lundi 23 mars 2009

Avec Israël, jamais il n’y aura de paix- Interview avec Khaled Meshaal, leader du Hamas en exil

par Gianni PERRELLI, L'Espresso, 26/2/2009. Traduit par Esteban G., révisé par Fausto Giudice, Tlaxcala


EXCLUSIF: Le leader du Hamas en exil s’exprime. Il annonce un conflit imminent, et cela parce que Tel Aviv, dit-il, n’est pas intéressé à écouter les raisons des Palestiniens. Et des USA, ne sont venus que des mots. Entretien avec Khaled Meshaal à Damas publié dans l’hebdomadaire italien L’Expresso.


Au nom de Dieu, clément et miséricordieux, j’aimerai poser la première question. Est-il possible qu’après la guerre de Gaza et notre résistance héroïque, Israël puisse continuer à ne pas comprendre que le processus de paix ne peut se passer du Hamas… ? Khaled Meshaal, leader du Hamas, exilé depuis plus de 40 ans, lance cette question avec un air de défi. En dépit des pertes importantes (la mort de 1400 Palestiniens), il revendique la victoire pour avoir amené les Israéliens à décider de retirer leurs troupes. Mais à court terme il ne se fait pas d’illusions. Avec Benjamin Netanyahou aux portes du nouveau gouvernement, in ne s’attend qu’à plus d’hostilités de la part d’Israël. Et ne nourrissant aucune expectative quant aux premiers pas de Barack Obama, il annonce la volonté de poursuivre sur le chemin de la force, « le seul langage que craint Israël et qui peut donner des résultats ».

Cette interview exclusive de l’Expresso, obtenue après des négociations compliquées entre Beyrouth et la capitale syrienne, est la première que Meshaal concède à la presse écrite après la guerre. Nous nous sommes réunis avec lui dans un endroit archi-blindé de la banlieue de Damas, ou on nous a conduit dans une voiture aux vitres teintées. Devant le portail, des militants armés avec des kalashnikov. Des mesures de sécurité imposées par le nombre important de dirigeants du mouvement éliminés par Israël (45). Le chef, en costume gris et sans cravate, se montre très cordial et relax. Il conserve tout le temps le flegme, dans une conversation qu’il entame en parlant de Netanyahou, qui a été chargé de former le nouveau gouvernement, le même chef de gouvernement qui avait envoyé des gens du Mossad à Amman en 1997 pour l’empoisonner. "C’est Netanyahou qui avait commandité mon assassinat manqué, mais il est surtout responsable, comme le reste des chefs de gouvernement israéliens, d’avoir attenté à la vie de tout le peuple palestinien. Entre les positions du Likoud, de Kadima et des tracaillistes, il n’y a que des nuances, pas de différences de fond. Depuis 60 ans il n’y a pas eu un seul gouvernement israélien qui n’ait pas commis de crime contre nous. Il est préférable d’affronter un leadership conservateur, qui poursuit clairement son but, que l’hypocrisie des travaillistes, qui feignent de s’engager dans le processus de paix mais qui sont ceux qui, lorsqu’ils gouvernaient, ont construit la majorité des colonies en Cisjordanie."

Mais si le Hamas n’ouvre pas le dialogue avec Netanyahou, n’allons-nous pas vers une autre guerre?


Nous ne sommes pas préoccupés par une nouvelle guerre. Jamais notre peuple ne sera vaincu et jamais il ne se rendra. Le défi nous donne des forces, car eux ont peur de mourir, pas nous. La paix ne sera possible que lorsqu’il y aura une volonté internationale qui fera pression en faveur de nos droits. L’objectif reste toujours la création d’un État palestinien avec Jérusalem-Est comme capitale, le retour des Israéliens aux frontières antérieures à la guerre de 67 et le droit au retour des réfugiés. Nous ne pouvons pas accepter moins que cela. Est-ce qu’il y a eu un seul gouvernement d’Israël qui ait considéré comme juste de prendre en considération nos aspirations ? Ils disent toujours non à tout et font semblant d’être intéressés à une solution. Alors, que reste-il à négocier ?


L’État hébreu se confronte avec ANP et le Fatah. Comment le Hamas peut-il espérer qu’il y ait de la compréhension s’il continue à lancer des roquettes sur Israël ?


C’est une bonne question qui me donne l’opportunité d’éclaircir pour quelle raison la trêve de six mois n’a pas été prolongée après être arrivée à échéance en décembre. Israël s’était engagé à mettre fin au siège et à ouvrir les passages aux frontières. Il n’a respecté aucun de ces engagements. Ils veulent nous asphyxier, nous reléguer dans un « bantoustan ». Comment peut-on parler de trêve lorsque l’on se trouve en état de siège ? Pour garantir sa sécurité, Israël s’obstine dans l’erreur de parier sur la défaite militaire de notre peuple. J’ai étudié la physique et je suis convaincu que la Loi de Newton peut être appliquée également aux relations politiques : à chaque action correspond une réaction égale et contraire. Lorsque l’agression s’arrêtera, notre résistance s’arrêtera aussi. Mais si portes restent toujours fermées, la seule issue, et j’insiste, c’est la lutte.


Ce qui vous laisse isolés.


