vendredi 16 juillet 2010

La Connexion Hippique du Premier Cercle : L’UMP financée au galop

par IAY, 16/7/2010
Après la nouvelle révélation compromettant Eric Woerth pour avoir facilité la vente d'une parcelle de la forêt de Compiègne à une association privée, la Société des courses de Compiègne, pour un montant de 2,5 millions d'euros alors qu’elle en vaudrait au moins 20, et du fait que le dirigeant de cette société, un certain Antoine Gilibert, est un membre éminent de l’UMP, et surtout qu’il est l'un des dirigeants de France Galop, une société organisatrice des courses nationales de chevaux, où Florence Woerth siégeait, il faudrait qu’on parle désormais de ce qu’on peut appeler « la Connexion Hippique du Premier Cercle. »
Le Premier Cercle des amis de Nicolas Sarkozy
En janvier 2007, alors que l’actuel président était encore ministre de l’Intérieur se préparant à conquérir le pouvoir suprême, un article « Sarkozy et les patrons » nous parlait déjà d’un premier cercle des amis autour de Nicolas Sarkozy, un cercle formé de la crème des grands patrons et des grandes fortunes françaises. On nous annonçait qu’il était le seul, ou presque, à plaire : « A droite, aucun politique ne l'égale aujourd'hui dans le cœur des patrons. A gauche, il n'a qu'un rival, Dominique Strauss-Kahn, aussi à l'aise dans un cénacle de PDG qu'avec un comité de chômeurs. » La question de l’alternative est déjà traitée : si l’un échoue, l’autre devra reprendre le relais.
Rothschild, Florence Woerth et la connexion hippique
Dans ce premier cercle de 2007, on trouve un proche ami de longue date, un certain Edouard de Rothschild, qui, entre autres occupations, avait pris la présidence de France Galop fin 2003. Rothschild a alors demandé à Florence Woerth, qui travaillait déjà à la banque des Rothschild depuis 1997, de le rejoindre dans la société qu’il présidait, pour l’amour des chevaux, ce qu’elle fit en 2004 pour y rester jusqu’à 2007 !
Quand Florence Woerth quitte France Galop, elle ne craint pas le chômage, car elle a déjà son poste de directrice des investissements dans la société Clymène qui gère les intérêts de Liliane Bettencourt. En octobre 2008, elle lance son écurie de chevaux « Dam’s », réservée aux femmes. Une écurie qu’elle crée avec quelques épouses de milliardaires – l’on peut supposer que ces messieurs devaient faire partie ou tourner autour du premier cercle des amis du nouveau président élu, en profitant de la loi « TEPA » (Travail, Emploi et Pouvoir d’Achat). Une loi concoctée par son cher époux, sous l’inspiration de son président, pour le bien de « la France qui se lève tôt le matin ».
Et pour renforcer l’histoire d’amour et la connexion hippique, c’est naturellement France Galop de Rothschild qui a fait la promotion du Club de DAM’S de Florence Woerth , en affirmant que « Loin d’être un luxe égoïste, cette passion fait vivre une filière économique agricole de 67 000 emplois dans l’Hexagone » ! Ouf ! 67000 emplois sauvés. Pôle-Emploi l’a échappé belle !

Alors ministre du Budget, Eric Woerth assiste avec sa femme Florence au Prix de l'Arc de Triomphe 2009. Florence Woerth a fondé l'écurie Dam's, où se côtoie le gratin des affaires et du monde hippique.  
Photo Reuters
Le Premier Cercle des donateurs de l’UMP
Ce n’est pas tout, car il y a deux semaines, on nous apprend l’existence d’un autre premier cercle de 400 donateurs, crée par Eric Woerth en 2004 pour financer l’UMP. Chacun de ses richissimes amis de l’UMP devait faire un don d’un montant mini de 3000 euros annuellement, en échange de rencontres mensuelles avec les personnalités de l’UMP et de la majorité présidentielle,dont le chef bien sûr. On ne sait pas si on retrouve les mêmes personnes dans les deux « premiers cercles », celui des amis de Sarkozy et ce deuxième des amis de l’UMP, mais l’on peut parier sans gros risque que l’intersection des deux cercles n’est pas un ensemble vide.
Wildenstein, Woerth et toujours la connexion hippique
On remarque tout de même la présence dans ce cercle de donateurs de Guy Wildenstein, un membre de l’UMP et surtout l’héritier du milliardaire Daniel Wildenstein décédé en 2001. Or souvenez-vous quand les députés socialistes ont quitté l’hémicycle de l’Assemblée Nationale le mardi 6 juillet, suite aux attaques du nouveau ministre de Budget, François Baroin, les accusant de faire le jeu de l’extrême droite. En fait, ce dont les médias ne parlent pas beaucoup, c’est que la vrai raison du départ des députés PS, fut que Baroin avait porté son attaque pour éviter de répondre à une question embarrassante posée par le député Alain Vidalies :
« Je prends l’exemple du dossier de la succession Wildenstein. Comme dans l’affaire Bettencourt, les Français découvrent que l’essentiel d’une fortune est dissimulé dans les paradis fiscaux – en l’espèce Guernesey et les Bahamas. Comme dans l’affaire Bettencourt, l’administration fiscale a été informée de l’existence de sociétés écrans. Comme dans l’affaire Bettencourt, la justice a pu constater « l’évasion du patrimoine dans des sociétés étrangères et des trusts ». Comme dans l’affaire Bettencourt, il est établi que M. Guy Wildenstein est membre du fameux premier cercle de collecteurs de fonds pour l’UMP (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), que, le 7 janvier 2007, il se trouvait à New York, aux côtés de M. Woerth, trésorier de l’UMP, pour récolter des fonds pour la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy. Comme dans l’affaire Bettencourt, l’administration fiscale est restée totalement inerte à ce jour. »
C’est ce qu’on appelle désormais l’Affaire Wildenstein. Curieusement, on retrouve la même connexion hippique entre les Woerth et les Wildenstein : le père, Daniel, fut aussi passionné de sport hippique, possédait une écurie de chevaux et ses chevaux remportèrent des prix de renom en France, comme le prix de l’Arc de Triomphe où l’on pouvait croiser les Woerth. Quant au fils, Guy, on nous apprend qu’il avait l’habitude de rencontrer Eric Woerth dans les champs de course, notamment à l’hippodrome de Chantilly, la commune dont ce dernier est le maire.
Il y a l’homme qui sait murmurer à l’oreille des chevaux pour les aider à guérir ou les dresser en douceur, et voilà les amis qui s’entraident pour affronter les difficultés de la vie : ils viennent voir les chevaux courir et se murmurent entre eux ! Peut-être ce dont nous avons besoin, pour découvrir la vérité, c’est d’aller demander aux chevaux, de nous la murmurer à nos oreilles, car eux, ils sont témoins et ils ne mentent pas !

mercredi 14 juillet 2010

Ces Bastilles qui restent à prendre

par Tlaxcala, le réseau international des traducteurs pour la diversité linguistique
 En ce 14 juillet 2010, Tlaxcala entre dans une nouvelle période de son histoire. Nous vous présentons notre nouveau site, résultat de plusieurs mois de travail acharné de nos militants bénévoles sous la houlette de notre webmaster chéri. Le site tlaxcala-int.org succède donc au site tlaxcala.es, qui reste en ligne (cliquer sur ARCHIVES TLAXCALA 2005-2010) et sur lequel vous pourrez retrouver les 10 000 articles en une quinzaine de langues que nous avons publiés depuis le 21 février 2006. Ce nouveau site, nous l’avons voulu plus beau, plus performant, plus efficace. Nous travaillerons en permanence à l’améliorer et à le compléter.
Durant les cinq années écoulées, nous avons parcouru un long chemin. Avant tout, nous avons réussi un pari qui pouvait paraître insensé : maintenir en vie un réseau de bénévoles et un site web multilingue et interculturel sans disposer d’aucun autre capital que notre volonté et nos capacités.
Le chemin à parcourir reste long :
Nous voulons étendre notre champ linguistique aux langues les plus diverses de l’humanité, qu’elles soient parlées par 1 milliard de personnes ou par 30 000.
Nous voulons permettre aux luttes pour la liberté, la justice, la démocratie et la vie à travers le monde et à celles et ceux qui les animent, d’établir des liens et de converger.
Au Nord comme au Sud, à l’Est comme à l’Ouest, il reste bien des Bastilles à prendre.

mardi 13 juillet 2010

Le Grand Chambardement : Naissance de la 5bis

par Ayman El Kayman, 13/7/2010
Le Président françafricain en a eu assez : après une semaine de grève, il les a tous licenciés et a décidé d’en profiter pour procéder au Grand Chambardement, prélude à la naissance de la 5bis.

