dimanche 31 janvier 2010

Un modèle agricole pour nourrir le monde

Le modèle zéro faim
par Devinder SHARMA देविंदर शर्मा, 8/1/2010 . Traduit par Michèle Mialane, édité par Fausto Giudice, Tlaxcala
Original : A farming model to sustain the world

Dans 10 ans, en 2020, l’agriculture indienne et toute l’agriculture mondiale peuvent être transformées en un système sain et viable où les suicides de petits paysans appartiendront au passé, où la misère et le désespoir auront fait place à la fierté d’être agriculteur, où l’agriculture sera véritablement durable, sur le long terme et n’accroîtra pas le réchauffement global.
L’année 2010 voit le début d’un scénario pour une agriculture future qui ramènera le sourire sur le visage des paysans sans laisser de plaies dans l’environnement.
     Une petite initiative lancée il y a six ans dans un village inconnu du district de Khamam a été reprise désormais dans 21 districts de l’Andhra Pradesh sur une surface totale de plus de 800 000 ha. Je me souviens de la première fois où j’ai parlé du miracle réalisé par le village de Pannukula dans l’Andhra Pradesh, et de tous ceux qui croyaient que j’essayais de faire dans le romantisme rural.  Comment faire de l’agriculture sans pesticides chimiques, m’a-t-on demandé à plusieurs reprises.
     Pannukula a ouvert le premier sillon qui s’élargit finalement en un large sentier lumineux. Au cours des quatre années suivantes plus de 318 000 paysans dans 21 des 23 districts de l’Andhra Pradesh ont abandonné l’emploi intensif d’intrants chimiques dans la culture et sont passés  à une agriculture durable, économiquement viable et adaptée aux impératifs écologiques. Une révolution silencieuse est en marche. À Kharif, en 2009, environ 560 000 ha étaient cultivés selon le modèle connu sous le nom de Community Managed Sustainable Agriculture ( CMSA : Agriculture communautaire durable).
     Au moment où j’écris ceci - la première semaine de l’année 2010 - cette expérience s’est étendue à 800 000 hectares des 21 districts. L’agriculture sans pesticides et renonçant progressivement aux engrais chimiques a gagné 240 000 ha, et cela en quelques mois: un record sans précédent. Et sans aucune incitation gouvernementale ou du secteur privé. Je ne vois aucune raison qui empêcherait ce système d’agriculture durable, écologiquement sûr et bon pour les paysans, de gagner dans les 10 années  qui viennent 80 millions d’hectares supplémentaires dans tout le pays, si le gouvernement les prend au sérieux. ?
     Dans 10 ans, en 2020, l’agriculture indienne peut être transformée en un système sain et dynamique, où les suicides de petits paysans appartiendront au passé, où la misère et le désespoir auront fait place à la fierté d’être agriculteur, et où l’agriculture sera devenue un système soutenable à long terme et ne conduisant pas à un changement climatique.
    

 Ce qui au début n’était qu’une expérience destinée à introduire un mode de culture sans pesticides chimiques conduit maintenant à renoncer aux engrais chimiques. On utilise un mélange de technologies éprouvées scientifiquement, de savoirs locaux et de sagesse traditionnelle. Les paysans remplacent les pesticides et les engrais chimiques par un mélange de cultures bactériennes, l’usage intensif de techniques de compostage, le lombricompostage, et utilisent des engrais biologiques et des extraits de plantes contre les nuisibles.
     Ces pratiques ont complètement transformé l’agriculture conventionnelle et garanti la sécurité et la stabilité des moyens de subsistance. Les rendements n’ont pas changé, les dommages causés par la vermine ont très fortement baissé et le sol recouvre sa fertilité naturelle. Et comme celle-ci augmente d’année en année, les rendements ont continué à croître. Plus important encore: les problèmes de santé des agriculteurs, liés à l’emploi des pesticides, ont baissé de 40% en moyenne.
     Les paysans disposent maintenant de plus d’argent. Les coûts à l’hectare ont diminué de 33%. Un paysan CMSA économise par exemple plus de 12 500 roupies à l’hectare [1 roupie=environ 0,0152 €, soit 100 roupies=environ 1,5 €, NdT] en cultivant du coton sans pesticides. Les rendements demeurant pratiquement les mêmes, les planteurs de coton revivent littéralement. Et l’environnement est devenu plus sain et plus sûr.
      Normalement l’achat de pesticides représente 56% des frais de revient de la culture du coton. Et n’oublions pas que 70% des paysans qui se suicident, au niveau de l’État ou du pays, sont des planteurs de coton. Mais dans les régions où l’on est passé au nouveau système, sans pesticides, il n’y a eu aucun suicide.
      Plus d’argent pour les paysans c’est aussi moins d’endettement. Le seul village dans tout le pays et durant les 30 années où j’ai travaillé sur l’agriculture que j’ai vu à même de libérer en trois ans seulement la totalité de ses terres des hypothèques qui les grevaient, c’est le village de Ramachandrapuram , district de Khamam, où les 75 paysans ont même remboursé les arriérés.
     Selon des enquêtes menées dans 5 districts, au moins 386 familles, sur les 467 qui avaient hypothéqué leurs terres,  les ont libérées en 2 ans.
     C’est un exemple à suivre pour l’avenir de l’agriculture indienne et mondiale. Non seulement il ouvre une voie soutenable avec une empreinte carbone minimale, mais il offre un énorme potentiel dans la lutte contre la pauvreté et la faim. Il s’est clairement avéré que l’autoconsommation alimentaire des ménages s’est améliorée: 40% d’achats en moins effectués sur les marchés. Les récoltes ont augmenté, et maintenant les paysans peuvent même obtenir deux récoltes par an. C’est le modèle zéro faim, et selon moi il doit être adopté dans le « National Food Security  Act » (Loi de sécurité alimentaire nationale ) en projet.
     Des groupes d’entraide de femmes et de paysans jouent un rôle important au sein de la CMSA. L’épargne s’est accrue, et une fédération de 850 675 groupes rassemble désormais 10 millions de femmes appartenant à des ménages pauvres. Cette fédération dispose d’un capital de 1,5 milliards de dollars US et offre tout un éventail de prestations économiques. Rien d’étonnant à ce que l’agriculture soutenable sans subventions extérieures soit à même de révolutionner les régions rurales et de vaincre la faim et la pauvreté.

samedi 30 janvier 2010

Les poursuites judiciaires contre Israël, où en est-on?

