dimanche 22 mai 2011

Européens, encore un effort pour devenir arabes ! L'Espagne montre la voie à suivre



Nous étions nombreux, depuis la mi-janvier 2011, à rêver que des mouvements similaires à ceux qui ont chassé les dictateurs de Tunisie et d'Égypte et sont en train de balayer les dictateurs et despotes de tout le monde arabe se déclenchent dans le « premier monde » ― Europe, USA-Canada, Australie, Japon. Le mouvement qui a éclaté aux USA, dans l’Etat du Wisconsin, était une première tentative, qui, malheureusement, est restée circonscrite à la ville de Madison et à sa région. C’est que la direction des syndicats, entre les mains du Parti démocrate, a cassé le mouvement et a empêché son extension. Au Japon, la catastrophe de Fukushima n’a pour le moment pas suscité de révolte de masse, mais soyons patients : tout arrive à point à qui sait attendre.
C’est finalement d’Espagne qu’est partie l’étincelle : le 15 mai, des jeunes ont occupé la place de Madrid appelée Puerta del Sol, en se référant explicitement à la Place Tahrir du Caire, déclenchant la « #spanish revolution ». Six jours plus tard, le mouvement s’est étendu à toute l’Espagne et au monde entier, où l’on compte plusieurs centaines d’actions et de rassemblements. Le mouvement s’appelle « Democracia real ya », qu’on pourrait traduire par « Une vrai démocratie, tout de suite ! » et son slogan principal est : « Nous ne sommes pas une marchandise entre les mains des politiciens et des banquiers ». Son nom de code est : "15-M" (15 Mai). Ce mouvement qui voit des multitudes anonymes occuper les places centrales des villes a pris par surprise l’establishment politique, engagé dans la campagne pour les élections régionales et municipales du 22 mai. La référence explicite aux révolutions arabes suscite l’indignation des bien-pensants qui s’étalent dans tous les médias de masse : comment peut-on oser comparer notre démocratie espagnole aux dictatures arabes ?
« Prends la rue le 15 Mai 2011 »

Ce que ces messieurs oublient, c’est que l’Espagne est le seul pays d’Europe vivant sous un régime directement hérité de la dictature franquiste, et que l’abolition par Franco de la IIème République ― proclamée légalement en 1931 – n’avait aucun caractère légitime ni même légal. L’Espagne est aussi l’unique pays au monde où la monarchie (bourbonienne) a été restaurée par des coups d’Etat trois fois : en 1814, en 1874 et en 1951. Un des commentateurs bien-pensants évoqués plus haut s’indignait ainsi l’autre soir : « Ils veulent même instaurer la IIIème République ! »
L’abolition de la monarchie n’est pas pour demain. Dans l’immédiat, on assiste à une gigantesque explosion de ras-le-bol contre le système dominant : la dictature bipartite (PP, Parti « populaire », dit de droite, et PSOE, parti « socialiste ouvrier », dit de gauche) favorisée et entretenue par un système électoral inique, l’impunité des banksters, le chômage, qui frappe officiellement 44% des Espagnols de moins de 25 ans.
Il y a quelques semaines, à Tunis, L’Institut Cervantès organisait un colloque pompeusement intitulé « Pacte et consolidation de la société civile : défis de la transition démocratique », financé par la multinationale d’origine espagnole INDRA. Le modèle espagnol de « transition démocratique » proposé aux Tunisiens est entré le 15 mai 2011 dans sa première crise sérieuse. Les générations nées après la mort de Franco sont en train de réinventer la démocratie, loin des palais du pouvoir, sur les seuls lieux où une démocratie authentique puisse s’enraciner : les places publiques. Elle ne fait que s’inscrire dans le mouvement général de révoltes logiques initié par les habitants du Sahara occidental occupé en octobre dernier, qui avaient dressé un campement de 8 000 tentes à Gdem Izik, près de El Ayoune, démantelé un mois plus tard par une répression sanglante des forces de répression marocaines, avec l’approbation tacite du gouvernement « socialiste » de Madrid. L’occupation marocaine de Sahara occidental est d’ailleurs sans doute la tache indélébile la plus honteuse de cette fameuse « transition démocratique » espagnole.
Les Européens et les habitants du « premier monde » savent ce qu’il leur reste à faire : suivre l’exemple espagnol. Créons 1000 Places Tahrir !

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