C’est que, voyez-vous, l’ensemble du personnel ministériel et étato-secrétarial avait lancé un mouvement de revendication insensé : ils réclamaient le droit à des retraites conséquentes, quel que soit le nombre d’annuités passées dans les maroquins et strapontins.
Le Grand Toubab (dit aussi PTT, Petit Toubab à Talons) a consulté son GCP (Grand Comptable Parfumé) : « Dis donc, demande à Miss Lili si on a les moyens de financer ça ». Réponse de la Grande Lili : « Pas question de financer le Viagra de  tes incapables ».
Une fois licenciés les grévistes, PTT  a eu une idée géniale : « Et si je supprimais la plupart des ministères, qui ne servent qu’à claquer du fric qu’on n’a pas, pour les remplacer par un super-gouvernement de combat autofinancé ? »
Aussitôt dit, aussitôt fait. Profitant de la présence à Paris de ses gouverneurs d’outre-mer, PTT les réunit et leur parla. Ils écoutèrent et approuvèrent, enthousiastes.
Résultat : ce mercredi 14 juillet, PTT annoncera ce qui suit à la Françafrique abasourdie :

« Mes chers concitoyens,
J’ai décidé un Grand Chambardement . J’ai remercié l’ensemble des membres du gouvernement  pour les remplacer par la B5B (La Bande des Cinq Bis). Moi-même cumulerai les fonctions de Président  et de Premier Ministre. Je vous annonce que j’ai nommé un nouveau gouvernement composé de :
1 - Idriss Déby-le-Profond, Ministre des Pipelines Juteux et des Kalachnikovs Ravageurs
2 - Denis Cachou-Esso, Ministre des Derricks Rémunérateurs , des Beach Boys et des Rivières de Perles
3- Abdoulaye Kilowatt, Ministre des Monuments Maousse Costauds et des Renaissances Françafricaines Baignant dans l’Huile (d’arachide, comme il se doit)
4- Salaud Djibo, Ministre des Mines d’Uranium à Ciel Ouvert Offrant un Avenir Radieux et des Restaurations Démocratiques Suprêmes
5- Fort Eyademammamia, Ministre des Successions Dynastiques Électorales et des Taxes Portuaires Exorbitantes
5bis - Gros-Guigui Soro, Secrétaire Général du Gouvernement ayant rang de Ministre des Forces Nouvelles en Perpétuel Renouvellement et des Bonbons en Chocolat.

L’ensemble de ces ministres financeront eux-mêmes le budget de fonctionnement de leurs ministères ; n’ayant plus besoin de siéger dans des bâtiments démesurés et coûteux – lesquels seront vendus au plus offrant -, ils résideront, lors de leurs brefs séjours à Paris pour les conseils de ministres hebdomadaires, à l’annexe de l’Élysée.

Mes chers concitoyens,
Je convoquerai début septembre le Congrès à Versailles pour qu’il adopte la Constitution de la 5ème République bis.

Je vous souhaite de bonnes vacances. Inutile d’aller vous entasser sur des plages polluées, restez donc au frais chez vous, devant votre télévision, qui vous offrira pendant tout l’été des spectacles de qualité, préparés par mon cher Abdoulaye Kilowatt.
Vive la Françafrique, vive la 5bis ! »

PS d'Ayman El Kayman à l'usage des Parisiens

Appel à la manifestation du 13 Juillet 2010 18H Place de la République ( angle bd Magenta)
50 ans de Françafrique, ça suffit !
Arrêtons le soutien aux dictateurs ! Soutenons les peuples africains !

Le 14 juillet à Paris, des unités militaires de 14 pays africains défileront sur les Champs - Elysées, au côté des troupes françaises. Convoqués par Nicolas Sarkozy, les chefs d’État, amis de toujours de la France et des réseaux de la Françafrique : les Gnassingbé (Togo), Bongo (Gabon), Compaoré (Burkina Faso), Déby (Tchad), Sassou Nguesso (Congo Brazzaville), Biya (Cameroun) seront présents dans la tribune présidentielle.
Lire la suite

lundi 12 juillet 2010

Une grande conscience s’en est allée : José Saramago

par Pedro da Nóbrega, 10/7/2010
Le décès de José Saramago, unique Prix Nobel de la littérature lusophone, nous laisse tous  plus pauvres car son parcours est celui d’une grande conscience qui aura su rester fidèle jusqu’à son dernier jour à ses valeurs et à ses convictions forgées dans des conditions difficiles.
Né le 16 novembre 1922 à Azinhaga dans la province rurale du Ribatejo, au sein d’une famille pauvre, il ira vivre à Lisbonne juste âgé de deux ans en suivant sa famille.
Travaillant comme ouvrier pour payer ses études puis comme fonctionnaire, autodidacte acharné, il s’engage très jeune dans la résistance antifasciste, notamment lors de la candidature avortée à l’élection présidentielle du général Norton de Matos en 1949 puis plus tard au Conseil Portugais pour la Paix et la Coopération ou au sein de la C.D.E (mouvement d’opposition « toléré » par la dictature fasciste après la mort de Salazar) dans les années 70. Ses premières œuvres publiées sont des recueils de poésie, notamment le premier « Poèmes Possibles » en 1966 dont le titre en dit déjà beaucoup sur le contexte de l’époque.
Même si c’est en tant que prosateur qu’il connaîtra la notoriété, la poésie n’a jamais été absente de son œuvre, lui qui excellait dans les métaphores pour interpeller parfois frontalement les mythes fondateurs du Portugal. Du « Radeau de Pierre », métaphore sur l’insularité continentale du Portugal en pleine période de « mirage européen » à « L’évangile selon Jésus-Christ » où il campe un Christ très « révolutionnaire » jusque dans ses rapports avec Dieu qui lui vaudra les foudres du Vatican, avec « L’histoire du siège de Lisbonne » où pour la première fois, il situe le point de vue chez les assiégés musulmans face aux envahisseurs catholiques, Saramago n’a jamais hésité à questionner avec autant de vigueur que de talent bien des piliers de l’Histoire officielle.
Talal Nayer, Soudan
Saramago savait allier la précision de l’écriture à la gourmandise du verbe, une sobre élégance avec une chaleureuse cordialité, une humanité constante et toujours concernée par les injustices de ce monde.
Militant du Parti Communiste Portugais depuis 1969, Président de l’Assemblée Municipale de Lisbonne élu sur les listes de la CDU (Coalition Démocratique Unitaire regroupant les communistes et les écologistes) en 1989, il en restera militant jusqu’à sa mort. Il aura été également un combattant infatigable de la solidarité et de la fraternité : du Mouvement de la Paix au Portugal à la défense de la juste cause du peuple palestinien, des Sans-Terre du Brésil aux Zapatistes du Mexique, jusqu’à sa participation active à la Révolution des Œillets au Portugal, ses luttes n’ont jamais cessé de s’inscrire dans la fidélité à ses valeurs d’internationaliste, lui qui se définissait, notamment lors d’un célèbre passage dans l’émission de Bernard Pivot « Apostrophes », comme un produit du « communisme hormonal ».
William Medeiros, Brésil
De l’opéra au cinéma son œuvre aura inspiré bien d’autres artistes, notamment le cinéaste brésilien Fernando Meirelles avec « L’aveuglement » présenté à Cannes en 2008, inspiré de son essai sur l’aveuglement pour lequel il aura refusé toutes les propositions alléchantes venues des majors usaméricaines parce qu’il craignait trop de voir son propos dénaturé par des impératifs commerciaux.
Pour rappeler combien la Révolution des Œillets avait pu jouer un rôle majeur dans l’épanouissement de son œuvre, il avait déclaré dans un entretien : « Je crois que rien ou presque de ce que j’ai pu faire depuis le 25 avril, n’aurait été possible auparavant. »
Allan Mcdonald, Honduras, Tlaxcala
Modeste et fraternel jusqu’au bout, toujours aux côtés des plus humbles et des plus démunis, son décès a donné lieu à un jour de deuil national au Portugal où il a été enterré le 20 juin au cimetière du Alto de São-João à Lisbonne.
Puissent son souvenir, la puissance et la générosité de son œuvre, nous accompagner dans les combats à venir.
Le massacre biblique de Saramago, par Rodrigo de Matos, Portugal

