lundi 9 novembre 2009

9 novembre


Le monde "libre", "démocratique" et "prospère" fête dans l'enthousiasme la chute du Mur de Berlin. Un enthousiasme unanimiste. Quand règne une apparence d'unanimité, il faut toujours se méfier. passons sur les aspects comico-grotesques de cette commémoration, dont la palme revient au Grand Nabot National, Sarkozy Ier, qui, sur Facebook, revendique, photo à l'appui, sa part dans les travaux de destruction du Mur le 9 Novembre. Sauf que ce qu'il ne nous dit pas, c'est qu'il n'est arrivé, avec Alain Juppé, que le 10 novembre 1989, quand le Mur était déjà tombé...

Des uniformes de l'Armée nationale populaire aux fameuses Trabant, l'Ostalgie ne s'est jamais si bien portée et est devenu un créneau commercial porteur. Exemple le plus comique de cette nostalgie, cette liqueur qui fait fureur, baptisée Erich's Rache, La Vengeance d'Erich (Honecker).
Il n'y a pas lieu d'éprouver de la nostalgie pour le socialisme prussien, qui n'a jamais su se déstaliniser. Mais le communisme authentique reste à inventer. Peu importe comment on l'appellera. Et il s'invente dans les luttes des peuples, au jour le jour, du Chiapas aux Andes, de Caracas à Cochabamba. Loin de l'Europe, qui a cessé d'être le centre du monde, où la gauche -italienne, française, allemande, espagnole - est devenue une Chose sans forme, sans nom, sans vertèbres, comme l'écrit si bien Barbara Spinelli dans l'article ci-dessous. Et puisqu'on commémore, revenons sur l'histoire de ce 9 novembre 1989, avec Chems Eddine CHITOUR. Et n'oublions pas cet autre 9 Novembre allemand, celui de 1918, quand la classe ouvrière tenta de monter à l'assaut du ciel, mais fut arrêtée net dans un bain de sang par la social-démocratie.


Ce mur qui est tombé sur la gauche 

par Barbara SPINELLI,  La Stampa, 8/11/2009. Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala
Original :
Quel muro che cadde sulla sinistra
Le Mur de Berlin est tombé sur la tête de la gauche italienne comme le jour du Seigneur dans la Première épître de Paul aux Thessaloniciens: «Vous savez bien que le jour du Seigneur viendra comme un voleur dans la nuit. Quand les hommes diront: " Paix et sûreté! " c'est alors qu'une ruine soudaine fondra sur eux comme la douleur sur la femme qui doit enfanter, et ils n'y échapperont point." Pour certains dans le Parti communiste italien il en fut vraiment ainsi, Alessandro Natta, qui avait dirigé  le PCI  jusqu'en 1988, confia à Claudio Petruccioli (on était le 10 novembre 10, quelques heures à peine après la nuit fatale) que «Hitler avait gagné."