Compte-rendu de la conférence organisée à l'Institut du Monde Arabe le 22 janvier 2010 par le Collectif d'associations franco-libano-palestiniennes
par GHS et MP


Les orateurs:
- Maître Gilles Devers, porte-parole du collectif d´avocats à l'origine de la requête déposée auprès de la Cour Pénale Internationale
- Docteur Haytham Manna spécialiste du droit international, coordinateur de la Coalition internationale contre les criminels de guerre
- Nicole KIIL-NIELSEN, Parlementaire Européenne (membre de la "marche pour la liberté de Gaza »)
-Un représentant d'Amnesty International

Le Dr. Haytam Manna, porte-parole de la Commission arabe des droits humains, a ouvert la conférence avec les informations suivantes: 250 ONG et plus ont porté plainte contre Israël pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité; plus de 200 preuves ont été réunies, attestant de l'utilisation d'armes interdites. Le rapport Goldstone a fait l'objet d'un vote à l'AG de l'ONU, et a été validé par la majorité. On attend maintenant que le procureur de la CPI saisisse la chambre préliminaire, après quoi le procès pourra avoir lieu. Les Gazaouis constituent un peuple orphelin, dans la mesure où il n'appartient à aucun Etat, mais il a demandé protection. C'est à ce titre qu'il doit avoir accès au droit international humanitaire, création encore balbutiante.
Maître Gilles Devers, docteur en droit HDR, nous a parlé des sanctions sur l'illégalité du blocus ainsi que de l'avancement de la procédure devant la Cour Internationale et des progrès qui ont été réalisés en une année. Il n'y a plus de doute : l'opération "plomb durci" est bien un crime contre l'humanité. Il y a eu deux rapports : celui de la Ligue arabe et le rapport Goldstone. Ce dernier a été homologué par le Conseil des droits de l'homme. Il y a en cours trois actes juridiques dans trois pays : GB, Norvège et Afrique du Sud.
Il y a également eu 62 missions d'enquête régionales et internationales.
La coordination comporte près de 500 ONG, qui en sont toutes membres.
D'autres plaintes pourraient être déposées:
- pour l'occupation illégale de Jérusalem est, et la démolition de bâtiments n'appartenant nullement à l'Etat d'Israël,
-pour la colonisation de terres étrangères, par l'agression, 
- contre les entreprises complices, soit dans l'exportation des produits des colonies, soit dans la production sur les terres occupées illégalement. Il faut savoir que ces entreprises ne jouissent d'aucune protection diplomatique; il s'agit de simples ruoages du crime.
Les accords de coopération UE – Israël sont un véritable aspirateur à fraudes, pour écouler la production des colonies. Ces accords avaient été gelés un temps, en théorie; mais ce n'était que du vent, le pouvoir exécutif dans l'UE ne tient pas compte des avis des députés...
Mme Nicole Kiil-Nielsen, députée d’ Europe Ecologie, a fait la marche pour Gaza, et peut témoigner qu'il y a punition collective permanente contre les habitants de Gaza. Même si la marche n'a pu arriver jusqu'à Gaza, le fait que 1400 personnes aient pu dénoncer le blocus de Gaza était d'une grande importance.
L'UE dispose des mécanismes pour exiger le contrôle de l'origine précise de chaque produit, par des douaniers indépendants; actuellement, toute la chaîne administrative est aux mains des Israéliens! Agrexpo devrait être rapidement dissuadée de poursuivre ses activités: il suffit de faire saisir ses produits, de façon à "taper dans l'équilibre économique" qu'elle permet: il est facile de provoquer la ruine du système.
La Cour européenne va préciser incessamment que les frontières d'Israël sont celles de 1967. En 2004, les Etats se sont engagés à faire appliquer le droit humanitaire international. Or un Etat ne peut avoir qu'une parole....
La CPI rassemble 110 pays dont 30 européens: ils peuvent constituer un contre-pouvoir, réel!
Qu'entend-on par compétence universelle?
Les lois françaises ne la reconnaissent à la France que pour les accusations de torture. Mais il faut s'en servir: nous pouvons donc instruire pour des crimes commis en dehors de la France, sans participation de Français, ni comme victimes ni comme agresseurs.
Le Dr Haytam Manna précise qu'au départ, lors de la première réunion pour exiger la mission d'enquête de Goldstone à l'ONU, la FIDH, Amnesty International et Human Rights Watch se sont faits remarquer par leur absence.. HR Watch avait même insulté Goldstone...
Le représentant d'Amnesty International répond que si AI n'a pas été dans les premières ONG à dénoncer les crimes israéliens, pèse maintenant de tout son poids; il explique qu'il est utile d'exiger aussi des Palestiniens une mission d'enquête sur les crimes de guerre commis dans leur camp de façon à ne pas être réfuté pour partialité; une fois cette objectivité établie, la différence d'échelle entre crimes israéliens et palestiniens ne peut être réfutée par personne. Et les Etats se trouvent obligés de reconnaître l'ensemble des crimes israéliens.
Les interventions du public ont été diverses mais convergentes:
- Ne pas oublier que l'option d'un seul Etat avec les mêmes droits pour tous les habitants est la seule option à la fois juste et raisonnable.
- Le devoir de mémoire s'applique aux Palestiniens; ne pas oublier que l'origine de la surpopulation dans les territoires occupés et à Gaza est l'afflux de réfugiés chassés de chez eux.
- Israël est le fossoyeur de l'Europe, dans la mesure où il amène l'Europe à renier constamment ses principes, en prétendant que les Palestiniens payent pour la Shoah.
- Un Français a le droit de faire un service militaire dans l'armée israélienne. A-t-il aussi le droit de combattre avec les Palestiniens?
- Il faut rayer Hamas de la liste des organisations terroristes, et faire condamner les Franco-Israéliens qui ont participé à la guerre.
- La résistance de Gaza est remerciée pour avoir ré-internationalisé le conflit, que les Israéliens voulaient confiner dans une fausse dimension islamique, de façon à la situer dans une impasse et à démobiliser la solidarité.
 Voir également http://www.icawc.net et www.justiceforpalestine.org

