mercredi 31 août 2011

La Flottille de la Liberté, sans prendre la mer, a porté au blocus de Gaza un coup qui conduira à sa désagrégation - Réflexions sur l’avenir des mouvements de solidarité

Traduit par  Najib Aloui 
 
Amir Makhoul a écrit ce texte le 5 juillet 2011, dans la prison militaire israélienne de Gilboa, où il purge une peine de 9 ans de prison.
Menée à une époque de mondialisation de la terreur d’Etat, l’entreprise officielle et internationale de sabotage de la Flottille de la Liberté constitue un moment- clef dans l’histoire du mouvement populaire mondial et de la solidarité entre les peuples. Cette action met à jour l’inquiétante étendue de la coopération et de la coordination que pratique un système répressif international engageant gouvernements, services de renseignements et unités opérationnelles de l’armée. Nous avons là affaire à un véritable cartel de la terreur officielle mis en place par les détenteurs du monopole de la répression- Etats et organisations internationale s- dans le but d’étouffer les mouvements pacifiques de solidarité avec le peuple palestinien qui émergent un peu partout dans le monde afin de mettre fin au blocus de Gaza.
Nul doute que ces Etats partagent avec Israël ce crime commis contre le peuple palestinien et ses droits ainsi que contre les personnes qui lui sont solidaires. Mais en dépit de ces développements, une donnée essentielle émerge : alors même que se déployait sur les plans militaire, judiciaire et ouvertement terroriste l’opération de sabotage visant à empêcher les navires de prendre la mer, au début de juillet 2011, Gaza l’assiégée incontestablement gagnait en liberté. C’est le sentiment qui prévaut parmi nous, nous les combattants de la liberté détenus dans les prisons israéliennes, le sentiment que, grâce à Flottille et à la dynamique qu’elle a suscitée, la liberté est plus proche que jamais.
Ce qu’il faut retenir ici est l’influence et la force du mouvement populaire mondial de solidarité avec le peuple palestinien, en particulier le mouvement « Free Gaza » pour briser le blocus. C’est grâce à cette influence et à cette force toujours grandissantes qu’apparaît maintenant le visage véritable de ces Etats et régimes complices du terrorisme israélien. Que ces Etats et régimes soient désormais contraints de déployer au grand jour leur arsenal guerrier et répressif contre les mouvements solidaires du peuple palestinien est signe clair que le blocus de Gaza est plus fortement secoué que jamais depuis sa mise en place.
Nous devons noter que les parties- Etats et régimes, sans oublier le Secrétaire Général de l’ONU lui-même ! - qui ont exprimé leur hostilité à l’égard de la Flottille de la Liberté sont ceux-là mêmes qui ont condamné les mouvements de masse des réfugiés lors de la commémoration de la Nakba, le 15 mai 2011, et de la Naksa, le 5 juin. Ces réfugiés qui manifestaient la volonté de retourner dans leur patrie - leur droit inaliénable et internationalement reconnu- ont été accusés par ces parties de provocation à l’égard d’Israël, ce régime fondé sur la conquête militaire, l’exode forcé et la purification ethnique ! Mais dans tout cela, ce qui apparaît nettement est l’aggravation, à un niveau jamais égalé auparavant, de la crise d’Israël, crise dont la lame de fond n’est autre que la question- qui ne cesse de prendre de l’ampleur au sein du mouvement populaire mondial- de la légitimité même d’Israël en tant que régime colonialiste et raciste.
