mercredi 30 septembre 2009

Le dernier Dadis Show à Conakry : 157 morts

par Ayman El Kayman, Coups de dent, 29/9/2009




Cette photo, prise à Conakry le 28 septembre 2009, nous dit à peu près tout sur le rapport Nord-Sud. les 4 policiers qui arrêtent un manifestant sont vêtus de bric et de broc. L'un d'eux porte une salopette bleue défraîchie avec l'inscription POLIZEI, c'est-à-dire police en allemand. Sans doute un signe de la "générosité" de l'Europe riche, qui est prête à tout pour pouvoir continuer à s'approvisionner à vil prix en bauxite de Guinée. La Guinée de Sékou Touré avait reçu un don fraternel de brise-glaces de l'Union soviétique. La Guinée post-moderne ne reçoit que ce qu'elle mérite.




Même diversité d'accoutrements des "forces de l'ordre" dans cette autre scène du lundi 28 septembre.


Au moins 157 morts par balles, un millier de blessés, des femmes violées : Conakry, capitale de la Guinée a connu le 28 septembre un lundi noir. Plusieurs dizaines de milliers de manifestants s’étaient rassemblés dans le plus grand stade de Conakry pour dire leur opposition à l'éventuelle candidature du chef de la junte, le capitaine Moussa Dadis Camara, à l’élection présidentielle prévue en janvier 2010. Le capitaine Moussa Dadis Camara a pris le pouvoir en janvier, suite à la mort du président-dictateur Lansana Conté. Depuis, Captain Dadis défraie la chronique avec ses prestations ubuesques. Je vous en présente quelques-unes, qui circulent dans toute l’Afrique sous le nom de « Dadis Show ». Elles se passent de commentaire.

Tout d’abord, une interview surréaliste de Captain Dadis par RFI suite au massacre de Conakry.


Dadis attend toujour le peuple
envoyé par pedn. - L'info video en direct.



Best Off des Dadis Shows

« Je suis beaucoup gêné avec les civils »



Captain Dadis humilie l'ambassadeur de Russie


"Nous sommes des révolutionnaires progressistes": Monologue du Captain

Et le meilleur pour la fin !


Conakry, mercredi 10 juin 2009 : Captain Dadis interrompt au cours d’une rencontre publique l’ambassadeur d’Allemagne, Karl Prinz, qui avait eu le malheur de faire part des doutes de l’Union européenne sur la « démocratie » guinéenne, et lui fait la leçon, dans un mélange de français et d’allemand (qu’il a appris au cours de ses stages de parachutiste). Une scène d’anthologie.




Bonne semaine, quand même !
Que la Force de l’esprit soit avec vous !
...et à mardi prochain !

lundi 28 septembre 2009

Référendum sur le Traité européen en Irlande : « L’UE est une forme moderne du colonialisme »

Des Dalton, adversaire irlandais du Traité de Lisbonne, explique pourquoi il fait campagne pour un deuxième NON le 2 Octobre
par Florian NIEDERNDORFER, derStandard.at, 21/9/2009. Traduit par Michèle Mialane. Édité par Fausto Giudice, Tlaxcala

Original : "Die EU ist eine moderne Form des Kolonialismus"
Alors que les sondages indiquent que les Irlandais se préparent à voter oui au Traité de Lisbonne, le Mouvement pour le NON appelle à bloquer une seconde fois par voie référendaire le processus de réforme de l’UE. Des Dalton, vice-président du parti irlandais Republican Sinn Fein explique dans une interview accordée au standard.at pourquoi il résiste à la pression en faveur du OUI.


Artikelbild
Des Dalton est depuis sa dix-huitième année membre du Republican Sinn Fein (Sinn Fein républicain, RSF), une scission du Sinn Fein. Le RSF se définit comme «le véritable représentant du républicanisme irlandais » et exige un État irlandais socialiste et fédéral. Officiellement, le RSF a toujours nié les liens qu’on lui prête avec le CIRA (Continuity Irish Republican Army), groupe paramilitaire dissident de l’IRA.



derstandard.at : Au plan économique, il n’est guère de pays qui ait autant profité de l’UE que l’Irlande. Comprenez-vous les gens qui veulent exclure votre pays de l’UE s’il retarde encore la réforme européenne ?



Des Dalton : La campagne en faveur du OUI tente de faire passer le référendum sur le Traité de Lisbonne pour une suite logique de l’appartenance à l’UE, ce qui n’est bien sûr pas le cas, puisque les traités en vigueur restent valables quoi qu’il arrive. Mais surtout il faut mettre en balance avec les subventions reçues par l’Irlande le coût de son entrée dans l’Union, par exemple la mort de la pêche irlandaise et les retombées sur l’agriculture. Depuis l’entrée dans l’Union en 1973 des milliers de paysans ont perdu leur terre. Si l’on parle des retombées positives, il ne faut pas oublier les conséquences négatives



derstandard.at : Mais pensez-vous que l’Irlande doive quitter l’UE, si elle vote NON une seconde fois ?



Des Dalton : Selon le Republican Sinn Fein, l’Irlande n’aurait jamais dû entrer dans l’UE. Pas seulement à cause de la situation en Irlande même, mais surtout à cause de la structure profondément antidémocratique de l’UE. Nous sommes pour un commerce et une coopération entre nations libres, mais sous forme d’une collaboration et non d’une union politique. Et si l’Irlande dit NON une deuxième fois, cela ne la marginalisera pas. Tant il est vrai que la Tchéquie et la Pologne doivent encore ratifier le Traité, et le Parlement allemand aussi donner son accord. Un NON irlandais ouvrirait la voie à des scénarios entièrement neufs.



derstandard.at : Selon un sondage du Sunday Business Post, 62% des Irlandais pensent voter OUI. Tous ceux-là sont aveuglés ?



Des Dalton : Ce que je peux dire pour le moment, c’est que le Traité est un document identique à 90 ou 95% à celui qui a été rejeté par les Français, les Néerlandais et les Irlandais. Si le Traité de Lisbonne est rejeté maintenant pour la quatrième fois, les Européens verraient qu’on ne veut pas d’un super-État européen. Ce qu’il faudra alors est un changement radical dans la manière de penser l’Europe à l’avenir.



derstandard.at : Vous avez ébauché une image du super-État européen. Dans le contexte d’une Irlande divisée, qu’a de si horrible une Europe sans frontières ?



Des Dalton : Cette question ramène aussi à celle d’une démocratie qui fonctionne et à la manière dont elle doit fonctionner. Non seulement l’histoire irlandaise, mais toute l’histoire européenne nous enseigne que la démocratie fonctionne d’autant mieux qu’elle est plus proche de sa base. Des décisions qui concernent directement les gens devraient être prises par des personnes ou des structures très proches des gens concernés et sur qui on peut compter. L’histoire irlandaise a été sanglante et largement déterminée par l’oppression et la domination étrangère. Je ne vois pas l’intérêt d’ôter le contrôle sur l’Irlande à Westminster [Parlement du Royaume-Uni à Londres, NdT] pour le remettre à Bruxelles. Nous considérons l’UE comme une forme moderne du colonialisme, profondément antidémocratique et qui ne sert que les intérêts des États les plus grands. C’est vouloir résoudre la quadrature du cercle que de vouloir à la fois faire entrer de force 500 millions de gens issus de nations différentes, avec des cultures et des langues différentes dans un super-État et prétendre œuvrer pour la démocratie. Nombre de défenseurs du OUI sont assez honnêtes pour l’avouer aussi.



derstandard.at : Vous voulez régionaliser la prise de décision dans l’UE. Comment cela pourra-t-il fonctionner pour des questions comme la protection du climat ou la crise économique actuelle, qui est mondiale ?



Des Dalton : Nous n’excluons pas la collaboration internationale. Elle a toujours existé et existera toujours. M alheureusement, au cours des siècles, elle n’a pas toujours servi les intérêts des populations. Il est évident qu’il faut aborder la protection du climat au niveau mondial, mais pourquoi les gouvernements ne pourraient-ils pas collaborer sans passer de manière antidémocratique par-dessus la tête de leurs administrés ?



derstandard.at : Dans votre discours à Vienne vous avez traité l’UE de « projet impérialiste ». Croyez-vous que les Slovaques ou les Roumains soient vraiment de votre avis ?



Des Dalton : Il faut avoir une vision à long terme , et voir notamment à quel prix les pays d’Europe de l’ Est profitent aujourd’hui de l’Union. En outre, nombre d’aspects de la crise actuelle sont le résultat du laissez-faire de l’Union européenne. Les Européens de l’Est doivent se demander quel prix ils paieront pour l’abandon de leur contrôle sur leur démocratie, leur économie et leur place dans le monde. Toutes les fois où la base a été interrogée sur l’UE, elle a dit NON.

samedi 26 septembre 2009

Wählt ungültig! Warum und wie? Élections allemandes : voter nul ! Pourquoi et comment ?

par Jutta DITFURTH, 24/9/2009. Traduit par Michèle Mialane, édité par Fausto Giudice, Tlaxcala
Original :
Wählt ungültig! Warum und wie?
Sur l’auteure

I POURQUOI voter nul ?

Dimanche nous aurons des élections, mais pas le choix. L’offre en matière de partis n’en comporte pas un seul qui pourrait au moins contribuer à rendre notre société plus humaine et la vie des gens vraiment un peu plus facile. Et encore moins un parti qui œuvrerait sérieusement à abroger le capitalisme ou du moins qui soutiendrait ce projet. L’offre consiste en un bloc de partis bourgeois : CDU/CSU, FDP, SPD,Verts et un parti qui s’autoproclame de Ggauche, mais ne souhaite rien tant que d’entrer dans ce bloc.