Le monde devra bien finir un jour par ouvrir les yeux. La communauté internationale ne voit toujours que nos roquettes en ignorant leurs F-16 et leurs bombes au phosphore. Israël profite de l’appui a priori des Usaméricains, du peu de crédibilité accordé à l’ONU, fragilisée par les pressions de Washington, et de la nébulosité totale de l’Europe, qui e montre inerte ou timide. Comment est-il possible qu’autant de leaders européens restent impassibles alors que las valeurs de bases de la démocratie - liberté, droits humains- sont piétinées? Comment est-il possible qu’ils ne se rendent pas compte qu’avec une force populaire comme le Hamas on ne peut pas ne pas négocier ?


Mais avec Obama le tableau est en train de changer.


Nous l’espérons tous. Mais il faut un changement substantiel. Obama parle avec un langage nouveau, mais je ne sais pas si cela suffira. C’est une politique nouvelle qui est nécessaire.


Si vous pouviez rencontrer Obama, que lui diriez-vous?


Le rencontrer ? Mais il ne m’a même pas rayé de la liste des terroristes ! Mais il est certain que s’il ne traite pas avec le Hamas, Obama n’ira pas loin non plus. De toute façon, je l’inviterais à considérer la possibilité d’une volte-face. On ne peut pas s’aligner sur Israël en ignorant les droits des autres peuples. Ce changement d’approche ne serait pas seulement bénéfique pour la Palestine, mais pour tout le Moyen-Orient et même pour les USA, qui sont parties prenante au conflit et, si la perspective de paix s’évanouit, ils seront les premiers à y perdre. Malheureusement, les premiers signes ne sont pas très encourageants. Le sénateur John Kerry, en visite à Gaza, a été choqué par la destruction, mais il a insisté sur le droit d’Israël à se défendre.


Comment le nier? Israël paye depuis de très nombreuses années un énorme tribut de sang innocent. D’abord avec les attentats suicides, maintenant avec le tir des roquettes, même si au cours de la dernière guerre il y a eu une énorme disproportion entre vos pertes et les leurs.


Nous ne sommes pas les sanguinaires qu’ils dépeignent. Nous ne voulons pas de victimes innocentes, ni des leurs ni des nôtres. Mais la question palestinienne s’est transformée en une grave pathologie. Et celui qui tente de diagnostiquer les causes avec honnêteté, n’aura d’autre solution que de reconnaître que l’occupation est le premier facteur. Nous, la seule chose que nous pouvons faire, c’est réagir.


La communauté internationale prêterait plus d’attention à vos revendications si vous reconnaissiez Israël.


Après la barbarie de la récente guerre, croyez-vous que ce soit le bon moment ? Israël jouit de trop de reconnaissances. Celui qui doit être reconnu est le peuple palestinien.


Il y en a qui disent qu’après la guerre de Gaza, une partie des gens tournent le dos au Hamas.


Je peux vous assurer que notre popularité à significativement augmenté à Gaza, en Cisjordanie et dans tout le monde arabe. Nous ne nous sentons pas isolés. Et nous ne sommes pas non plus enfermés dans un ghetto. Les USA nous ont étiquetés créatures de l’Iran ou de la Syrie. Nous connaissons bien ces instruments pour nous dénigrer. Mais nous considérons que les USA ne sont pas un juge impartial. Nous laissons les portes grandes ouvertes à celui qui veut nous aider. Et nous demandons à nos opposants qu’ils nous disent avec qui ils ont l’intention de négocier la paix, puisqu’ils ne veulent pas légitimer le Hamas, qui est parvenu au pouvoir grâce à des élections démocratiques.


Dans les territoires, il y en a qui vous reprochent d’avoir perdu le contact avec la Palestine. Le groupe qui dirige le Hamas serait depuis trop longtemps en exil.


Oui, il y en a qui l’insinuent. Mais ce n’est rien d’autre qu’une spéculation. Nous sommes tous les fils de la Palestine. Moi, je ne peux retourner à cause de l’occupation. Et à mon image, tous les dirigeants de l’OLP ont du vivre beaucoup d’années en exil, pas par choix, mais parce qu’ils y étaient contraints e forcés.


À Gaza il y a toujours l’incertitude. Olmert subordonne la trêve à la libération du soldat Shalit.


La requête avait déjà irrité les médiateurs égyptiens et elle a été catégoriquement rejetée. Olmert est un hypocrite. C’est seulement maintenant qu’il se souvient de son soldat. Nous n’acceptons pas de chantages. Nous sommes en faveur de la libération, mais seulement en échange avec des prisonniers palestiniens, qui sont au nombre de 12.000, y compris des enfants, des vieux et des malades.


Si Marwan Barghouti était libéré, l’objectif de la réconciliation serait-il plus facile à atteindre ?


Nous espérons qu’ils le libèrent. Mais personne ne peut résumer à soi tout seul toute une cause.


Aussi à l’intérieur de la galaxie palestinienne il y a besoin de détente. Est-il possible que le Hamas et le Fatah plus modéré puissent de nouveau s’entendre ?


Les divergences peuvent être dépassées, à condition que quelques règles soient respectées. Il est nécessaire que les frères du Fatah respectent les résultats des urnes. Et puis consolider les bases de la démocratie à l’intérieur de l’Autorité Palestinienne. Le principe indéfectible à suivre est que tous nous défendions en premier lieu les intérêts des Palestiniens. Il faut établir que nos forces de l’ordre soient au service de la sécurité de la Palestine et non – comme c’est le cas sous la houlette du général usaméricain Keith Dayton – de celle d’Israël.


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