Une évolution importante marque le présent élan de solidarité populaire mondiale avec le peuple palestinien et pour la consolidation du droit palestinien, c’est que désormais, de nombreux militants sont prêts à payer un prix très élevé pour leur engagement et à affronter les dangers que comporte l’affrontement avec Israël et ses complices parmi les Etats et régimes. Malgré ces dangers, cet élan populaire international ne cesse de s’étendre et de gagner en détermination, acculant Israël et lui arrachant chaque jour un lambeau de la légitimité dont il se pare.
Cette solidarité, digne de la plus haute estime, est mouvement des peuples, mouvements populaires de toutes les parties du monde qui considèrent que dans le combat inégal entre l’oppresseur et l’opprimé, leur place est d’être, de façon active et concrète aux côtés de ce dernier, aux côtés des victimes de la conquête militaire, de la répression, des détentions de masse et du racisme. Ce que l’attaque israélienne contre la Flottille nous donne à voir de façon plus flagrante que jamais est que les gouvernements complices n’hésitent pas à employer leur influence politique et diplomatique, leurs services de renseignements, leurs appareils judiciaires ainsi que leurs unités militaires spéciales afin d’accroître l’inégalité du rapport de force au profit d’Israël et au détriment des droits du peuple palestinien et des mouvements qui le soutiennent.
Que ce système mondial de terreur officielle s’affiche ouvertement en assignant un rôle précis à chacune des forces, Etats et gouvernements, qui le composent signifie que dans cette vision, les peuples ne comptent plus et que seuls comptent les structures internationales dominantes d’intérêts et les pouvoirs en place.
L’Union Européenne s’est employée à discréditer la Flottille de la Liberté et à s’attaquer à sa légitimité mais il faut dire, et il n’y a rien d’étonnant à cela, que l’administration américaine l’avait précédée dans cette basse manoeuvre. Le pire, cependant devait venir de la Grande-Bretagne qui a pris la décision politique d’arrêter Cheikh Raed Salah, l’un des plus grands dirigeants du peuple palestinien et dirigeant du mouvement mondial contre le blocus de Gaza. La campagne de calomnies qui a accompagné son arrestation, qui n’est rien d’autre que reprise grossière de la propagande israélienne dirigée contre cet homme et ce qu’il représente, montre l’étendue de la compromission - voire de la soumission - de ces milieux au gouvernement israélien et au lobby sioniste
En arrêtant le Cheikh Raed Salah, la Grande Bretagne a offert à Israël la possibilité de pervertir et de détourner à son profit un des moyens d’action de la société civile mondiale et, pour ce pays ci, le recours aux tribunaux britanniques pour poursuivre et arrêter les criminels de guerre israéliens, généraux et personnalités politiques. Pour rappel, quand, il y a quelques années, le Centre Palestinien des Droits de l’Homme, dans une action menée avec des parties solidaires britanniques, obtint de ces tribunaux un arrêt ordonnant l’arrestation du général Doron Almog pour sa responsabilité dans l’assassinat du martyr Salah Shehade et de treize membres de sa famille à Gaza, les autorités britanniques distillèrent l’information à l’ambassade israélienne et à Doron Among lui-même, ce qui permit à celui-ci de fuir le territoire britannique et d’échapper à la justice de ce pays.
Ainsi, le recours à la justice qui était pour les victimes de l’occupation, du racisme et du colonialisme un lieu où leurs droits pouvaient être entendus est devenu pour les occupants et les criminels de guerre moyen de pousser encore plus loin l’oppression de ces mêmes victimes et cela, en utilisant non seulement leurs lois mais aussi celles qui ont cours dans les pays dont les gouvernements sont complices des crimes israéliens.