Non, le capitalisme n’est pas en crise, il est LA crise de milliards de gens. Il assassine et asservit. Il détruit la nature dont nous autres humains avons besoin pour mener une vie saine. Les calottes polaires fondent, la toundra se transforme en usine à poisons, le climat chavire, les mers indéfiniment surpêchées pourrissent sous les déversements toxiques, le réchauffement et l’avalanche des déchets, une ceinture de déserts enserre la terre. Un nombre inimaginable d’êtres humains ont faim, tombent malades, dépérissent et meurent. Même dans les centres capitalistes les ghettos s’étendent.

Lorsque, début 2009, des travailleur-se-s intérimaires furent viré-e-s par centaines de milliers, les syndicats ne lancèrent ni actions de solidarité ni grèves sauvages. Après les élections il y aura de nouveaux chômeurs par millions - quel que soit le gouvernement. Les partis de gouvernement, quelle que soit leur couleur, n’ont d’autre « pouvoir » que de jeter notre argent dans la gueule du capital, pas celui de lui dire « assez » ou de le « réguler » efficacement.

Si l’on veut entrer au gouvernement allemand, il faut d’abord dire oui au capitalisme et à l’OTAN. Et donc aux fondements du massacre de l’homme et de la nature.

La richesse ne provient que de deux sources, le travail humain et la terre - les ressources naturelles. L’essence du capitalisme, et là aussi Marx a raison, c’est de soumettre l’homme et la nature au meilleur compte et par là de les détruire tous deux. Si les conditions de l’exploitation capitaliste diffèrent d’un pays à l’autre, c’est que les histoires de ces pays et les stades de la lutte des classes y diffèrent. Je rappelle ce que le multimilliardaire Warren Buffett disait il y a deux ans au New York Times : « Nous sommes en pleine guerre des classes, c’est vrai, mais c’est la mienne, celle des riches, qui fait la guerre et qui est en train de la gagner.» Il parlait du capitalisme dans son état « normal », avant la crise.

La question n’est donc pas de savoir si nous voulons la lutte des clases, comme le supposent des gens pas très malins, car si nous ne nous défendons pas elle se déroule tout de même, mais menée par ceux d’en haut contre ceux d’en bas.


Nous vivons dans l’œil du cyclone, inondés d’informations-poubelle. Nos journaux télévisés nous parlent de veaux thaïlandais à deux têtes, d’accidents de bus, de tapis rouges, de limousines et de politiciens qui se serrent la main. On nous montre rarement les effets de notre politique « extérieure » et « de développement » ou les crimes commis par le capital allemand aux quatre coins du monde. De mon bureau, j’ai vue sur les deux tours de la Deutsche Bank à Francfort. La Chancelière a arrangé pour Monsieur Ackermann un déjeuner d’anniversaire, tous les politiciens et politiciennes de Francfort sont flattés lorsque des membres de la Deutsche Bank parlotent avec eux. Les crimes que commet la Deutsche Bank aux quatre coins du monde, directement ou indirectement (par le biais d’intrications diverses), ne les intéressent pas. Qui sait ici que la DB - pas dans le Tiers monde », mais à Cleveland, Ohio, USA - a fait expulser 7000 familles, et qu’on ignore largement ce qu’il est advenu des dizaines de milliers d’expulsés, en grande majorité des Afroaméricain-es ?

Si l’on croit que CDU/CSU/SPD/FDP/Verts/Linke nous protégeront contre le capital, on ne sait pas où l’on habite. L’État est un État capitaliste. Dans le Manifeste du Parti communiste Marx et Engels écrivent: « L’État moderne n’est qu’un comité de gestion des intérêts de la classe bourgeoise. »

Quand il y a conflit entre les partis de gouvernement, donc au sein du comité de gestion du capital, c’est essentiellement pour deux raisons :

1. Ces partis sont chacun proches de fractions différentes du capital (énergie, automobile, chimie par exemple)
2. Ils simulent des conflits pour faire croire aux électeurs/trices que l’alternance existe.

L’État capitaliste doit créer un ordre social qui garantisse la stabilité du capitalisme. Donc apaiser la lutte des classes menée par les salariés, et fournir au capital les infrastructures nécessaires. Sans résistance sociale, sans les mouvements ouvrier, féministe, écologique, pacifiste et de défense des droits humains nous n’aurions aucun des droits sociaux et démocratiques qu’il nous faut défendre aujourd’hui plus durement que jamais .

Certains des intervenants ont recommandé de voter « quand même » pour la Linke. Pour qu’elle se démasque lorsqu’elle sera au gouvernement, dit l’un, parce qu’elle est « moins pire » que les autres, prétend le suivant. Est-ce exact ? Non, la Linke est même pire sous certains rapports, parce qu’elle fait semblant d’être du côté des faibles, alors que, lorsqu’elle participe à un gouvernement, elle pratique une gestion humiliante et cynique de la misère, une politique de casse sociale et de destruction de la nature.

Si donc nous voulons « changer toutes les situations qui font de l’homme un être humilié, asservi, abandonné, méprisable» (Marx), il faut ébranler l’ordre établi et nous avons mieux à faire que de hisser nos adversaires à des postes et mandats.

Je ne suis pas une abstentionniste de principe. Il arrive que des gens de gauche puissent voter.

Cette fois ce n’est pas le cas.

II COMMENT voter nul ?

Peut-on/ a-t-on le droit de voter nul ?

Bien sûr. Et si on nous ôtait ce droit, nous le reconquerrions. Nous avons le droit de voter nul, même si, pour nous en empêcher, il n’existe pas de case « vote nul » sur les bulletins. Sauf toutefois pour le vote informatique, sinon le bulletin serait en non-conformité avec le droit.

Mais le bulletin de vote sur papier, lui, ne tient pas compte de votre droit au vote nul : il n’y a pas de case « nul » à cocher. Vous devez faire cela vous-même ! Inutile d’inscrire vos raisons ou des slogans sur le bulletin, au mieux l’un des scrutateurs le lira, et personne d’autre.

Comment voter nul ?

Version brève:

Dans l’isoloir faire une grande croix (de préférence au stylo à bille) sur tout le bulletin de vote.

Version longue :

Se rendre le 27/09 au bureau de vote, muni de sa carte de vote et de sa carte d’identité ou passeport. Si l’on n’a pas reçu de carte d’électeur, demander au service local des élections si l’on figure sur les listes. Ou se rendre simplement , le jour du vote, au bureau dont vous relevez (en cas de besoin se renseigner chez un voisin avec ses papiers d’identité), présenter sa carte d’identité et les commissaires chercheront votre nom sur la liste. Alors on vous donnera un bulletin.

Entrer alors dans l’isoloir. Faire une grande croix au stylo à bille sur tout le bulletin (voir plus haut). Le mettre dans l’enveloppe qu’on vous a donné et le déposer dans l’urne. C’est tout.

Résultat :

- Vous n’avez voté pour aucun des partis qui se mettent à genoux devant le capitalisme et prétendent après les élections qu’ils ont des idées de gauche mais que les « contraintes objectives» les forcent à soutenir le vol de votre salaire, la réduction des prestations sociales de tous ordres, les expulsions, le saccage de la nature, les humiliations qu’on vous inflige et l’exploitation et - par exemple- la guerre en Afghanistan.
- Vous avez protesté et indiqué clairement que vous saviez tout cela d’avance et que l’offre en matière de partis était si médiocre qu’aucun ne vous convenait.
- On ne peut vous reprocher d’être allé à la pêche à la ligne (si ce reproche vous touche), puisque vous êtes entré dans l’isoloir.
- Les votes nuls sont mentionnés dans les statistiques électorales officielles.

> Pour en débattre : Lire Jutta Ditfurth, Zeit des Zorns. Streitschrift für eine gerechte Gesellschaft. München: Droemer Verlag 2009, 272 S., 16,95 Euro


Source : jutta-ditfurth.de et blog.prinz.de - Wählt ungültig! Warum und wie?

URL de cet article sur Tlaxcala :
http://www.tlaxcala.es/pp.asp?reference=8805&lg=fr


Le discours de Leganés



Evo Morales referme une vieille blessure



Dans le chapitre XVII de l'Histoire Générale des Indes (1554), l'ecclésiastique Francisco López de Gomara décrit comment Christophe Colomb, de retour en Espagne après son premier voyage vers le continent qui, des années plus tard, recevrait le nom d'Amérique, s'est déplacé de Palos à Barcelone où se trouvaient alors les Rois Catholiques. « Bien que le chemin était long et parsemé d’obstacles, il fut très honoré et [devint] célèbre, car on allait le voir en chemin pour avoir découvert un autre monde et en avoir rapporté de grandes richesses et des hommes vêtus différemment, de nouvelle forme et couleur ». Seulement six de ces hommes, alors étranges pour la vieille Europe, avaient survécu à la traversée. « Les six Indiens ont été baptisés, les autres ne sont pas arrivés à la Cour ; et le Roi, la Reine et le Prince Jean, leur fils, furent les parrains pour avoir autorisé en personne le saint baptême du Christ sur ces premiers chrétiens des Indes et du Nouveau Monde ».

