnels vers le territoire israélien.

Le jour suivant, Israël déclenchait un siège de terreur sur Gaza, coupant l’approvisionnement en vivres, en carburant, en médicaments et autres produits de première, dans une tentative de « soumettre » les Palestiniens tout en se livrant, au même moment, à des incursions armées.

En réponse, le Hamas et d'autres à Gaza recoururent à nouveau à des tirs de roquettes rudimentaires, artisanales et souvent imprécises, sur Israël. Durant les sept dernières années, ces roquettes ont causé la mort de 17 Israéliens. Pendant la même période, les attaques des guerres-éclair israéliennes ont tué des milliers de Palestiniens, provoquant des protestations au niveau mondial mais face auxquelles les Nations Unies sont restées sourdes. » (Shamus Cooke, The Massacre in Palestine and the Threat of a Wider War/Le massacre en Palestine et la menace d'une guerre plus vaste, Global Research, Décembre 2008).


Un désastre humanitaire planifié

Le 8 décembre 2008, le Secrétaire d'État adjoint Usaméricain, John Negroponte, se trouvait à Tel Aviv pour des discussions avec ses homologues israéliens y compris le directeur du Mossad, Meir Dagan.

L' «opération plomb jeté» a commencé deux jours après Noël. Elle était couplée avec une campagne soigneusement conçue de relations publiques internationales sous les auspices du Ministre des Affaires Étrangères d'Israël.

Les cibles militaires du Hamas ne sont pas les objectifs principaux de l'opération. L'opération « plomb jeté » est destinée, de façon tout à fait délibérée, à causer des victimes civiles.
Nous avons affaire à un «désastre humanitaire planifié» à Gaza, dans une zone urbaine très peuplée. (voir la carte ci-dessous).



L'objectif à long terme de ce programme, comme l'ont formulé les responsables israéliens est l'expulsion des Palestiniens des terres palestiniennes :

« Terroriser la population civile, assurer une destruction maximale de leurs biens et des ressources culturelles... La vie quotidienne des Palestiniens doit être rendue insupportable : ils doivent être enfermés dans les villes, empêchés d'exercer une vie économique normale, coupés de leurs lieux de travail, des écoles et des hôpitaux, ce qui favorisera l'émigration et affaiblira la résistance contre les futures expulsions » Ur Shlonsky, cité par Ghali Hassan, Gaza : The World's Largest Prison/ Gaza : la plus grande prison du monde, Global Research, 2005).


«L'Opération Vengeance justifiée»

Un tournant a été franchi. L'opération «plomb jeté» fait partie d'une vaste opération des renseignements militaires, initiée au départ par le gouvernement d'Ariel Sharon, en 2001. C'est pendant l' «Opération Vengeance justifiée» de Sharon que des avions de combat F-16 furent initialement utilisés pour bombarder des villes palestiniennes. L' «opération Vengeance justifiée » fut présentée en juillet 2001 au gouvernement israélien d'Ariel Sharon par Shaul Mofaz, alors chef d'état-major des Forces de défense israélienne, sous le nom «Destruction de l'Autorité Palestinienne et désarmement de toutes les forces armées».

« Un plan de réserve, au nom de code Opération Vengeance Justifiée» a été établi en juin dernier (2001) afin de réoccuper toute la Cisjordanie et éventuellement la bande de Gaza au prix éventuel de «centaines » de victimes israéliennes.» (Washington Times, 19 mars 2002).

Selon le Jane's Foreign Report (numéro du 12 juillet 2001), l'armée israélienne sous le gouvernement Sharon a réactualisé ses plans en vue d'un « assaut total pour détruire l'Autorité palestinienne , éliminer son dirigeant Yasser Arafat et tuer ou neutraliser son armée».


«Justification du bain de sang»

La « justification du bain de sang » était une composante essentielle de l’échéancier opérationnel militaire et de renseignements. La mort de civils palestiniens était justifiée par des «motifs humanitaires». Les opérations militaires israéliennes étaient soigneusement calculées pour coïncider avec les attaques suicides :

« L'assaut serait donné, à la discrétion du gouvernement, à la suite d'un attentat-suicide de grande ampleur en Israël, causant de nombreux morts et blessés, ce bain de sang constituant une justification. » (Tanya Reinhart, Le Déchaînement du Mal, Global Research, December 2001, emphasis added).