La Grèce, qui est liée à Israël par un système de coopération militaire et sécuritaire en plein développement incluant des manœuvres conjointes, a engagé une opération militaire utilisant ses forces spéciales dont les commandos navals pour immobiliser la Flotte, y compris en recourant aux explosifs pour détruire les moteurs des navires. Dans le même temps, elle ne s’est pas privée d’actionner ses appareils judiciaires afin de donner un semblant de légalité à son recours à la force militaire brute pour empêcher la Flottille de prendre la mer pour Gaza. A la gloire de cette force militaire hautement louée par Israël, le blocage des navires au port, le sabotage de leurs moteurs et l’opération d’arraisonnement en pleine mer suivie d’un retour forcé au port.
Par ailleurs, Chypre a annoncé sa décision d’interdire aux navires de la Flottille de mouiller dans ses eaux territoriales alors que la Turquie a fait preuve d’une attitude moins qu’honorable. On sait que les explosions qui ont touché un des navires de la Flottille ont eu lieu dans ses eaux territoriales mais il y a pire que cela : elle a interdit au Mavi Marmara, ce symbole de la solidarité avec Gaza qui porte encore les traces de la sanglante attaque israélienne, de rejoindre la Flottille de la Liberté.
Encore une fois, nous constatons la pitoyable veulerie de la position officielle palestinienne, celle de l’ Autorité Palestinienne et de l’ OLP lesquelles, face à ce crime commis par Israël et de nombreux autres Etats, n’ont pas trouvé mieux que de se dérober à leur rôle de partie essentielle dans le conflit avec Israël pour assumer celui de « partie tierce ». Il faut aussi noter que durant ces évènements, la coopération sécuritaire de l’Autorité Palestinienne avec Israël ne s’est pas relâchée ni même été mise en question un seul instant.
Nous avouons que nous attendions plus de l’Egypte révolutionnaire. Cet Etat à vocation de puissance régionale avait la possibilité d’offrir, à la Flottille de la Liberté, accueil dans ses ports et protection lors de son départ vers Gaza, car son littoral et ses eaux territoriales sont plus proches de Gaza que ne l’est cette dernière d’Israël. L’Egypte s’est abstenue d’offrir à la Flotte un tel soutien, car avec son régime actuel, elle accepte encore de subir ce siège mis en place autour d’elle et autour de la Palestine par les accords de Camp David). Nous devons reconnaître que l’Egypte révolutionnaire a ré-ouvert le passage de Rafah, un pas extrêmement important mais nous pensons que quand on est capable d’ouvrir Rafah, on est également capable de protéger la Flottille de la Liberté.
L’ouverture du passage de Rafah est chose extrêmement positive mais elle ne met pas fin au blocus ni ne suffit à le briser. Nous devons aussi noter que l’Egypte, l’Autorité Palestinienne et la Jordanie poursuivent toujours leur coordination sécuritaire avec Israël et cela est extrêmement dangereux, car en fin de compte, ceux qui sont encerclés, ce sont le peuple palestinien, les peuples arabes et la souveraineté arabe, spécialement celle de l’Egypte.
Tous ces évènements nous apprennent malheureusement que les révolutions arabes ont encore du mal à traduire leur élan sur le plan des responsabilités régionales. Que l’Union Européenne, la Grèce , la Grande Bretagne ou encore Chypre manifestent de façon aussi insolente et brutale leur hostilité à l’égard de la Flottille de la Liberté, à l’égard du mouvement contre le blocus imposé à notre peuple n’est que la conséquence de ce déficit au plan régional. Il est vital que les forces populaires et politiques, précisément celles de l’Egypte, prennent conscience de ce déficit.