 C’est à cette époque que son successeur, Achille Occhetto, a commencé à parler, à la Bolognina*, de la Chose: il ne pouvait pas encore lui donner un nom, mais il avait senti que pour s’en sortir il fallait  immédiatement inventer un parti nouveau, et surtout un nom qui fasse oublier le passé avec ses nombreuses idées fausses, ses doubles vérités, ses impuissances volontaires. Pour beaucoup de militants ce fut un choc, parce que le passé ne s’efface pas en une nuit à la manière dont Staline effaçait les traces des camarades et de leur histoire.
Parce qu’on ne peut pas appeler la nouveauté  une Chose, simplement parce qu’on a peur d'utiliser des mots tragiquement déshonorés comme projet, idéologie, objectif. Et pas seulement ça: si les dirigeants purent changer si facilement de route, cela voulait dire que pendant des dizaines d'années,  ils avaient caché la vérité à leur base: s’ils avaient parlé plus tôt, ils n'auraient pas permis que l'Italie se retrouve privée d'alternative pendant près d'un demi-siècle.
Vingt ans ont passé depuis, et les héritiers du Parti communiste souffrent encore de cet abandon précipité, de cette perte subite de sens du vocabulaire. Il ya des mots qui laissent une empreinte même s’ils sont nébuleux, et c’est ce qui s’est passé avec la Chose. Au lieu de l'idée du monde, apparut ce substantif qui est une annonce, une coquille que l’on promettait de remplir, «  un nom générique - écrit le dictionnaire Devoto - qui ne reçoit sa définition que dans le contexte du discours». Tout dès lors a été un futur  suspendu à un contexte indéterminé: même les primaires, auxquelles on avait appelé à adhérer sans savoir exactement à quoi on allait adhérer. Même l'espoir de combiner les deux forces fondatrices de la République: le socialisme et le catholicisme, oubliant (l'historien Giuseppe Galasso l’a rappelé le 30 août dans le Corriere della Sera) ce tiers importun qu’est la tradition laïque, libérale, radicale. Passant en revue les deux dernières décennies, Arturo Parisi parle du contrôle que la nomenclature de l'ancien Parti communiste, en est venue à acquérir sur l’Olivier (l’Ulivo), et du pacte scellé par elle avec les faux rénovateurs du même parti. Les candidats aux postes de secrétaires régionaux aux primaires provenaient à 75% des Démocrates de gauche (DS), faisant « coïncider la géographie électorale du Parti démocrate (Pd) avec les limites du vote communiste » et provoquant la défaite de l'Olivier (entretien avec Gianfranco Brunelli, Il Regno 16/2009) .
Force indispensable de la gauche, mais pas bien identifié, l'ancien Parti communiste encombre avec le poids, qui n’est pas léger, d’une histoire répudiée. Cela fait des années qu’il expie, jusqu’à à l'excès, un passé dont il ne veut  pourtant pas encore parler. Le centrisme, le profil bas, la trêve entre les pôles, la politique sans confrontations: nous sommes dans un pays où le principal parti de gauche, par  honte du passé, ne fait pas de véritable opposition, de peur de ressembler à ce qu’il a été. L'esprit de 89 lui a peu appris. La primauté du droit, l'honnêteté de l'élite, la découverte du conflit sort de la démocratie: la libération de 89, chez nous, a pris la forme des l’opération Mani Pulite  (Mains propres), sans égratigner la politique. Inutile de blâmer les juges, s’ils se sont retrouvés tout seuls à exprimer le désir de régénération. Bersani** a fait remarquer hier que le dialogue est devenu un «mot malade et ambigu. »
Le rapt de l'Olivier et du Pd ne crée pas l'identité. Le  socialisme italien a aussi été capturé ainsi: en l’usurpant, en ne l’intégrant pas et en cherchant à comprendre la débâcle des autres plutôt que la sienne propre. Pour le  socialisme italien aussi la chute du Mur est surgie comme un voleur dans la nuit. Les métamorphoses du PCI sont une histoire d’appropriation cruelle, mais le socialisme n'est pas moins coupable de ce vol de mots et d'identité. Il n’'a jamais réussi à devenir dominant, comme dans le reste de l'Europe. Et quand avec Craxi il voulut disputer la représentation de la gauche au PCI, il  a été incapable d’en tirer les conséquences: il a continué son double jeu, il a fait miroiter les perspectives d’une union de la gauche sans renoncer à répartir le pouvoir, il ne s’est pas renouvelé moralement, mais il s’est dégradé jusqu'à devenir le symbole de la corruption italienne.