Ces faits se sont produits en mars 1493. Cela fait exactement 516 ans et 5 mois, les mêmes qui ont dû s'écouler pour qu'un descendant de ces êtres malheureux répète le même voyage à titre de réparation, non plus en qualité de prisonnier sans voix, mais comme bavard président d'une république qui, enfin, a cassé les derniers liens avec le colonialisme. Evo Morales, un indigène bolivien d'origine aymara, a renvoyé la balle à la marâtre patrie au nom de tous ses frères qui ont souffert et continuent à subir les dernières conséquences de cette entreprise. Il faut souligner qu'il l'a fait sans rancœur, les bras tendus, mais en énumérant ses vérités haut et fort devant cinq mille Latino-Américains de quasi toutes les républiques et une bonne poignée d'Espagnols enthousiastes. Le lieu choisi pour le discours possède un symbolisme clair : Leganés n'est pas la cour d'aristocrates qui héberge l'ancienne monarchie encore régnante sur le pays, mais une populeuse ville ouvrière de 200.000 habitants située dans la banlieue industrielle de Madrid. Le dimanche 13 septembre, la mairie de Leganés a mis à la disposition du dignitaire aymara ses modernes arènes - la Cubierta- pour qu'il y parle à sa guise. Et bien sûr qu'il l'a fait, avec un ton toujours respectueux mais ferme!

Les tribunes de la Cubierta ont commencé à se remplir dès cinq heures de l'après-midi. Il y avait des drapeaux de toutes les couleurs, des faucilles et des marteaux, des pancartes revendicatives, des salutations au compagnon Evo et des hommages à la révolution indigène, communautaire, interculturelle et plurinationale bolivienne. Il y eut, pour échauffer les esprits, un spectacle haut en couleurs de danses folkloriques andines du Pérou, de l'Équateur et de la Bolivie -qui conclurent dans une diablada des plus heureuses. Et, enfin, Evo Morales est arrivé sur la scène. L'hymne national de Bolivie a retenti, qu'il a écouté le poing gauche levé et la main droite sur le cœur. Le maire de Leganés Rafaël Gómez Montoya, l'écrivaine Rosé Regàs, l'ancien directeur de l'UNESCO Federico Mayor Zaragoza, et l'ambassadrice de Bolivie en Espagne Carmen Almendras, ont ensuite souhaité tour à tour la bienvenue au premier chef d'État d'Amérique de sang indien dans les veines. Et lorsqu'Evo Morales s'est avancé vers le micro pour prononcer son discours, l'atmosphère était déjà tellement festive qu'à partir de ce moment jusqu'à la fin les ovations et les applaudissements n’ont pas arrêté. Le public buvait littéralement ses paroles. Il était temps, en cette Europe à court d'idées, si correcte et domestiquée qu'aucun de ses dirigeants n'ose altérer le prêche de fausse supériorité morale appris pendant des siècles, qu'un indigène de l'ancienne colonie, aujourd'hui investi de responsabilités étatiques, appelle les choses par leur nom et dise ce qu'eux tous savent -mais ne disent jamais- du colonialisme, de l'exploitation, du pillage, du racisme, du capitalisme, de l'impérialisme et de la destruction environnementale.

Evo Morales a démontré être un chaud orateur, exubérant de charisme. Son espagnol exotique est un baume populaire et un révulsif pour puristes. Il se fait aimer, et combien ! Il parla et parla sans lire une seule feuille, par ses lèvres s'écoulait la sève de Cuauhtémoc, Atahualpa, Tupac Amaru, Camilo Torres et du Che que les racines de son peuple ont reçue de la Terre-Mère comme aliment spirituel. À ses mots de remerciement finaux à l'adresse d'un public extatique, les tribunes entrèrent en délire, les arènes de Leganés devinrent territoire improvisé de Bolivie. L'ancien syndicaliste cultivateur de coca, instruit à l'école de la pauvreté, avait fait mouche en plein cœur de l'ancienne métropole… sans épée ni croix, sans verser une seule goutte de sang -uniquement avec l'arme des mots. Il est venu, il a vu, il a vaincu.

Il consacra le restant de sa visite, le lundi et le mardi, à des affaires protocolaires, à des accords économiques et à la diplomatie -sans doute inéluctables dans le monde de la politique officielle, mais qui sont pourtant de l'ordre du quotidien. Par contre la soirée magique de Leganés fut, quant à elle, inoubliable. Elle mérite d'entrer avec tous les honneurs dans le panthéon de l'Histoire, car elle a refermé une vieille blessure infligée par l'Espagne cinq siècles auparavant à la dignité des femmes et des hommes d'Amérique –quand, dans un voyage depuis Palos jusqu'à Barcelone, elle a humilié six Indiens prisonniers et leur a nié le droit de dire ce qu'ils pensaient d'une violation si injuste.

Que le néocolonialisme espagnol et ses multinationales le sachent : ces Indiens muets ont maintenant, aujourd'hui, une voix rédemptrice, la voix du Discours de Leganés.

Manuel Talens, Tlaxcala

Paroles d'Evo Morales Ayma, Président constitutionnel de l'État Plurinational de Bolivie, à Leganés (Madrid) le 13 septembre 2009

Il est recommandé aux lecteurs d'écouter la voix d'Evo Morales et les réactions du public pendant le Discours de Leganés sur ce lien tandis qu'ils suivent en même temps, ci-après, la transcription fidèle de ses paroles :

Honorable Maire Rafaël Gómez de la ville de Leganés, autorités de la commune, autorités du Gouvernement espagnol, chère Ambassadrice de Bolivie en Espagne, salutations à tous nos frères boliviens. Merci beaucoup pour votre présence et pour me recevoir sur cette terre de Leganés, d'Espagne. Je suis surpris par la présence de milliers et de milliers de Boliviens, Équatoriens, Uruguayens, Vénézuéliens, Colombiens, de frères péruviens, de frères cubains, tant de Latino-Américains réunis ce soir. Je vous remercie beaucoup pour votre grande mobilisation, cette grande intégration en Europe de tous les Latino-Américains. Mais je veux aussi exprimer notre respect au peuple espagnol. Un tout grand merci pour votre présence et pour avoir organisé cette grande rencontre de peuples du monde.

Je suis surpris, à l'écoute de l'intervention de plusieurs sœurs et frères d'Espagne, par leur connaissance des processus de libération en Bolivie et en Amérique Latine, surpris par leur connaissance des transformations profondes en matière sociale, économique et politique. Certainement que beaucoup d’entre vous qui êtes ici savent comment nous nous sommes organisés, d'abord syndicalement, socialement, communautairement pour changer la Bolivie et, évidemment, pour changer l’Amérique Latine. Si nous parlons de changement, un des changements était justement la libération des peuples en Amérique Latine.

En Bolivie, ensemble avec la Centrale Ouvrière Bolivienne et les différents mouvements sociaux, [ce fut] une lutte permanente contre des modèles économiques qui faisaient un mal fou aux Boliviens. Si nous nous rappelons de la situation des politiques mises en œuvre pendant la république, avant la république, les peuples indigènes originaires, quechua, aymaras, guaranis, [c’est] une lutte permanente contre le pillage de nos ressources naturelles, une lutte permanente pour l'égalité en ces temps entre indigènes, métis et créoles, pour un nouveau mode de vie, d'égalité dans la dignité, mais aussi une lutte permanente pour le respect de nos droits, le droit surtout des peuples indigènes, le secteur le plus vilipendé de l'histoire bolivienne et de l'histoire d'Amérique Latine. Une résistance dure, une rébellion face à un État colonial, une rébellion des peuples contre le pillage de nos ressources naturelles, une rébellion permanente contre les formes de soumission. Et ces luttes -je veux vous le dire, sœurs et des frères de Bolivie- n'ont pas été en vaines. D’une lutte syndicale, d'une lutte sociale, d'une lutte communale, nous sommes passés à une lutte électorale.

Je me souviens parfaitement quand je suis arrivé en 1980 au Chapare , quand il y avait des négociations avec des gouvernements et que les dirigeants syndicaux, d'ex-dirigeants syndicaux émettaient des propositions de changements structurels. La réponse des gouvernements néolibéraux était que nous autres paysans, indigènes, n'avions pas le droit de faire de la politique, et nos propositions de modifications à l’ordre du jour ou au calendrier des négociations étaient controversées parce qu'elles étaient de caractère politique. Je me souviens qu’on nous disait -j'étais le délégué de base- qu’ils nous disaient : ce sont des propositions politiques et on ne s’occupe pas de ça, la politique du mouvement paysan indigène dans la zone tropicale de Cochabamba c’est la hache et la machette, c'est-à-dire le travail, et nous n'avions pas le droit de faire de la politique. Sur les hauts plateaux, c’était la pelle et la pioche, la pelle pour le travail, le pilori pour le travail aussi. Et peu à peu ce mouvement social va rompre la peur de la politique. Quelques-uns avaient le droit de faire de la politique et nous les majorités ouvrières et originaires n'avions pas le droit de faire de la politique. Quand quelque ouvrier, mineur, dans les décennies 60, 70, 80, faisait de la politique, il était accusé de communiste -nous saluons le Parti Communiste Espagnol, le Parti Socialiste, nous saluons les humanistes ici présents, merci beaucoup de m'avoir enseigné à défendre la vie, nous avons eu tant de rencontres- mais je veux que vous sachiez, sœurs et frères d'Amérique Latine, d’Europe, mouvements sociaux de ce continent, [que] nos dirigeants syndicaux, dans ces décennies 60, 70, étaient accusés de communistes et poursuivis. [On fomentait] des coups d'État, des putschs militaires pour terminer avec les dirigeants syndicaux du secteur minier. Par conséquent, la doctrine de l'impérialisme américain était de les accuser de communistes et, pour cette raison, des mineurs étaient massacrés dans des centres miniers et beaucoup de frères dirigeants miniers ont échappé en s’exilant, en Europe parfois. Je veux exprimer mon profond respect et mon admiration pour l’accueil reçu par beaucoup de frères miniers et paysans en fuite en Europe pour pouvoir survivre. Les gouvernements humanistes, communistes, socialistes leur ont sûrement accordé l’asile politique.