Israël que nous connaissons bien, s’était préparé à perpétrer une boucherie contre les membres du mouvement de solidarité en lançant une campagne haineuse appelant à verser leur sang, en répandant des mensonges éhontés sur eux et ce qu’ils sont, sur leurs intention et sur la nature des biens qu’ils transportaient. En dépit de la grossièreté de ces mensonges, mensonges dont sont conscients même leurs journalistes les plus connus, les médias aux ordres d’Israël ont continué à les diffuser comme s’ils étaient détenteurs d’un dossier de « preuves »- un dossier qui n’existe pas.
Il est clair que les peuples et les mouvements solidaires du peuple palestinien, très nombreux dans le monde, ne se soucient que très peu de l’impact des médias israéliens mais nous devons reconnaître qu’Israël a bien retenu le sens des signaux qu’elle a reçus après son attaque sanglante contre la Flottille de la Liberté en juin 2010 : désormais, elle redoublera d’actions criminelles. Et cette fois-ci, comme l’action de sabotage de la flottille a été essentiellement commise par des Européens, des Grecs, des Chypriotes, des Américains etc., elle n’est que tentative de blanchiment du crime qui, dans le cas où elle est couronnée de succès selon les critères de ceux qui l’ont perpétrée, ne manquera pas de se répéter à l’avenir.
Pour résumer, nous énumèrerons quelques points qui méritent spécialement d’être soulignés.
Premièrement : le dévoilement au grand jour de la nature de l’ordre mondial officiel lequel opère son passage du terrorisme pratiqué par un seul Etat à un terrorisme qui est le fait d’un système engageant plusieurs Etats dans une organisation et une coordination inédites. Nous pouvons dire que cet ordre mondial a désormais adopté le terrorisme -incluant, sans se limiter à cela, l’usage de l’institution militaire - comme moyen de lutte contre les mouvements populaires de solidarité qui agissent dans le cadre de la légalité internationale et des Droits de l’Homme.
Deuxièmement : l’importance cruciale de l’extension des mouvements de solidarité , importance dont la prise en compte doit se traduire, dans l’action militante palestinienne, par plus d’échanges et de coordination avec ces mouvements. Ceux-ci, en effet, constituent pour notre peuple et sa cause une véritable ligne de défense mondiale. Dans ce contexte, une campagne mondiale s’appuyant sur les lois et conventions internationales pertinentes doit se faire afin d’assurer la protection de ces mouvements car leur combat vise la promotion des Droits de l’Homme et les Droits des Peuples.
Troisièmement : la nécessité d’œuvrer en vue de redonner à la cause palestinienne la place qui lui revient dans les révolutions arabes et, en particulier, en Egypte. Dans ce contexte, il faut agir en vue de promouvoir des mécanismes permettant à l’opinion arabe d’être plus réactive et dans le même temps plus présente en tant que force face aux évènements mondiaux.
Quatrièmement : l’exigence que cesse de façon définitive la coordination sécuritaire de l’Egypte, de la Jordanie et de l’Autorité Palestinienne avec Israël, exigence qui va doit s’accompagner d’une pression sur le régime égyptien afin qu’il se libère des accords de Camp David, ces accords qui ont gommé la dimension arabe de l’Egypte et exclu celle-ci de la confrontation avec Israël.
Cinquièmement : la préparation de la prochaine Flotte de la Liberté, préparation qui doit bénéficier des enseignements tirés l’expérience de la dernière Flotte, parmi lesquels la nécessité de démanteler le cordon sécuritaire que s’est donné Israël grâce aux Etats hostiles mentionnés plus haut.
Nous avons dans ces évènement des leçons précieuses mais la grande vérité qui émerge est que la Flottille de la Liberté est arrivée à Gaza sans même quitter les quais et que Gaza, comme toute la Palestine, a trouvé son chemin vers le cœur des peuples du monde, Là est le meilleur fruit de la lutte de notre peuple et de ses amis dans le monde.
 