Dans un essai lucide sur l'Italie, l'historien Perry Anderson décrit un parti socialiste qui génère le berlusconisme, en expliquant que ce dernier est l’héritier du PSI dans sa dernière période, plutôt que de la DC (Démocratie-chrétienne) (London Review of Books, 21-3-2002). Le manque de préjugés de Craxi est un trait spécial et unique de notre culture. Ailleurs l’homme sans préjugés est un personnage du XVIIIème siècle qui combat les préjugés, les dogmes : il ne coïncide pas avec l’homme sans scrupules. Chez nous, les deux se confondent, et l’absence de préjugés est une vertu digne d’éloges de ceux qui méprisent les règles, le droit et l'éthique, dans la certitude que le pouvoir rend tout licite, sinon légal. La classe dirigeante tout entière en est responsable, et il n’est pas étonnant que depuis des décennies l'ordre du jour politique soit  dicté par Berlusconi.
Occhetto espérait peut-être un véritable tournant. Il mettait ses espoirs dans une caravane qui sur sa route associerait diverses forces, et il craignait la caserne désirée par Massimo D'Alema. Une crainte qui s’est révélée justifiée, mais qui ne voit pas le seule D'Alema sur le banc des accusés. Cela au moins a été clair: l'Olivier ne lui a jamais plu. Les faux rénovateurs furent plus coupables, que promettaient sans tenir : ceux qui n'ont pas hésité, comme Veltroni, à détruire le dernier gouvernement Prodi. Néanmoins, M. D'Alema reste l'homme-clé de ces deux décennies. D'une certaine manière il est resté ce qu'il était, débarrassé de ses dogmes, mais avec une volonté de puissance inchangée. Des communistes il a gardé l’intolérance envers la dissidence, le même agacement froid devant la presse indépendante. Les phrases comme: « Les journaux? C'est un signe de civilisation de ne pas les lire. Il faut les laisser dans les kiosques », sont de lui et pas de Berlusconi. La mort temporaire de L’Unità, en 2000, en témoigne. Michele Serra parlò di delitto perfetto su la Repubblica: «La fine dell'Unità, forse più ancora della Bolognina, illumina lo sconquasso identitario della sinistra italiana. Michele Serra, dans  La Repubblica, parle de crime parfait : « La fin de L’Unità, peut-être plus encore plus que discours de la Bolognina, illumine le fracas identitaire de la gauche italienne. Elle en dit les incertitudes,  les complexes  d’infériorité, l’avancée incertaine et peu linéaire vers une modernité souvent vécue de manière pragmatique et opportuniste. »
Vivre la modernité de manière pragmatique et opportuniste, c’est abandonner l'idéologie au nom de l’anti-dogmatisme. Le fait que les idéologies totalitaires aient péri, ne signifie pas qu'un parti peut vivre seulement de volonté de puissance, et sur celle-ci  fabriquer des accords louches. Et qu’il peut continuer à recevoir sa couleur de discours éphémères. Se doter d’une idéologie signifie avoir un système cohérent d'images, des métaphores, de principes éthiques. Cela veut dire penser un rapport différent avec les étrangers, la nature, le travail qui change, l'imaginaire. Contrairement à la politique quotidienne, l'idéologie a une durée non pas courte, mais moyenne et la durée n'est pas un signe d’imperfection. C'est parce qu'elle n’avait pas d’idées sur l'information de masse et la société d’immigration que la gauche a été renversée par Berlusconi. Parce qu’elle n’a pas su adopter tout de suite une loi sur les conflits d'intérêt. Che giunse sino a chiamare la Lega una propria costola. Parce qu’elle en est même venue à appeler la Ligue [la Lega Nord d’Umberto Bossi, NdT) une de ses côtes.
Perry Anderson estime que notre gauche est invertébrée. Une Chose justement, sans squelette: un métamorphe, comme dans le film de Carpenter. Son rêve récurrent est celui d'un pays normal: une autre Chose - imprécise, camouflée – qui, depuis 1989,  capture les esprits. La gauche invertébré a été courtiser Clinton, Blair, Schröder, chantant les louanges de la modération et du centrisme. La vie normale pour la gauche, a signifié jusqu’à maintenant démobilisation idéologique et conformisme : le nouveau, nous l’attendons toujours. 
NdT
* Le 12 novembre 1989, lors d’une cérémonie de commémoration de la bataille de la Bolognina, Achille Occhetto, secrétaire général, annonce une perestroïka à l’italienne : il s’agit, dit-il, de « transformer le parti en une chose plus grande et aussi plus belle ».. En février 1991, lors du « congrès du tournant », le PCI est dissous. La majorité des délégués suit Occhetto dans la création du Parti démocratique de la gauche (PDS), tandis que la minorité de gauche créera le Mouvement de la refondation communiste, qui deviendra ensuite le Parti de la refondation communiste. En 2007, suite à leur 4ème congrès les « démocrates de gauche » transforment leur parti en « Parti démocrate », dont le premier secrétaire général sera Walter Veltroni. Le PD regroupe, aux côtés des anciens communistes, une nébuleuse allant d’ex-socialistes à des libéraux en passant par des chrétiens-sociaux et des réformistes de diverses nuances.