vendredi 29 janvier 2010

Le Washington Post "fait s’effondrer" la Révolution Bolivarienne

Cet article du Post est un concentré parfait de l’idéologie, de la thématique et du vocabulaire qu’utilisent Le Monde ou Libération dans leur campagne permanente contre le "socialisme du XXIème siècle" de Chavez
par Rafael RICO RÍOS, 28/1/2010. Traduit par Thierry Deronne, pour www.larevolucionvive.org.ve
Original :
Venezuela: The Washington Post "derrumba" la Revolución Bolivariana
Le 25 janvier 2010, The Washington Post a publié l’article “Comment s’effondre la révolution de Hugo Chávez” signé par Jackson Diehl, éditorialiste et spécialiste de l’analyse internationale. Cet article est publié juste avant le terrible tempête médiatique déclenchée par l’affaire des chaines de télévision. Dommage pour cet auteur qui aurait pu y trouver quelque argument supplémentaire dans sa tentative volontariste de faire s’écrouler des révolutions.
La première phrase de son analyse est sans appel : "Hugo Chávez et son socialisme du 21ème siècle ont échoué et roulent vers l’abîme.
Face à une telle affirmation on ne peut s’attendre qu’à des révélations transcendentales et indiscutables de la part de l’analyste.
Cependant, nous sommes habitués à la presse commerciale et à ce genre d’analystes et nous trouvons rapidement ce à quoi nous nous attendions.
L’auteur dévoile rapidement sa position politique : “Au Honduras, sept mois de crise déclenchée par un client de Chávez créant une rupture de l’ordre constitutionnel, s’achèvent sur un accord qui l’enverra en exil après qu’un nouveau président élu démocratiquement a prêté serment comme président.”
Ce qui ne mérite aucun commentaire.
L’article aborde ensuite la crise économique, toujours fondamentale pour la presse commerciale. “Le Venezuela est secoué par la récession , l’inflation á deux chiffres, et le possible effondrement du réseau électrique national.” Et ajoute que pendant ce temps, “une élection présidentielle au Chili, économie la plus prospère de la région, a produit la première victoire d’un candidat de la droite”. Typique comparaison entre deux systèmes en lutte depuis quelques années.
Nous ne comprenons donc pas à quelle économie prospère se refère l’auteur. J’imagine qu’il se réfère á l’économie prospère pour les néo-libéraux, à savoir pour les riches et grands entrepreneurs internationaux, qui au Chili peuvent faire et défaire en toute “liberté”, sans s’inquiéter des injustices et des misères que provoque leur modèle de développement. Le gouvernement bolivarien a atteint, en pleine crise globale, la plus grande baisse de l’indice d’inégalité de toute l’Amérique Latine, l’indice Gini, qui descend à 0,41.
Comme toujours notre analyste avisé évoque le thème des Droits de l’Homme : “Piñera a ainsi offert à Washington une occasion d’élever la voix sur les violations des droits de l’homme au Venezuela.”
Voici le dirigeant le plus autorisé pour parler des Droits de l’Homme : Piñera. Dirigeant du parti de la droite chilienne, cette droite assise sur l’héritage d’excellentes réussites en matière de Droits de l’Homme comme 35.000 persones victimes de violations des Droits de l’Homme - 28 mille torturés, 2.279 exécutés et 1.248 qui restent disparus.
L’auteur insiste sur le Honduras, parle des élections illégales et affirme que “Le résultat est une victoire pour les États-Unis qui furent pratiquement le seul pays à appuyer une élection démocratique alors que la situation était au point mort. Honduras marque la fin de la croisade de Chávez pour exporter sa révolution vers d’autres pays”.
Nous voyons que pour l’auteur, dans le cas du Honduras, peu importent les Droits de l’Homme. Que le Honduras a subi un coup d’État militaire avec perquisitions illégales, arrestations massives, exécutions extrajudiciaires, fermeture de médias, cela indiffère l’auteur. Ce qui importe est de mettre un terme à la croisade de Chavez.
Haití ne fait qu’agrandir le trou de Chavez. Face au monde, les États-Unis commandent une opération humanitaire massive et les Haïtiens encouragent l’arrivée des Marines nord-américains.” Même la tragédie d’un tremblement de terre est une raison de plus pour justifier l’argument selon lequel Chavez est fini. Il est difficile de suivre sa logique, si tant est qu’elle existe. Ni les coups d’État, ni les disparitions, ni les tortures, ni les assassinats, ni les tremblements de terre, ni la faim, ni la souffrance. La seule chose qui semble importer à l’analyste c’est la défaite de Chávez.
Il revient à l’économie : “L’économie vénézuélienne est entrée dans une profonde récession et continue à plonger tandis que le reste de l’Amérique Latine se récupère. Les économistes prédisent que l’inflation pourrait s’élever à 60 pour cent dans les prochains mois.”
Nous savons qui sont ces économistes qui prédisent une inflation de 60% et l’écroulement de l’économie, et nous imaginons que ce sont les mêmes qui annoncent fréquemment depuis dix ans la chute du gouvernement Chávez pour faillite économique alors que dans la dernière décade, le Venezuela a atteint les meilleurs chiffres économiques des dernières décades, dont l’inflation la plus basse.
En se référant à Haiti et au rôle déplacé de Chávez il ajoute que celui-ci “a même affirmé que la Marine des États-Unis a provoqué le tremblement de terre avec une nouvelle arme secrète.” Cette affirmation il l’a tirée d’un article d’opinion repris d’un certain “Patria Grande” et repris notamment par une chaîne de télévision publique vénézuélienne. J’imagine que suivant la même logique, toutes les opinions qui s’expriment dans une télévision publique nord-américaine devront être attribuées à Obama.
Comme on pouvait s’y attendre depuis le début du texte, il fallait citer une enquête. “... Les indices d’approbation de Chávez ont continué à s’effondrer : il est tombé sous les 50 pour cent au Venezuela et à 34 pour cent dans le reste de la région.
On ignore à quelles enquêtes se réfère l’auteur. Ce 34% d’appui dans le reste de la région est intéressant si on prend en compte la campagne médiatique internationale. Cependant au Chili il n’y a pas eu de vote pour que les chiliens élisent le président du Venezuela. Ce qui importe, ce sont les élections nationales et jusqu’il y a deux semaines les enquêtes les plus sérieuses du pays confèrent un haut pourcentage de popularité (autour de 60%) à Hugo Chávez, suffisant pour gagner aisément les prochaines élections présidentielles.
De toutes manières, c’est au peuple vénézuélien que revient le dernier mot, bien que l’analyste du Washington Post ne semble pas croire beaucoup en lui, et jusqu’à l’heure actuelle Chávez a gagné clairement toutes les élections auxquelles il s’est présenté comme candidat. L’analyse se conclut par une brillante affirmation : “... le point d’inflexion dans la bataille entre populisme autoritaire et démocratie libérale en Amérique Latine est passé – et Chavez a perdu.”
Sans arguments ... et sans commentaires.

Une fosse commune contenant 2000 cadavres est découverte en Colombie

par Antonio ALBIÑANA, 26/1/2010. Traduit par Esteban G. et révisé par Michèle Mialane, Tlaxcala
Original : 
Público.es - Aparece en Colombia una fosa común con 2.000 cadáveres
C’est sur le territoire du petit village de La Macarena, dans la région du Meta, à 200 kilomètres au sud de Bogota, un des coins les plus chauds du conflit colombien, que vient d’être découverte la plus grande fosse commune de l’histoire récente de l’Amérique latine. Le nombre de cadavres« SN », enterrés sans être identifiés, pourrait s’élever à 2000, selon plusieurs sources d’information ainsi que celle du voisinage. Depuis 2005, l’Armée dont les forces d’élite sont déployées alentour, a entassé des centaines de cadavres, dans une fosse derrière le cimetière du village, avec l’ordre de les inhumer anonymement.

Il s’agit-là du plus grand enterrement de victimes d’un conflit qu’il nous soit donné de connaitre dans le  continent. Il faudrait remonter jusqu’à l’Holocauste nazi ou à la barbarie de Pol Pot au Cambodge, pour trouver une chose semblable.
Derrière le cimetière de la Macarena, à 200 km de Bogota, des milliers de corps anonymes ont été enterrés.
Le juriste Jairo Ramírez est le secrétaire du Comité Permanent pour la Défense des Droits Humains en Colombie, c’est lui qui a accompagné une délégation de parlementaires anglais sur place il y a quelques semaines, alors que l’on commençait à découvrir l’importance de la fosse de La Macarena. « Ce que nous avons vu était horrible », a-t-il déclaré à Público. « Une quantité incalculable de corps, et des centaines de planches en bois peintes en blanc réparties sur toute la superficie de la fosse avec inscrit dessus « SN » [Sans Nom] et des dates depuis  2005 jusqu’à aujourd’hui ».
A partir del 2005, 'Chucho', el sepulturero del pueblo, comenzó a marcar las tumbas con tablillas en las que registró las fechas de inhumación de los cadáveres y los alias de las personas muertas.
Photo: Fernando Ariza / EL TIEMPO
À partir de 2005, 'Chucho', le fossoyeur du village, avait commencé à marquer les tombes avec des tablettes sur lesquelles il inscrivait les dates d’inhumation des cadavres et les alias des personnes mortes.

Disparus
Ramírez ajoute: « Le commandant de l’armée nous avait dit que tous étaient des guérilléros tués au combat, mais les gens de la région nous parlaient d’une multitude de leaders sociaux, de paysans et de défenseurs de communautés qui avaient disparu sans laisser de traces. »
Alors que le Procureur annonçait qu’une recherche serait lancée « à partir du mois de mars », après les élections législatives et présidentielles, une délégation parlementaire espagnole composée par Jordi Pedret (PSOE), Inés Sabanés (IU), Francesc Canet (ERC), Joan-Josep Nuet (IC-EU), Carles Campuzano (CiU), Mikel Basabe (Aralar) et Marian Suárez (Eivissa pel Canví) est arrivée hier en Colombie pour étudier le cas et en informer le Congrès et la Commission Européenne. Le travail de cette délégation se fera également en différents lieux du pays et sera aussi axé sur la situation de la femme en tant que première victime du conflit et sur celle des syndicalistes (41 d’entre eux ont été assassinés rien qu’en 2009).
Aparece en Colombia una fosa común con 2.000 cadáveres 
Une famille transporte en bus les restes du corps d’un disparu qui ont été retrouvés dans une fosse commune (AFP)

Dans le pays il y a plus de mille fosses

L’horreur de La Macarena a révélé au grand public l’existence de plus de mille fosses communes emplies de cadavres non identifiés en Colombie. À la fin de l’an passé, les médecins légistes avaient recensé quelques 2500 cadavres, dont 600 ont pu être identifiés et rendus à leur familles.
La localisation de ces cimetières clandestins a été possible grâce aux déclarations en version libre de certains sous-chefs, en principe démobilisés, du paramilitarisme, et protégés par la très controversée Loi de Justice et Paix qui leur garantit une peine symbolique en échange de l’aveu de leurs crimes.
La dernière de ces déclarations est celle de John Jairo Rentería, alias Betún, qui vient de révéler devant le procureur et les familles des victimes que lui-même et ses hommes de mains ont enterré « au moins 800 personnes » dans la propriété Villa Sandra, à Puerto Asís, dans la région de Putumayo. « Il fallait démembrer les gens. Tous ceux qui faisaient partie des Autodefensas devaient apprendre à le pratiquer et très souvent on le faisait avec les gens vivants », a avoué le chef paramilitaire au procureur de Justice et Paix.

Alfredo Molano. Sociologue et écrivain :« Le gouvernement ne veut pas faire des recherches »
Alfredo Molano, un des éditorialistes les plus influents de Colombie, a parcouru le pays en rapportant la chronique de la violence, ce qui lui a valu l’exil forcé pour échapper aux menaces des militaires et des paramilitaires.
Quelle est la situation à propos des fosses en Colombie?
Le Procureur Général de la Nation, lui-même, parle de 25.000 « disparus », qui doivent certainement être quelque part. Il existe énormément de cimetières clandestins en Colombie. Des gens ont été rayés. C’est possible aussi qu’ils aient fait disparaître des restes, en recourant à des procédés utilisés par les nazis, comme les fours crématoires.
Est-ce que ces fosses ont un lien avec ce que l’on appelle les « faux positifs » ?
Oui, tout cela peut être lié aux “faux positifs” [des Colombiens civils assassinés et que le gouvernement présente comme « morts au combat »]. L’armée les enterrait dans la clandestinité. Une grande partie de ces personnes vont être retrouvées dans ces fosses communes.
Quelle peut être l’importance de ces fosses découvertes ?
Terrible. En Colombie, même durant les années cinquante il n’y avait pas eu autant de brutalité que celle dont font preuve ces actions des paramilitaires, mais le gouvernement ne souhaite pas d’enquête approfondie, tout au plus il laissera révéler l’existence de quelques tombes. De plus, cela demande du temps et les identifications, par tests chimiques et ADN, présentent des d’énormes difficultés techniques.

jeudi 28 janvier 2010

El Pais baillonne Chavez

Venezuela: RCTV appuie la solution militaire pour en finir avec Chavez
par Rafael RICO RÍOS, 27/1/2010. Traduit par Grégoire Souchay pour http://www.larevolucionvive.org.ve
Une fois de plus, le journal espagnol El País nous donne une leçon de journalisme de qualité avec son éditorial du 26 janvier, intitulé “Chávez Amordaza.” (Chavez censure). Cet éditorial marque la ligne idéologique d’un journal et dans le cas présent, il définit très clairement la position du média vis-à-vis du processus vénézuelien
El País critique la suspension temporaire de 6 chaines de télévision au Venezuela. American Network, America TV, Momentum, RCTV, Ritmo Son et TV Chile, sont suspendues jusqu’à ce qu’elles acceptent de respecter les lois en vigueur. Les points soulignés par El País correspondent parfaitement avec ce qui se diffuse internationalement dans les médias commerciaux.
L’éditorial s’ouvre en affirmant que “le gouvernement vénézuelien a définitivement coupé le signal au canal de télévision”. Or la suspension de la possibilité d’émettre de ces six chaines n’est pas définitive. Il n’y a aucune déclaration de la part des responsables de cette mesure qui indique qu’elle sera définitive, au contraire il s’agit d’une suspension temporaire. Cela a été dit et redit par la Commission Nationale des Telecommunications, CONATEL (équivalent du CSA) et les compagnies de cable elles-mêmes ont insisté en ce sens auprés des chaînes privées. Ce n’est donc en rien une suspension définitive comme le clame l’article.
Les chaines suspendues, qui avaient parfaitement connaissance du cadre juridique qu’elles étaient dans l’obligation de respecter, doivent se présenter devant la CONATEL pour s’enregistrer comme production nationale audiovisuelle et ainsi réunir les conditions requises par la Loi de responsabilité Sociale pour la Radio et la Télévision (Resorte). Elle pourront dès lors immédiatement recommencer à émettre. C’est donc une mesure de réajustement vis-à-vis des lois vénézueliennes. Le canal TV Chile, par exemple, voit son signal déjà en cours de rétablissement
Cependant, dans ce spectacle, Radio Caracas Television ( RCTV) a un autre objectif : créer de l’agitation dans des rues. Il faut rappeler que RCTV a participé activement au coup d’Etat du 11 avril 2002, et à d’autres tentatives de déstabilisation ces dernières années. Son objectif semble être de se victimiser, de maintenir la situation de conflit dans la rue, et de créer de la violence. Le 26 janvier, la mort de deux étudiants dans la ville de Mérida a été confirmée, l’un d’entre eux était membre du Parti Socialiste Unifié du Venezuela, et manifestait pour appuyer les mesures du gouvernement.
El País continue en expliquant que “Caracas accentue sa politique visant à faire taire les médias d’information critiques”. Depuis que Chávez gouverne, aucun média de communication ne s’est vu interdire pour avoir été critique. Dans le cas en question de RCTV en 2007, c’est la concession pour émettre sur le canal hertzien public qui est arrivée à terme. La chaîne a été transférée vers le réseau câblé et satellite. En 2007, le même journal répétait à l’envie que RCTV avait été fermée. Dans ce cas, si la chaine a été fermée en 2007, comme le claironnaient les grands médias, qu’est-ce qui est fermé aujourd’hui par le gouvernement ?
El País insiste également sur la question de la répression : “ce n’est pas la première fois que des voix discordantes sont supprimées” ... “en aout passé, Caracas à muselé trente autres stations de radio qui supposément n’auraient pas renouvelée leur concession administrative”. En août 2008 les concessions de diffusion pour 34 radios sur les plus de 800 existantes au niveau national ont été révoquées. Ces stations furent fermées, non pas pour des raisons politiques, mais parce qu’elles refusaient de respecter la Loi Organique des Télécommunications. Certaines d’entre elles n’étaient même pas d’opposition, toutes les stations du pays ayant été inspectées en application de la loi et certaines d’entre elles présentaient des irrégularités.
Celles-ci eurent un délai de plusieurs mois pour régulariser leur situation, et finalement, celles qui n’y avaient pas remédié ont été fermées. Ces mesures sont habituelles dans tous les pays, les stations qui ne respectent pas la loi sont suspendues. Certaines d’entre elles, héritées de père en fils, dans la totale illégalité, appartenaient à des entrepreneurs de l’opposition qui, une fois de plus, ont profité de l’application de la loi pour générer des troubles et accuser le gouvernement d’attaquer la liberté d’expression. La mise à jour des ondes permet d’ailleurs de libérer certaines fréquences pour les médias associatifs, qui connaissent un boom depuis leur légalisation par le gouvernement bolivarien et de poursuivre ainsi la démocratisation du "latifundio radio-électrique".
El País, dans son éditorial, cite que “la commission inter-américaine des droits humains considère la mesure comme une attente aux garanties constitutionnelles et ajoute que les chaines fermées n’ont pas eu la possibilité de se défendre devant une autorité impartiale.” Nous ne savons pas à quoi il est fait allusion par “se défendre devant une autorité impartiale”. La CONATEL est l’organisme public qui régule les télécommunications au Venezuela et ses portes sont ouvertes pour que ces chaines présentent les pré-requis édictés par la Loi Resorte et rétablissent leur diffusion. Diosdado Cabello, président de la CONATEL l’a répétée une fois encore : “le signal est resté ouvert pour les autres télévisions qui ont été établies comme productions nationales, la loi est la même pour tout le monde. Nous avons tous les mêmes droits et devoirs”
L’éditorial accuse également Chavez du fait de ses politiques économiques : “Chavez opère un contrôle des prix, la fermeture de centaines de commerces et menace d’expropriation. Tout un arsenal antidémocratique”. Certaines entrepreneurs vénézueliens ont profité des rumeurs des conséquences de la dévaluation de la monnaie pour augmenter leurs prix de leurs produits sans justification, jusqu’à + 300%, pour spéculer et d’enrichir. Si prendre des mesures pour contrôler la spéculation, l’augmentation des prix et les monopolisations est antidémocratique, qu’est-ce que El País considère comme démocratique ? Appuyer les entrepreneurs qui trichent, qui volent et pratiquent l’usure ?
Finalement, il est affirmé que “Radio Caracas Télévision International refuse de transmettre les discours doctrinaires du président”. Parmi les normes non respectées par ces canaux, y compris RCTV l’on trouve : non transmission des allocutions présidentielles (pas uniquement les directs), non diffusion de l’hymne national, non annonce du type de production, des éléments de langage, santé, sexe et violence, la diffusion de plus de deux heures de séries pour adultes aux horaires pour enfants. Ce n’est donc pas seulement pour ne pas transmettre, lorsque ceci est envisagé, les discours du président.
Le plus préoccupant est un fait qui n’a pas été publié par la presse commerciale internationale, les déclarations de Noel Álvarez, président de la Fédérations des Chambres et Associations de Commerce et de Production du Venezuela, Fedecamaras (équivalent du MEDEF).
Le 21 janvier, sur RCTV, la chaine défendue par ces médias pour son caractère si démocratique, Noel Álvarez déclare que la solution pour en finir avec Chavez est la “solution militaire” (heureusement qu’il n’a pas dit la solution finale ...), avec la réaction enthousiaste du journaliste-intervieweur vedette de RCTV, Miguel Ángel Rodríguez, qui applaudit triomphalement à cette idée de la “solution militaire”.
Évidemment, El País ne le mentionne pas. Serait-ce parce que ce journal défend également la solution militaire ?
Ce type d’éditorial est un exemple de la position de El País vis-à-vis de Chavez. Jour après jour, il bombarde de manière maladive, à la limite de la paranoïa, une kyrielle d’articles contre le président Chavez. Il devient urgent de se demander : s’ils pense tout cela d’un président élu par plus de 60% de la population vénézuelienne, alors que pensent-ils des millions de sympathisants qui appuient le président Chavez ? La réponse semble être claire : il les méprise.
Demi-vérités, déformation, mensonge, insultes, manipulation, toute un vocabulaire utilisé pour s’en prendre quotidiennement au Président Chavez. Et en réalité, ce qu’à l’air d’oublier ce média, peut être parce qu’il a perdu tout principe démocratique, c’est qu’au fond tout cela représente l’indifférence pour la décision des électeurs vénézueliens. Une fois encore, El País méprise le peuple vénézuélien.

Vidéo des déclarations de Noel Álvarez sur RCTV où il demande une “solution militaire, à partir de 1 min 40 

Maroc: mise sous scellés par les autorités du Journal hebdomadaire

Par AFP, 28/1/2010
RABAT — Les locaux du Journal hebdomadaire (JH, indépendant) ont été mis sous scellés mercredi après une décision d'un tribunal marocain, a-t-on appris jeudi auprès de la publication dont le siège est à Casablanca.
Cette mesure intervient après que le tribunal de commerce de Casablanca a ordonné lundi la "liquidation judiciaire" de "Média Trust", société éditrice du JH - 18.000 exemplaires par semaine) jusqu'en 2003, a indiqué à l'AFP une source judiciaire.
"Média Trust" a été condamné par la justice pour non paiement "d'importantes dettes" envers la Caisse nationale de la sécurité sociale (CNSS), certaines banques et l'administration des impôts, a déclaré à l'AFP Me Abdelkébir Tabih, un avocat des créanciers du JH.
"Le JH ne paraîtra sans doute pas cette semaine parce que nous ne pouvons pas accéder aux locaux. Nous n'avons pas d'endroit où travailler", a déclaré à l'AFP un journaliste de la publication.
"Le jugement du tribunal de Casablanca est exécutoire sur le champ, sous le contrôle d'un juge commissaire et d'un syndic. Le montant des dettes dépasse les cinq millions de dirhams (450 000 euros)", a précisé Abdelkebir Tabih, un avocat de la CNSS et de la direction des impôts.
Selon Me Tabih, cette décision de justice concerne les dirigeants de Média Trust, mais elle porte aussi sur Trimédia, qui a remplacé la première et qui édite la publication depuis sept ans.
Selon Ali Amar, l'un des fondateurs du JH, l'application du jugement équivaut à une "mise à mort du Journal hebdomadaire".
"Il y a effectivement un endettement colossal de Média Trust. Mais je pense qu'il y a une véritable volonté de faire taire Le Journal", a-t-il dit à l'AFP.
"Il existe un projet de recomposition des médias au Maroc, voulu par le pouvoir, et dans ce projet la disparition du Journal est déjà programmée", a-t-il encore précisé.
"Je ne comprends pas pourquoi la justice a exécuté un jugement contre une société (Trimédia) qui n'est pas concernée par l'endettement et qui édite Le Journal depuis sept ans", a conclu M. Amar.
Fondé en 1997, le Journal hebdomadaire est une publication indépendante. Les sujets qu'il a pu aborder ont brisé plusieurs tabous, notamment politiques.
                                                           






Aboubakr Jamaï

L’intifada qui vient et l’inéluctable réconciliation (entre Hamas et Fatah)

par عبد الباري عطوانAbdelbari  ATWAN , 26/1/2010. Traduit par Tafsut Aït Baamrane, Tlaxcala

  الانتفاضة آتية والمصالحة حتمية
Le sénateur George Mitchell, envoyé spécial du président Obama pour le Moyen-Orient, a conclu son dernier voyage sans atteindre le but recherché : la possibilité d’une reprise des négociations entre l’Autorité palestinienne et le gouvernement israélien, qui était l’objectif principal de sa tournée.

Trois raisons principales ont conduit à l’échec de cette tournée de l’émissaire, rentré les mains vides à Washington :
1°- La déclaration par  Benjamin Netanyahou, Premier ministre israélien, de sa volonté de maintenir toutes les principales colonies juives de Cisjordanie et le contrôle total d’Israël sur la vallée du Jourdain, c’est-à-dire la frontière orientale d’un État palestinien, au cas où celui-ci verrait le jour suite à un accord entre les deux parties ;
2°- L’insistance du Président Abbas à ne retourner à la table de négociation qu’après un engagement de Netanayahou et de son gouvernement à geler les colonies en Cisjordanie et à Jérusalem-Est occupée et  à établir des termes de référence et un calendrier précis pour des négociations bénéficiant de garanties internationales ;
3°- Le commentaire du président US Barack Obama, reconnaissant que son administration avait mal évalué les obstacles se dressant sur le chemin du processus de paix et que le rôle des USA était limité, du fait qu’il avait cédé aux pressions israéliennes en faveur d’un renoncement à l’exigence de gel des colonies, dont il avait auparavant dit que c’était une condition sine qua non de reprise du processus de paix.

L’échec officiellement déclaré du sénateur Mitchell signifie qu’un vide politique –certains parlent de rigidité – s’est créé et que  l’option arabe d’une solution pacifique s’est effondrée, l’initiative de paix arabe étant devenue caduque.

Jeu de cartes pour tuer le temps en période de vide politique
En haut à droite : Irak
En bas à droite : Palestine
En bas à gauche : Liban


Les expériences passées dans la région arabe et ailleurs nous enseignent que la nature a horreur du vide politique, qui ne fait pas long feu, des changements venant le combler d’une façon ou d’une autre. La région arabe, qui a vécu pendant environ 20 ans sur un processus de paix illusoire, ne peut pas s’en passer, parce que les régimes arabes ne veulent tout simplement pas penser à une alternative ou à un « plan B », comme c’est l’usage dans les pays civilisés.
L’Autorité palestinienne a évoqué, avec une « timidité extrême » l’éventualité de déclencher une intifada pacifique en Cisjordanie, c’est-à-dire d’ordonner des manifestations pacifiques, des protestations, des actions de désobéissance civile, avec peut-être un retour à « l’arme des pierres », s’inspirant ainsi de l’expérience de la première intifada qui a conduit l’Autorité palestinienne à s’installer à Ramallah il y a seize ans.
Si nous parlons de « timidité extrême », c’est que lorsque la première intifada avait éclaté il ya 22 ans, il n’existait pas d’ Autorité palestinienne financée par les donateurs internationaux, dont les forces police et de sécurité étaient supervisées le général US Dayton, sans parler des cartes de VIP pour les grandes personnalités. Il n’y avait alors ni gouvernement ni ministres, ni présidence installée à la Mouqataa.

Sur le personnage : Autorité palestinienne
Sur l’affiche Wanted : Paies de fonctionnaires

L’Autorité vit une crise sans précédent car son soutien à une nouvelle intifada pourrait signifier son autodissolution et ramener la  Cisjordanie à son état antérieur de territoire directement occupé par les forces israéliennes, sortant d’une occupation camouflée, et dont  l’occupation  israélienne prendrait la responsabilité de l’administration en totalité, se chargeant de procurer sécurité, eau, électricité, et santé aux trois millions de Palestiniens.

Le Président Abbas est actuellement confronté à la même conjoncture que le défunt président Arafat après l’échec des négociations de Camp David, immédiatement après son rejet de spressions US por qu’il accepte un compromis proposé par Bill Clinton, à une différence essentielle près : le Président Yasser Arafat, dès son retour, avait choisi, lui, d’opter pour la résistance, en créant les Brigades de Martyrs d’Al Aqsa et renforçant les liens avec le Hamas et le Jihad islamique et en envoyant des émissaires au Liban, en Iran et ailleurs, pour se procurer des armes.

Le Président Yasser Arafat a payé cher ce choix : blocus, isolement dans son QG à Ramallah pour finir en martyr empoisonné. Il prévoyait – que Dieu lui accorde miséricorde – cette fin honorable et il a eu ce qu’il voulait.

Nous ne savons pas jusqu’à quand  le Président Abbas campera sur sa position actuelle consistant à refuser de négocier si la  condition de gel des colonies n’est pas satisfaite. Les pressions arabes sur lui à cet égard sont plus fortes que celles des Usaméricains et de leurs alliés européens. Mais tout ce que ne savons – et il le sait, lui aussi, c’est que la probabilité de sa résiliation et de sa révocation figure déjà dans l’agenda de l’administration US et de ses alliés européens, et on ne serait pas surpris d’apprendre qu’ils ont se sont mis à la recherche d’un successeur dès qu’il eut annoncé qu’il ne se présenterait plus à l’élection présidentielle à venir. Madame Clinton lui avait alors répondu qu’elle n’était pas « peinée » de son départ et qu’elle était prête à poursuivre sa collaboration avec lui, quel que soit le nouveau poste qu’il occuperait.

La scène palestinienne est « triste » à tous les niveaux : le Président a dépassé  le terme de son mandat et il n’a pas l’intention de se présenter à la prochaine élection, dont nul ne sait quand elle aura lieu ; le Conseil législatif élu a aussi perdu toute légitimité, ayant dépassé la durée de sa législature et aucune élection ne se profilant à l’horizon pour le remplacer. Il en va de même pour toutes les instances de l’OLP, que ce soit le Conseil national, le Conseil  central ou le Comité exécutif.

Israël aussi vit un véritable dilemme : il est haï et condamné à l’échelle planétaire pour avoir commis des crimes de guerre à Gaza et le maintien de son blocus de Gaza n’a fait qu’envenimer les choses.  À cela s’ajoutent la détérioration de ses relations avec la Turquie et la fin des négociations avec la Syrie, accroissant son isolement régional, en plus de son isolement international. Netanyahou avait hâte de reprendre les négociations à ses propres conditions, non pour parvenir à un règlement mais pour gagner du temps, corriger l’mage d’Israël, atténuer la haine, prolonger la durée de vie de son gouvernement, fournir une couverture à la poursuite de l’implantation de colonies et avaler ce qui reste de Jérusalem-Est. Ses ambitions se sont évaporées, du moins pour le moment, et il doit chercher à son tour un moyen de sortir de l’impasse.

L’histoire nous enseigne également que le recours à la guerre est l’éternel choix de sortie de crise d’Israël. C’est ce qu’a fait Menahem Begin, face à l’intensification de la résistance au Liban, quand il a envahi ce pays à l’été 1982. C’est ce qu’a fait Barak, attaquant la bande de Gaza pour effacer sa défaite humiliante au Sud-Liban. C’est ce que pourrait faire Netanyahou dans les semaines ou les mois à venir : une nouvelle agression contre le Liban ou la Bande de Gaza ou les deux à la fois. Il est en ce moment en train de chercher les prétextes  et son gouvernement aura peut-être l’audace de les fabriquer ; un encouragement décisif à Netanyahou pourrait venir de l’appui arabe, qui est clair et net. On n’a pas entendu protester un seul État arabe, à l’exception de la Syrie, et demander la levée du blocus sur Gaza et l’arrêt de la construction du mur d’acier sur la frontière égyptienne afin d’’asphyxier un million et demi de Palestiniens. Ce dernier pourrait être un feu vert du gouvernement égyptien au gouvernement israélien, au cas où celui-ci enverrait ses chars à Gaza.

Le Président Moubarak n’avait jamais auparavant attaqué le Hamas avec une telle virulence comme il l’a fait dans son discours du Jour de la Police (sic) et on a même entendu certains dirigeants égyptiens menacer d’envahir et de détruire la Bande de Gaza en punition pour le meurtre d’un soldat égyptien à a frontière il y a trois semaines.

Ce qui nous conduit à penser qu’il existe un plan arabo-israélo-US de « solution finale » militaire de la « question de Gaza » (le pouvoir du Hamas), après l’échec de la politique consistant à affamer Gaza par le blocus, dans le but de voir les Gazaouis se retourner et se soulever contre le Hamas. En outre, le fait que la reconstruction des 60 000 logements détruits par l’agression de l’année dernière n’ait pas encore été entamée ne peut signifier qu’une chose : une entente pour laisser les choses en l’état dans l’attente de la « solution » militaire israélienne.

Une nouvelle attaque de la bande de Gaza ne sera pas facile et aggravera le dilemme israélien. La précédente agression n’a pas mis fin à « l’Autorité du Hamas », elle n’a pas provoqué de révolte contre celle-ci ni n’a fait disparaître la « culture de la résistance », mais a eu un effet contraire.

Le peuple de Gaza résistera à l’agression comme il l’a fait durant la précédente et il continuera la résistance si jamais les troupes israélienne décident de rester dans la Bande pour longtemps.
Des leçons ont été tirées de la dernière agression et sans doute assimilées : on s’en apercevra au cas où Netanyahou s’entêterait et passerait des menaces aux actes.
La réconciliation interpalestinienne est plus proche que jamais, surtout si Abbas maintient sa position et si le Fatah décide d’allumer la mèche de l’intifada pacifique en Cisjordanie, retirant son épingle du jeu des négociations absurdes et revenant à ses origines de chef de file de la résistance.

Le compte à rebours pour une telle réconciliation est, à notre avis enclenché ou il devrait l’être – sur une plateforme de résistance, qu’elle soit pacifique ou armée.

Ce serait la seule issue convenable et efficace.

mercredi 27 janvier 2010

Burqatastrophe : Pas de quoi fouetter une chatte

par Ayman El Kayman, Coups de dent n°125, 26/1/2010
Je vous annonçais à la fin de l’année dernière que l’année 2010 serait un annus horribilissimus. Mes prévisions se confirment, en particulier pour la France. Depuis des semaines, le monde politique et médiatique est agité par deux thèmes qui  s’entrecroisent et se mélangent : l’identité nationale et le port de la burqa. Il semblerait que la France s’enfonce joyeusement ( ?) dans la burqatastrophe.  Que faut-il penser de tout ça et que faire ? J’avoue ma profonde perplexité, que vous êtes sans doute nombreux-ses à partager. Voici en tout cas ce dont je suis sûr :

1° - Aucune identité, ni individuelle ni collective, n’est fixée une fois pour toutes. L’identité, quelle qu’elle soit, n’est pas une statue de bronze, mais plutôt un torrent de montagne, une nuée ardente*.

2° - La « réislamisation » des jeunes générations nées en France de parents, de grands-parents ou d’arrière-grands-parents venus du Maghreb et d’Afrique sub-saharienne, est l’indice le plus sûr de leur « intégration » dans la société française. À partir de 1975, les « immigrés » de culture musulmane ont  compris qu’ils n’étaient plus de passage, en voyage, en exil mais qu’ils étaient destinés à vivre et mourir en France et leur progéniture avec eux. Donc, la France changeait de statut, passant de celui de territoire du « Dar El Harb » (maison de la guerre) à celui de territoire de« Dar El Islam », dans lequel on est tenu de respecter les obligations religieuses.

3°- Les premières jeunes filles –elles étaient marocaines - à porter le hijab en France, en 1989, étaient nées ou arrivées dans le pays autour de 1975, dans la vague de regroupement familial qui suivit la fermeture des frontières. Leur décision était motivée par leur souhait de poursuivre leurs études au-delà de la scolarité obligatoire, qui se heurtait à l’opposition de leurs grands-mères restées au Maroc, qui essayaient de convaincre les parents des jeunes filles de les marier vite fait bien  fait pour leur éviter la perdition sur des bancs universitaires. En arborant le hidjab, les jeunes filles envoyaient le message suivant à leurs grands-mères : « Je peux faire des études sans devenir pour autant une dévergondée ».



Burqa républicaine

4°- La « réislamisation », comme tout phénomène de conversion, est une construction imaginaire, un bricolage syncrétique, dans lequel  les intéressé-es se fournissent en arguments, attributs et signes extérieurs pris à des sources très diverses : lectures, contacts personnels, imams, oulémas et prêcheurs plus ou moins savants, plus moins cultivés, plus ou moins sérieux, et…la télé ! De nombreux jeunes Musulman-es de France finissent par  donner d’eux-elles l’image, généralement caricaturale, renvoyée par le petit écran. À qui la faute ?
5° - Une chose est sûre : le hijab ou même la burqa augmentent la valeur des jeunes filles qui les portent sur le marché matrimonial musulman, et donc le prestige de leurs familles. Ils ne sont rien d’autre que l’affichage d’une virginité, réelle ou prétendue.


Burka Chic, Huile et acrylique, 122X96 cm, de la série "Burka chic", de l'artiste britannique musulmane Sarah Maple

6°- La burqa, qui n’est évidemment pas une obligation musulmane mais plus simplement une tradition pachtoune d’Afghanistan, concentre toutes les passions de ce nouveau siècle. D’autres générations ont adopté la casquette Mao, le béret Guevara, ont brûlé leurs soutien-gorges, adopté la mini-jupe ou se sont laissé pousser la barbe. Et dans les pays arabes, la police depuis belle lurette fait la chasse aux jeunes barbus : dans les années 70, ils étaient soupçonnés d’être des communistes, aujourd’hui, d’être des islamistes. Et pour les filles, la chasse aux minijupes a été remplacée par la chasse aux voiles divers.


Burqa érotique

7° - Tout ceci dit, le port de la burqa en France est un phénomène microscopique, qui touche tout au plus 300 personnes. Donc pas de quoi fouetter une chatte. Mais  il est insupportable à ceux qui ressentent une énorme frustration à ne pas pouvoir dévisager des femmes, c’est-à-dire à prendre symboliquement possession de leur corps. Ces nouveaux Tartuffe qui s’avancent masqués en anti-Tartufe pourraient dire : « Ne cachez pas ce visage que je me dois de voir ». Si une femme ne veut pas que je voie son visage, quelles que soient ses raisons, c’est son droit et je ne vois pas au nom de quoi je devrais lui imposer mon droit à le voir à tout prix. Cela peut me déranger, mais je ne vois pas en quoi cela pourrait me nuire. Or, selon la bonne vieille Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, "La liberté consiste à faire tout ce qui ne nuit pas à autrui". Et pour citer le bon vieux Jean-Sol Partre, "Ma liberté s'arrête où commence celle d'autrui." (Sujet classique de dissertation de philosophie sur lequel les honorables membres  de la mission d'information parlementaire sur le port du voile intégral auraient du plancher).
La liberté des regardeurs s’arrête où commence celle des regardées.


Ayman El Kayman, le petit philosophe des lumières du marigot


* Nuée ardente : 
Grand volume de gaz brûlants à très forte pression transportant, suite à à une violente explosion, des masses considérables de débris de lave ( des cendres aux blocs en passant par les scories) et se déplaçant à grande vitesse (100 km/h et plus).[définition selon futura-sciences.com]

Bonne semaine, quand même !
Que la Force de l’esprit soit avec vous !
...et à la semaine prochaine !
Dessin de DILEM, Algérie