Tunisie : Solidarité avec Rached El Arbi, pour qu'il puisse à nouveau marcher !

Rached El Arbi est un blessé de la Révolution tunisienne. Depuis sa blessure par balle à la moelle épinière le 13 janvier 2011, il est devenu complètement paralysé du bas du corps.
Sa seule chance de remarcher consiste en une hospitalisation à la clinique de la Soukra pour une période de minimum 3 mois afin de recevoir des soins en rééducation, ensuite une opération sur la moelle épinière sera possible. Cette opération risque également de coûter extrêmement cher...
Concernant l'hospitalisation à la Soukra, la famille est arrivé à un arrangement avec la clinique pour des frais d'admission de 100 dinars (= 50€) par jour ce qui veut dire des 9000 dinars (=4500€) pour les 3 mois! Ensemble et main dans la main nous réussirons INSH'ALLAH à ramasser cette somme pour permettre à notre héros Rached El Arbi de remarcher de nouveau!!!

Une mise à jour sera donnée quotidiennement pour vous indiquer où en est rendu la somme ramassée!!!! Il est temps de se rattraper et d'aider les héros de notre révolution!!!!

Voici les coordonnées de Rached pour l'aide financière

la banque : Banque Nationale Agricole (BNA)

adresse de la banque : BNA rue Farhat Hached 2090 Mornag Tunisie

adresse de Rached: 6 rue Andalous Cité SNIT 2090 Mornag Tunisie

Titulaire du compte : El Arbi Rached

pour un versement de la Tunisie (RIB): 03 105 070 0121 040583 26

pour un versement de l'étranger (IBAN): TN59 03 105 070 0121 040583 26

BIC/Swift code for international transfers (some banks require this info): BNTETNTT

Téléphone (00216) 23 700 662

Voici un article qui décrit en détail la situation de Rached :

http://azls.blogspot.com/2011/08/tunisie-transit-chroniques-dun-pays-en_26.html

et voici sa page Facebook personnelle administrée conjointement avec son grand frère. Elle vous permet de rester au courant de son état:
https://www.facebook.com/pages/Rached-El-Arbi-Un-Des-H%C3%A9ros-De-La-R%C3%A9volution-Tunisienne/179707065433663

mardi 30 août 2011

La révolution tunisienne et la société civile

par Gilbert Naccache, Tunis, le 27 août 2011
Dans tous les États « normaux », la séparation entre l’État, siège et gérant du pouvoir, et la société civile, lieu de toutes les actions organisées des citoyens, est en apparence tout à fait nette. En réalité, les choses sont un peu plus complexe : même chez les tenants des théories politiques classiques, l’État est le lieu de la gestion du pouvoir, gestion administrative, politique, judiciaire et militaire (armée et police), il est donc le lieu de la contrainte, il rassemble en lui toutes les armes de la contrainte et les justifications de l’exercice de cette contrainte, la nécessité pour tous de respecter les lois… 

Dans ce type de théorie, la société civile, au contraire, agit dans le cadre de la légalité, et même s’il lui arrive de contester tel ou tel acte du pouvoir, elle adhère librement aux valeurs, principes, à la morale dominante, elle est donc le vecteur de la domination idéologique de l’État sur la société. Le couple contrainte-hégémonie idéologique est présent dans les sociétés au fonctionnement « normal » et distribué entre état et société civile. Dans la théorie marxiste, et plus précisément gramscienne, l’État est l’instrument de domination d’une classe (personnifiée par son « groupe dirigeant et dominant ») sur les autres classes de la société. Il est le lieu de la contrainte, tandis que la société civile, dépositaire de l’idéologie dominante, assure l’hégémonie idéologique de ce groupe. C’est dans cette mesure que Gramsci dit qu’au fond, elle est aussi l’État.

Dans la plupart des révolutions, la transformation se fait sous la direction d’un groupe dirigeant et dominant qui va, en même temps qu’il prend possession de l’appareil d’État, s’efforcer de « généraliser son type de civilisation », comme dit Gramsci, c’est-à-dire son idéologie. La société civile ne crée pas son idéologie propre, elle est trop disparate, ses intérêts sont trop divers pour qu’elle puisse se considérer comme une seule classe ; elle est alors le dépositaire de l’idéologie du groupe dirigeant et dominant de la classe au pouvoir, elle devient le lieu de l’hégémonie idéologique de cette nouvelle classe dominante.

Mais qu’en est-il lorsque, comme dans le cas de la révolution tunisienne, la rupture avec l’ancien régime a eu lieu sans direction politique, c’est-à-dire sans groupe dirigeant et dominant, représentant une classe qui aspire au pouvoir ou/et a un rôle dirigeant à jouer dans la société ? L’absence de tous les partis politiques dans la révolution, leur incapacité à en prendre la direction par la suite, à lui proposer des perspectives allant dans le sens des aspirations des forces révolutionnaires, à seulement réfléchir à des méthodes pour concrétiser les slogans qu’ils brandissent, et surtout l’absence de toute idéologie claire et cohérente, tout cela confirme que ces partis politiques ne représentent pas un groupe dirigeant et dominant, encore moins une classe ou une fraction de classe sociale porteuse d’un avenir économique et social, et donc destinée au pouvoir politique.

La société civile est dans la situation suivante : elle doit produire un corpus qui s’apparente plus ou moins à une idéologie, mais en est incapable, car les disparités en son sein sont trop importantes. Que reste-t-il dès lors ? La seule possibilité pour continuer la révolution est qu’une fraction de la société civile élabore, non pas une idéologie, mais un ensemble de principes garantissant les droits de tous dans une vie en commun. Cela tombe bien : la révolution avait obtenu que soit suspendue la constitution de l’ancien régime et que des représentants du peuple, réunis en Assemblée constituante, rédigent une nouvelle constitution, base de la vie en commun des Tunisiens et de leurs rapports avec l’État. 