** Pier Luigi Bersani (* 1951), élu secrétaire général du Parti démocrate le 25 octobre 2009 (avec 53% des voix), ce philosophe originaire de Plaisance a été ministre dans les gouvernements Prodi, D’Alema et Amato.




Mythe du mur de Berlin et vrai mur de la Honte en Palestine
Pr Chems Eddine CHITOUR*, L'Expression Lundi 9 Novembre 2009
«Tout ce que les communistes vous ont dit du communisme était faux, mais tout ce qu’ils vous ont dit du capitalisme était vrai.»
Proverbe russe

«Ich bin in Berliner», «Je suis un Berlinois» s’exclamait J.F. Kennedy venu soutenir les Berlinois au plus fort du blocus: résonne encore dans nos oreilles de naïfs bercés par la doxa occidentale au point que l’on croyait tout ce qu’on nous disait -le «on» symbolisant les médias occidentaux. Nous avons comme pour le cinéma hollywoodien vibré et communié avec ceux que l’on nous présentait comme faible avec naturellement le «Zorro» redresseur de torts qui fait qu’on applaudissait à la fin des films. Je veux dans cette contribution «déconstruire» le mythe du mur de Berlin et parler d’un vrai mur, celui de la honte, celui de la force injuste contre le peuple opprimé de Palestine.