Bibliographie de José Saramago

Citations
“C'est une espèce de maladie incurable que je porte, qui s'appelle lucidité. Parce que je ne vois aucune raison pour être optimiste dans le monde où nous sommes. Aucune raison.”
“Il y a trois sexes: c'est le masculin, c'est le féminin et le politique. La politique, c'est un sexe.”
“Le hasard ne choisit pas, il propose.”
“S'il est vrai que l'habit ne fait pas le moine, l'uniforme, lui, fait toujours le général.”
“Le temps, c'est tout simplement la mort qui dit: non, c'est fini. Et on se rend compte qu'il faut mourir pour vivre. L'immortalité pour nous, ce serait un cauchemar.”
“L'enfer, c'est nous-mêmes; nous sommes l'enfer.”

jeudi 8 juillet 2010

Francisco Chávez Abarca, le bras droit de Posada Carriles, arrêté au Venezuela


CUBADEBATE, 2/7/201. Traduit par Esteban G. et édité par Fausto Giudice, Tlaxcala
Original : Capturan en Venezuela a Francisco Chávez Abarca, mano derecha de Posada Carriles

Le Président vénézuélien Hugo Chávez a annoncé ce vendredi 2 juillet l’arrestation du Salvadorien Francisco Chávez Abarca, accusé d’être le bras droit du terroriste Luis Posada Carriles et l’auteur de plusieurs attentats à l’explosif à Cuba. L’arrestation a eu lieu suite à une opération des services secrets dans la nuit de jeudi alors qu’il tentait d’entrer au Venezuela.
 
Dans un discours depuis le Palais de Miraflores (siège du gouvernement), le président a expliqué qu’Abarca avait été arrêté à l’aéroport de Maiquetía (nord) et transféré au siège des Services Secrets Bolivariens (Sebin) pour y être interrogé.
 
Surnommé “El Panzón” [Gros Bide], l’homme est également inscrit sur la liste rouge des terroristes recherchés par Interpol pour son implication dans plusieurs attentats à l’explosif à Cuba dans les années 90.
 
Suite à cette arrestation, le Président vénézuélien s’est demandé pour quelle raison le Salvadorien a voulu entrer dans le pays et il a ordonné d’enquêter sur qui devait l’accueillir.
 
« Que cherchait Chávez Abarca au Venezuela ? Qui devait l’accueillir ? », s’est demandé le Président, avant d’informer que le détenu serait remis à Interpol pour qu’il soit transféré à Cuba, pays qui avait sollicité son arrestation.
 
Il était certain que « ce monsieur était venu, ici, pour me tuer (…) c’est mon cœur qui me le dit », et il lui a demandé de parler pour expliquer la « mission spéciale qu’il était venu accomplir au Venezuela ».
 
Il a dit qu’à mi-chemin de la révolution et à l’approche des élections parlementaires en septembre « il était bizarre qu’un terroriste de ce calibre vienne sur le territoire ».
 
« Posada Carriles doit être très nerveux car nous avons attrapé un des siens », a-t-il ajouté.
 
Chávez Abarca a été détenu pendant deux ans au Salvador pour avoir été le chef d’un réseau spécialisé dans le vol de voitures dans ce pays, mais la justice ne s’est pas embarrassée de le juger pour les autres crimes internationaux dont il était accusé.
 
Abarca et 21 autres membres de sa bande avaient été arrêtés pour vol de voitures et escroquerie. Les autorités avaient alors assuré qu’il s’agissait « d’une des filières principales du crime organisé, spécialisée dans le vol de voitures et l’escroquerie au niveau national et en Amérique centrale ».
 
Le 28 octobre 2007, un juge complaisant libérait Chávez Abarca malgré ses activités délictueuses. Sans qu’il ait jamais eu à répondre sur son rôle de principal complice de Luis Posada Carriles pour une campagne de terreur qui n’a jamais été mentionnée devant les tribunaux salvadoriens malgré les plaintes répétées.
 
Dans les années 90, il a été signalé comme narcotrafiquant ainsi que comme trafiquant d’armes et de fausse monnaie au Guatemala.
 
Il a usé des alias Manuel González, Roberto Solórzano et William González, et a effectué trois brefs séjours à Cuba, en avril et mai 97 pour commettre plusieurs attentats.
 
Le 12 avril 1997, il avait armé une bombe chargée de 600 grammes de C-4 causant d’importants dégâts matériels dans la piscine de la discothèque Aché de l’Hôtel Meliá Cohíba,.
 
Le 30 du même mois, un engin explosif de 401 grammes de C-4 était désactivé. C’était le Salvadorien qui l’avait placé dans un vase d’ornement dans la chambre 15 du même hôtel.
 
Le 24 mai de la même année, alors que Chávez Abarca se trouve au Mexique, une bombe explose à l’entrée des bureaux de la compagnie Cubanacán située dans la capitale.
 
Le président vénézuélien a rappelé que cela fait cinq ans que son gouvernement réitère sa demande officielle à Washington pour l’extradition de Posada Carriles, 82 ans, ex-agent de la CIA, responsable, parmi d’autres crimes, de l’attentat du 6 octobre 1976 contre le vol 455 de la compagnie Cubana de Aviación, faisant exploser l’avion et tuant la totalité des 73 passagers.
 
Posada Carriles se déplace librement aux USA, gêné seulement par les autorités d’immigration qui lui reprochent d’être entré illégalement sur le territoire usaméricain. Ce pays n’a jamais répondu aux sollicitations du Venezuela.
 
Sa recrue a posé la bombe qui a tué Fabio di Celmo
 
En 1997, sur directives de Posada Carriles, c’est « Panzón » Chávez Abarca qui a passé un contrat avec le mercenaire Ernesto Cruz León pour que celui-ci exécute des missions terroristes à Cuba, en lui disant que lui-même l’avait déjà fait, et en l’instruisant rapidement sur le maniement et la confection d’engins explosifs.
 
C’est ainsi que Cruz León a réalisé deux voyages à Cuba, au cours desquels il a posé des bombes dans des hôtels de la Havane, dont une a tué le jeune touriste italien Fabio di Celmo, le 4 septembre 1997 ; ce fut le moment le plus tragique de la campagne criminelle de terreur que Posada avait lancé pour le compte d’une création de la CIA, la Fondation Nationale Cubano-Américaine.
 
(avec des informations de Telesur)

Les brûlures au phosphore blanc : un rapport clinique de médecins palestiniens

par  Loai Nabil Al Barqouni, Sobhi I Skaik, Nafiz R Abu Shaban, Nabil Barqouni, The Lancet, 3/7/2010. Traduit par Esteban G. et édité par Fausto Giudice, Tlaxcala

En janvier 2009, un homme de 18 ans avait été admis au service des urgences pour des blessures résultant d’une attaque par bombe incendiaire. Il présentait de nombreuses surfaces cutanées douloureuses portant de profondes brûlures, cernées de tissu déchiqueté. Ses blessures couvraient environ 30% du corps et se situaient sur les deux membres supérieurs et inférieurs, de même que sur l’épaule droite. Aucun signe de brûlure par inhalation n’avait été constaté. Une fois établi le diagnostic de brûlures au phosphore blanc, la perméabilité des voies respiratoires a été assurée, un goutte-à-goutte intraveineux était installé pour injecter des calmants et autres liquides, les blessures sous-cutanées ont été irriguées d’une solution de bicarbonate de soude avant qu’on leur applique des pansements humides.
Le lendemain de son admission au service des brûlés, on pouvait observer une fumée blanche se dégageant des blessures qui contenaient un tissu nécrotique allant jusqu’au niveau sous-cutané (Figures A et B). Le patient fut transporté rapidement en salle d’opération, pour que le chirurgien procède à un curetage du tissu nécrotique, et à l’extraction des particules de phosphore blanc. Au cours du curetage, une particule de phosphore blanc s’était détachée accidentellement causant une brûlure superficielle au cou d’une infirmière. Nous avons alors transféré le patient au service des soins intensifs pour le soumettre à un monitoring permanent assurant le contrôle des fonctions vitales, la détection de possibles troubles électrolytiques (en particulier l’hypocalcémie) et surveillant les variations du tracé de l’électrocardiogramme (ECG). Au bout de 8 jours d’hospitalisation, le patient se trouvait relativement bien et était déclaré guéri sans complication systémique. Au terme d’un suivi de 16 mois, il se sentait toujours bien, mais il présentait des cicatrices hypertrophiées légèrement sensibles au thorax, bras et muscle (Figure C et D).