Est venue ensuite l'autre doctrine, qui était la lutte contre le trafic de drogues. Je me rappelle parfaitement que, dans les décennies 80 et 90, les dirigeants syndicaux étaient des narcotrafiquants, autre persécution de l'Empire et [que], à partir du 11 septembre 2001, les dirigeants syndicaux [étaient] accusés de terroristes. Quelques frères doivent sûrement se souvenir qu’on appelait Evo Morales le Bin Laden andin, les producteurs de coca les talibans, et avec ce prétexte, [est venue] la doctrine politique de coca zéro, comme moyen d’expulser le mouvement paysan de la zone productrice de coca. Tout ça pour dire -je veux qu'on me comprenne-, que nous avons supporté des interventions permanentes, parfois de caractère même militaire pour attaquer cette rébellion de nos peuples en Amérique Latine. Ces luttes, qu’elles soient ouvrières ou indigènes, ces luttes de métis, ces luttes d'intellectuels comme Marcelo Quiroga Santa Cruz, ces luttes de pères révolutionnaires comme Luis Espinal, un Espagnol qui a donné sa vie par les pauvres de Bolivie et, comme Luis Espinal, ces luttes de militaires patriotes comme Germán Busch, comme le Lieutenant-colonel Gualberto Villarroel - je vous le dis, sœurs et frères- n'ont pas été vaines. Une lutte évidemment pacifique, démocratique, pour arriver au gouvernement, au Palacio Quemado , pour changer, de là, les politiques économiques, les politiques sociales.

Et avec un résultat ! Je voudrais que vous écoutiez, sœurs et frères boliviens : depuis l'année 1940, la Bolivie n'avait jamais d’excédent fiscal, et ce jusqu'en 2005 -avant que je sois président. Après que nous ayons nationalisé en 2006 et récupéré les hydrocarbures, [il y a eu] en Bolivie en 2006, la première année de notre gouvernement, un excédent fiscal. On a fini avec cet État mendiant qui empruntait même de l’argent pour payer les étrennes en Bolivie. L'année 2005, les réserves internationales de la Bolivie étaient de 1.700 millions de dollars. Nous sommes allés avant-hier à la Banque Centrale de la Bolivie signer un prêt interne, et le président de la Banque Centrale de la Bolivie m'a informé que nous avons maintenant 8.500 millions de réserves internationales. De 1.700 à 8.500 millions de dollars de réserves internationales ! Imaginez, sœurs et frères, combien d’argent s’en est allé pendant les vingt années de gouvernement néolibéral, et où il est allé, sûrement dans la poche d’économistes, d’experts financiers en Europe, en Espagne et en Amérique Latine. Je voudrais que vous m’aidiez à enquêter sur le pillage de nos ressources naturelles. Combien d’argent ont perdu la Bolivie ou l’Amérique Latine, durant les dernières années combien argent avons-nous perdu, au détriment d'un nombre d’avantages sociaux ? Même si ce n'est pas beaucoup, ce serait un soulagement pour beaucoup de familles boliviennes. Maintenant nous avons des réserves, maintenant nous avons un excédent.

On nous a dit, depuis l'année passée, qu'il y avait une crise économique du capitalisme, une crise financière. On nous a effrayés, on nous a induit la peur pour voir comment nous allions y faire face. J'ai vraiment pensé, sœurs et frères, que cette crise allait fort nous affecter. J'ai pensé qu'il n’y aurait pas d’excédent commercial. Je voudrais vous dire, sœurs et frères boliviens, qu’au 30 juillet de cette année la balance commerciale [était] positive de trois cent millions de dollars ! Il n'y avait jamais de balance commerciale positive en Bolivie ! Et c'est pourquoi, sœurs et frères, je suis acquis aux changements structurels en démocratie et, quand il y a un certain secteur qui s'oppose, [je suis d'avis qu']il vaut mieux les soumettre au peuple bolivien par le referendum. Maintenant les Boliviens et Boliviennes ont non seulement le droit d’élire leurs autorités nationales ou départementales, ainsi que leurs autorités municipales. Maintenant le peuple bolivien a le droit de décider par tout referendum des politiques économiques pour le peuple bolivien. Ce sont des referendums qu'il n'y avait jamais avant. Mais aussi, grâce à la nouvelle Constitution politique de l'État bolivien, les Boliviens et Boliviennes non seulement ont le droit d’élire leurs autorités nationales, départementales, municipales ou parlementaires. Maintenant avec le vote du même peuple, ils ont le droit de révoquer tout président, vice-président, parlementaire, préfet ou maire qui agit mal en son domaine, ils ont le droit de les révoquer par le vote. C’est une démocratie profonde qui non seulement est représentative, mais aussi participative -là où se prennent les décisions avec le vote en conscience du peuple bolivien. Mais je voudrais vous dire, sœurs et frères, qu’il est aussi possible de changer en Bolivie les normes, les procédures pour administrer un État. Pour la première fois en 183 années de vie républicaine, le peuple bolivien approuve une nouvelle Constitution. Il n’y a jamais eu cela auparavant. Seuls la classe politique, les partis ou finalement le parti qui avait la représentation parlementaire avaient le droit de réformer la Constitution. Maintenant, le peuple approuve avec son vote une nouvelle Constitution de l'État bolivien. C'est-à-dire que nous avons même changé des constitutions.

Je voudrais vous dire, sœurs et frères, nous avons une grande faiblesse, qui est le changement de la mentalité des fonctionnaires publics. Quelques-uns ne comprennent pas encore ce qu'est être fonctionnaire public. Je l’ai déjà dit, je n'ai pas besoin de simples fonctionnaires publics, j'ai besoin de révolutionnaires au service du peuple bolivien. On a du mal à trouver des personnes qui sont au service du peuple. Il y a une mentalité, une mentalité coloniale –dirais-je-, un héritage paternaliste, du patron, du pillard, de l'exploitant, cette mentalité ne peut être changée facilement, elle est une des faiblesses présentes encore en Bolivie. Nous commençons toutefois à changer, malgré ces faiblesses. Ce n’est pas suffisant, la participation des mouvements sociaux dans ces transformations profondes sera sûrement encore importante. Il y a un moment, notre Ministre des Affaires Étrangères me disait : « En Bolivie il y a beaucoup de mobilisation, élections après élections, des campagnes pour des referendums, parfois révocatoires, parfois pour approuver la nouvelle Constitution ». Je lui ai répondu qu’auparavant c’était putsch après putsch, que maintenant c’étaient élections après élections. Je suis très content, même s'il y a chaque année des élections et des referendums -mais pas de coups d'État.

Mais je voudrais vous dire aussi que, dans notre nouvelle Constitution politique de l'État bolivien approuvé par le peuple bolivien, il ne sera pas permis, il n’est autorisé aucune base militaire étrangère, encore moins des Etats-Unis. Et je voudrais que les frères d'Europe, d'Espagne me comprennent. En Amérique Latine, là où il y a une base militaire des Etats-Unis, il y a des putschs militaires ; la paix n’est pas garantie, la démocratie n’est pas garantie. Et je parle d'expérience, puisque j'ai été continuellement victime, dans la décennie 90 -de mi-80 à mi-2000-, de la présence de militaires étrangers en armes, spécialement des Etats-Unis. C’est heureusement terminé, grâce à la conscience du peuple bolivien. Je dois demander aux mouvements sociaux d'Europe et du monde : aidez-nous à mettre un terme aux bases militaires en Amérique Latine ! Tout pour la vie, tout pour la démocratie, et tout pour une paix et une justice sociale !

[Applaudissements nombreux] Merci beaucoup, sœurs et frères, je crois que vous m’aimez plus en Espagne qu’en Bolivie, merci beaucoup. Je suis sûr, sœurs et frères, que le processus de libération, le processus de transformation profonde, non seulement en Bolivie mais en Amérique Latine, est engagé dans une voie à sens unique. Les processus de transformation de la démocratie ne peuvent être arrêtés en Bolivie. Pourquoi dis-je ceci ? Vous les frères qui vivez ici, vous devez être informés : plusieurs fois des groupes néolibéraux de la droite fasciste, raciste, ont essayé de me sortir du gouvernement -et je m’en souviens parfaitement. La première année de mon gouvernement, qu'ont-ils dit ? « Pauvre petit indien, il restera trois, quatre, cinq, six mois, il ne va pas pouvoir gouverner, et après il va s’en aller, ils vont le sortir ». C’était en 2006. Arrive 2007, qu'ont dit ces groupes ? « Je crois que cet Indien va rester longtemps, il faut faire quelque chose ». 2008, en 2008 ils ont fait quelque chose. Et qu’est-ce que c’était ? D’abord essayer de me sortir par le vote révocatoire du peuple bolivien. J'ai accepté : allons au révocatoire ! Vous savez que nous avons gagné les élections avec 54 %. Dans ce vote révocatoire, le peuple bolivien nous a ratifiés avec 67 %. Comme ils ont raté leur coup par le vote révocatoire, qu’ils n’ont pas réussi à me faire révoquer avec la conscience du peuple, ils ont tenté l'année passée un coup d'État civil -pas militaire. Et ici je voudrais remercier les pays d’Europe, des défenseurs de la démocratie, UNASUR, les Nations Unies pour leur défense de la démocratie. Ils ont raté leur coup d’État civil préfectoral. Et voilà le grand triomphe du peuple bolivien dans le domaine politique et constitutionnel ! Et cette année, grâce à la force et à la conscience du peuple, nous avons approuvé la nouvelle Constitution. Nous avons maintenant l'obligation d'appliquer et de mettre en œuvre cette nouvelle Constitution politique de l'État bolivien, dont quelques pays européens me disent honnêtement qu’elle est plus avancée, dans le domaine social, au niveau des droits sociaux, que dans n’importe quel pays d'Europe.