Pourquoi le mur a été construit?
William Blum nous explique pourquoi le mur a été construit: « (...) Pour commencer, rappelons qu’avant que le mur soit construit, des milliers d’Allemands de l’Est faisaient quotidiennement la navette entre Berlin Est et Berlin Ouest pour leur travail, c.-à-d. rentraient chez eux tous les soirs. Ils n’étaient donc aucunement retenus à l’Est contre leur volonté. Le mur a été construit principalement pour deux raisons:
1. L’Ouest était en train de harceler l’Est par une forte campagne de recrutement de professionnels et d’ouvriers hautement qualifiés, qui avaient été éduqués aux frais du gouvernement communiste. Cela finit par provoquer à l’Est une sérieuse crise de la production et de la main-d’œuvre. À titre indicatif, le New York Times notait, en 1963: «L’érection du mur a fait perdre à Berlin Ouest à peu près 60.000 ouvriers très qualifiés, qui se rendaient chaque jour de leurs domiciles de Berlin Est à leur lieu de travail de Berlin Ouest». New York Times, 27 juin 1963, p.12
2. Pendant les années 50, les «guerriers froids» américains de Berlin Ouest ont déclenché une brutale campagne de sabotages et de subversion contre l’Allemagne de l’Est, dont le but était de détraquer sa machine économique et administrative. La CIA et d’autres services militaires d’espionnage US ont recruté, équipé, entraîné et financé des activistes, individuellement ou par groupes, tant à l’Est qu’à l’Ouest, pour exécuter des actions qui, couvrant tout le spectre des possibilités, allèrent du terrorisme à la délinquance juvénile: n’importe quoi qui pût rendre la vie difficile aux citoyens d’Allemagne de l’Est, et affaiblir le soutien qu’ils apportaient à leur gouvernement, n’importe quoi qui pût donner des cocos une mauvaise image. (...) » (1)
Petit retour en arrière: Egon Krenz dernier président du Conseil d’État de la République démocratique allemande (RDA) évoque la chute du mur, le rôle de Gorbatchev, ses relations avec Kohl, ses propres erreurs, le socialisme.: L’histoire me libérera.(...) Mon sort personnel importe peu. En revanche, le calvaire vécu par de nombreux citoyens de la RDA relève de l’inadmissible. Je pense à tous ceux qui ont perdu leur travail alors qu’ il n’y avait pas de chômage en RDA. Je pense à tous ceux qui ont été marginalisés. Mais avez-vous remarqué que les dirigeants de la RFA ont tout mis en œuvre pour éviter la prison aux nazis? (..) Au bureau politique du SED, j’étais le plus jeune. Avec la disparition de la RDA, c’est une bonne partie de ma vie que j’ai enterrée.
Avec le chancelier Kohl, nous avions décidé d’ouvrir plusieurs points de passage. La date avait été fixée par mon gouvernement au 10 novembre 1989. Or, la veille, un membre du bureau politique, Schabowski, a annoncé publiquement, non pas l’ouverture de passages, mais la «destruction du mur». J’avais une grande confiance en Gorbatchev, une grande confiance dans la perestroïka comme tentative de renouvellement du socialisme. J’ai rencontré Gorbatchev, le 1er novembre 1989, à Moscou. Quatre heures d’entretien. Je lui ai dit: «Que comptez-vous faire de votre enfant?» II me regarde étonné et me répond: «Votre enfant? Qu ’entendez-vous par là?» J’ai poursuivi: «Que comptez-vous faire de la RDA?» II m’a dit: «Egon, l’unification n’est pas à l’ordre du jour.» Et il a ajouté: «Tu dois te méfier de Kohl.» Au même moment, Gorbatchev envoyait plusieurs émissaires à Bonn. Gorbatchev a joué un double jeu. Il nous a poignardés dans le dos. Egon Krenz, le «Gorbatchev allemand», disait-on à l’époque. En 1989, je l’aurais accepté comme un compliment car l’interprétant comme reconnaissant mon action visant à améliorer, à moderniser, à démocratiser le socialisme. Pas à l’abattre. Aujourd’hui, si certains me collaient cette étiquette, j’aurais honte. (...) L’idée socialiste, les valeurs socialistes vivent et vivront. Je reste persuadé que l’avenir sera le socialisme ou la barbarie. Le système ancien est définitivement mort. Je considère que j’ai failli. À d’autres de construire le socialisme moderne et démocratique. Un nouveau socialisme.(2)
Une autre version moins édulcorée lui attribue un rôle trouble. C’est Egon Krenz avec trois autres membres qui poussa Erich Honecker vers la sortie avec la bénédiction de Gorbatchev. Nous lisons: (...) Quant à la direction soviétique livrée au courant liquidateur de Gorbatchev et des traîtres qui l’entourent, elle encourage et favorise le mouvement. Le chef de l’Etat et du Parti communiste soviétique, Mikhaïl Gorbatchev, engagé lui-même dans le même processus liquidateur, leur a déjà souhaité «bonne chance», rapporte Harry Tisch, un des comploteurs, alors chef de la «Fédération libre des syndicats de RDA», parti à Moscou chercher du soutien. Le 17 octobre, la succession de Honecker est mise à l’ordre du jour de la réunion du bureau politique. Lors du tour de table, Honecker ne trouve pas de soutien, même chez ceux en qui il avait confiance. La trahison est complète et définitive. Egon Krenz est élu à la succession de Honecker le 18 octobre. Il ne parviendra pas à rester au pouvoir. Comme leur modèle Gorbatchev, les opportunistes ont ouvert la voie du malheur pour leur peuple. Quelques semaines après les premiers «McDo» ouvrent à Moscou. Quant à Erich Honecker, il est mort en mai 1994 il avait été emprisonné par le régime libéral de RFA. Réfugié à Moscou, il avait été livré par Eltsine.
La France a essayé d’empêcher la réunification. François Mitterrand a-t-il raté la réunification allemande?, s’interroge Pierre Haski. La polémique, d’abord historique mais pas seulement, a repris depuis la publication, à Londres, de documents déclassifiés par le Foreign Office, et en particulier des notes d’entretiens entre le président français et Margaret Thatcher, alors Premier ministre. Ce soupçon de loupé diplomatique majeur pèse sur François Mitterrand depuis des années. Pourtant, pour avoir suivi comme correspondant diplomatique de Libération à l’époque, toutes les étapes de cette page d’histoire, j’ai ressenti comme beaucoup d’autres l’immense flottement, le sentiment d’un homme qui était à contre-courant de l’histoire sans pour autant commettre de faute irréparable. On n’est pourtant pas passé loin si l’on en croit les documents britanniques, et en particulier cette conversation, début décembre, entre Mitterrand et Thatcher, dans laquelle ils font surenchère de références à la Seconde Guerre mondiale, et se renforcent mutuellement dans leur soupçon vis-à-vis du géant allemand qui renaît. Mitterrand redoute de voir Français et Britanniques se retrouver «dans la situation de leurs prédécesseurs dans les années 30, qui n’avaient pas su réagir» au désir d’hégémonie allemande. Et Maggie Thatcher sort de son célèbre sac à main une carte d’Europe découpée dans un journal d’avant-guerre...(3)
Dans ses mémoires récentes, Kohl a écrit avoir été très déçu par Mitterrand, qui en aparté se serait révélé très hostile à la réunification. Ce qui a le plus agacé Kohl, c’est que Mitterrand lui parle avec insistance de la ligne Oder Neisse, comme si on était avant guerre. Il en a été vexé dit-il, et n’a pas pardonné. La réunification a été le grand moment du chancelier Kohl, son heure de gloire et son titre incontestable pour la postérité. On est donc loin du main dans la main de la fameuse photo que, visiblement, Kohl a voulu gommer dans ses mémoires.