Brûlures au phosphore blancLésions multiples avec une importante destruction sous-cutanée, des nécroses à l’épaule droite (A) et à la jambe (B). Après 16 mois de soins (C, D)
Le phosphore blanc est un combustible solide, cireux, de couleur jaune translucide, qui dégage de la fumée [1]. Il est utilisé principalement par les militaires et dans les secteurs de l’industrie. En présence d’oxygène il s’enflamme spontanément et donne une flamme jaune avec une fumée très dense ; il ne s’éteint qu’en l’absence d’oxygène ou une fois qu’il s’est totalement consumé [2]. Au contact de la peau le phosphore blanc provoque des brûlures chimiques douloureuses [3] dont la forme caractéristique prend l’aspect de lésions jaunâtres, nécrotiques et profondes, inhérentes aux composants chimiques et thermiques du combustible.
Étant donné que le phosphore blanc possède une très grande solubilité dans les lipides, les blessures qu’il produit s’approfondissent au fur et à mesure dans le tissu sous-cutané, retardant ainsi leur cicatrisation. Le phosphore blanc peut aussi très souvent être absorbé, et dans ce cas il provoque un syndrome de dérèglement organique multiple dû à son effet sur les globules, les reins, le foie et le cœur [2-4].
Les premiers soins en cas de blessures par phosphore blanc doivent être le retrait des vêtements du patient et l’application de pansements imbibés de sérum salin ou d’eau [1]. Selon les études réalisées sur les animaux et les résultats de cas cliniques, dès l’admission dans les services d’urgence, il est recommandé d’irriguer en permanence les blessures avec de l’eau pour réduire les complications des brûlures [1, 2, 4] ; de même qu’il est vital de débrider les particules de phosphore blanc suffisamment grandes pour être identifiées. On peut placer les blessures sous la lumière d’une lampe Wood (ultraviolet) ou bien appliquer une solution de sulfate de cuivre diluée à 0,5% pour faciliter l’extinction des particules incrustées [4]. Les patients dont l’état est critique nécessitent le curetage du tissu nécrotique et des greffes de peau, en même temps qu’une injection intraveineuse de solution liquide pour remplacer les pertes et un contrôle permanent des électrolytes et une mise sous ECG, tout cela afin d’éviter des complications possibles comme l’hypocalcémie, l’hyperphosphatémie et l’arythmie cardiaque. Les brûlures causées par le phosphore blanc ont une constance morbide : elles nécessitent souvent de longs séjours prolongés dans les hôpitaux. Les cas extrêmes peuvent être mortels.
Nous sommes dans l’impossibilité de donner une estimation du nombre de ces cas dans notre unité de brûlés, puisqu’il s’agissait d’une situation de guerre dans laquelle il n’était procédé à aucun enregistrement formel; de telles brûlures ne se voient que très rarement dans la pratique clinique habituelle et, sur ce sujet, la littérature médicale disponible est très limitée. Conformément à la Convention des Nations Unies sur certaines Armes classiques, il est interdit d’attaquer la population civile avec des armes incendiaires.
Contributeurs
Traitement du patient: NS, SS, LB; rédaction du rapport: LB, NB. La publication de ce cas a été autorisée par consentement écrit.
Notes
1 Lisandro I. CBRNE—incendiary agents, white phosphorus. http://emedicine.medscape.com/article/833585-overview  (consulté le 21 mai 2010).
2 Eldad A, Simon GA. The phosphorous burn—a preliminary comparative experimental study of various forms of treatment. Burns 1991; 17: 198-200.
3 Chou TD, Lee TW, Chen SL, et al. The management of white phosphorus burns. Burns 2001; 27: 492-497.
4 Davis KG. Acute management of white phosphorus burn. Mil Med 2002; 167: 83-84.
Les auteurs Les auteurs sont des médecins palestiniens exerçant à Gaza et Jérusalem.

Loai Nabil Al Barqouni
: Faculty of Medicine, Al Quds University, Abu-Deis, Jerusalem, 00970 occupied Palestinian territory

Sobhi I Skaik FRCSEd: Department of Surgery, Shifa Medical Centre, Gaza Strip, occupied Palestinian territory

Nafiz R Abu Shaban MSc: Department of Plastic Surgery and Burns, Shifa Medical Centre, Gaza Strip, occupied Palestinian territory

Nabil Barqouni CABP: Al Nasser Pediatric Hospital, Gaza Strip, occupied Palestinian territory
Correspondance : Loai Nabil Al Barqouni, Faculty of Medicine, Al Quds University, Abu-Deis, Jérusalem, 00970 Territoire palestinien occupé.

mercredi 7 juillet 2010

Le temps est venu de parler – Récit d’une "douce violence"

par Anja Röhl, 5/5/2010. Traduit par Michèle Milane et édité par Fausto Giudice, Tlaxcala
Anja Röhl a aujourd’hui 55 ans. Il lui a fallu plus de quarante ans pour pouvoir raconter ce que lui avait fait son père. Celui-ci, Klaus Rainer Röhl, aujourd’hui âgé de 81 ans, s’est empressé de démentir ce récit. Röhl, fondateur du magazine « déshabillé » de gauche Konkret, avait épousé en 1960 Ulrike Meinhof, qui fit ses débuts journalistiques dans ce journal. Ils divorcèrent en 1968. Après la publication de ce récit d’Anja dans le magazine Stern, sa demi-sœur Bettina, fille d’Ulrike Meinhof a à son tour déclaré que son père avait abusé d’elle. (Tlaxcala]
L’un des plus importants apologistes de la pédophilie était un membre de ma famille ; son nom est Klaus Rainer Röhl, c’était mon père. Il est toujours en vie mais je suis incapable de dire: « C’est mon père ».

Lorsque j’étais toute petite, bien avant la puberté, il me parlait toujours du caractère sensuel et érotique de la peau des enfants, « tout à fait à l’opposé de la peau des femmes à partir de 13 ans ». Seules les enfants de moins de treize ans exerçaient sur lui une attraction érotique, disait-il. Et en disant cela il riait et me traitait en jouet, il me donnait des « petites  claques » (c’était ainsi qu’il appelait ses coups) sur les joues et apparemment tout aussi innocemment sur les cuisses, dans les deux cas jusqu’à la douleur, il attendait que je dise : « Arrête, papa, ça fait mal ». Alors il me répondait de ne pas faire de manières. « Une petite Allemande », ça ne pleure pas.


À la même époque il m’a avoué qu’il me trouvait déjà érotique sur ma table à langer et m’a exposé souvent sa théorie selon laquelle les jeunes filles devaient de préférence être déflorées par des hommes plus âgés et plus expérimentés car les jeunes étaient la plupart du temps trop maladroits. Vous trouverez peut-être bizarre que des termes tels qu’érotique, déflorer, sensuel puissent même être employés ouvertement lorsqu’on s’adresse à des enfants, mais sans doute cela faisait-il partie du jeu où l’on nous entraînait, nous les enfants, afin que ce qui passait ne puisse que nous paraître normal.
 

Klaus Rainer Röhl et sa femme Ulrike Meinhof  en 1966. Anja avait alors 11 ans.  Photo EVA
À partir de mon onzième anniversaire il m’a régulièrement montré des tonnes de photos érotiques qu’il voulait publier dans le journal « Konkret », en m’expliquant que le plus important était que les filles aient l’air jeune, innocent et pudibond. C’était ce qui plaisait aux lecteurs.

Dès ma petite enfance il m’a emmenée avec lui dans ses petites escapades à Sylt. Sur la plage il me prenait par la main et m’emmenait « regarder les femmes », leur jeunesse était le principal critère et j’étais autorisée à « donner mon avis » : laquelle était la plus « sensuelle »? Bien que, je l’ai déjà dit, aucune n’approchât  les moins de treize ans, qui avaient la peau la plus sensuelle, une peau qui n’avait jamais été embrassée, éveillée, ce qui leur conférait un maximum de séduction, et bien sûr elles le savaient.

J’avais quatorze ans quand il a entamé directement sous mes yeux une relation avec une fille de seize, bien qu’il eût à l’époque une amie à Cologne et deux autres moins régulières à Hambourg.

Mon père traitait souvent les femmes de « putes » ou de « catins », c’étaient ses mots préférés, qu’il employait surtout avec ses ex, qu’il avait donc jetées, ou avec l’amie du moment, si elle l’avait tant soit peu irrité. Mais c’était toujours au cours d’une dispute. Aussi loin que je me souvienne, je l’ai entendu parler ainsi à ma mère, qu’il traitait aussi de salope, lorsqu’il se disputait avec elle. Ulrike était la seule femme qu’il osait rarement injurier en ces termes.

Mes deux tantes ont été témoins de telles scènes dès les années 50 et bien sûr mon père ne s’est pas privé de leur lancer des allusions se nature sexuelle lorsqu’elles étaient jeunes filles.

Il se livrait sans complexe à ce jeu en présence d’autres personnes, sous couvert de plaisanter. Mais ce qui lui était très particulier c’était le mélange de phrases où s’exprimaient désir et lyrisme et d’autres qui visaient à dénigrer et à humilier. Moi-même n’ai jamais entendu de la bouche de mon père que des propos dévalorisants, aussi bien sur ses ex que sur mes tantes, alors adultes depuis longtemps. Ces propos étaient toujours sexistes, méchants et faisaient mal.

La même chose s’est répétée avec moi et ma fratrie ; après m’avoir adulée lorsque j’étais enfant,  « au-delà de quatorze ans » il m’a terriblement dénigrée devant mes sœurs, mais aussi devant d’autres personnes. C’était surtout des remarques sexistes sur mon physique, j’avais les cheveux gras, des jambes trop grosses, des lèvres trop minces, bref je n’étais pas séduisante.

J’avais cinq ans lorsque mon père m’a emmenée passer quinze jours de vacances d’hiver avec lui à Rottach-Egern. En vacances nous partagions un lit à deux places à l’hôtel. Une crêpe suivie de violents maux de ventre provoqua dans la chambre une longue et violente dispute où il m’accusa d’avoir fait exprès de vomir en mangeant trop de crêpes, sur quoi je fondis en larmes ; alors il me prit dans ses bras se mit à sangloter se traita de trou du cul et me demanda pardon avec véhémence. Dans la suite de cette « scène de pardon » il m’appela « son unique femme » sa préférée et la dernière chose qu’il possède encore, si bien qu’il me fit grand’pitié. Sous prétexte de faire la sieste et de se réconcilier il me prit dans notre grand lit et quand je fus à moitié endormie il se rapprocha de moi par derrière, je sentis un objet dur, il me serra dans ses bras, gémit ... devenue adulte je compris qu’il s‘était masturbé contre mon corps en tentant de le dissimuler sous des sanglots de prétendu désespoir.

Mon père partait du principe ainsi qu’il le disait souvent devant témoins, que les petites filles aimaient séduire leur père et étaient parfaitement conscientes du désir qu’elles suscitaient. Il appelait les fillettes entre 11 et 12 ans « de petites Lolita » et les jugeait « coquettes et « rusées ». Il disait cela devant moi à des enfants de deux ans et disait souvent en ma présence que ma demi-sœur Bettina était « le bébé le plus sensuel qu’il ait jamais vu ».

Mon père était un hâbleur et très enjoué, et il proposait aux enfants des jeux qui déchaînaient leur enthousiasme, si bien qu’en un tournemain il gagnait leur confiance, leur amour et leur affection. Mais dès qu’il y avait réussi, cela semblait lui peser, car il essayait, comme avec les adultes, de provoquer des disputes suivies régulièrement des mêmes rituels de pardon dégoulinants de sentimentalité. Ceux-ci se déroulaient invariablement le soir au coucher dans les chambres d’enfants, donc en l’absence de tout témoin adulte. Lors de ces rituels il prenait l’enfant sur ses genoux, se pelotonnait sur lui, pleurait et sanglotait et le pressait imperceptiblement contre ses parties génitales.

Je ne sais pas combien de fois, depuis ma toute petite enfance et jusqu’à ma quatorzième année (il était fidèle à ses positions et m’a laissée tranquille à partir de ma quatorzième année) il se traita de trou du cul et s’accusa d’être profondément mauvais après de telles disputes, non sans me serrer très fort dans ses bras, m’étreindre en sanglotant, me caresser et me dire que « j’étais la seule femme ( !) qu’il aimerait ».

J’avais douze ans lorsque je le surpris dans son salon avec une « ex » ( c’est ce qu’il m’avait dit), le tourne-disque jouait des chansons d’amour , et il était en train de la caresser sur le sofa, il avait déjà les mains sur ses seins, si bien que, dans ma peur de les déranger, je heurtai une lampe et reçus une décharge électrique. Je poussai un cri, ce qui le mit en rage et il se mit à hurler et à m’insulter. Je m’enfuis en pleurant à l’étage, dans une des mansardes, où je dormais à l’époque, et il ne tarda pas à m’y rejoindre.

J’ai eu peur dès que j’ai entendu ses pas dans l’escalier. Il entra en me disant que c’était H. qui l’envoyait, qu’il avait été injuste et voulait maintenant se réconcilier avec moi. En disant cela il entra dans la pièce sombre, s’assit au bord de mon lit et commença à balbutier qu ‘il était désolé. Bizarre : être désolé activait immédiatement sa sexualité, car il répétait ces mots avec une intensité et une véhémence croissante et il se monta jusqu’à redire une fois de plus qu’il était un trou du cul et qu’il me demandait pardon, s’il te plaît, s’il te plaît, pardonne-moi ! Apparemment, sa propre violence le perturbait , il agitait les mains en tous sens et ne savait qu’en faire. Pendant tout ce temps je restais là, morte de peur et comme paralysée. Et brusquement ses mains se retrouvèrent sous la couette et il commença à prendre possession de mon corps encore enfantin. Car maintenant il ne disait plus rien, en silence il se mit à caresser mes seins qui pointaient encore à peine, à caresser mon ventre, mes hanches...

Cela le calma. J’étais comme morte. Il continua à parler de sa méchanceté et du pardon qu’il implorait, comme si de rien n’était. Il mit longtemps à me lâcher. Que faisait-il là, pourquoi me touchait-il au plus intime de mon corps, que cherchait-il ? Pendant tout ce temps j’étais en proie à une peur démesurée et incapable de bouger. Pleine de honte je ne pensais qu’à une seule chose : personne, jamais, ne devait savoir ce que j’étais en train de vivre. Dans ma tête je me répétais sans cesse : personne, jamais, ne doit savoir. Il ne me faisait pas mal, mais je ne voulais pas. Mais lui faisait comme si j’étais tout à fait d’accord, et même comme si cela me faisait plaisir, car tout le temps il me parlait avec gentillesse, demandait gentiment que je lui pardonne et que nous nous réconciliions, jouait les bons pères au-dessus du lit, pendant que sous la couverture ses mains maniaient mon corps comme s’il lui appartenait.

Je n’ai pu fermer l’œil de la nuit, je ne pensais qu’à ce que je pourrais faire le lendemain quand je le reverrais, au petit déjeuner par exemple. J’aurais voulu pouvoir m’ensevelir pour toujours dans le matelas.

J’ai raconté plus tard cet événement de façon cryptée et très prudemment à Ulrike, en qui j’avais une très grande confiance et dont j’étais très proche depuis mon cinquième anniversaire, dans une lettre que j’ai envoyée un an plus tard de l’internat où je vivais, en 1969. Je voulais lui expliquer pourquoi je ne pourrais jamais habiter chez mon père, en réponse à son offre de m’installer chez elles à Berlin quand je voudrais. Cette lettre m’a été renvoyée des années plus tard par l’avocat Heinrich Hannover. Ulrike avait voulu s’en servir, me dit-il, pour prouver qu’il était dangereux de confier les enfants à leur père, en raison de ses penchants pédophiles. Je l’ai souvent entendue dire, lorsqu’il nous mettait la main sous les jupes, qu’il ne devait pas nous « érotiser » ainsi.

Sous le prétexte de me montrer ce qu’on ressentait lorsqu’on vous embrasse sur la bouche, il m’a approchée une dernière fois, une nuit de lune sur un môle. Il m’a expliqué qu’il était très important d’ouvrir la bouche petit à petit ; c’était plus passionnant. Lorsqu’il joignit le geste à la parole, en glissant prudemment sa langue dans ma bouche, j’ai eu l’impression qu’une vis de fer glacée s’introduisait dans ma bouche, et je frissonnai de honte et de dégoût.

Lorsque par la suite j’ai vu mon père avec un jeune enfant sur les genoux - il adorait prendre sur ses genoux les enfants de ses amies pour jouer « à dada » - j’en avais à chaque fois la gorge serrée.

On pourrait appeler ça « abus sans violence ». Je laisse volontiers à d’autres le soin de trouver un terme qui convienne à ce qui m’est arrivé. Un livre bien connu sur les enfants abusés expose le cas d’une femme adulte, dont le père était un homme charmant et qui a eu avec lui une liaison empreinte d’une immense complicité. C’était vraiment la petite chérie, elle se sentait aimée de lui comme de personne d’autre au monde et lorsqu’il la déflora - elle avait douze ans- ce fut avec une grande tendresse réciproque. Son premier petit ami, lorsqu’elle avait dix-sept ans, s’attira certes la jalousie du père, mais après leur mariage celui-ci finit par l’intégrer dans la romance familiale, se contentant d’exiger de sa filledes visites fréquentes et des preuves de fidélité. Mais quand le mari finit part découvrir le pot-aux-roses, à partir des traces restées dans le subconscient de sa femme et qui faisaient surface dans ses rêves, et menaça de dénoncer le père, la gentille fille descendit chercher une hache à la cave et tua non le père, mais le mari. Ce n’est que dix ans plus tard, dans une thérapie « d’accompagnement du criminel » que toute l’affaire se découvrit et que la fille en prit conscience dans toute son horreur et la jeta à la tête du père au cours d’une visite. Elle eut alors devant elle un vieil homme tout tremblant qui ne lui adressa pas un seul mot d’excuse, mais lui demanda, effrayé, de ne jamais raconter « l’histoire » à « maman ».

En ce moment on débat de la « pédophilie de gauche » (TAZ du 22/04/10) ; dans le cadre des discussions sur l’école Odenwald et les « communautés d’Indiens » ce thème a pris de l’importance. On y rapproche l’origine de la pédophilie des idées de « libération sexuelle ». Je crois que c’était seulement l’atmosphère ambiante et que d’autres causes ont joué un rôle nettement plus important.

Mon père a été jeté dans la guerre à quatorze ans, enfant son caractère a été « trempé » par des coups et des humiliations permanents. Est-il possible que l’image qu’il avait des femmes, l’emploi fréquent de son injure favorite envers femmes et filles, « pute », son penchant pour les enfants désemparées et sans défense, couplé à des rituels masochistes de demande de pardon après des débordements de rage et de violence qui le mettaient en état d’excitation sexuelle aient à tout le moins un lien avec sa jeunesse ? Je n’excuse rien, j’ai rompu avec mon père depuis longtemps, je ne lui ai pas pardonné, mais il nous faut absolument expliquer ce qui s’est produit, il nous faut absolument en tirer des leçons.


Même aux époques de prétendue tolérance envers la pédophilie, considérée comme une forme « soft » de l’abus sexuel, fondée sur le «consentement» de l’enfant aux pratiques sexuelles de l’adulte et accompagnée de protestations d’affection, il y a eu, le TAZ le rappelle, des groupes de femmes qui ont protesté avec énergie et trouvé cette variante extrêmement dangereuse. Étaient-elles prudes ou opposées à la libération sexuelle ? Non, ce n’était pas cela, mais elles savaient par expérience- une expérience douloureuse - qu’en l’occurrence il ne s’agissait nullement de libération. Créer une complicité avec l’abuseur, que ce soit ouvertement (communautés d’Indiens) ou en secret (comme dans la famille citée plus haut) - peut entraîner de très graves dommages psychiques chez l’enfant. Car le problème est alors que, non content de protéger, dissimuler et excuser le penchant morbide de l’abuseur bien-aimé, l’enfant détourne ou transfère sur d’autres ses angoisses et sa colère, à moins qu’il ne les retourne contre lui-même.

Ma complicité supposée avec mon père, mon consentement supposé étaient en fait le fruit d’une indicible peur. J’étais à chaque fois sous l’empire d’une immense peur. Elle me paralysait, déconnectait mon cerveau et arrêtait le temps. Ce n’était pas la peur qu’on me fasse mal ou qu’on me brutalise. C’est une peur liée à l’idée de caresses de nature sexuelle. Celles de mon père, celles de l’amour défendu. J’étais encore une enfant, ni coquette ni rusée, ni pute ni séductrice, ni sensuelle ni érotique. Mais que mon père m’ait imputé tout cela, qu’il y ait cru, parce que c’était un malade qui aurait dû se faire soigner, voilà ce qui a été à la racine de ma peur. Elle est fondée sur une accusation envers moi, une accusation à laquelle j’ai été incapable d’échapper lorsque les choses se sont passées, apparemment dans le calme et l’entente. Cette peur, mon père l’a déposée dans mon berceau et elle ne me quittera plus jusqu’à la fin de mes jours.

Klaus Rainer Röhl aujourd'hui. Photo Picture-Alliance

mardi 6 juillet 2010

Colombie : La victoire de Santos est le triomphe illégitime des partisans de la continuité de régime

par les FARC-EP, 21/6/2010. Traduit par  Esteban G., édité par  Michèle Mialane  et  Fausto Giudice, Tlaxcala
Original : Colombia: la victoria de Santos es el triunfo ilegítimo del continuismo

 Avec le triomphe illégitime du continuisme rejeté par l’abstention citoyenne, le pays est entré dans un processus de radicalisation de la lutte politique, dans lequel le peuple sera protagoniste en première ligne.
Toute la machinerie étatique, toutes les ressources mafieuses du gouvernement, ses manœuvres délictueuses de fraude et de corruption, de chantage et d’intimidation, ont été mises au service de la victoire du continuisme cherchant ainsi désespérément à créer un  bouclier pour éviter à Uribe d’avoir à répondre devant le peuple et de la justice d’une accusation imminente de gestion criminelle et de haute trahison.

Le régime d’Uribe a été la plus importante tentative d’imposer par la violence un projet politique ultralibéral d’extrême-droite fondé sur le para-militarisme. Son gouvernement restera dans l’histoire comme l’un des plus honteux de ces dernières décennies, le pire assassin de sa population civile, le plus à la botte des USA, et de ce fait, le plus grand générateur d’instabilité dans les relations avec les pays voisins.
Pendant ces huit années, c’est le mensonge et l’imposture, la manipulation et la tromperie qui ont gouverné. Uribe et les partisans de la continuité de son régime ont fait croire que sa politique garantissait la sécurité de tous les citoyens, alors qu’en réalité elle protégeait, par la répression, les profits des secteurs d’investissements privilégiés, qui ont accru le chômage et la pauvreté. Ils ont fait croire que défendre la souveraineté voulait dire remettre les clés de la nation au gouvernement de Washington et transformer la Colombie en un pays occupé par l’armée d’une puissance étrangère. Ils se sont débrouillés pour annoncer qu’ils mèneraient avec acharnement la lutte contre le narcotrafic alors que le président Uribe lui-même, le DAS [Département administratif de sécurité, service de renseignement, NdE] et le général Naranjo, ont un long passé de liens avec la mafia du narcotrafic. Ils disent au pays qu’il n’y a pas de guerre ni de conflit armé, mais il y a le Plan Patriote et l’invasion yankee…

La réalité de la  sécurité démocratique, ce sont les faux positifs et l’impunité. Elle est ce qui permet d’élire un Président qui a été le ministre de la Défense le plus actif à promouvoir ces crimes contre l’humanité, et de distribuer les terres à l’agro-industrie paramilitaire, car celle-ci, bien sûr, a financièrement les reins solides, ce qui n’est pas le cas des paysans pauvres. La sécurité démocratique, c’est aussi allouer l’argent public -ou être assuré d’en faire cadeau  - aux chefs d’entreprises de l’agro-industrie qui ont financé les campagnes électorales. La sécurité démocratique, ce sont les fosses communes contenant plus de 2000 cadavres, comme celle qui se trouve près de la base militaire de la Macarena, ainsi que les 4 millions de paysans déplacés par la violence de l’État. C’est le mensonge qui proclame la fin de la guérilla bolivarienne des FARC-EP alors que la vitalité de cette organisation l’inquiète et qu’elle mène un farouche combat pour une Colombie nouvelle comme elle l’a bien dit dans ses communiqués militaires du mois de mai. La sécurité démocratique, c’est modifier la Constitution pour l’adapter à des intérêts particuliers lorsque c’est nécessaire, c’est disposer d’une majorité factice dans le Congrès et fragiliser l’autorité du Parlement grâce à la claque des inconditionnels. C’est aussi distribuer des postes, des charges et des contrats, et profiter de son passage au gouvernement pour s’enrichir sans aucun état d’âme.

Ambition sans frontières, par Vladdo: Juan Manuel Santos, debout sur une montagne de  cercueils de victimes d'exécutions extrajudiciaires: "Pour arriver à la présidence, je suis prêt à tout"

La défense abjecte du militarisme à laquelle s’est livré Uribe et son appel à créer de nouvelles lois qui garantiraient l’impunité aux militaires, annoncent ce que va être la présidence de Juan Manuel Santos. Ses lamentations cyniques et ses gémissements hypocrites en faveur d’un tortionnaire-assassin comme Plazas Vega, des grands chefs militaires et de l’ex-président Belisario Betancur, tous responsables du massacre du Palais de Justice, prouvent avec une évidence pathétique qu’il cherche dès maintenant à se protéger contre de futures accusations portées contre lui. Et c’est évidemment une façon d’arrimer le narco-paramilitarisme à la tête de l’État, avec les garanties légales de pouvoir continuer à faire disparaître, torturer et assassiner les opposants au régime. Le « code militaire » réclamé par Uribe est une patente à l’impunité des criminels comme le démontre l’histoire récente de la Colombie.

Le Président, en prenant ardemment la défense de l’ex-directeur de la DIAN [Direction Nationale des Impôts et des Douanes] et de « l’UIAF » [Unité d’Information et d’Analyse financière], M. Mario Aranguren, qui avait commis des délits en faveur d’Uribe et certainement sur ses ordres, montre bien la nature de celui qui tient toujours à occulter, non seulement son passé criminel, mais aussi les bassesses honteuses auxquelles il s’est livré en tant que gouvernant.

Nous entamons une nouvelle période de quatre ans dans laquelle va se poursuivre une offensive oligarchique tous azimuts  contre le peuple, drapée dans de douces mais trompeuses promesses officielles de victoire militaire [contre la guérilla], sans cesse répétées pendant 46 ans, sans se soucier des causes qui génèrent le conflit et encore moins s’engager à les combattre.

La profonde crise structurelle dont souffre la Colombie n’a pas de solution dans le continuisme. L’extrême-droite néolibérale, qui croit encore qu’elle peut la résoudre d’en haut, a réalisé une union nationale sans peuple, où seules règnent les ambitions des mêmes personnes, celles qui s’enrichissent grâce à l’investissement garanti : les groupes financiers, le secteur patronal, les éleveurs et latifundiaires, les paramilitaires, les partis politiques qui se battent comme des chiens pour se disputer les prébendes du pouvoir, les grands médias qui applaudissent les succès, mesurés en litres de sang, de la politique guerrière… Là, le peuple est oublié car la prospérité de tous ceux-là se nourrit de la misère et de l’exploitation de ceux d’en bas, des exclus.

Ce bicentenaire du cri de l’indépendance doit ouvrir la voie à la lutte du peuple pour ses droits, pour la patrie, pour la souveraineté, la justice sociale et la paix. Il est possible de changer les structures injustes si tout le peuple se mobilise et lutte pour sa dignité. On ne peut rien attendre des assassins incrustés à la tête de l’État. Seule la lutte unitaire peut nous conduire à une Colombie nouvelle. Comme nous l’avons dit depuis Marquetalia en 1964, nous sommes toujours disposés à chercher des issues au conflit, en rappelant en même temps, que notre décision de tout donner pour le changement et l’intérêt du peuple est inébranlable, quelles que soient les circonstances, les obstacles et les difficultés qui nous seront imposés. La justice sociale triomphera grâce à la mobilisation du peuple.

Secrétariat de l’État-major central des FARC-EP

Montagnes de Colombie, le 21 juin 2010

dimanche 4 juillet 2010

Arigona, restez ! L’Autriche est votre pays

par Vladislav Marjanović, 24/6/2010.Traduit par  Michèle Mialane, édité par Fausto Giudice, Tlaxcala

Restez en Autriche, Arigona, car c’est votre pays. Ceux qui identifient la patrie avec le « sol et le sang » sont des menteurs. Ce ne sont ni le lieu de naissance ni l’origine des parents, mais l’environnement social où l’on a grandi qui détermine le sentiment d’être de quelque part. Le «quelque part» lui-même importe peu. C’est une affaire privée, comme l’amour, que personne n’a la possibilité ni le droit de prescrire.
Tout être qui dispose d’un cœur humain sait cela. Seuls ceux que l’amour du pouvoir a conduits à remplacer ce sentiment par des paragraphes législatifs l’oublieront. Pour ceux-là, l’humanité et l’éthique ne pèsent rien en regard des règlements. « Le droit doit rester le droit. Aucun gouvernement ne peut accepter de faire une entorse à la loi », déclarait encore le 13 janvier dernier, Werner Feymann, le Chancelier fédéral (social-démocrate). N’oublions cependant pas que c’est en vertu de ce principe que des politiciens et des fonctionnaires ont envoyé des millions de gens (enfants compris) dans des camps de concentration ou des goulags.
Les larmes de crocodile des puissants
Ne vous laissez pas prendre aux larmes de crocodiles des puissants. Tous ceux qui prétendent chercher une solution humaine à votre cas et qui se sont prononcés en faveur de votre droit à rester ici vous conseillent maintenant de partir de votre plein gré, le Président Heinz Fischer en tête. Certes lui, socialiste convaincu et la plus haute instance morale du pays, demandait encore à Noël dernier, de « prendre des décisions permettant à cette jeune femme de ne pas être expulsée.» Prière qu’il a même réitérée quelques mois plus tard. Mais cette fois avec un petit ajout : qu’il ne s’opposerait pas à une décision de la Cour Constitutionnelle. Voulait-il ainsi donner le feu vert au jugement négatif que cette Cour allait prononcer sur votre cas, le 12 juin 2010 ? Quoi qu’il en soit, dès l’annonce de cette décision, le Président s’est hâté de déclarer qu’on devait respecter les décisions de la Cour Constitutionnelle. Même son de cloche chez le responsable de la justice au SPÖ (Parti social-démocrate), Hannes Jarolim, tandis que la Présidente du Conseil national (chambre basse du Parlement), Barbara Prammer, également membre du parti, ajoutait : «  Ce serait une bonne chose qu’elle revienne en Autriche avec un large soutien.»
Cette proposition ne se distingue en rien de ce que vous a conseillé Maria Fekter, la Ministre de l’Intérieur (aile droite de l’ÖVP, Parti populaire, démocrate-chrétien). Elle aussi fait preuve de compréhension à votre égard. « La dimension humaine de ce cas ne m’échappe pas », a-t-elle dit, pleine de compassion - pour souligner ensuite brutalement : « mais j’appliquerai les décisions de la Cour Constitutionnelle.» Quand ? Ce n’est pas encore décidé. Hans-Christian Strache, le Président du parti d’extrême-droite FPÖ (Parti « libéral »), et le Secrétaire général de la BZÖ (Alliance pour le futur de l’Autriche, scission du FPÖ), Christian Ebner, demandent votre expulsion immédiate. Pour l’instant Maria Fekter se tait, mais un porte-parole du ministère a fait savoir que cela ne devrait pas tarder. La SPÖ le regrettera, mais elle sera soulagée que vous ayiez quitté le pays. C’est que vous êtes une épine dans le pied de la coalition SPÖ-ÖVP , et son partage doudouteux du pouvoir ; elle a autre chose à faire que de se préoccuper des destins individuels. Ce n’est pas pour rien que Staline disait : « Un homme- un problème. Plus d’homme- plus de problème ! »
Le maquignonnage
Bien sûr on y met les formes. Le mieux étant que vous soyiez d’accord. Si vous acceptez leur proposition : quitter l’Autriche de votre plein gré, le gouvernement doudouteux s’en tire blanc comme neige. Il pourra ainsi montrer au monde entier qu’il a respecté non seulement la légalité, mais encore l’humanité. Rentrez seulement au pays où vous êtes née, mais où vous n’avez ni foyer, ni possibilité de mener une vie digne, et vous aurez une seconde chance -légale- de réintégrer votre véritable patrie, l’Autriche. Par exemple comme touriste, ou comme étudiante, voire (travailleuse) saisonnière ou aide à la personne, et si vous tenez à rester en Autriche, épousez donc un citoyen autrichien. C’est la proposition que vous a faite Madame la Ministre Fekter le 16 juin dernier et le célèbre animateur Alfons Haider vous a même fait publiquement une demande en mariage le jour même au cours du débat télévisé « Am Punkt» sur la chaîne ATV.
On trouve toujours une solution, si l’on accepte les compromis. Vous aurez une chance de pouvoir rentrer légalement en Autriche, peut-être d’y rester et même éventuellement d’obtenir votre naturalisation. Quant au gouvernement, il sera débarrassé de vous, conservera un pouvoir discrétionnaire (?) sur votre entrée et votre séjour dans cotre véritable patrie et disposera d’une jurisprudence qui lui permettra de chasser d’Autriche des centaines d’autres Arigona au destin semblable au vôtre. Qui donc sera le gagnant et qui sera le perdant dans ce maquignonnage que vous offre le gouvernement ?

« Une honte qui crie à la face du ciel»
L’offre que vous a faite le gouvernement vous place dans la situation des personnages du célèbre dessin du caricaturiste Dusan Petricic, qui représente deux joueurs d’échecs avec sur la table des pièces d’échecs pour l’un et un revolver pour l’autre. Votre vieux protecteur, le curé Josef  Friedl, semble l’avoir bien compris aussi. Est-ce pour cette raison que lui aussi vous a conseillé le 15 juin de quitter le pays de votre plein gré ? Il n’est pas exclu qu’il subisse des pressions politiques, dans la mesure où, selon ses propres dires, Wilhelm Molterer, chargé de relations avec la presse à l’ÖVP l’a appelé de la part du Secrétaire général de l’ÖVP, Hannes Missethon et lui a demandé s’il pouvait résoudre le conflit politique déclenché par votre séjour et vous abriter chez lui. Le prompt démenti apporté par l’ÖVP à cette affirmation montre à quel point votre cas atteint ce parti non seulement au plan moral, mais au plan politique. Mais si vous cédiez à ces pressions, ce serait précisément ce que Friedl appelait lui-même dans une interview accordée le 23 décembre 2008 à l’hebdomadaire viennois « Falter », « une honte qui crie à la face du ciel».
Eh bien, si vous acceptiez la proposition du gouvernement, cette même honte retomberait aussi sur vous. Vous encourageriez les deux partis au pouvoir à poursuivre et aggraver leurs violations des droits humains sous le couvert de lois inhumaines. On ne peut attendre autre chose de ces deux partis qui depuis longtemps ont trahi respectivement les principes.humanistes du socialisme et les valeurs chrétiennes. Tout à fait consciemment et avec cette bonne dose de sadisme à l’égard du plus faible si caractéristique des puissants, ils œuvrent à une société à deux vitesses. L’une pour les stars du monde de la culture, du sport ou du show biz, sans parler des hommes d’affaires, et une autre pour les simples mortels. Pour les premiers on contourne la loi sans problème et on les naturalise à grand renfort de médias. Aux autres on applique la loi dans toute sa rigueur et sans aucun égard pour les aspects humains. Non seulement les journaux autrichiens, mais le plus grand quotidien slovène, « Delo » du 19 juin s’en sont fait l’écho. Si au moins vous étiez Ailsar Alibuni, « le prochain top model d’Allemagne », les puissants vous traiteraient comme elle, qui, ainsi que l’écrivait le 13 juin le quotidien « Österreich », était elle aussi entrée illégalement en Autriche, on oublierait sûrement ce « petit détail » et on vous appellerait « notre compatriote de Haute-Autriche ». Malheureusement vous n’êtes qu’une simplelycéenne, qui a eu la malchance d’être emmenée illégalement en Autriche quand elle était enfant et d’y grandir, qui est devenue un membre de cette société mais à qui l’État applique des mesures de punition collective. Comme dans l’Allemagne nazie, comme en Union soviétique, dans la Chine de Mao ou en Corée du Nord, où tous les membres de la famille, enfants inclus, devaient payer pour les péchés du père - et continuent à le faire.
« Heinz, fais quelque chose ! »
Accepter le maquignonnage que vous propose le gouvernement ne serait rien d’autre qu’accepter d’être expulsée en douceur. Certes il vous serait théoriquement possible de rentrer légalement en Autriche, mais on vous aurait dépouillée de votre véritable patrie. Si en revanche vous osiez vous opposer aux puissants, vous risqueriez d’être expulsée par la force (vulgairement : déportée). Mais tout l’arbitraire d’un système inhumain éclaterait ainsi aux yeux du monde entier, et plus crûment encore que dans le cas du Nigérian Marcus Ofuma, qui le 1er mai 1999 a succombé aux brutalités policières lors de son expulsion forcée. Le drame d’une enfant intégrée dans ce pays est plus émouvant que la tragédie d’un réfugié africain adulte, et les médias ne manqueront pas d’en faire grand bruit. N’oublions pas que le journal le plus lu en Autriche, le « Kronen Zeitung » a plaidé de manière surprenante pour que vous restiez, peu avant la mort de son directeur de l’époque, Hans Dichand, tristement connu pour sa xénophobie.
Pour les autorités cette situation ne sera rien moins qu’agréable. Une partie de l’opinion publique autrichienne est indignée de leur attitude à votre égard. Les Verts ont lancé une pétition pour demander que vous puissiez rester ici et c’est le seul parti présent au Parlement qui vous défende. À l’appel d’ « Asyl-in Not »29 organisations ont appelé à manifester le 18 juin contre la décision de la Cour constitutionnelle vous concernant. Certes, il n’y a eu que 250 manifestants et la presse en a à peine parlé, mais cela prouve qu’il y a dans votre pays des forces qui vous soutiennent. Dans son appel l’organisation « Asyl-in-Not » a fait remarquer qu’« en début d’année une chasse aux sorcières dirigée contre Arigona par des éléments sexistes et racistes avait précédé cet acte de justice politisée ». Des dissensions apparaissent déjà au sein du SPÖ à ce sujet. Franz Voves, gouverneur du land de Styrie a qualifié d’ « inhumaine » votre expulsion et celle de votre famille. Les Jeunesses socialistes ont participé à l’organisation de la manifestation viennoise et leur Président, Wofgang Moitzi, juge  «  honteuse et indigne» la décision de la Cour Constitutionnelle. L’évêque catholique de Linz, Ludwig Schwarz, a demandé dans le Kirchenzeitung der Diözese Linz (Journal ecclésial du diocèse de Linz , Ndlt)de « préférer la clémence au droit » et l’évêque protestant luthérien, Michael Bunker, ainsi que le superintendant du land, Thomas Hennefeld, a demandé une nouvelle fois, le 15 juin dernier, de prévoir un droit de séjour pour ces « personnes bien intégrées qui vivent depuis des années en Autriche » et rappelé les paroles du Président Heinz Fischer selon lesquelles le droit ne doit pas entrer en contradiction avec l’humanité. « Heinz, fais quelque chose ! », disait la pancarte que le porte-parole du KPÖ (Parti communiste autrichien, Ndlt) Didi Zach et le prochain Conseiller communiste de district, Wolf Jurjans, ont plantée devant le palais présidentiel.
Lève-toi et lutte !
« Heinz » fera-t-il quelque chose ? On peut en douter. D’autres institutions qui militent pour un revirement moral de la société feront-elles entendre leur voix? On peut aussi en douter. À quelques exceptions près la hiérarchie catholique se tait. Les autres confessions religieuses également, sauf les luthériens. Et les intellectuels font de même. On attend toujours que les écrivains, artistes, professeurs d’université, enseignants du premier et second degré, pédagogues de renom et psychologues se mobilisent pour que vous restiez en Autriche. Malheureusement leurs organisations n’ont pas lancé de pétition, pas pris de position collective, pas protesté - rien. Mais les voix de l’extrême-droite, elles, se font d’autant mieux entendre, et leur effet dévastateur se fait déjà sentir. Les habitants de Frankenburg, où vous vivez, et qui vous soutenaient encore massivement en 2007, se sont maintenant, pour la majorité, détournés de vous. Les temps sont malheureusement plus difficiles désormais et à une époque où les perspectives d’avenir s’assombrissent, l’opinion publique est plus sensible aux sirènes de l’extrême-droite. En un tournemain la sympathie qu’on éprouve pour quelqu’un ou quelque chose peut se transformer en une haine aveugle. Surtout dans les zones rurales.
Ne perdez pourtant pas courage. On ne vous sert pas la patrie sur un plateau d’argent, il faut la conquérir de haute lutte. Le temps des larmes et des menaces de suicide est révolu. N’ayez pas une attitude victimaire et surtout ne vous laissez pas convaincre de quitter l’Autriche. Le faire signerait votre arrêt de mort, au plan personnel et moral. Et la meilleure défense, c’est l’attaque. Contactez les personnes et les organisations qui vous soutiennent, parlez, écrivez, organisez avec elles la résistance et tenez bon, même si on vous exile hors d’Autriche. En exil on peut continuer le combat. Courage, levez-vous et luttez ! Et n’oubliez pas : si vous obtenez le droit de rester dans ce pays (et c’est mon souhait le plus cher), votre lutte n’est pas finie pour autant. Il y a tant d’autres Arigona dans ce pays (le vôtre). Ne l’oubliez jamais. Et n’oubliez pas non plus que vous aurez toujours des soutiens dans ce combat.
Amicalement
Vladislav Marjanović