Y de quels droits parlons-nous ? Nous parlons non seulement des droits individuels, nous parlons non seulement des droits politiques : dans cette nouvelle Constitution Politique de l'État bolivien, on respecte autant les droits collectifs que privés. Par exemple, tous les services de base constituent des droits de l'homme ; s'il s'agit d'un droit de l'homme, il ne peut être de négoce privé -mais de service public.

Sœurs et frères, je peux vous en raconter pas mal de cette nouvelle Constitution de l'État bolivien, mais je suis aussi sûr qu'il y a quelques requêtes que nous n'avons encore pu résoudre -spécialement du service extérieur. Je n'ai trouvé l'État bolivien -maintenant reconnu mondialement comme l'État plurinational, où existe une diversité d'êtres humains qui habitent sur cette terre de patrie qu'est la Bolivie-, je ne l'ai trouvé par exemple que deux [fois] en Espagne -à Madrid et Barcelone. Nous créons maintenant un autre consulat à Murcie -je sais, ce n'est pas suffisant. Nous sommes en train de discuter pour étendre les consulats dans quatre ou cinq villes espagnoles -inclus les Iles Canaries, Tenerife ou même Majorque et Menorca que j'ai déjà pu visiter, sœurs et frères-, pour nous occuper d'un problème nôtre, celui des migrations et des papiers y relatifs. Mais je voudrais aussi vous parler, sœurs et frères, au nom de l'Ambassade en Espagne -où tous les consulats donnent des informations grâce à la compréhension du gouvernement espagnol- de quelques thèmes importants. Le sujet par exemple des permis de conduire est très avancé, de même que celui d’une convention de vote réciproque -c'est-à-dire les résidents boliviens en Espagne auront le droit de voter aux élections municipales. Nous espérons concrétiser cela, ce vote en Espagne, lors de cette visite.

Le thème du vote à l'étranger a été une préoccupation permanente. Je veux que vous sachiez, sœurs et frères, qu’en 2006 nous avons envoyé, depuis le palais, un projet de loi au Congrès National. La Chambre des Députés a heureusement approuvé sans aucune limitation le vote à l’étranger. Mais de 2006 à 2009 il n'a pas été approuvé au Sénat, et vous savez d’ailleurs pourquoi ils ne l'ont pas approuvé au Sénat : les sénateurs néolibéraux ont très peur des frères qui ont abandonné la Bolivie à la recherche de meilleures conditions de vie. On l'a enfin approuvé pour la première fois -mais pas autant que je l’aurais voulu-, sous la forte pression en Bolivie et en Argentine. Je sais qu’ici aussi on s’est mobilisé pour faire pression sur le Congrès national en vue de l'approbation d'une loi sur le vote extérieur. Il a été approuvé jusqu’à une certaine limite, mais c'est clair, sœurs et frères, [viendra] un moment où des congressistes partageront les sentiments de beaucoup de frères vivant à l’étranger. Nous ferons alors en sorte que le vote à l'étranger ne soit pas limité. Je ne suis pas d'accord de limiter, c’est une forme d’atteinte aux droits de l’homme, le droit des citoyens boliviens vivant à l’étranger. Mais nous commencerons cette année, cette année avec le vote extérieur -bien que limité.

Sœurs et frères, il y a un moment je parlais du thème de la migration. Je voudrais dire aux pays d’Europe et du monde, spécialement d'Europe, aux gouvernements, que ce sera aussi un débat. Par le passé des Européens, des Espagnols sont arrivés en Bolivie, et nos grands-pères n'ont jamais dit qu'ils étaient illégaux. Maintenant que les Latino-Américains viennent en Europe, ils ne peuvent pas être déclarés illégaux, parce que tous, nous avons tous le droit d'habiter dans n’importe quelle partie du monde -nous avons tous le droit d'habiter dans n’importe quelle partie du monde- en respectant les lois de chaque pays. Mais nous déclarer illégaux est une grande erreur, c’est là où je diverge des Nations Unies. Heureusement beaucoup de pays se joignent à nos propositions. Nous espérons que les Nations Unies établiront bientôt des normes permettant à ces soi-disant immigrants d’être reconnus comme personnes légales -je répète, en respectant la législation de chaque pays -, qu’ils investissent ou qu’ils viennent chercher des meilleures conditions de vie. Soyez-en sûrs, sœurs et frères, ce sera une autre bataille, une autre bataille pour nos sœurs et frères -que ce soient des Européens en Bolivie ou en Amérique latine, ou d’autres Latino-Américains en Europe. Ils doivent être déclarés comme des personnes légales qui vivent de leur travail, qui, par leurs efforts, vivent pour améliorer leur situation économique et sociale.

Il y a un autre sujet central, sœurs et frères : le sujet de l'environnement. Il y a sûrement beaucoup de paceños ici. Imaginez-vous : le Chacaltaya , notre Chacaltaya n'a plus de neige ! A Potosí, le Chorolque n'a plus de neige -il y a sûrement quelques potosinos ici. Chaque jour qui passe voit se réduire le poncho blanc de ces montagnes des hauts plateaux boliviens et du haut-plateau paceño. Nous devons en établir la responsabilité : [ce sont] les modèles de développement capitaliste, l'industrialisation exagérée et illimitée de quelques pays occidentaux. Ce problème affecte toutefois [toute] l'humanité. C'est pourquoi je voudrais vous dire que je suis arrivé à la conclusion, à la conclusion suivante : à l'heure actuelle, dans ce nouveau millénaire, il est plus important de défendre le droit de la Terre Mère que le droit de l'être humain. Si nous ne défendons pas le droit de la Terre Mère, il ne servira à rien de défendre seulement le droit humain. Je voudrais dire aux frères humanistes, au grand nombre de mouvements sociaux, aux groupements, intellectuels et personnalités qui se consacrent à la défense de l'environnement, et donc de la Terre Mère, je voudrais vous dire : unissons-nous, rejoignez-nous, aidez-nous, présidents et gouvernements qui défendons le droit de la Terre Mère. Défendons tous l'environnement, par conséquent le droit à la terre, défendons la planète terre pour sauver l'humanité. Si nous ne nous unissons pas, si nous ne nous engageons pas dans une direction, si nous ne travaillons pas ensemble, quelle sera la situation de tout être humain d’ici 20, 30, 50 ans? Je veux dire, qu’il s’agisse d’un indigène, d’un ouvrier, d’un chef d'entreprise ou d'un dirigeant de transnationale : leur vie n'est pas sûre ! La seule façon de garantir, de garantir notre vie d'êtres humains qui vivons sur cette planète terre est de défendre la Terre Mère.

Il est temps d'assumer cette énorme responsabilité, et tous nous avons cette obligation noble et sacrée de défendre l'environnement. J’appelle les pays qualifiés d’industrialisés à commencer à penser sérieusement à l’annulation de la dette climatique, une dette historique qui aura fait beaucoup de tort à l'environnement. Je pressens que nous devrons assumer, en ce millénaire, cette responsabilité pour défendre l'humanité.

Sœurs et frères, je sais que vous venez de beaucoup de secteurs, par différents chemins. Salutations aux frères qui viennent nous voir de différentes villes, qui viennent nous saluer, qui viennent tous applaudir, aux frères des îles, aux compagnons latino-américains qui viennent partager ce moment, et aux organisateurs. Je remercie le maire de Leganés pour nous avoir permis ce rassemblement. En ce qui me concerne, je voudrais vous dire, frères, un grand merci à tous. A bientôt ! Nous continuerons à travailler pour l'égalité, pour la dignité et le bien des Boliviens et de tous les Latino-Américains, pour leur libération qui se prépare depuis l'Amérique du Sud. Un grand merci !



[1] La diablada est une danse traditionnelle des hauts plateaux des Andes en Bolivie et à Puno au Pérou représentant l’affrontement entre les forces infernales et celles des anges et créée dans un but d’évangélisation. Cette danse offre une série de costumes et de masques impressionnants (des capes cousues au fil d’or) –le costume du diable pèse plus de 30 kg. C’est pourquoi les danseurs doivent être capables de porter ce poids et de danser plusieurs minutes. (Wikipedia)


[2] La province de Chapare est une des 16 provinces du département de Cochambaba, en Bolivie.


[3] Palais présidentiel


[4] Les paceños sont les habitants de La Paz.