La chute du mur: pour le meilleur comme pour le pire
La suite est tristement connue. Ce sera la «réunification officielle», en fait une opération de colonisation de l’Est par l’Ouest, où l’ex-RDA sera livrée au capitalisme sauvage et au chômage. L’exemple de Leipzig, capitale industrielle de la RDA, qui rivalisait techniquement avec l’Occident dans les années 60-80, est significatif. «Leipzig ville fantôme» le Courrier International (Paris) «La municipalité incite les propriétaires à faire démolir leurs immeubles, car ils ne les loueront plus jamais», résume Der Spiegel. «Ensuite, ils sont invités à faire don des terrains à la ville.
Quant à ceux qui refusent, ils finiront par vendre leur bien, devenu inexploitable, à très bas prix, estiment les urbanistes
». http://www.pcn-ncp.com/dossier/ddr/ddr2.htm
On aurait pensé alors, propagande aidant, que la libération était synonyme de bonheur. Il n’en fut rien. En 1999, USA Today écrivait «Quand le Mur de Berlin est tombé, les Allemands de l’Est se sont imaginé une vie de liberté et d’abondance, où les difficultés auraient disparu. Dix ans plus tard, un remarquable 51% aux élections a fait savoir qu’ils étaient plus heureux sous le communisme». USA Today, 11 octobre 1999, p.1. Vingt ans plus tard, le capitalisme a pu envahir le monde, se propager à toute allure, matérialisé par des McDo, des parcs d’attractions, des jeans et des chewing-gums. Mais qu’ont-ils véritablement gagné? Pourquoi ne pas aussi parler d’une absence de chômage, d’une société sans SDF où chacun pouvait trouver sa place, ce que regrettent grandement aujourd’hui les populations d’Europe de l’Est. Sans compter que la pauvreté de la RDA s’explique par le fait qu’elle a du supporter seule les dommages de guerre dues par l’Allemagne à l’URSS, la RFA étant exonérée et bénéficiant au contraire d’un généreux plan Marshall...Les Allemands de l’Est en sont à redécouvrir l’Ost-algie d’avant...
Pourquoi ne pas parler du vrai mur de la honte de plusieurs kilomètres qui défigure la Jordanie, obligeant chaque matin des milliers de Palestiniens à faire d’énormes détours pour aller travailler chez les colons israéliens, ou pour rentrer le soir ne sachant pas s’ils peuvent ou non passer selon le bon vouloir et les humiliations au quotidien de la part des soldats. Il est vrai que la Cour Internationale de Justice a déclaré illégal ce mur et a demandé son démantèlement. Peine perdue. Le mur continue d’être peaufiné: les Palestiniens seront «comme des cafards dans un bocal» pour reprendre l’expression appropriée d’un général israélien...