Le plan Dagan

L' «Opération Vengeance Justifiée» désignait également le «Plan Dagan», qui porte le nom de son auteur, le Général [ER] Meir Dagan, qui dirige actuellement le Mossad, le service de renseignements israélien. Le général de réserve Meir Dagan était le conseiller pour la sécurité de Sharon pendant sa campagne électorale en 2000. Il semble que le plan ait été élaboré avant l'élection de Sharon comme Premier Ministre, en février 2001. « Selon l'article d'Alex Fishman dans le quotidien israélien Yediot Aharonot, le Plan Dagan consistait à détruire l'Autorité palestinienne et à mettre Yasser Arafat « hors jeu ». (Ellis Shulman, «Operation Justified Vengeance» : a Secret Plan to Destroy the Palestinian Authority, mars 2001) :

« Comme signalé dans le Foreign Report (Jane's) et révélé localement par le quotidien Maariv, le plan d'invasion d'Israël – d'après certaines informations, surnommé Vengeance justifiée – serait lancé immédiatement après le prochain attentat-suicide causant de nombreuses victimes, durerait environ un mois et aurait pour résultat la mort de centaines d'Israéliens et de milliers de Palestiniens. (ibid, surlignement ajouté).

Le «Plan Dagan» prévoyait la soi-disant «cantonisation» des territoires palestiniens par laquelle la Cisjordanie et Gaza seraient complètement coupées l'une de l'autre, avec des « gouvernements » séparés dans chacun des territoires. C'est selon ce scénario, prévu depuis 2001, qu'Israël aurait :

« négocié séparément avec les forces palestiniennes dominantes dans chaque territoire – les forces palestiniennes responsables de la sécurité, des renseignements et même pour le Tanzim (Fatah). « Le plan ressemble donc beaucoup à l'idée de « cantonisation » des territoires palestiniens, émise par certains ministres. » Sylvain Cypel, The infamous Dagan Plan Sharon's plan for getting rid of Arafat – Le Monde, 17 décembre 2001.


De gauche à droite : Dagan, Sharon, Halevy


Le Plan Dagan a établi une continuité dans l’échéancier opérationnel. A la veille des élections de 2000, Meir Dagan fut affecté à un rôle important. « Il devint «l'intermédiaire» de Sharon, en ce qui concerne les problèmes de sécurité, avec les envoyés spéciaux du Président Bush, Zinni et Mitchell ». Il fut par la suite nommé directeur du Mossad par le Premier ministre Ariel Sharon, en août 2002. Après la période Sharon, il demeura à la tête du Mossad. Il fut reconduit dans sa position de Directeur des renseignements israéliens par le Premier ministre Ehoud Olmert, en juin 2008.
Meir Dagan, en coordination avec ses homologues Usaméricains, a eu en charge plusieurs opérations de renseignements militaires. Il est intéressant de noter que Meir Dagan, en tant que jeune colonel, a travaillé étroitement avec le Ministre de la défense, Ariel Sharon, lors des attaques sur les camps palestiniens à Beyrouth en 1982. L'invasion terrestre de 2009, à bien des égards, ressemble à l'opération militaire de 1982, conduite par Sharon et Dagan.


La continuité de Sharon à Olmert

Il est important de se concentrer sur un certain nombre d'événements clefs qui ont conduit aux massacres à Gaza lors de l' «Opération plomb jeté» :

1. L'assassinat de Yasser Arafat en novembre 2004
Cet assassinat était prévu depuis 1996 avec l'opération connue sous le nom de code « Champs d'épines ». Selon un document datant d'octobre 2000 « élaboré par les services de sécurité, à la demande d' Ehoud Barak, alors Premier Ministre, qui affirmait que « la personne d'Arafat constitue une grave menace pour la sécurité de l'État (d'Israël) et le préjudice que causera sa disparition est moindre que celui causé par son existence ». (Tanya Reinhart, Le Déchaînement du Mal, Global Research, décembre 2001. Des extraits de ce document ont été publiés par le quotidien Ma'ariv en date du 6 juillet 2001).

L'assassinat d'Arafat fut ordonné en 2003 par le cabinet israélien. Il fut approuvé par les USA qui opposèrent leur veto à la résolution de sécurité des Nations Unies condamnant la décision de 2003 du cabinet israélien. Réagissant aux attaques palestiniennes en augmentation, en août 2003, Shaul Mofaz, le Ministre de la Défense israélienne déclara "la guerre totale" aux militants qu'il jura de "détruire".

« A la mi-septembre, le gouvernement israélien émit une loi pour se débarrasser d'Arafat. Le cabinet israélien pour les affaires de politique sécuritaire déclara qu’il s’agissait d’une « décision d'éliminer Arafat en tant qu’ obstacle à la paix. » Mofaz menaça : « Nous choisirons la meilleure façon et le meilleur moment pour tuer Arafat. » Le Ministre palestinien, Saeb Erekat déclara sur CNN qu'il pensait qu'Arafat était la prochaine cible. CNN demanda au porte-parole de Sharon, Ra'anan Gissan si le vote signifiait l'expulsion d'Arafat. Gissan précisa « le vote ne signifie pas cela ». Le Cabinet a décidé aujourd'hui de supprimer cet obstacle. Le moment, la méthode, la manière dont cela se déroulera seront décidés séparément et les services de sécurité surveilleront la situation et donneront leurs recommandations pour agir de façon appropriée. » (voir l'article de Trish Shuh, Road Map for a Decease Plan,
http://www.mehrnews.com/, du 9 novembre 2005.