[5] Le Cerro Chacaltaya ou Chacaltaya (« chemin froid » en aymara) est une montagne culminant à 5.395 mètres d’altitude, située en Bolivie dans la Cordillère des Andes. Son glacier abritait une station de ski possédant la plus haute piste du monde, mais son retrait rapide et sa quasi disparition ont provoqué sa fermeture. Il reste une destination pour les randonneurs et abrite un laboratoire de recherche sur les particules. (Wikipedia)


[6] Le Cerro Chorolque ou Chorolque culmine à 5552m.



Manuel Talens est auteur et traducteur espagnol. Il appartient aux collectifs de Rébelión et de Tlaxcala, auquel Thierry Pignolet appartient.

Source : http://www.tlaxcala.es/detail_artistes.asp?lg=de&reference=357



Pourquoi le rapport Goldstone est important

La bataille décisive de la légitimité
par Richard FALK, 22/9/2009. Traduit par Anne-Marie Goossens. Édité par Fausto Giudice,
Tlaxcala
Original : Why The Goldstone Report Matters
Sur l’auteur
Dessins :
Carlos Latuff, Brésil


«Pourquoi donc le gouvernement israélien a-t-il boycotté la commission ? La vraie réponse est tout à fait simple : il savait très bien que la commission, n'importe quelle commission, devrait aboutir aux conclusions auxquelles elle a abouti. »

Uri Avnery (militant israélien de la paix, et ancien membre de la Knesset), «UM-Shmum, UM-Boom (Israël et le Rapport Goldstone) », 19 sept. 2009

Richard Goldstone, ancien juge à la Cour constitutionnelle d'Afrique du Sud, premier procureur du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie à la Haye, et militant contre l'apartheid, rapporte qu'il était extrêmement réticent à accepter de diriger la mission de l'ONU chargée d'enquêter sur les allégations de crimes de guerre commis par Israël et le Hamas pendant la guerre de trois semaines contre Gaza l'hiver dernier. Goldstone explique que son hésitation était due au fait que la question « était très électrique et politiquement chargée, » mais qu'il a surmonté sa réticence parce que lui-même et les autres membres de la commission étaient des « professionnels déterminés à faire une enquête objective à partir des faits » ; il ajoute : «j'ai accepté surtout parce que je crois profondément dans la primauté du droit et des lois de la guerre, » ainsi que dans le devoir de protéger les civils dans les zones de combat autant que faire se peut. La mission d’enquête de quatre personnes était composée d'individus largement respectés et très qualifiés, notamment Christine Chinkin, éminente spécialiste en droit international et professeure à la London School of Economics. La décision de Goldstone s'est compliquée du fait qu'il est juif et qu'il entretient des liens émotionnels et familiaux profonds avec Israël et le sionisme, liens renforcés par sa longue association avec plusieurs organisations travaillant en Israël.

En dépit des qualifications impeccables des membres de la Commission et de la réputation mondiale d'intégrité et d'impartialité politique de Richard Goldstone, Israël a d'emblée refusé de coopérer. Il n'a pas même autorisé la mission de l'ONU à pénétrer en Israël ou dans les territoires palestiniens, la forçant ainsi à s'adresser au gouvernement égyptien pour lui faciliter l'entrée à Gaza depuis Rafah. Comme Uri Avnery le fait remarquer, malgré toutes les attaques contre le rapport de la commission qu'Israël qualifie d' unilatéral et injuste, la seule explication plausible de son refus de coopérer avec l'enquête et de saisir cette occasion pour raconter sa version de l'histoire, est qu'Israël n'avait rien à dire qui pût contrer les preuves écrasantes indiquant qu'il n'avait pas mené son attaque contre Gaza l'hiver dernier conformément au droit international de la guerre. Aucune commission internationale crédible ne pouvait arriver à des conclusions autres que celles du rapport Goldstone sur les allégations principales.

Le rapport Goldstone n'ajoute rien de nouveau sur le fond. Sa contribution principale est de confirmer les pratiques militaires israéliennes amplement diffusées et analysées pendant la guerre de Gaza. Amnesty International, Human Rights Watch, et une série de groupes israéliens respectés de défense des droits humains avaient déjà publié plusieurs rapports fiables condamnant Israël pour ses tactiques qui avaient violé les lois de la guerre et le droit humanitaire international. Les journalistes et les hauts fonctionnaires des Nations unies étaient arrivés à des conclusions semblables. De tout le matériel dont on disposait avant le rapport Goldstone, le plus incriminant a sans doute été le document intitulé « Briser le silence » contenant les commentaires de trente membres des Forces israéliennes de défense qui avaient participé à l'opération Plomb durci (nom israélien officiel de la guerre de Gaza). Ces soldats ont parlé avec émotion des règles d'engagement vagues émises par leurs supérieurs, ce qui explique pourquoi on se soit si peu soucié d'éviter des victimes parmi les civils. Ce qui se dégage des témoignages de ces soldats - qui n'étaient aucunement critiques à l'égard d'Israël ni même de la guerre de Gaza en soi - c'est que la politique israélienne cherchait à la fois à « donner aux habitants de Gaza une leçon pour leur appui au Hamas » tout en réduisant au maximum les pertes des FID, même si ce devait être au prix de la mort et de la destruction massives pour des Palestiniens innocents.



Étant donné qu'il existait préalablement un consensus international quant à l'illégalité de l'opération Plomb durci, nous devons nous demander pourquoi ce gros rapport de 575 pages a été salué avec autant d'inquiétude par Israël et pourquoi les médias mondiaux lui ont accordé tant d'attention. Le rapport n'ajoutait pas grand-chose à ce qui était déjà connu. Il est indubitable qu'il faisait plus de place que les rapports précédents aux allégations israéliennes selon lesquelles le Hamas était coupable de crimes de guerre pour avoir tiré des roquettes sur son territoire. Et à beaucoup d'égards, le rapport Goldstone appuie le principal argument fallacieux du récit israélien en présumant qu'Israël a agi en état de légitime défense contre un adversaire terroriste. Le rapport concentre sa critique sur l'usage excessif et aveugle de la force par Israël. Il fait ceci en examinant les preuves relatives à une série d'incidents comportant des attaques contre des civils et des cibles non militaires. Le rapport appelle également l'attention sur le blocus illégal qui a réduit au niveau de subsistance l'arrivée de nourriture, de carburant, et de fournitures médicales à Gaza, avant, pendant, et depuis l'opération Plomb durci. Un tel blocus est un exemple flagrant de punition collective, explicitement interdite par l'article 33 de la quatrième Convention de Genève établissant les devoirs légaux d'une force d'occupation.


Punition collective, marque déposée d'Israël


Israël a constamment rejeté les critiques internationales concernant sa conduite des opérations militaires pendant la guerre de Gaza, prétendant que les FID étaient l'armée la plus morale du monde. Les FID ont mené quelques enquêtes symboliques sur les accusations relatives aux illégalités commises qui ont uniformément défendu la tactique militaire utilisée; les autorités ont constamment promis de protéger tout militaire israélien ou chef politique accusé sur le plan international de crimes de guerre. Le rapport Goldstone ayant confirmé les allégations connues et Israël courroucé l'ayant rejeté, pourquoi a-t-il eu à Tel-Aviv l'effet d'une bombe menaçant sérieusement le statut d'Israël en tant qu'État souverain ? Le Président d'Israël, Shimon Peres, appelle le rapport « une mascarade historique» qui « ne fait pas de distinction entre l'agresseur et un État exerçant son droit de légitime défense, » insistant sur le fait que le rapport « légitime l'activité terroriste, la poursuite du meurtre et de la mort. » De façon plus générale, ceux qui défendent ardemment Israël ont condamné le rapport comme étant unilatéral, tendancieux, arrivant à des conclusions courues d’avance, et émanant de ce bastion des attitudes anti-israéliennes qu’est censé être le Conseil des droits de l'homme de l'ONU. Ce type de réponse à n'importe quelle critique du comportement d'Israël en Palestine occupée, particulièrement si elle provient de l'ONU ou des ONG de défense des droits humains consiste à crier à l'injustice et à éviter d'examiner réellement le fond des accusations. C'est un exemple de ce que j'appelle « la politique du détournement, » qui consiste à essayer de distraire l'attention du message en la faisant porter sur le messager. Plus la critique est accablante, plus la réponse est féroce. Vu sous cet angle, le rapport Goldstone a évidemment mis dans le mille !

A y regarder de plus près, Israël a quelques bonnes raisons de paniquer devant ce rapport accablant. D'abord, celui-ci est appuyé par une éminente personnalité internationale qui ne peut pas être valablement accusée d'avoir un préjugé contre les Israéliens ; il est donc plus difficile de distraire l'attention des conclusions du rapport malgré tous les cris à l'injustice. N'importe quelle lecture juste du rapport devrait montrer qu'il est équilibré et extrêmement soucieux des arguments d'Israël concernant sa sécurité ; il a en fait accordé à Israël le bénéfice du doute pour quelques questions clés. Deuxièmement, les résultats, qui étaient prévisibles, sont associés à des recommandations fermes qui vont bien au-delà des rapports précédents. Il en est deux qui inquiètent sans doute beaucoup la direction israélienne : le rapport recommande fermement que si Israël et le Hamas n'entreprennent pas eux-mêmes, dans les six mois à venir, une enquête et un suivi répondant aux normes internationales d'objectivité en ce qui concerne ces violations de la loi de la guerre, alors il faudrait faire appel au Conseil de sécurité et l'encourager à renvoyer toute l'affaire de la responsabilité d'Israël et du Hamas au procureur du Tribunal pénal international à la Haye. Même si Israël se voyait épargner cette indignité grâce à l'intervention diplomatique musclée des USA, et probablement de quelques gouvernements européens, les retombées sur ses relations publiques seraient extrêmement négatives s’il n’était pas donné suite aux recommandations de ce rapport.