Le vrai mur de la honte
Marquant le 20e anniversaire depuis la chute du mur de Berlin, les Palestiniens ont démoli ce vendredi dans le village cisjordanien de Ni’lin, un pan de mur [d’Apartheid] construit par Israël. Lors de la manifestation hebdomadaire contre le mur, qui traverse le centre du village situé dans la région de Ramallah et isole les habitants de 60% de leurs terres agricoles, quelque 300 manifestants ont méthodiquement démantelé une section en béton avant que les forces israéliennes n’ouvrent le feu. Ils ont brûlé des pneus et abattu une dalle de béton de huit mètres de haut en s’aidant d’un vérin mécanique pour voiture. «Il y a vingt ans, personne n’imaginait que la monstruosité d’un Berlin divisé en deux pourrait jamais être abattue, mais il n’a fallu que deux jours pour le faire», a déclaré Muhib Hawaja, un des manifestants, au journal israélien Yedioth Aharonot. «Aujourd’hui, nous avons prouvé que nous aussi pouvions l’imposer, ici et maintenant. Ce sont nos terres au-delà de ce mur, et nous n’avons pas l’intention d’accepter son existence. Nous triompherons car la justice est de notre côté.»(4)
Pour rappel. Commencé en juin 2002, le Mur de séparation devrait faire plus de 703 kilomètres de long, soit deux fois la longueur des frontières de 1967 avec la Cisjordanie et quatre fois plus long que le Mur de Berlin. Le Mur atteint à certains endroits 8 mètres de hauteur, plus de deux fois celle du Mur de Berlin. A d’autres endroits, le Mur est constitué d’une barrière métallique électrifiée entourée de tranchées de patrouilles, des fils barbelés et des détecteurs de mouvements. (Comme la ligne Morice en Algérie Ndlr). Le Mur s’enfonce profondément en Cisjordanie, divisant des villes, des villages et leurs périphéries, séparant les familles. Le Mur empêche les paysans palestiniens d’accéder à leurs terres; les étudiants de se rendre à leurs écoles; les malades, les personnes âgées et les femmes enceintes d’accéder aux soins de santé de base.
Pourtant, l’Avis consultatif de la CIJ édicté le 9 juillet 2004, est on ne peut plus clair: «L’édification du Mur qu’Israël, puissance occupante, est en train de construire en territoire palestinien occupé, y compris à l’intérieur et autour de Jérusalem-Est, et le régime qui lui est associé, sont contraires au Droit International» (paragraphe 163),; «Israël est dans l’obligation de mettre un terme aux violations du Droit International dont il est l’auteur; il est tenu de cesser immédiatement les travaux d’édification du mur qu’il est en train de construire dans le Territoire Palestinien Occupé, y compris à l’intérieur et autour de Jérusalem-Est, de démanteler immédiatement l’ouvrage situé dans ce territoire; Israël est dans l’obligation de réparer tous les dommages causés par la construction du Mur dans le Territoire Palestinien Occupé, y compris à l’intérieur et autour de Jérusalem-Est.» «Cette construction, s’ajoutant aux mesures prises antérieurement, dresse ainsi un obstacle grave à l’exercice par le peuple palestinien de son droit à l’autodétermination et viole de ce fait l’obligation incombant à Israël de respecter ce droit.» (paragraphe 121) (5). Tout est dit: nous attendons la justice des hommes.

(*) Ecole nationale polytechnique, Ecole d´ingénieurs Toulouse

1.William Blum: Le Mur de Berlin, un mythe de la guerre http://www.legrandsoir.info/Guerissons-le-monde-de-la-maladie-du-pacifisme.html
2.Egon Krenz: «L’avenir sera le socialisme ou la barbarie» José Fort L’Humanité 6 11 2009
3.Pierre Haski Quand Mitterrand tentait de ralentir la réunification allemande. Rue89 15/09/2009
4. 20 ans après la chute du mur de Berlin, les Palestiniens abattent un pan du Mur d’Apartheid. 7 novembre 2009 sur le site info-palestine.net Ma’an News Agency
5.http://www.oxfamsol.be/fr/Mur-de-separation-en-Palestine-l.html  10.11.2006

 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire