jeudi 30 septembre 2010

Mohamed Al Durrah in memoriam

par Agustín Velloso, 30/9/2010. Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala 
Il y a dix ans, jour pour jour, le 30 septembre 2000, l'enfant palestinien Mohamed Al Durrah était tué par un sniper de l'armée israélienne.

Les sionistes ont fait des milliers de victimes palestiniennes comme ce garçon de douze ans, certains plus jeunes (y compris dans le ventre de leur mère), d'autres plus âgés (y compris dans leur lit), et tous méritent qu'on s'en souvienne.
Sans aucun doute, la mort d'Al Durrah, qui survint au second jour de la seconde Intifada,  peut être vue ajourd'hui, en ces temps de conversations de paix à coup de "oui, mais" et sans nouvelles intifadas, comme un condensé de la situation des Palestiniens dix ans après l'événement.
Peu importent combien de conversations similaires auront lieu, quelle sera la contribution de la "communauté internationale" à la solution du conflit du Moyen-Orient, ce que dit l'Autorité palestinienne de Ramallah,  puisque les sionistes continueront à tuer, à mutiler,  à détruire, à voler, bref, à pratiquer le génocide rampant à Gaza et le nettoyage ethnique en Cisjordanie avec tous les moyens à leur disposition.
Combien d'autres Mohamd Al Durrah connaîtront-ils le même sort dans les dix années à venir ?
Depuis le début de la seconde Intifada en septembre 2000 jusquà la fin de ce mois de septembre 2010, Israel a tué 1859, mille-huit-cent-cinquante-neuf enfants de moins de 18 ans.
Même si les chifres à venir se monteront à plusieurs milliers, seuls leurs êtres chers se souviendront des victimes. Les autres, s'ils arrivent à chercher à s'informer, ne sauront que ce racontent les wikipédias du moment et les autres médias prosionistes et proimpérialistes : ce qu'ils appellent “l'incident de "Mohamed Al Durrah", qui “fut pris dans un tir croisé entre des soldats israéliens et les forces de sécurité palestiniennes", disculpant l'armée israélienne : "une enquête de l'armée israélienne d'octobre 2000 a conclu que celle-ci n'avait probablement pas tiré sur Al Durrah", ou encore : "il s'agissait d'une mise en scène des manifestants palestiniens", pour ne pas parler de ceci :  "les communautés juives et israéliennes ont déclaré que les allégations palestiniennes ne sont que l'actualisation d'une vieille difffamation, la vieille accusation antisémite de sacrifices d'enfants par les juifs".
Grace à l'amitié US, Israël retourne ainsi le couteau dans la plaie.
Espérons que la résistance inversera la vapeur avant que cette situation se prolonge dix ans de plus.
 Carlos Latuff

mercredi 29 septembre 2010

La fourmi de dix-huit mètres du désert

par Ayman El Kayman, Coups de dent n° 133, 28/9/2010
Qui a enlevé les sept employés d’AREVA et de SATOM au Niger ? Officiellement, un groupe terroriste répondant au joli nom poétique d’Al Qaïda au Maghreb islamique, ou, comme le disent tous les « experts » invités sur les plateaux de télévision, AQMI (prononcer « akmi »). Tous ces « experts » nous parlent d’ « akmi » comme de vieilles connaissances, avec lesquelles ils auraient gardé les chameaux dans leur enfance. Bref, ils ont l’air de bien les connaître. Où les ont-ils rencontrés ? Dans les brasseries du Faubourg  Saint-Germain ?
Moi, AQMI, j’connais pas. « Abou Zeid » – leur chef , paraît-il -, je ne sais pas à quoi il ressemble, sous son chèche et derrière sa barbe. Pour moi, donc Al Aqäida au Maghreb islamique, c’est comme  la « fourmi de 18 mètres » de Robert Desnos  : « ça n’existe pas, ça n’existe pas ».
Diverses hypothèses ont été émises sur les auteurs de ces enlèvements et leurs motivations. J’en ajoute une à la liste :
Et si « Abou Zeid » n’était, tout comme Djamel Zitouni, ou « Abderrazk El-Para » ou « Tarek » ou bien d’autres encore, qu’un vulgaire officier du DRS algérien ? Comment, vous ne savez pas ce qu’est le DRS ? Et si je vous dis : la SM, ça vous aide ? Allez, je donne ma langue au chat : le DRS, c’est le Département de renseignement et de sécurité algérien, l’ex-Sécurité militaire, bref les moukhabarat. Cet organe, comme le KGB dans la défunte Union soviétique, fait la pluie et le beau temps en Algérie depuis presque 50 ans. Il fait et défait  -et parfois assassine – les présidents, les élections, les affaires en tous genres. Djamel Zitouni, le marchand de poulets censé avoir enlevé en 1996 les moines français de Tibéhirine, finalement assassinés – on ne sait toujours pas par qui -, était l’un de leurs agents. Tout comme le fameux « Tarek », le grand artisan des attentats du métro et du RER à Paris en 1995. Zitouni comme Tarek, ont disparu sans laisser de traces. Officiellement, morts au combat ou en détention.  Ou peut-être en goguette à travers le Sahara, comme « Abderrazak El-Para », prédécesseur de « Abou Zeid » dans le rôle du MBD (méchant barbu du désert)…
L’Algérie des généraux, des colonels et des commandants du DRS, qui sont tous des hommes d’affaires (juteuses) a décidé depuis plusieurs années d’établir une alliance stratégique militaire - et économique - avec les USA  et, secondairement, la Chine. Un des objectifs de cette alliance est de balayer définiivement la présence et l’influence française dans la région sahélo-soudanaise, de la Mauritanie au Tchad, en passant par le Mali, le Burkina Faso et le Niger. Les multinationales anglo-américano-australo-sudafricaines lorgnent sur l’uranium du Niger , le pétrole de Mauritanie et du Tchad et les autres richesses du sous-sol. Les multinationales chinoises aussi. AREVA, qui exploite l’uranium du Niger, est une épine dans leur pied. Tout est bon, donc, pour faire fuir les Français. Par exemple, des enlèvements.
Scénario : d’ici quelques jours, vous allez voir que l’armée algérienne va annoncer triomphalement avoir « libéré les sept otages » au cours d’une brillante opération où non seulement tous les preneurs d’otage ont trouvé la mort (il vaut mieux éliminer ce genre de témoins gênants), mais aussi les otages, malheureusement (ce genre de témoins peut aussi être gênant). Pas difficile de libérer – et de tuer, par inadvertance - des gens qu’on a capturé.
Ayman El Kayman, Président du Comité Sauvons la Françafrique !
Bonne semaine, quand même !
Que la Force de l’esprit soit avec vous !
...et à mardi prochain !

mardi 28 septembre 2010

Ressources naturelles d'Amérique latine et des Caraïbes :Le dernier piège de la Banque Mondiale

 par Raúl Zibechi, 25/9/2010. Traduit par  Estelle & Carlos Debiasi, édité par  Armando García
Il ne sera pas simple de sortir de l’extractivisme. On n'y arrivera jamais sans un profond débat qui anticipe la confrontation indispensable avec un modèle prédateur. Ce n’est pas que le récent rapport de la Banque Mondiale (BM), "Les ressources naturelles de l’Amérique latine et des Caraïbes : au-delà de la prospérité et de la crise ?" n’apporte rien d’intéressant, mais qu'il est plutôt une plaisanterie de mauvais goût.