L'assassinat d'Arafat faisait partie du Plan Dagan de 2001. Selon toute probabilité, il a été mené par les services secrets israéliens. Il était destiné à détruire l'Autorité Palestinienne, à alimenter les divisions au sein du Fatah ainsi qu'entre le Fatah et le Hamas. Mahmoud Abbas est un quisling palestinien. Il a été installé à la tête du Fatah, avec l'approbation d'Israël et des USA, qui financent les forces paramilitaires et de sécurité de l'Autorité palestinienne.

2. Le retrait de toutes les colonies israéliennes de la bande de Gaza, sous les ordres du Premier ministre Ariel Sharon en 2005. Plus de 7000 colons juifs furent délocalisés.

« Mon intention (Sharon) est de mener une évacuation – pardon, une relocalisation – des colonies, sources de problèmes et des lieux qui ne seront de toutes façons, pas retenus dans les accords définitifs, comme les colonies de Gaza... Je pars du principe que dans l'avenir, n'y aura plus de Juifs à Gaza, » a déclaré Sharon (CBC, mars 2004).

La question des colonies à Gaza a été présentée dans le cadre de la « feuille de route pour la paix » de Washington. Célébrée par les Palestiniens comme une « victoire », cette mesure n'était pas dirigée contre les colons juifs. Bien au contraire : cette mesure faisait partie d'une opération secrète globale, qui consistait à transformer Gaza en un camp de concentration. Tant que les colons juifs vivaient à l'intérieur de Gaza, l'objectif de maintenir un vaste territoire prison entièrement verrouillé ne pouvait pas être achevé. La mise en application de «l'opération plomb jeté» nécessitait qu'il n'y ait plus de Juifs à Gaza ».


3. La construction de l'infâme mur de l'apartheid a été décidée dès le début du gouvernement Sharon (voir la carte ci-dessous)



4. La prochaine étape était la victoire électorale du Hamas en janvier 2006. Sans Arafat, les chefs des renseignements militaires israéliens savaient que le Fatah sous Mahmoud Abbas perdrait les élections. Tout ceci faisait partie du scénario qui avait été envisagé et élaboré de longue date.

Avec le Hamas à la tête de l'Autorité Palestinienne, se servant du prétexte que le Hamas est une organisation terroriste, Israël pourrait mener son projet de « cantonisation » énoncé dans le Plan Dagan. Le Fatah sous Mahmoud Abbas demeurerait officiellement responsable en Cisjordanie. Le gouvernement du Hamas, dûment élu, serait confiné dans la bande de Gaza.


L'offensive terrestre sur Gaza
Le 3 janvier 2009, les chars et l'infanterie israéliens sont entrés dans Gaza pour une offensive totale sur le terrain :

« L'opération terrestre a été précédée de quelques heures par des tirs d'artillerie lourde à la tombée de la nuit, faisant exploser les cibles et embrasant le ciel. Des fusils mitrailleurs ont crépité tandis que des balles traçantes brillaient et lançaient des éclairs à travers l'obscurité et que l’explosion de centaines d'obus émettait des trainées de feu. (AP, 3 janvier 2009).

Des sources israéliennes ont indiqué qu'ils s'engageaient dans une opération militaire de longue durée. «Ce ne sera pas facile et ce ne sera pas bref », a indiqué le ministre de la Défense, Ehoud Barak, lors d'une allocution télévisée.

Israël ne cherche pas à forcer le Hamas «à coopérer». Nous avons affaire ici à une mise en application du «Plan Dagan» comme il a été formulé à l'origine en 2001 et qui appelait à :

« une invasion du territoire contrôlé par les Palestiniens par environ 30 000 soldats israéliens, avec la mission clairement définie de détruire l'infrastructure des dirigeants palestiniens, de récupérer l'arsenal actuellement en possession des différentes forces palestiniennes et d'expulser ou de tuer ses dirigeants militaires. (Ellis Shulman, op cit, surlignement ajouté).

La question plus étendue est de savoir si Israël, en concertation avec Washington, a l'intention de déclencher une guerre plus vaste.

Des expulsions de masse pourraient se produire ultérieurement lors de l'invasion terrestre, si les Israéliens ouvraient les frontières pour permettre un exode de la population. Ariel Sharon désignait l'expulsion comme « une solution dans le style de 1948 ». Pour Sharon, « il est indispensable de trouver un autre État pour les Palestiniens. « La Palestine, c’est la Jordanie», était la phrase forgée par Sharon. » (Tanya Reinhart, déjà citée).