De gauche à droite : Droit international/Crimes de guerre à Gaza
Ehud Barak : Israël ne fait que se défendre !
Tzipi Livni : Nous ne faisons que défendre nos citoyens !
Ehud Olmert : Nous ne faisons qu'obéir aux ordres
!

Troisièmement, peu importe ce qui se passera dans le système des Nations unies et au Conseil des droits de l'homme à Genève, le poids du rapport sera ressenti par l'opinion publique mondiale. Depuis la guerre de Gaza, la solidité du soutien juif à Israël a commencé à s'émietter, et cela risque maintenant de s'aggraver. Plus globalement, un mouvement de boycott et de désinvestissement très robuste prend de l’ampleur depuis la guerre de Gaza, et le rapport Goldstone ne fera que renforcer de telles initiatives. Le monde se rend de mieux en mieux compte que la seule chance pour les Palestiniens d'accéder à une forme quelconque de paix juste dépend de l'issue des symboles de légitimité, de ce que j'ai appelé la guerre pour la légitimité. Les Palestiniens gagnent de plus en plus cette deuxième guerre non militaire. C'est une telle guerre, menée sur un champ de bataille politique mondial, qui a finalement et inopinément miné le régime d'apartheid en Afrique du Sud, et elle menace bien davantage le sentiment de sécurité israélien que la résistance armée palestinienne.

Un quatrième motif d'inquiétude pour les Israéliens découlant du rapport est qu'il donne le feu vert aux tribunaux nationaux dans le monde entier pour l’application du droit criminel international à l'encontre de suspects israéliens se rendant à l'étranger ; ceux-ci pourraient être appréhendés pour être inculpés ou extradés vers un pays tiers. De tels individus pourraient être inculpés de crimes de guerre commis lors de leur participation à la guerre de Gaza. Le rapport encourage de cette façon le recours quelque peu controversé à ce que les juristes appellent la «compétence universelle, » c'est-à-dire, le pouvoir des tribunaux dans n'importe quel pays de détenir - en vue de leur extradition ou de leur inculpation- des individus ayant violé le droit pénal international indépendamment du lieu où les crimes allégués ont été commis. La réaction des médias israéliens montre que les citoyens israéliens sont déjà inquiets de se faire appréhender lors de voyages à l'étranger. Comme un commentateur juridique l'a dit dans la presse israélienne, « dorénavant, non seulement les soldats devraient être prudents quand ils voyagent à l'étranger, mais également les ministres et les conseillers juridiques. » Il est bon de rappeler que l'article premier des Conventions de Genève enjoint les États du monde entier « à respecter et à faire respecter » le droit humanitaire international « en toutes circonstances ». Si on se rappelle les efforts déployés en 1998 par plusieurs tribunaux Européens pour inculper Augusto Pinochet des crimes qu'il avait commis quand il était chef d'Etat au Chili, on sait que des tribunaux nationaux peuvent être employés afin d' intenter des poursuites contre des dirigeants politiques et militaires pour des crimes commis ailleurs que sur le territoire de l'État qui engage les poursuites.

Bien sûr qu'Israël ripostera. Il a déjà lancé une attaque éclair médiatique et diplomatique pour dépeindre le rapport comme unilatéral et indigne de retenir sérieusement l'attention. Le gouvernement des USA a déjà déplorablement approuvé cette position, et rejette la recommandation centrale du rapport Goldstone, à savoir la mise en application de ses conclusions par le Conseil de sécurité. L'ambassadrice US auprès de l'ONU, Susan Rice, a de toute évidence dit en session à huis clos du Conseil de sécurité, le 16 septembre, un jour après la parution du rapport : « [Nous] avons de graves préoccupations concernant de nombreuses recommandations du rapport. » Développant ce sujet, l'ambassadrice Rice a indiqué que le Conseil des droits de l'homme de l'ONU, qui n'a aucun pouvoir de mise en application, est la seule instance appropriée pour toute action à prendre sur la base du rapport. Le premier combat consistera probablement à décider s'il convient de suivre la recommandation du rapport concernant le renvoi par le Conseil de sécurité des questions de responsabilité au Tribunal pénal international, décision qui pourrait être bloquée par un veto des USA ou d'autres membres permanents.



Il y a lieu de louer la franchise et le caractère complet du rapport, le soin avec lequel il a été rédigé, et les scrupules qui ont amené ses auteurs à tenir tant Israël que le Hamas responsables de comportements qui semblent constituer des crimes de guerre, sinon des crimes contre l'humanité. Bien qu'Israël ait réussi à caractériser la manière dont il a été traité, d'unilatérale , il faut aussi insister sur le fait que le rapport déçoit les espoirs palestiniens. Par exemple, le rapport accepte la thèse douteuse selon laquelle Israël avait le droit d'intervenir contre Gaza en légitime défense, empêchant ainsi l'enquête d'examiner si des crimes contre la paix avaient été perpétrés sous la forme d'une agression prenant la forme du lancement de l'attaque. À cet égard, le rapport ne mentionne absolument pas le cessez-le-feu provisoire qui avait pratiquement réduit à zéro les tirs de roquettes contre Israël pendant les mois ayant précédé l'attaque, ni les efforts répétés du Hamas pour reconduire indéfiniment le cessez-le-feu à condition qu'Israël lève le blocus illégal de Gaz . En outre, c'est Israël qui semble avoir provoqué la rupture du cessez-le-feu en lançant une attaque mortelle contre des militants du Hamas à Gaza, le 4 novembre 2008. Israël n'a pas tenu compte de cette alternative diplomatique, apparemment utilisable, à la guerre pour réaliser la sécurité à ses frontières. Le recours à la guerre, même si les faits justifient la défense légitime, est selon le droit international, un dernier recours. En ignorant le fait que c'est Israël qui a lancé une guerre unilatérale, le rapport Goldstone accepte la prémisse centrale douteuse de l'opération Plomb durci et évite de conclure à l'agression.


"C'est la faute au Hamas !"

Le rapport a également déçu en ce que il n'a pas commenté le refus par Israël d'offrir à la population civile la possibilité de se réfugier hors de Gaza alors qu'elle était prise au piège dans la zone de combat surpeuplée et minuscule que constitue la Bande de Gaza. Israël a fermé tous les passages pendant la guerre de Gaza, autorisant uniquement les habitants ayant un passeport étranger à partir. Il est rare dans une guerre moderne que les civils n'aient pas l'option de devenir réfugiés. Bien qu'il n'y ait aucune disposition spécifique dans les lois de la guerre exigeant qu'un État en guerre permette à des civils de quitter la zone des combats, il semble que ce soit une condition humanitaire élémentaire, et qu'elle aurait dû être au moins mentionnée comme élément du droit international conventionnel ou comme une lacune dans la loi qui devrait être comblée. L'importance de cette question est renforcée par les nombreux rapports concernant le stress post-traumatique subi par les civils de Gaza, particulièrement les enfants qui constituent 53% de la population. On pourrait également noter que le rapport accorde une attention considérable à Gilad Shalit, le seul prisonnier des FID détenu par le Hamas à Gaza dont il recommande la libération pour des raisons humanitaires, tout en ne faisant aucune suggestion comparable à Israël bien que celui-ci détienne des milliers de Palestiniens en prison dans des conditions très dures.

En fin de compte, le rapport Goldstone est peu susceptible de casser le refus par les gouvernements de contester le blocus israélien de Gaza ou d'inciter les Nations Unies à contester l'impunité israélienne de manière significative. En fonction des manœuvres en coulisse, les USA peuvent ou ne peuvent pas éviter de protéger publiquement Israël de la responsabilité qui lui revient pour son comportement pendant la guerre de Gaza ou pour son refus continu de se conformer au droit humanitaire international en levant le blocus qui continue à affecter quotidiennement la santé de la population entière de Gaza.

En dépit de ces limites, le rapport est une contribution historique à la lutte palestinienne pour la justice, une documentation impeccable sur un chapitre crucial de la victimisation des Palestiniens sous occupation. Il aura un impact très impressionnant sur la progression du mouvement de la société civile qui dans le monde entier cherche à instaurer un boycott culturel, sportif et universitaire et à décourager les investissements, le commerce et le tourisme avec Israël.

Tout comme dans la lutte contre l'apartheid, il se peut que le basculement des forces en faveur des Palestiniens se produise non pas par le biais de la diplomatie ou comme suite à la résistance armée, mais sur le champ de bataille symbolique pour la légitimité qui a pris une envergure mondiale, ce qui pourrait être considéré comme la nouvelle pertinence politique de la mondialisation de la morale et du droit.

vendredi 25 septembre 2009

Honduras: le début de la fin ?

English: Honduras: The Beginning of the End?

Zelaya est déjà à Tegucigalpa et son entrée au Honduras, se moquant des « mesures de sécurité » frontalières, devrait marquer le début de la fin du régime putschiste. Cet espoir est fondé sur plusieurs raisons, exposées ci-dessous.

Premièrement, parce que les gorilles du Honduras et leurs instigateurs et protecteurs aux USA (principalement au Commandement Sud et au Département d’État) ont sous-estimé la massivité, l'intensité et la persévérance de la résistance populaire qui, jour après jour, sans faille, manifeste son opposition au coup d’Etat. En réalité, ce refus de taille n’était prévu par personne si on s’en tient à l’histoire contemporaine du Honduras. Mais le nouveau chemin choisi par Zelaya, sa réponse positive face aux demandes populaires longuement reportées et la réorientation de son insertion internationale dans le cadre de l’ALBA, a eu un effet pédagogique impressionnant et a déchaîné une réaction populaire inespérée.