La diffusion du récent rapport de la Banque Mondiale (BM), "Les ressources naturelles de l’Amérique latine et des Caraïbes : au-delà de la prospérité et de la crise ? " (le 13 septembre 2010) [texte en espagnol] pourrait contribuer au débat urgent et nécessaire sur les stratégies les plus adaptées pour sortir de la pauvreté et de la dépendance, affronter les problèmes sociaux et environnementaux que l’extractivisme génère, et profiter d’une articulation favorable pour conduire le continent vers une rupture avec le néolibéralisme. Ce n’est pas que le rapport de la BM n’apporte rien d’intéressant, mais qu'il est plutôt une plaisanterie de mauvais goût. Beaucoup de gouvernements de la région, y compris les soi-disant « progressistes », paraissent cependant être d’accord avec certaines de ses conclusions les plus néfastes. La vice-présidente de la BM pour l’Amérique latine et les Caraïbes, Pamela Cox, préface le rapport en disant que les pays de la région « sont devenus parmi les plus prospères du monde grâce à la production de métaux précieux, de sucre, de caoutchouc, de grains, de café, de cuivre et de pétrole ». Elle nie que l’exploitation des ressources naturelles ait été une malédiction pour la région, et croit, vu les prix élevés du marché, que les perspectives à court terme sont « flatteuses ». Le rapport lui-même assure que « les exportations de biens du secteur primaire ont toujours activé les économies de la région en remplissant les coffres des gouvernements », et que l’Amérique latine « peut tirer des bénéfices significatifs, étant la mine et le grenier » des économies centrales. Bien sûr, il ne prend pas en compte le fait que les bénéficiaires principaux aient été les grandes multinationales et les pays du nord -jamais les exportateurs de matières premières. L’objectif monétariste de la BM l'amène à proposer que les « bénéfices extraordinaires » obtenus par les exportations de minerais, d’hydrocarbures et de produits agricoles -dont les prix restent très élevés sur les marchés globaux- soient utilisés pour réaliser une économie « à utiliser ensuite pour stabiliser la dépense de ces biens en temps de crise », comme le soutient le rapport signé notamment par Augusto de la Torre, économiste en chef de la banque mondiale pour l’Amérique latine et les Caraïbes. Il condamne les nationalisations des entreprises qui exploitent des ressources naturelles, et consacre une partie substantielle de ses conclusions à indiquer les chemins les plus adaptés pour « éviter ou minimiser les impacts sociaux et les conflits associés aux industries d’extraction ». De cette façon, le principal think tank néolibéral estime que c’est précisément le prix international élevé des commodities qui permet à la région de traverser la crise mondiale avec succès -et non son éloignement croissant avec les recettes de la BM elle-même et du FMI [Front Monétaire International]. La forte dépendance des exportations de matières premières que supposent 24 % des revenus fiscaux en moyenne dans la région -avec des cas atteignant 49 %- est un sujet de profonde inquiétude. On ne discute même pas de la détérioration des termes d’échange, ni de la différenciation des exportations, de l’industrialisation et de la souveraineté alimentaire, des questions stratégiques escamotées sous la vague d’exportations de produits du secteur primaire qui surexploitent les biens communs tels que l'eau. Ce n’est pas la première fois que la BM fait de faux pronostics, et qu’elle se lave les mains par la suite quand arrivent les résultats désastreux. Vers le milieu des années 90, la BM faisait la promotion de la privatisation des retraites arguant que le vieillissement de la population mènerait le système public à la faillite. Selon un rapport récent du quotidien El País, le Cercle d’Entrepreneurs de l’Espagne, s’appuyant sur les analyses de la BM, assurait en 1996 que le système public de retraite connaîtrait un déficit de 10 % du PIB pour l’année 2000 -quand il accumule en réalité une épargne équivalente à 6% du PIB et que les retraites privées sont au bord de la faillite (El Pais, 19/9/10). Il y a en effet, aux États-Unis, 31 États qui peuvent tomber à court d'argent pour le paiement des retraites privées, tandis qu’au Royaume-Uni celles-ci ont perdu 37 % de leur valeur. En Amérique latine, les voix appelant à un débat de fond sur l’intensification de l’exploitation naturelle continuent à être minoritaires et -ce qui est pire- ne sont habituellement pas écoutées dans les sphères officielles. Ni même dans les gouvernements qui se proclament opposés au capitalisme. Dans la campagne électorale vénézuélienne pour le renouvellement de l’Assemblée Nationale à la date du dimanche 26 [septembre 2010], la droite a réussi à polariser le débat en posant la question de la sécurité en ville. Les diverses gauches n'arrivent cependant pas à remettre en question un modèle de développement toujours dépendant de l’exportation pétrolière -situation inchangée depuis l'arrivée d'Hugo Chavez à la présidence, en 1999. C’est sur ce point que l’inertie rapproche les faits concrets des tricheries de la BM. Tandis que le capital mondial élabore des propositions pour approfondir le modèle, les propositions alternatives continuent à ne pas être écoutées. Elles comprennent néanmoins un vaste éventail : depuis le néo-développementisme jusqu’au sumak kawsay ou le Bien Vivre estampillé dans les constitutions de l’Équateur et de la Bolivie. L’économiste Jorge Katz, qui s’inscrit dans la première tendance, vient de dénoncer, au congrès annuel de l’Association d’Économie pour le Développement de l’Argentine, que le décile le plus riche de son pays a un revenu per capita aussi grand que le même décile dans les pays anglo-saxons -alors que la population à plus petit revenu est 20 fois plus pauvre que les couches les plus pauvres des pays développés. L’actuelle phase du modèle néolibéral, bien que certains préfèrent parler de « post-néolibéralisme » lorsqu'il s’agit de gouvernements progressistes, ne peut que générer une polarisation économique et sociale. Dans ce cas, le progressisme interpose des politiques sociales qui ne peuvent modifier la distribution des revenus, mais qui sont liées à l’exploitation de la nature. Il ne sera pas simple de sortir de l’extractivisme. On n'y arrivera jamais sans un profond débat qui anticipe la confrontation indispensable avec un modèle prédateur.

samedi 25 septembre 2010

L’Arabie saoudite face au double défi : du Sunnite Oussama Ben Laden (Al Qaida) et du Chiite Hassan Nasrallah (Hezbollah)

par René Naba, 18 et 25/9/2010
«Il existe quelqu’un de pire qu’un bourreau, son valet»
Comte Honoré Gabriel de Mirabeau
 
La dynastie wahhabite: unique entreprise familiale au monde à siéger aux Nations Unies, une illustration caricaturale de la réalité paralytique arabe

 
Paris, 18 septembre 2010 – Unique famille à avoir donné son nom à son pays, ce que même Christophe Colomb, le découvreur de l’Amérique, n’a songé à faire, unique pays à porter le nom de sa famille conquérante, ce que même Jules César n’a osé faire, l’Arabie saoudite est aussi l’unique entreprise familiale au monde à siéger aux Nations Unies, un privilège qu’aucune dynastie si prestigieuse fût-elle, qu’aucune multinationale si puissante soit-elle, n’a jamais pu exercer, un passe-droit qui donne la mesure du laxisme dont bénéficient les dirigeants ce pays sur le plan international du fait pétrolier.
 
Le Gardien des Lieux Saints de l’Islam a certes financé la promotion de l’Islam à travers le monde, mais son prosélytisme religieux tous azimuts s’est souvent confondu avec une instrumentalisation politique de la religion comme arme de combat contre les ennemis de l’Amérique, notamment l’athéisme communiste, au détriment des intérêts stratégiques du monde arabe.
 
Le chef de file de l’Islam sunnite a porté le fer aux quatre coins de la planète pour le compte de son protecteur américain, mais le bailleur de fonds des équipées militaires américaines dans le tiers-monde - de l’Afghanistan au Nicaragua - n’est jamais parvenu à libérer l’unique Haut Lieu Saint de l’islam sous occupation étrangère, la Mosquée Al Aqsa de Jérusalem, au point que son leadership est désormais concurrencé par le nouveau venu sur la scène diplomatique régionale, la Turquie et sa posture néo-ottomane.
 
Le protégé de l’Amérique, auteur de deux plans de paix pour le Proche-Orient, n’a jamais réussi à faire entériner par son protecteur américain et son partenaire israélien les propositions visant à régler le conflit israélo-palestinien, ni à prévenir l’annexion rampante de Jérusalem, ni la judaïsation de la 3ème ville sainte de l’Islam, pas plus qu’il n’a pu éviter le basculement des grandes capitales arabes hors de la sphère sunnite, dans le giron  adverse: Jérusalem sous occupation israélienne, Damas sous contrôle alaouite et Bagdad  enfin sous partage  kurdo-chiite.
 
Le plus riche pays arabe, membre de plein droit du G20, le directoire financier de la planète, a dilapidé une part de sa fortune à d’extravagantes réalisations de prestige et à la satisfaction d’invraisemblables caprices de prince, sans jamais songer à affecter sa puissance financière au redressement économique arabe ou au renforcement de son potentiel militaire, bridant au passage toute contestation, entraînant dans son sillage le monde arabe vers sa vassalisation à l’ordre américain.
 
La dynastie wahhabite, détournant les Arabes et les Musulmans de leur principal champ de bataille, la Palestine, dans de furieux combats en Afghanistan, n’a jamais tiré un coup de feu contre Israël, au point que le meilleur allié arabe des États-Unis apparaît, rétrospectivement, comme le principal bénéficiaire des coups de butoir israélien contre le noyau dur du monde arabe, et Israël, comme le meilleur allié objectif de la monarchie saoudienne.
 
En 78 ans d’existence, ce pays de passe-droits a été gouverné par six monarques (Abdel Aziz, Saoud, Faysal, Khaled, Fahd, Abdallah), mais, à une période charnière de l’histoire du monde arabe, à l’ère de l’optronique, de la balistique, du combat disséminé et de la furtivité de basse tension, aucun des six monarques n’était détenteur d’un diplôme universitaire, tous formatés dans le même moule de la formation bédouine et de l’école coranique, à l’instar des autres pétromonarchies gérontocratiques du Golfe, soit le tiers des membres de la Ligue arabe et les deux tiers de la richesse nationale arabe, alors que la théocratie voisine iranienne a, d’ores et déjà, accédé au statut de puissance du seuil nucléaire.
En 78 ans d’existence, malgré les turbulences, la famille Al Saoud a réussi à sauvegarder son trône, mais à plonger la zone dans une sinistrose quand Israël sinistrait la zone.
 

jeudi 23 septembre 2010

Nous avons perdu les savants et on a eu le silicone خسرنا العلماء.. وربحنا السيليكون

par Ahlam Mosteghanemi أحلام مستغانمي
2006


خبر صغير أيقظ أوجاعي..لا شيء عدا أنّ الهند تخطّط لزيادة علمائها، وأعدَّت خطّة طموحاً لبناء قاعدة من العلماء والباحثين لمواكبة دول مثل الصين وكوريا الجنوبية في مجال الأبحاث الحديثة
لم أفهم كيف أنّ بلداً يعيش أكثر من نصف سكانه تحت خط الفقر الْمُدْقِع، يتسنّى له رصد مبالغ كبيرة، ووضع آلية جديدة للتمويل، بهدف جمع أكبر عدد من العلماء الموهوبين من خلال منح دراسيّة رُصِدَت لها اعتمادات إضافية من وزارة العلوم والتكنولوجيا، بينما لا نملك نحن، برغم ثرواتنا المادية والبشرية، وزارة عربية تعمل لهذه الغاية، (عَدَا تلك التي تُوظّف التكنولوجيا لرصد أنفاسنا)، أو على الأقل مؤسسة ناشطة داخل الجامعة العربية تتولّى متابعة شؤون العلماء العرب، ومساندتهم لمقاومة إغراءات الهجرة، وحمايتهم في محنة إبادتهم الجديدة على يد صُنَّاع الخراب الكبير
أيّ أوطان هذه التي لا تتبارى سوى في الإنفاق على المهرجانات ولا تعرف الإغداق إلاّ على المطربات،
فتسخو عليهنّ في ليلة واحدة بما لا يمكن لعالم عربي أن يكسبه لو قضى عمره في البحث والاجتهاد؟
ما عادت المأساة في كون مؤخرة روبي
تعني العرب وتشغلهم أكثر من مُقدّمة ابن خلدون،
بل في كون اللحم الرخيص المعروض للفرجة على الفضائيات،
أيّ قطعة فيه من "السيليكون" أغلى من أي عقل من العقول العربية المهددة اليوم بالإبادة.

إن كانت الفضائيات قادرة على صناعة "النجوم" بين ليلة وضحاها، وتحويل حلم ملايين الشباب العربي إلى أن يصبحوا مغنين ليس أكثر، فكم يلزم الأوطان من زمن ومن قُدرات لصناعة عالم؟
وكم علينا أن نعيش لنرى حلمنا بالتفوق العلمي يتحقّق؟

ذلك أنّ إهمالنا البحث العلمي، واحتقارنا علماءنا، وتفريطنا فيهم هي من بعض أسباب احتقار العالم لنا.
وكم كان صادقاً عمر بن عبدالعزيز (رضي اللّه عنه) حين قال: "إنْ استطعت فكن عالماً. فإنْ لم تستطع فكن مُتعلِّماً. فإنْ لم تستطع فأحبّهم، فإنْ لم تستطع فلا تبغضهم". فما توقَّع أن يأتي يوم نُنكِّل فيه بعلمائنا ونُسلِّمهم فريسة سهلة إلى أعدائنا، ولا أن تُحرق مكتبات علمية بأكملها في العراق أثناء انهماكنا في متابعة "تلفزيون الواقع"، ولا أن يغادر مئات العلماء العراقيين الحياة في تصفيات جسدية مُنظَّمة في غفلَة منّا، لتصادف ذلك مع انشغال الأمة بالتصويت على التصفيات النهائية لمطربي الغد.
تريدون أرقاماً تفسد مزاجكم وتمنعكم من النوم؟
في حملة مقايضة النفوس والرؤوس، قررت واشنطن رصد ميزانية مبدئية  تبلغ 160 مليون دولار لتشغيل علماء برامج التسلُّح العراقية السابقين، خوفاً من هربهم للعمل في دول أُخرى، وكدفعة أُولى غادر أكثر من ألف خبير وأستاذ نحو أوروبا وكندا والولايات المتحدة.

كثير من العلماء فضّلوا الهجرة بعد أن وجدوا أنفسهم عزلاً في مواجهة "الموساد" التي راحت تصطادهم حسب الأغنية العراقية "صيد الحمَام". فقد جاء في التقارير أنّ قوات "كوماندوز" إسرائيلية، تضم أكثر من مئة وخمسين عنصراً، دخلت أراضي العراق بهدف اغتيال الكفاءات المتميزة هناك.
وليس الأمر سرّاً، مادامت مجلة "بروسبكت" الأميركية هي التي تطوَّعت بنشره في مقالٍ يؤكِّد وجود مخطط واسع ترعاه أجهزة داخل البنتاغون وداخل(سي آي إي)، بالتعاون مع أجهزة مخابرات إقليمية، لاستهداف علماء العراق.

وقد حددت المخابرات الأميركية قائمة تضمّ 800 اسم لعلماء عراقيين وعرب من العاملين في المجال النووي والهندسة والإنتاج الحربي. وقد بلغ عدد العلماء الذين تمت تصفيتهم وفق هذه الخطة أكثر من 251 عالماً. أما مجلة "نيوزويك"، فقد أشارت إلى البدء باستهداف الأطباء عبر الاغتيالات والخطف والترويع والترهيب. فقد قُتل في سنة 2005 وحدها، سبعون طبيباً.

 العمليات مُرشَّحة حتماً للتصاعُد، خصوصاً بعد نجاح عالم الصواريخ العراقي مظهر صادق التميمي من الإفلات من كمين مُسلّح نُصِبَ له في بغداد، وتمكّنه من اللجوء إلى إيران. غير أن سبعة من العلماء المتخصصين في "قسم إسرائيل" والشؤون التكنولوجية العسكرية الإسرائيلية، تم اغتيالهم، ليُضافوا إلى قائمة طويلة من العلماء ذوي الكفاءات العلمية النادرة، أمثال الدكتورة عبير أحمد عياش ، التي اكتشفت علاجاً لوباء الالتهاب الرئوي " سارس"، والدكتور العلاّمة أحمد عبدالجواد، أستاذ الهندسة وصاحب أكثر من خمسمائة اختراع، والدكتور جمال حمدان، الذي كان على وشك إنجاز موسوعته الضخمة عن الصهيونية وبني إسرائيل.
أجل، خسرنا كلَّ هذه العقول.. لكن البركة في "السيليكون"

Une petite information a réveillé mes souffrances : l’Inde envisage d’augmenter le nombre de ses scientifiques, rien que ça. Elle a préparé un plan ambitieux d’édification d’une base de scientifiques et de chercheurs pour concurrencer les pays comme la Chine et la Corée du Sud dans le domaine de la recherche moderne. Je ne comprends pas comment un pays dont plus de la moiitié de la population vit en dessous du seuil de pauvreté peut affecter des sommes colossales et élaborer un nouveau système de financement afin de recueillir le plus grand nombre de scienifiques talentueux grâce à des bourses de recherché alimentées par des crédits supplémentaires du ministère de la Science et de la Technologie.

En revanche nous [les Arabes] nous n’avons – malgré nos riches ressources matérielles et humaines – pas un seul ministre chargé de ce secteur (sauf ceux qui utilisent la technologie pour surveiller notre respiration) ou au moins une institution active au sein de la Ligue arabe qui superviserait le suivi des affaires des scientifiques arabes et les soutiendrait afin qu’ils résistent aux tentations de fuir ou d’émigrer, les protégeant du danger d’extermination par les fabricants du Grand Désastre.

Qu’est-ce que ces pays qui ne se concurrencent que pour les dépenses en festivals et qui ne gâtent que les chanteuses, leur distribuant généreusement en une seule nuit ce qu’un scientifique arabe ne peut gagner en toute sa vie, même s’il passe jour et nuit à travailler avec application et diligence ?

 
Il y a plus tragique que le fait que le derrière de Ruby [chanteuse égyptienne] intéresse et préoccupe les Arabes plus que Al Muqaddimah (Discours sur l’histoire universelle) d’Ibn Khaldoun : c’est le fait que chaque morceau de silicone exposé sur les écrans des chaînes satellitaires soit plus précieux que l’esprit arabe, aujourd’hui menacé d’anéantissement. Si ces chaînes satellitaires ont été en mesure de créer des « stars » du jour au lendemain et de transformer les rêves de millions de jeunes Arabes de devenir chanteurs, ni plus ni moins, combien faudra-t-il de temps et de capacités aux pays arabes pour créer un savant ? Et combien devrons-nous vivre pour voir se réaliser notre rêve d’excellence scientifique ?


Le fait est que notre négligence de la recherche scientifique et notre mépris pour nos savants sont une des causes du mépris mondial à notre égard. Et comme l’a dit justement Omar Ibn Abdulaziz [le Premier Calife], « si tu peux, sois un savant ; si tu ne peux pas, sois un lettré ; si tu ne peux pas, aime-les ; et si tu ne peux pas, ne les méprise pas. »


Il était loin de s’attendre à ce qu’un jour viendrait où nous condamnerions nos savants, les livrant, proies faciles, aux mains de nos ennemis. Et il ne pensait pas qu’on brûlerait des bibliothèques scientifiques entières en Irak pendant que nous étions occupés à la poursuite de la « télé-réalité », tandis que des centaines de scientifiques irakiens seraient victimes d’une liquidation organisée sans que nous y prêtions attention, l’Oumma étant tout entière occupée à voter pour les finalistes [des shows de télé-réalité] qui seront les chanteurs de demain.


Voulez-vous des chiffres qui saperont votre moral et vous empêcheront de dormir ? Dans le cadre de la campagne pour changer les âmes et les esprits, Washington a décidé de conscarer un budget de 16 millions de dollars pour récupérer les ex-scientifiques irakiens du programme d’armement, de peur qu’ils s’évadent pour aller travailler dans d’autres pays. Du coup, plus d’un millier de scientifiques ont quitté le pays pour les USA, l’Europe et le Canada. Plusieurs ont décidé de rester en Irak, après qu’ils se sont trouvés sans défense face au Mossad, qui leur a fait la chasse comme dans la chanson irakienne La chasse aux pigeons. Il est dit dans un rapport qu’un commando de 150 Israéliens est entré en Irak afin de liquider les compétences qui y restaient et ce n’est un secret pour personne puisque le magazine US Prospect en a fait état dans un article confirmant l’existence d’un vaste plan ciblant les scientifiques irakiens et parrainé par le Pentagone et la CIA avec l’aide d’autres agences de renseignement de la région.
Abir Ahmed Ayache                                        Jamal Hamdane
Les services de renseignement US ont dressé une liste de 800 scientifiques irakiens et arabes compétents dans le domaine nucléaire et militaire. Plus de 251 scientifiques ont été éliminés dans le cadre de ce plan. Le magazine Newsweek a signalé le démarrage du ciblage des médecins par des enlèvements et des intimidations. Rien qu’en 2005, ils ont tué plus de 70 médecins. L’opération sera étendue, surtout après que le scientifique Sadeq Al Tamimi eut réussi à échapper à une embuscade à Bagdad pour demander l’asile en Iran. Toutefois, les sept spécialistes irakiens des affaires militaires et technologiques d’Israël ont été assassinés. S’y ajoute une longue liste de scientifiques aux talents rares, comme la chercheuse libanaise Dr Abir Ahmed Ayache, qui avait découvert un remède contre le SRAS, et le Dr Ahmed Jawad, professeur de génie et auteur de plus de cinq cents inventions, ou encore le Docteur Jamal Hamdane [chercheur égyptien, 1928-1993, NdT], qui était sur le point d’achever son encyclopédie monumentale sur le sionisme et les fils d’Israël.


Oui, nous avons perdu tous ces esprits…Mais, félicitations pour le silicone !

lundi 20 septembre 2010

Chronique d’un voyage en Vitellonia

Que dire d’un pays qui abrite le QG de l’Église apostolique romaine et où les cathédrales sont à entrée payante ?
Que dire d’un pays qui abrite le plus grand évadé fiscal d’Europe ?
Que dire d’un pays où les fascistes d’hier sont désormais des démocrates postfascistes et où les communistes d’hier sont des démocrates postcommunistes ?
Que dire d’un pays, où désormais, le vin rouge et la pasta sont biologiques, les pizzas sont durables et soutenables  et les mandolines biodégradables ?
Que dire d’un pays dont le ministre de l’Intérieur a inventé la possibilité d’expulser les étrangers – à commencer par les Rroms - vivant à la charge de l’État ?
Que dire d’un pays en forme de botte que son gouvernement est acharné à détricoter comme une chaussette en commençant par le haut (la Lombardie), défaisant ce que Garibaldi, le Héros des Deux-Mondes, avait tricoté en commençant par le bas (la Sicile) ?
Italie malade (magnablog)

Je reviens d’un périple de quatre semaines à travers la moitié du Pays des veaux* et je voudrais essayer de partager des impressions et des constats en formes d’interrogations sur ce pays énigmatique, miroir grossissant de toutes les maladies qui frappent l’Europe, dont j’ai traversé à petites étapes une quinzaine de villes, de Gênes et Turin à Florence et Ancône, et d’innombrables villages.
Silence et propreté
Premier constat en revenant dans ce pays où je n’avais pas remis les pieds depuis 14 ans : l’Italie est devenue silencieuse et propre. Les Italiens criaient, désormais ils chuchotent, ils murmurent ou se taisent. Apparemment, on les a réduits au silence. Ils utilisent maintenant des poubelles de cinq couleurs différentes, destinées à la collecte différenciée des ordures. Les centres-villes élargis sont d’une propreté et d’un luxe suspects. Ils ont été définitivement nettoyés de tout élément populaire et totalement gentryfiés. N’y vivent plus que des classes moyennes de la couche supérieure et les seuls éléments populaires sont leur domesticité : femmes de ménage, cuisinières et garde-malades philippines, salvadoriennes, somaliennes ou érythréennes. Les petites trattorie alla buona (restaurants à la bonne franquette) d’antan ont été remplacées ou sont devenues des restaus branchés et chers. « C’est votre faute, vous les touristes », m’a dit un vieux boucher dont la boutique survit miraculeusement dans le vieux centre de Gênes. Et désormais, on trouve même (horresco referens) des distributeurs automatiques de pizzas, une véritable hérésie. Il ne reste plus aux pauvres qu’à aller s’enfiler un kebab chez l’Indien, le Turc ou le Bangladeshi du coin, avec parfois de bonnes surprises, comme celle-ci, à Pise, indice d’une créativité certaine :
"Menu du jour : frites kebab fast food japonais et indien". Photo FG
En revanche, sur les murs de ces villes, on ne voit plus aucun graffiti de contestation politique de gauche, à quelques rares exceptions près. Les graffitis qui dominent sont ceux des « ultras » - les supporters de foot fascisants – ou les déclarations d’amour de « Lino » à « Paola ». Voici un des rares graffitis contestataires que j’ai pu trouver, à  Gênes :




La Lega, c'est la Ligue du Nord, d'Umberto Bossi. Écrit en tout petit à droite : "Flics assassins, on vous balancera dans les égouts". Photo FG
 

Sur les murs d'Ancône, les supporters proclament qu'être "ultra", c'est un "style de vie". Photo FG

Money, money, money
Tout est bon désormais pour faire du fric. Dans la gare ferroviaire de Florence, il n’y a plus un seul siège pour s’asseoir gratuitement en attendant son train. Et la salle d’attente est devenue un…magasin de chaussures. Autrement dit, les chemins de fer de l’État – qui restent une entreprise publique, même s’ils sont devenus une société par actions – louent une salle d’attente à un marchand de godasses. Ce n’est pas la seule surprise qui vous attend dans la ville des Médicis, capitale éphémère de l’Italie (1865-1871). La Galerie des Offices, un des plus célèbres musées du monde, est non seulement à entrée payante, mais aussi à sortie payante : après avoir traversé un dédale infernal consacré, sur un inquiétant fond rouge sombre, au Caravage et « Caravagiens », une exposition temporaire faisant suite aux 42 salles de l’exposition permanente, vous croyez avoir atteint la sortie et être sur le point de pouvoir respirer à nouveau. Que nenni ! Commence alors un nouveau dédale de boutiques où on vous propose toutes sortes de marchandises – le merchandising » des musées est devenu un phénomène mondial – et au cas où vous seriez à court de monnaie, un panneau vous indique la présence, dans une salle qui lui est exclusivement consacrée, du Dieu Bancomat, le distributeur automatique d’argent, qui vous attend avec son écran vert. J’ai une suggestion pour les marchands des Offices : il manque à leur assortiment l’essentiel, des préservatifs à l’effigie de la Vénus de Botticelli. Je suis sûr qu’un tel produit ferait un tabac !
Toujours à Florence, l’accès au Duomo, la cathédrale, est désormais payant, comme l’est celui au Duomo de Pise, au Duomo de Milan. J’ignore si l’accès à Saint-Pierre de Rome est encore gratuit, je n’ai pas poussé mon périple jusque-là. Que le gouvernement britannique ait décidé de faire payer l’accès aux messes célébrées par le Pape lors de sa visite en Angleterre obéit donc à une logique cohérente et transfrontalière. Question à 14 € : que signifient les panneaux demandant aux touristes de respecter les fidèles venant dans ces cathédrales pour prier ? Comment distingue-t-on un touriste infidèle d’un touriste ou indigène fidèle ? Les fidèles venus « seulement » prier (c’est ce qu’on est censé faire dans une église) ont-ils le droit d’accéder à ces temples sans bourse délier ? Les queues aux divers Duomi m’ont dissuadé d’avoir la patience d’attendre mon tour pour poser la question à quelque préposé.

Autre moyen de faire de l’argent : les zones bleues. La quasi-totalité des surfaces asphaltées ou pavées, sur lesquelles on ne roule pas, de toutes les villes traversées est recouverte de traits de peinture bleue. Ce sont des emplacements de parking payants. Heureusement, il ne semble pas que les employés municipaux chargés de les surveiller fassent une chasse très acharnée aux mauvais payeurs.

Tout cela est évidemment de la petite bière à côté des gros profiteurs. Ainsi, l’Italie abrite le plus gros « évadé fiscal » connu d’Europe, Alberto Aleotti, 87 ans, patron de l’entreprise pharmaceutique Menarini, qui a soustrait au moins 450 millions d’Euros au fisc italien en les mettant au chaud au Liechtenstein. Un vrai personnage pour Millenium 4, cet Alberto, déjà arrêté en 1994 pour avoir versé un milliard (de lires, « seulement ») à Duilio Poggiolini, vénérable membre de la fameuse loge P2 et directeur général du service pharmaceutique national au ministère de la Santé, pour obtenir une augmentation des prix des produits pharmaceutiques. Poggiolini, l’un des plus grands corrompus de l’histoire mondiale – il fallut 12 heures aux flics perquisitionnant sa villa pour faire le compte des lingots d’or, bijoux, billets de banque et autres pièces d’or qu’il détenait – fit tout de même deux ans de prison avant de bénéficier d’une grâce. Le Florentin Aleotti sortit indemne  de l’opération Mains propres et est, comme de bien entendu, copain comme cochon avec Berlusconi et ses hommes.




"Il est interdit d'acheter de la marchandise fausse et "contrefaite" aux vendeurs abusifs": marché San Lorenzo, Florence. Photo FG.
Vu cumprà
Les Italiens, peuple de commerçants, ont délaissé entièrement le petit commerce ambulant aux vu cumprà** – Sénégalais, Nigérians, Chinois, Marocains – et une bonne partie du petit commerce sédentaire aux immigrés du Bangladesh, du Pakistan et de Chine, se réservant le haut de gamme, essentiellement les boutiques où l’on propose aux touristes des produits de « vrai artisanat italien » (cuir, bois, broderies, crochet, tricot et dentelles) généralement d’excellente qualité et donc chers, et les supermarchés, qui ont poussé comme des champignons à la périphérie des agglomérations, et les outlets, ces magasins d’usine où sont bradés les produits de grandes marques invendus à des prix défiant presque toute concurrence.


Boutique bangladeshie à Comacchio, Romagne. Photo FG.
Les marchands immigrés apparaissent donc comme le fer de lance de la mondialisation capitaliste, une grande partie des produits qu’ils vendent provenant du cheap labor en Chine et ailleurs. Mais tout ne vient pas de Chine et la commerçante chinoise qui vend des jolies robes en coton et en lin sur un marché hebdomadaire s’empresse de répondre à la question : « D’où ça vient ? » : « D’Italie, d’Italie ». Et elle a souvent raison. Comme me le disait un Italien rencontré, « Nous, la Chine, on l’a à domicile ». Ce qui me rappelait le slogan gauchiste de 1970 aux usines Fiat : « Agnelli, l’Indocina, ce l’haï nell’officina » (Agnelli, patron de Fiat, l’Indochine tu l’as dans l’atelier, autrement dit les ouvriers en lutte sont les guérilleros vietnamiens locaux). Mais mon interlocuteur voulait dire par là que les sweat shops continuent à fleurir dans la Péninsule. Il suffit de faire un tour à Prato, la ville de naissance de l’écrivain Malaparte, en Toscane, pour s’en convaincre.


Prato : un pêcheur sur l'Arno et des Chinois en goguette
Cette capitale de l’industrie textile et de la teinturerie italienne est devenue une ville chinoise : « ils » sont partout, non seulement comme ouvriers dans les usines mais dans les conseils d’administration, où les capitaux chinois se sont associés aux capitaux italiens, et donc dans les boutiques de gros et de détail, et dans les rues de la ville. Une bonne partie de ces Chinois ont l’air de paysans fraîchement débarqués de la Chine profonde sans même avoir transité par une grande ville chinoise, mais leurs enfants ont déjà le look de petits clients italiens de MacDo et Reebok, ils sont, comme on dit, « intégrés » (il faudrait plutôt dire « désintégrés »). Et plus d’un Chinois croisé en ville n’avait pas du tout l’air d’un ouvrier exploité, mais plutôt celui d’un technico-commercial très affairé.
Un pays entièrement balisé
Une série de surprises attend le voyageur qui arrive en Italie en voiture, à commencer par les distances kilométriques, qui ne sont généralement pas indiquées sur les panneaux d’autoroutes et sont souvent fantaisistes et contradictoires sur les routes nationales ou provinciales. Ensuite, comme le remarquait un touriste prolétarien français entendu sur une place de marché à Turin : « Les Italiens, ils ont un klaxon coincé dans le c… ». Pour ne pas parler de l’absolue ignorance par les automobilistes italiens du sens universel de la ligne continue blanche, qui de surcroit, en Italie, est double. Il faut donc croire qu’une double ligne continue signifie : « autorisation de doubler ». Cela pour les chauffeurs de quatre-roues. Quant aux conducteurs de deux-roues, ils semblent considérer qu’une double ligne blanche est faite pour être longée sur sa gauche. Ne parlons pas des piétons, qui semblent toujours ignorer la différence entre un trottoir et une chaussée. Bref, même s’ils ont appris à se taire, les Italiens continuent à aimer vivre dangereusement. Ce qui doit expliquer leurs choix électoraux. Des choix bien balisés, à l’image de ce phénomène qui fait battre à l’Italie le record mondial de la signalétique : il n’y a désormais plus une seule église, un seul palais, une seule ruine, dans les villes et jusque dans les moindres villages, qui ne soit signalée par un panneau marron indiquant sa direction. S’y ajoutent, sur les routes provinciales, les panneaux indiquant que l’on se trouve sur la « route des vins du Chianti », la « route des vins et des saveurs », la « route des saveurs et des couleurs », ou encore la « vallée du faucon » (invention récente d’un indigène créatif des Marches). Comble du raffinement, dans les villes touristiques comme Florence, Pise, Ravenne ou Ferrare, la direction de tous les monuments est indiquée à la fois pour les piétons et pour les visiteurs motorisés. Vous n’aurez donc plus aucun prétexte pour vous égarer. En revanche, prenez garde aux panneaux censés indiquer les directions aux automobilistes. Ils sont toujours à droite juste avant le carrefour ou le rond-point, généralement cachés par des branches, et jamais en amont, à gauche, pour être bien visibles, comme presque partout ailleurs.
150 ans, et après
L’Italie unie aura 150 ans en 2011. Le 17 mars 1861, à Turin, le roi de Piémont-Sardaigne se proclame roi d’Italie, au terme des guerres d’indépendance du Risorgimento – la résurrection, la renaissance -, commencé en 1848, qui ont mis à mal les États du Pape, à bas celui des Bourbons (le Royaume des deux-Siciles avec siège à Naples) et chassé les Autrichiens de Lombardie et de Vénétie. Turin est la capitale du nouveau royaume, dont Rome ne deviendra la capitale qu’en 1871, une fois le Pape mis en cage dans son Vatican.

Le principal artisan de cette unité aura été Giuseppe Garibaldi, le Héros des Deux-Mondes, qui aura été en même temps le dindon de la farce. Lui, le républicain socialisant, le patriote éclairé, le disciple militaire de Giuseppe Mazzini, ne saura pas traduire politiquement sa victoire militaire sur les Bourbons, les papistes et les Autrichiens et cèdera la place à Cavour, le « Grand Homme Politique » par excellence, ministre du roi, et porte-parole de la bourgeoisie piémontaise et du Nord.


"Considérant qu'en temps de guerre, il est nécessaire que les pouvoirs civils et militaires soeint concentrés dans les mains d'un seul homme, j'assume au nom de Victor-Emmanuel, roi d'Italie, la dictature en Sicile. Giuseppe Garibaldi. Salerno, 14 mai 1860."
L’épopée de Garibaldi, qui combattit pour la liberté au Brésil, en Uruguay, en Italie et en France, a de quoi enflammer. Sa période la plus glorieuse est celle que l’on est en train de commémorer en Italie : l’Expédition des Mille. Le 6 mai 1860, Garibaldi et ses 1089 volontaires, les Chemises rouges, embarquent sur deux bateaux à Quarto près de Gênes. Le 11 mai, ils débarquent à Marsala, en Sicile. Le 7 septembre, ils entrent dans Naples libérée au terme d’une marche victorieuse émaillée de faits d’armes retentissants. Mais Cavour veille : pas question que Garibaldi proclame une république à Naples. Il envoie donc des troupes piémontaises au Sud pour contenir les éventuelles velléités garibaldiennes de poursuivre sa marche vers Rome et le Nord pour « achever le travail ». En novembre 1860, Garibaldi se soumet au roi et se retire dans l’île de Caprera. Toutes ses tentatives ultérieures de libérer Rome de ce pape Pie IX, dont il avait donné le nom à son âne, ce pape que Garibaldi avait appelé « un mètre cube de fumier », se heurteront à la volonté de Cavour, qui le fera arrêter, et de Napoléon III, qui enverra ses troupes défendre l’État pontifical, au grand dam des républicains italiens, qui étaient généralement d’enthousiastes pro-Français (révolutions de 1789, 1830 et 1848 obligent).

Ravenne. Photo FG.

Il n’existe pas de ville italienne qui n’ait au moins une rue ou une place portant le nom de Garibaldi et il est difficile de compter celles qui ont une statue de lui, quand ce n’est pas trois, comme Gênes. On pourrait donc croire que le héros est une figure incontestée et incontestable de l’histoire italienne. Eh bien, il n’en est rien.
On réécrit l’histoire
Voulant visiter le Musée du Risorgimento à Ravenne, une des villes dont la population participa avec le plus d’enthousiasme aux mouvements révolutionnaires de 1848-1849 puis de 1859-1860, nous trouvons porte close. Une affichette indique qu’il faut ‘adresser à la bibliothèque à côté du musée. Là, un jeune bibliothécaire barbu qui nous demande si « Sarkozy, ça n’est pas mieux que Berlusconi » nous explique que le musée est fermé, vu qu’il a en moyenne 8 visiteurs par mois et nous révèle que Berlusconi a fait supprimer l’enseignement du Risorgimento des écoles publiques élémentaires. Il appelle une de ses collègues, qui nous ouvre le musée, magnifiquement installé dans une église désacralisée, ce qui aurait plu à l’athée anticlérical qu’était Garibaldi. Nous y trouvons de véritables trésors, dont ceux-ci :


"Italie libre. Dieu le veut" : drapeau du Risorgimento. Photo FG.



Une authentique Chemise rouge garibaldienne. Photo FG.
Garibaldi ? Un voleur de chevaux esclavagiste, à la tête d’une conspiration mafieuse ourdie par les infâmes francs-maçons et libéraux et soutenue par la perfide Albion, contre la « vraie Italie », celle des traditions et de l’Église catholique. Le Héros des Deux-Mondes ? Un vulgaire criminel de guerre du niveau de…Pol Pot. Voilà la nouvelle doxa diffusée par Berlusconi et son âme damnée, l’hémiplégique padanien Umberto Bossi, l’homme qui veut dissoudre l’Italie dans un bain d’acide « fédéraliste ». Ces hommes s’appuient sur les travaux d’une « historienne » dont je ne citerai même pas le nom, qui a produit un tissu d’insanités dans deux livres qui font fureur. Et les Lombards de la Ligue du Nord diffusent depuis deux ans ce genre de tracts :



"Mais quel héros ? Dehors ses statues de nos places. Ligue du Nord Padanie".
Le Comité interministériel pour les célébrations du 150ème anniversaire de l’unité italienne (Comitato interministeriale per le celebrazioni del 150° anniversario dell'Unità d'Italia), créé en 2007, est un des legs empoisonnés du gouvernement de « centre-gauche » de Romano Prodi au gouvernement de « centre-droit » de Silvio Berlusconi. En avril dernier, son président, Azeglio Ciampi, ancien président de la République (1999-2006) très proche du Parti démocratique (il est membre honoraire de son comité directeur), a démissionné pour des « raisons d’état-civil » (il a quand même 90 ans) du Comité de parrainage (Comitato dei garanti) chargé de « vérifier et surveiller les initiatives liées aux célébrations de l’unité nationale ». Il a aussitôt été remplacé par Giuliano Amato, autre personnage de « centre-gauche », membre du parti démocratique après avoir été longtemps un cacique du Parti socialiste, quand celui-ci existait encore. D’autres démissions ont suivi, celles de l’écrivaine Dacia Maraini, du juge et constitutionnaliste Gustavo Zagrebelsky, du journaliste et réalisateur Ugo Gregoretti, de la journaliste et essayiste Marta Boneschi et de la journaliste Ludina Barzini. Ceux-ci et celles-ci n’ont pas démissionné pour des raisons d’âge, mais pour des raisons politiques : la dérive « liguiste » imprimée au programme des commémorations. Maraini dit : « On veut faire passer le Risorgimento pour une révolution d’en haut, imposer un révisionnisme de marque liguiste, qui veut laisser dans l’ombre les révoltes populaires, les répressions violentes ». Et elle décrit ainsi le fonctionnement du comité : « Au début, je croyais que ça pourrait fonctionner. Il y avait des centaines de projets de municipalités et d’institutions dont nous devions nous porter garants de la valeur culturelle. Mais quand nous demandions de faire des choix, les réponses étaient vagues. En revanche, nous apprenions l’existence d’autres initiatives qui étaient déjà en cours, dont personne n’avait songé à nous parler. »

L’écrivaine avait essayé de lancer deux propositions, un festival de cinéma sur le Risorgimento, à Turin ou à Rome, et une série d’initiatives sur la langue italienne : « Personne ne m’a répondu. Puis à l’improviste on nous a dit qu’il n’y avait plus une lire, qu’on ne pouvait plus rien faire. On a continué à se rencontrer quand même [au Comité de parrainage, NdA], espérant débloquer la situation, mais ça a été inutile. Dans toutes nos réunions, nous ne sommes parvenus à approuver qu’une seule chose, le dessin avec les trois petits drapeaux qui sera le logo officiel des célébrations ».


Bref, la célébration du 150ème anniversaire de l’unité est loin de se présenter comme un long fleuve tranquille.


Turin, août 2010 : ce violoniste tsigane, ces jeunes précaires zonant devant le Musée du risorgimento en pleine restauration, ce clochard égaré dans une luxueuse galerie marchande, qu'ont-ils à faire de l'Unité italienne, dont l'histoire est évoquée sur de grands panneaux sous les portiques turinois ? Photos FG.

Un postpays qui a besoin d’un nouveau Risorgimento
Tout au long de notre traversée de l’Italie, nous avons vu un peu partout, ces affiches en grand format :


"L'Italie se réunit à Turin. 150 ans en 15 jours. C'est la fête"
Elles appelaient à l’équivalent italien de la Fête de l’Humanité, organisée par le Parti démocratique (PD), l’ancien Parti communiste italien, devenu ensuite Parti démocratique de gauche puis Parti démocratique. S’il continue comme ça, il va bientôt s’appeler Parti tout court, puis…plus rien. Désormais membre de l’Internationale socialiste, ce parti est en train de liquider allègrement tous les acquis du mouvement communiste et ouvrier au nom d’une politique d’ouverture, pour se positionner comme le pivot du « centre-droit », au sein du Nouvel Olivier, en train de se mettre en place dans la perspective d’élections législatives qui ne sauraient tarder, puisque Berlusconi, sur les conseils de Bossi, a viré Fini du gouvernement et se retrouve donc à la tête d’un gouvernement minoritaire.
 Fini, c’est le modèle de Marine Le Pen : en 10 ans, il a réussi à débarrasser son parti de tous ses oripeaux fascistes – il s’appelait le Mouvement social italien avant d’être rebaptisé Alliance nationale – et à se faire adouber par toute la classe politique comme homme d’État. Sa base sociale et électorale étant constituée de fonctionnaires méridionaux attachés au maintien de l’État national, il ne pouvait qu’entrer en collusion avec Bossi et sa bande, qui veulent…qui veulent quoi au juste ? On ne sait pas trop. En tout cas, ils veulent en finir avec l’État national. Berlusconi, après avoir rompu avec fracas avec Bossi dans les années 1995-1998 – ils s’étaient traités mutuellement de noms d’oiseaux – s’est non seulement rabiboché avec lui, mais il le consulte toutes les semaines. Fini, évincé, a tout de suite acquis le statut de victime nationale, et c’est tout juste si le PD ne le soutient pas.
Revenons-en à la Fête de Turin, où nous n’avons pu nous rendre. Ce fut un succès à 95% - 2 millions de visiteurs, 200 000 repas servis, des tonnes de bière et de vin -, à deux incidents près : des trouble-fête, parmi lesquels des membres du parti, ont protesté contre l’invitation faite au Président berlusconien du Sénat et au chef du syndicat démocrate-chrétien CISL à participer à des débats publics. Protestations qui ont provoqué l’ire du chef du PD, Bersani, lequel a présenté des excuses aux invités, jouant les vertus démocratiques outragées.
Dans son grand discours à la fête, qui se présentait comme la fête de lancement de la commémoration de gauche de l’unité italienne, Bersani n’a pas dit un seul mot sur cette unité ou sur Garibaldi. Il s’est contenté de répéter que le PD était un « parti de gouvernement, qui se trouve momentanément dans l’opposition », mais a un programme pour relever l’Italie de la pente sur laquelle elle glisse. Sauf que mon humble impression est que le PD, s’il est fort content d’administrer la plupart des villes italiennes – ce qu’il fait de manière politiquement e écologiquement correcte – n’a pas du tout envie de se retrouver au pouvoir à Rome, à devoir gérer le casino (bordel) italien. La moyenne d’âge de ses troupes est désormais canonique et il n’enthousiasme nullement la jeunesse. Il suffit de s’en convaincre de jeter un coup d’œil aux anciennes Case del Popolo (Maisons du peuple), devenues désormais de simples bars, et à leur clientèle de joueurs de carte, dont la moyenne d’âge tourne autour des 70 ans. Ainsi cette ancienne Maison du peuple de Ravenne, devenu le bar « Cà Rossa » (Maison rouge) :


Le PD se présente implicitement comme le successeur légitime des artisans garibaldiens de l’indépendance et de l’unité italiennes. Il oublie juste que c’est avec des armes et non des mots que Garibaldi a (partiellement) libéré le pays.

Décidément, les postcommunistes pas plus que les postmafieux ou les postfascistes ne semblent en mesure d’enrayer la marche de l’Italie vers un statut de …postpays.
Garibaldi, réveille-toi, ils sont devenus mous !

Le 17 mai 1899, la Société des artisans de Comacchio appose cette plaque en mémoire de Filippo Bellini, un volontaire italien de la brigate de volontaires levée par Riciotti Garibaldi, un des fils du Héros, pour combattre aux côtés des Grecs contre l'Empire ottoman. Bellini faisait partie des Italiens qui se sacrifièrent pour protéger la retraite de l'armée grecque devant l'armée ottomane, à Domokos en Thessalie en 1897. En 1915, de nombreux Garibaldiens s'engageront dans la Légion étrangère française pour combattre l'Allemagne impériale. L'esprit garibaldien n'est jamais mort.

Notes
* Une des étymologies possibles du nom Italia serait le grec Ouitalia, le Pays des veaux. Veau se dit vitello en italien, gros veau, ou vieux veau se dit vitellone (revoir I Vitelloni [traduit par Les Inutiles, 1953], un des films les plus emblématiques de l’Italie de l’après-guerre, sur une bande d’adolescents attardés et désœuvrés à Rimini – ville natale de Mussolini et du réalisateur Fellini – qui, à 30 ans passés, habitent toujours chez leur Mamma et font des 400 coups minables. La figure du vitellone est à ce point installée dans le paysage social de l’Italie berlusconienne du XXIème siècle qu’on pourrait rebaptiser le pays …Vitellonia.
** « Vu cumprà ? », « Tu veux acheter ? », l’apostrophe lancée par les premiers marchands ambulants sénégalais qui sont apparus sur les plages italiennes dans les années 1980 est devenu le terme générique utilisé pour désigner les marchands ambulants étrangers, dont un grand nombre sont, contrairement à ce qu’on croit, en situation régulière. Cette catégorie d’immigrés très travailleurs, dominée par les Sénégalais appartenant à la confrérie des Mourides, est en butte permanente aux tracasseries policières. Durant l’été qui vient de finir, plusieurs grandes rafles ont été organisées sur des plages, notamment en Toscane (Massa-Carrare) et en Romagne (Ferrara). Au cours de mon périple, j’ai identifié deux types d’ambulants sénégalais : les dynamiques de bonne humeur, dont les affaires marchaient bien – en général ceux qui proposaient des produits artisanaux sénégalais fournis par la confrérie – et les déprimés affamés, qui n’arrivaient à rien vendre – en général, ils proposaient des fausses Ray-Ban et des fausses Rolex made in China, fournies par des grossistes italiens ou chinois. On peut aussi désormais voir des femmes faire du commerce ambulant. Innovation : sur la plage de Marina di Massa, en Toscane, nous avons vu passer une femme sénégalaise qui, elle, proposait de faire des tresses africaines aux vacancières. Elle avait l’air satisfaite de sa journée, à la différence du Marocain désespéré nous suppliant de lui acheter une horrible serviette de plage.

À Parme, sur la Place de la Paix (paradoxalement ornée de la statue d’un combattant armé d’une mitraillette), nous avons assisté à une conversation tragi-comique entre un marchant ambulant nigérian très cool (il avait tous les papiers nécessaires et ne semblait donc rien craindre) et un jeune policier municipal de gauche, à lunettes, qui essayait de le convaincre d’aller mettre son étalage ailleurs et était extrêmement stressé, expliquant au Nigérian que s’il restait là, ça lui retomberait dessus. Ce qui ne fit ni chaud ni froid au Nigérian.


En haut, Bossi, en bas Fini

mercredi 15 septembre 2010

Conférence de soutien aux RROMS et autres gens du voyage le 18 septembre

Animée par Ginette Hess Skandrani
au
Théâtre de la Main d’Or, 15 passage de la Main d’Or
75011 Paris, m° Ledru-Rollin
samedi 18 septembre 2010, 14 heures 30

en première partie, projection du film Liberté, de Tony Gatliff (2010), sur l'odyssée d'un groupe de Rroms pendant l'Occupation

 Notre président, ainsi que son gouvernement sont en train de mener une politique abjecte contre les gens du voyage. Abjecte, car elle est une injure à l'humanité toute entière.

 Les gens du voyage qu'ils soient Tziganes, Manouches, Yéniches ou Gitans, ont autant de droit que les autres citoyens de l’hexaqone, surtout que la majorité d'entre eux ont la nationalité française.
 Les Rroms, que le gouvernement continue à expulser vers la Roumanie sont des Européens et ceci depuis certainement plus longtemps que bien des gens qui les pourchassent.

 Cette attitude envers les gens du voyage nous choque profondément alors que leur musique et leurs danses nous enchantent, que nous adorons tous Django Reinhart, Manitas de Plata ou Chico et les Gypsies, qui sont tous autant gitans que ceux que nous ne tolérons ni sur nos terrains, ni dans nos rues, ni dans nos quartiers et que nous continuons à dénigrer et à humilier. Leurs musiques et leurs danses, leur façon langoureuse de jouer du violon ont animé et continuent à animer bien des soirées en salle ou en plein air.

 Que diriez-vous si nous remplacions gens du voyage par juifs comme cela se faisait avant la deuxième guerre mondiale au moment où ils étaient chassés de partout et mis dans des camps. Vous seriez certainement choqués et nous aussi. Les Tsiganes ont également été
 victimes des nazis et mériteraient qu'on les honore tout autant en leur dressant des stèles et en leur proposant des réparations comme tous ceux qui ont subi un génocide.
 La première des réparation ne serait-elle pas de les accueillir dignement, car les descendants de ceux qui ont subi le génocide nazi ont droit à notre respect.
 Nous demandons que, conformément à la loi les gens du voyage puissent voyager librement d'une région à l'autre sans qu'il leur soit attribué un pass, qu'ils aient des papiers comme tout le monde, qu'ils puissent profiter des aires de repos attribuées dans toutes les villes,
 aménagées et vivables comme décrété par la loi.
 Et surtout nous ne tolérons plus ce racisme envers les gens du voyage que nous apprécions lorsqu'ils sont parmi nous.
 Nous avons contacté des représentants des associations des gens du voyage. J’espère qu’ils seront parmi nous.
 Ginette Hess Skandrani

« Un esprit de liberté » : témoignage
Née en Alsace à une époque très bouleversée, entre un papa communiste et résistant et une maman anarchiste et tout autant résistante, j'ai vécu une enfance extraordinaire et grandi sans m'en rendre compte. Ma prime enfance, sous l’occupation allemande, s'est passée dans une cave. Ma grand-mère maternelle étant à la fois manouche et juive, d’une mère faisant partie des gens du voyage et d’un père juif fils d'un grand propriétaire terrien dans les Vosges, était doublement pourchassée par les nazis.
Mon arrière-grand-mère,  Carolyne Sutter a eu 7 enfants qu’elle a élevé en mendiant et en faisant du troc dans les rues de Chatenois, ayant été abandonnée par son mari qui avait préféré retourner dans le giron familial.
Elle et ses enfants n'avaient jamais été acceptés par la famille juive puisque leur sang était « manouche ».
Tous les  frères et sœurs de ma grand-mère qui n'ont pas réussi à se cacher ou à fuir dans les Vosges ont été déportés. Ils sont tous revenus, mais dans un sale état, surtout celle que j’aimais particulièrement : ma grande-tante Maria. Elle passait son temps à me raconter sa vie aventureuse. Elle vivait de cueillettes, de danses et de chants. Elle était douée pour la médecine des plantes et avait de nombreux clients. Elle dansait aussi quand son mari jouait de l’accordéon dans les fêtes. Ses récits ont bercé mon enfance. Elle avait beaucoup souffert, ayant été enfermée au Struthof puis à Buchenwald. Elle était restée profondément manouche tout en étant sédentaire. Comme elle a été stérilisée, comme beaucoup de femmes tziganes, elle n’a pas eu d’enfants. Toute son affection s’était reportée sur moi. Elle m’emmenait souvent, sans en avertir mes parents, dans un camp manouche qui se trouvait à Logelbach à côté de Colmar. Je m’y amusais avec les gosses manouches, j’aimais leur musique, leurs fêtes, leurs danses. La blondinette que j’étais avait fini par se faire adopter par les autres enfants. C’est ma mère qui a mis le holà car elle n’aimait pas beaucoup cet esprit de liberté qui était déjà bien ancré en moi.
J’ai toujours été attirée par les gens du voyage qu’ils soient Rroms, Manouches, Gitans, Yeniches ou Tsiganes.
Je les ai toujours défendus.
GHS, Septembre 2010

vendredi 10 septembre 2010

Un nouveau livre sur la France et l'Algérie

Signature - dédicace, à la Fête de l’Humanité,
Le dimanche 12 septembre, à 11h30
Au stand des Éditions Demi-Lune, au VILLAGE DU LIVRE
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(Face à l’Agora, en plein centre)
La Colonie française en Algérie
    Titre : La Colonie française en Algérie Sous-Titre : 200 ANS D'INAVOUABLE - Rapines et péculats Auteur : Lounis AGGOUN N° ISBN : 978-2-917112-14-4
    Le nouvel ouvrage EXPLOSIF du coauteur de FRANÇALGÉRIE, Crimes et mensonges d'Etats
    Parution le 10 Septembre. (Vous pouvez le commander dès maintenant, en exclusivité sur le site)
€23.00
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L’auteur
Ardent défenseur de la vérité, Lounis AGGOUN est un militant assidu des droits de l’homme. Journaliste indépendant, fin connaisseur des relations entre la France et l’Algérie, il a coécrit, FRANÇALGÉRIE, Crimes et mensonges d'Etats, (La Découverte, 2004), un livre majeur qui révèle les dessous de la « sale guerre ». Le présent ouvrage jette un regard novateur sur quelques-uns des épisodes les plus sombres de l’histoire commune de ces deux pays, de la conquête coloniale jusqu’à aujourd’hui.

RENVERSANT

Une longue et tumultueuse histoire commune unit la France et l’Algérie en des relations fusionnelles. Se basant sur les travaux de nombreux historiens, de journalistes et de témoins, cet ouvrage apporte une grille de lecture radicalement nouvelle en allant jusqu’au bout de la logique. Faisant fi de la langue de bois, l’auteur développe un ensemble de thèses proprement explosives.
En 1962, une nouvelle forme de colonisation a commencé en Algérie, qui conserve les aspects les plus sombres de la précédente. La révolution est à peine née que débute l’élimination des dirigeants de valeur, compétents et intègres. Une petite clique d’officiers s’appuie alors sur une frange des révolutionnaires pour s’emparer graduellement du pouvoir. D’éliminations politiques en assassinats, se concentre au sommet de l’État ce que le pays nourrit de plus néfaste. L’Algérie devient un État terroriste. Aux deux bouts de la chaîne, en amont et en aval de la spoliation à grande échelle, se trouvait un homme, Larbi Belkheir, l’un des architectes de la confiscation du pouvoir en 1962 et le promoteur en 1999 du régime présidé par Bouteflika.
En décidant d’envahir l’Algérie, la France a-t-elle apporté Les Lumières ou l’incendie ? La colonisation a-t-elle eu un caractère positif ou génocidaire ? De Gaulle a-t-il offert l’Indépendance ou bien a-t-il plongé le pays dans un cauchemar dont celui-ci n’arrive pas à sortir ? Les Algériens ont-ils réellement accédé à l’Indépendance ou furent-il dès le départ piégés par les aventuriers entourant le général ? Boumediene a-t-il succombé à une mort naturelle ou fut-il empoisonné par les DAF, ces déserteurs de l’armée française dont il bridait les ambitions ? Le pouvoir qui lui succéda était-il souverain ou contrôlé en sous-main par un clan d’agents de la France (Hizb França) derrière Chadli ? L’assassinat d’Ali Mécili par la Sécurité Militaire algérienne s’est-il accompli en dépit des forces de l’ordre dirigées par Charles Pasqua ou bien ce dernier a-t-il participé à l’élimination d’un des principaux opposants algériens ? Quel rôle la France a-t-elle joué lors de la descente aux enfers de l’Algérie au cours de la décennie 1990 ? Le terrorisme islamiste est-il, comme le présentent les médias, un fléau contre lequel les services algériens et français ont combattu pour sauver l’Algérie de la talibanisation et la France de la contagion ? Ou est-ce une aubaine pour justifier le maintien du peuple algérien sous le joug, de sorte à légitimer le pillage des ressources ? Al-Qaïda au Maghreb islamiste est-il une « franchise » du couple infernal ben Laden/Zawahiri, ou ses commanditaires sont-ils installés au Club des Pins ? Qui sont les véritables maîtres de l’Algérie ?
Voilà quelques-unes des nombreuses questions auxquelles l’auteur tente de répondre, sans peur de briser les tabous, en dévoilant certains des aspects les plus noirs de la relation entre les deux pays. Au fil des pages, les mythes ne cessent d’imploser !
De Napoléon à Sarkozy, de Talleyrand à Pasqua, du dey d’Alger à Larbi Belkheir, dans de fascinants et vertigineux allers-retours entre hier et aujourd’hui, ce livre retrace près de deux siècles d’une histoire aussi complexe que tumultueuse. En revisitant l’histoire récente de manière factuelle et très documentée, il ambitionne d’apporter, avec beaucoup de courage, une parcelle de vérité dans un océan de mensonges et de désinformation. Il est temps de faire la lumière sur les « pages glorieuses de la colonisation française », sur les drames de la guerre d’Algérie, tout comme sur la situation économique actuelle d’un pays tout entier dévoré par la prévarication.

Une autre réforme des retraites est possible !

Nos systèmes de retraite par répartition sont confrontés aux défis du vieillissement de la population comme aux conséquences d'une situation de l'emploi dramatique, lestée par les effets de la récente crise financière. Leur équilibre financier doit rester une préoccupation majeure des pouvoirs publics comme des partenaires sociaux si nous ne voulons pas ouvrir un boulevard à la retraite par capitalisation.
Pour autant, le projet de réforme des retraites proposé dans l'urgence par le gouvernement pour répondre aux exigences de la notation financière et crédibiliser la signature de la France sur le marché de la dette publique, ne garantit pas, à long terme, la pérennité de notre système par répartition. Bien au contraire, il aggrave les injustices. Sa mesure phare, le relèvement de l'âge minimum de départ à la retraite de 60 à 62 ans, accroît les inégalités et restreint les possibilités de choix des salariés sur qui repose l'essentiel des efforts consentis.
Ce sont les salariés aux carrières incomplètes qui vont le plus pâtir de la réforme en voyant leur âge de départ à taux plein reculer de 65 à 67 ans à partir de 2016. Ce sont surtout les femmes qui seront concernées et il ne fait aucun doute que le nombre de femmes pauvres va augmenter alors qu'elles forment déjà les gros bataillons des retraités les plus défavorisés.
Dans un pays où, depuis plusieurs décennies, les jeunes servent souvent de "variable d'ajustement" comme en témoignent la précarisation et l'appauvrissement d'une grande partie de la jeunesse, la réforme proposée ne rééquilibre pas non plus les rapports entre les générations, ne prévoyant pas de financement au-delà de 2020.
De leur côté, les salariés ayant commencé à travailler jeunes, souvent les moins diplômés et les moins bien payés, occupant les emplois les plus pénibles, devront cotiser plus longtemps sans voir pour autant leur pension s'améliorer. Désormais, ceux qui ont commencé à travailler entre 14 ans et 18 ans devront cotiser quarante-trois ou quarante-quatre ans. Or, chaque année, près de 100 000 jeunes commencent à travailler à 18 ans ou moins.
L'efficacité financière de la réforme proposée est aussi en question. Après 2018, les déficits continueront de se creuser, alors que les ressources du Fonds de réserve des retraites destiné à faire face, à partir de 2020, à l'arrivée à la retraite de la génération du baby-boom, auront été mal utilisées. Pour préparer l'avenir, ce fonds aurait dû, au contraire, voir ses ressources augmentées plutôt que dépensées avant terme.
Quant à la question de l'emploi des seniors qui conditionne pourtant en grande partie le financement des retraites, les mesures avancées ignorent les questions fondamentales des conditions de travail et des aménagements de fin de carrière. Avec le relèvement de l'âge de départ à 62 ans, les seniors qui se trouvent déjà majoritairement hors de l'emploi devront rester au chômage, au RSA, en maladie ou en invalidité plus longtemps, avec des allocations bien souvent plus faibles que leurs droits à la retraite. Plutôt que de réduire la dette publique, on nous propose un jeu de passe-passe entre comptes sociaux.
L'avenir de notre système de retraites nous invite à engager une réforme globale afin de corriger les inégalités, développer les possibilités de choix individuels et pérenniser le système par répartition.
Une telle réforme passe par la convergence de tous nos systèmes de base, aujourd'hui éclatés en plus de trente régimes différents aux règles illisibles pour nos citoyens. Alors que 40 % des nouveaux retraités ont cotisé dans au moins deux régimes différents de base, la complexité actuelle mine leur confiance dans le système, car elle facilite la remise en cause des droits de retraite acquis et entrave l'effort de solidarité envers ceux qui en ont le plus besoin.
La pension de retraite est partie intégrante du contrat salarial, elle est aussi un revenu de citoyenneté. Aussi, notre système de retraites doit évoluer en distinguant nettement son volet contributif, financé par des cotisations salariales, de son volet solidaire, financé par une fiscalité qui doit être plus progressive, en mettant davantage à contribution les revenus du capital et les hauts revenus.
Dialogue, recherche de consensus et esprit de justice
Le nouveau système devra prendre en compte l'augmentation progressive de l'espérance de vie, à la fois par l'augmentation de la durée de cotisation et si nécessaire, des taux de cotisation. Mais, si nous vivons plus longtemps en meilleure santé, et si nous devons travailler plus longtemps pour sauver nos retraites, c'est le principe de la retraite au choix (à la carte) qui devrait prévaloir.
Cette évolution de fond permettrait non seulement d'enregistrer les droits de retraite acquis, mais aussi de faciliter les départs progressifs ou de permettre d'effectuer des pauses tout le long du parcours professionnel. Une telle clarification permettrait aux salariés de disposer d'une véritable liberté de choix, fondée sur une bonne connaissance de leurs droits, dans un cadre collectif protecteur.
Car seule la protection de la collectivité permet les véritables choix. En prenant en compte l'ensemble de la carrière des salariés, le nouveau système se doit de supprimer la pénalisation dont sont aujourd'hui victimes les salariés aux carrières longues et aux faibles progressions salariales. La solidarité nationale pourrait être mise à contribution pour mieux intégrer dans le calcul de retraite les périodes de congé maternité, de chômage ou de formation.
En outre, une véritable réforme des retraites ne peut se concevoir isolément d'une vigoureuse politique de l'emploi qui permette le maintien des seniors comme l'accès des femmes et des plus jeunes à des emplois stables.
Enfin, l'amélioration de la retraite des femmes passe par des progrès en matière d'égalité salariale et professionnelle, une politique familiale véritablement favorable à l'emploi des femmes et qui encourage un partage équitable du travail domestique entre hommes et femmes. Il faut, à la fois, développer massivement les modes de garde des jeunes enfants et prendre toutes les mesures nécessaires pour empêcher une gestion de la main-d'œuvre qui pénalise les femmes trop souvent contraintes d'interrompre leur carrière pour s'occuper de leurs enfants ou de leurs parents.
Le droit à la retraite est un droit fondamental et notre système de retraite, fondé sur la solidarité entre les générations, un élément constitutif de notre pacte social. Son évolution doit se construire par le dialogue et la recherche de consensus, mais surtout dans un esprit de justice. Une telle réforme globale de notre système de retraite implique une sérieuse préparation et un large débat avant de la soumettre aux Français lors d'une prochaine échéance nationale.
C'est seulement ainsi que l'on pourra restaurer la confiance de toutes les générations dans l'avenir de notre système solidaire par répartition.
Signataires :
Michel Aglietta, économiste ; Claude Alphandéry, président du Conseil national de l'insertion par l'activité économique ; Antoine Bozio, économiste (University College de Londres) ; François Chérèque, secrétaire général de la CFDT ; Julia Cage, économiste (université Harvard) ; Denis Clerc, économiste ; Christophe Deltombe, président d'Emmaüs France ; Michel Dreyfus, historien CNRS ; François Dubet, sociologue ; Marie-Thérèse Lanquetin, juriste ; François Legendre, économiste ; Eric Maurin, économiste ; Olivier Mongin, directeur de la revue "Esprit"; Marc-Olivier Padis, rédacteur en chef de la revue "Esprit" ; Bruno Palier, chercheur, spécialiste des retraites (CNRS-Sciences Po) ; Hélène Perivier, économiste ; Thomas Piketty, économiste (Ecole d'économie de Paris) ; Francois Soulage, président du Secours catholique ; Alain Touraine, sociologue ; Michel Wieviorka, sociologue.