Deuxièmement: le régime putschiste s'est montré incapable de briser son double isolement. Sur le front interne, il est devenu de plus en plus évident que sa base sociale se réduisait à l’oligarchie et à quelques groupes subordonnés à son hégémonie, dont les moyens de communication dominés sans contrepoids par le pouvoir du capital. De plus, le passage du temps, loin de débiliter la résistance populaire, a affaibli le soutien social au régime. 
Sur le plan international, l’isolement de Micheletti et de sa bande est quasi absolu, sauf de rares exceptions. Toute l’Amérique Latine et les Caraïbes ont retiré leurs ambassadeurs. De même plusieurs des pays les plus importants d’Europe. Même l’OEA a adopté une ligne dure à l’encontre du régime. Son soutien externe provenait presque uniquement des USA. Néanmoins, ce soutien a diminué avec le temps, depuis le refus de visas au corps diplomatique accrédité à Washington jusqu’à des mesures toujours plus exigeantes à l’encontre de Micheletti lui-même et de ses collaborateurs.

Troisièmement, parce que la politique ambigüe du gouvernement US - résultant d’une confrontation interne dans l’administration - a facilité le coup d’Etat qui a pu évoluer dans une direction contraire aux intérêts des usurpateurs. Certes, le rejet initial du coup d’Etat manifesté par Obama fut par la suite atténué et attiédi par son ancienne (et actuelle ?) rivale, la secrétaire d’Etat Hillary Clinton. Mais le caractère rétrograde de Micheletti et de son entourage - qu’ils ne peuvent dissimuler - ainsi que l’interminable quantité d’insultes adressées à Obama chaque fois que la Maison Blanche exprimait une critique à Tegucigalpa, a lentement fait pencher la balance contre la Secrétaire d’État. Ce qui a créé une atmosphère croissante d'antagonisme dans les relations avec les putschistes.

Quatrièmement et enfin : le régime instauré le 28 juin constitue une sérieuse prise de tête pour Obama.


En premier lieu, il dément manifestement sa promesse de fonder une nouvelle relation entre les USA et les pays de l’hémisphère. Le soutien initial au putsch, clairement manifesté par la résistance obstinée de Washington à le caractériser comme un « coup d’Etat », la tiédeur de la réponse diplomatique et l’indifférence face aux graves violations des droits humains perpétrées par le régime de Tegucigalpa, tout cela a nui sérieusement à l’image qu’Obama voulait établir en Amérique Latine et dans les Caraïbes.

La continuation du régime putschiste ferait apparaître Obama comme un politicien irresponsable et démagogue ou, pire encore, comme quelqu’un d’incapable de contrôler ce que font et disent ses subordonnés au Pentagone, au Commandement Sud et au Département d’État. Ceci se rattache à une autre affaire, très importante et qui dépasse le cadre de la politique de l’hémisphère : sa crédibilité sur l’arène internationale. S'il s'avère impuissant à contrôler ce qui se passe dans son « arrière-cour », les gouvernants d’autres pays - spécialement la Chine, la Russie et l’Inde - auraient des raisons de suspecter qu’il ne pourra non plus contrôler les secteurs les plus belliqueux et réactionnaires des USA. Pour ceux-ci, les promesses du président d’encourager le multilatéralisme équivalent à une capitulation inconditionnelle face à leurs ennemis détestés.
Ceci est particulièrement grave dans une période où Obama négocie avec la Russie un nouvel accord pour réduire l’arsenal nucléaire des deux pays, ce dont Washington a besoin autant que Moscou, étant donné l’hémorragie économique produite par les guerres en Irak et Afghanistan et l’incontrôlable déficit fiscal usaméricain.
L’échec de cet accord aurait un coût économique énorme sur le budget public au moment où cet argent est nécessaire pour éloigner les risques d’un approfondissement de la crise économique qui a éclaté en 2008. Mais pour persuader les Russes que son plan de réduction d’armements est viable, il doit d’abord démontrer qu’il contrôle la situation et que ses faucons au Pentagone ne le lâcheront pas.
Chaque jour de plus avec Micheletti au pouvoir équivaut à un mois supplémentaire de conversations difficiles avec Medvedev et Putin pour les convaincre que ses promesses seront tenues. Parce que s’il ne peut maîtriser les siens au Honduras, pourra-t-il le faire lorsqu’il s’agira d’une question stratégique et vitale pour la sécurité nationale des USA ?

jeudi 24 septembre 2009

Bienvenido/Welcome/Bienvenue MEL! !ترحيب الرئيس زيلايا

Tegucigalpa, Honduras: Intifada الانتفاضة في تيغوسيغالبا ، عاصمة هندوراس
Jeudi 24/9/2009



















Veronza Bowers Jr., le plus ancien prisonnier politique des USA

Tout comme Leonard Peltier, Veronza Bowers Jr., incarcéré dans les années 1970 suite à un montage policier, attend depuis plus de 5 ans la libération conditionnelle à laquelle la loi lui donne droit, au-delà de 30 ans de détention. Lisez la lettre qu’il écrivit en 2004 et les dernières informations sur son cas, exemplaire de l’acharnement des gardiens de l’Empire contre les mal-pensants .

Ken le Rouge interviewe Khaled le Vert


C’est une rencontre comme on les aime : l’ancien maire de Londres interviewe le leader du Hamas. Lisez l’interview ici !

mercredi 23 septembre 2009

Opération Endlösung


par Ayman El Kayman, Coups de dent, 22/9/2009

Les SRAEK* sont en mesure de vous révéler ce qui suit :
Dimanche dernier 20 septembre 2009, une réunion confidentielle de très haut niveau s’est déroulée dans une villa cossue et discrète de la banlieue la plus chic de Tel Aviv. Douze hommes participaient à cette réunion :
Bibi Netanyahou, Premier ministre, ministre de la Stratégie économique, ministre des Retraités, ses deux vice-Premiers ministres Silvan Shalom, ministre du développement du Néguev et de la Galilée, ministre du Développement régional et Moshe Ya'alon, ministre des Affaires stratégiques, son Premier ministre adjoint Ehud Barak, ministre de la Défense, et son ministre adjoint Matan Vilnai, son Premier ministre adjoint Avigdor Lieberman, ministre des Affaires étrangères, son Premier ministre adjoint Dan Meridor, ministre des Renseignements et de l’Énergie atomique, son ministre des Finances Yuval Steinitz, son ministre de l’Information et de la Diaspora Yuli-Yoel Edelstein, ainsi que Meir Dagan, chef du Mossad, Yuval Diskin, chef du Shabak et Amos Yadin, chef du Aman.
La réunion a été consacrée à la dernière mise a point de l’Opération Endlösung (Solution finale), qui démarrera immédiatement.
Objectif de cette opération : neutraliser définitivement les Mauvais Juifs et les amener à faire amende honorable en reconnaissant le droit d’Israël à se défendre contre ses ennemis par tous les moyens jugés nécessaires.
Motivations : le Premier ministre a obtenu un consensus total sur la nécessité vitale pour Israël de mettre un terme définitif à la campagne menée par les Mauvais Juifs à travers le monde contre l’État d’Israël, qui met cet État en danger de mort, le privant de l’appui stratégique des Juifs de la diaspora. La goutte d’eau qui a fait déborder le base, a dit Netanyahou, a été le rapport sur la glorieuse opération Plomb Durci signé par le traître Goldstein, lequel prétend s’appeler Goldstone, qui n’est qu’un ramassis de sornettes arabo-islamo-droitdelhommistes
Moyens de cette opération : enfermer dans le Camp Secret de Rééducation N° 1, enterré dans le désert du Néguev, les 200 principaux Mauvais Juifs de la planète et leur faire signer des déclarations publiques d’allégeance totale à l’État d’Israël, après quoi ils seront libérés. En cas de refus de leur part, ils seront maintenus en DAS (détention administrative spéciale).
Les cibles de l’opération : la moitié de la réunion a été consacrée à examiner la liste de 2000 noms présentée par Meir Dagan, parmi lesquels 200 ont été choisis. En tête de liste figurent les traîtres Goldstein alias Goldstone, Falk et Neve Gordon.
Mandat a été donné aux chefs du Mossad, du Shabak et de Amman pour mobiliser immédiatement 4000 agents opérationnels afin d’exécuter les enlèvements des cibles sur leurs lieux de résidence dans les six semaines qui viennent.
Le ministre des Finances s’est engagé à débloquer un budget extraordinaire secret de 200 millions de dollars pour financer l’opération. Il n’a pas dit où il les trouverait, mais le SRAEK a cru comprendre qu’un contrat avait été passé avec une des grandes familles de la Mafia moldave pour imprimer ces 200 millions de dollars dans une imprimerie secrète située au Birobidjan.
Les participants à la réunion sont tombés d’accord pour ne pas informer le Président Shimon Peres de l’opération avant que celle-ci ait été achevée. « On le garde en réserve pour jouer au con et pleurer sur CNN », a déclaré Netanyahou, suscitant les éclats de rire de l'assistance.

* Services de Renseignement d’Ayman El Kayman

Bonne semaine, quand même !
Que la Force de l’esprit soit avec vous !
...et à mardi prochain !