Cette constitution, si elle est conforme au projet qui se dégage de la révolution, sera le corps de principes communs, non seulement à la société civile, mais à tous les Tunisiens. Cela sera un événement totalement nouveau, et qui bouleversera toutes les idées politiques : une société où la société civile ne sera plus le porte-parole idéologique d’une classe dominante, mais l’inspiratrice d’un véritable contrat social, que tout le monde devra respecter et à l’intérieur duquel devront être négociés toutes les divergences d’intérêts et tous les conflits de la société.

Si cela se produit, les 350 militants de la société civile qui, à Mahdia, se sont réunis à l’appel de quatre associations pour les journées « Pensons notre constitution » où ils ont rédigé en commun les grands axes de la constitution dans leur formulation opérationnelle, ces militants auront joué un rôle historique, bien au-delà de leurs ambitions.

Tunisie: L'ex-poste de police à Thala transformé en une oeuvre artistique

L'équipe de Nawaat, lors d'une  visite récente à Thala, a découvert la métamorphose de l'ex-poste de police réalisée par les artistes révolutionnaires locaux comme Bassem Nemri et les artistes pionniers du mouvement artistique alternatif et révolutionnaire des autres villes de la Tunisie comme Mouin Gharbi de Bizerte...

Source : Nawaat 

Le mouvement Anna Hazare en Inde : entre faits et f(r)ictions

Kisan Bapat Baburao, connu sous le nom d’ Anna (‘Frère respecté’) Hazare  est un ancien chauffeur de camion de l’armée indienne de 74 ans qui vient de mener une nouvelle grève de la faim à New Delhi contre la corruption, cette fois-ci pour appuyer sa demande que le parlement et le gouvernement indien adoptent sa version de la loi en projet sur le Jan Lok Pal (médiateur des citoyens). Son action a mis le gouvernement indien et le parti du Congrès au pouvoir sur la  défensive. Elle a connu  un certain succès, surtout auprès des classes moyennes urbaines mais aussi auprès d’une grande entreprise de médias qui a été le pionnier indien des « infos payées », offrant aux politiciens de publier des publicités politiques sous forme de « nouvelles » durant les dernières élections générales
Anna Hazare va peut-être durer plus longtemps que d’autres spectacles politiques, vu qu’il table sur le mécontentement populaire vis-à-vis de la corruption. Est-ce le début d’une véritable lutte populaire ou la naissance d’un mouvement autoritaire et messianique ?

Hazare s’approprie l’héritage de Gandhi
Hazare est né dans une famille rurale hindoue et pauvre du Maharashtra. Après avoir vendu des fleurs dans les rues de Bombay – devenue Mumbai – dans son adolescence, il est entré dans l’armée. Il semble qu’il ait eu sa révélation pendant la guerre indo-pakistanaise de 1965 lorsqu’il  fut le seul survivant d’une attaque contre son convoi. Il survécut ensuite à un accident de la route dans les années 1970, quitta l’armée et retourna dans son village natal, Ralegan Siddhi, au Maharashtra. Durant les deux décennies qui suivirent, il fit de Ralegan Siddhi, un village frappé par la sécheresse, arriéré et déprimé, où la seule activité consistait à produire de la gnole illégale, un village fonctionnel et productif.
Ralegan Siddhi devint un modèle pour l’État. Pour éradiquer l’alcoolisme du village, ce saint médiatique fouettait personnellement les ivrognes avec sa ceinture après les avoir attachés, expliquant que ce genre de mesures rudes étaient nécessaires par ce que l’Inde rurale était dure. À partir des années 1990, Anna Hazare engagea une série de confrontations avec le gouvernement de l’État du Maharashtra à propos de la corruption et du droit à l’information, en recourant à l’arme du jeûne. L’année dernière il s’est projeté sur le plan national en exigeant un médiateur (ombudsman) doté de véritables pouvoirs.

Hazare dans une école fondée par lui à Ralegan Siddhi
Cette fois-ci, les Indiens ordinaires ont prêté attention à son message, à cause d’une série de scandales de corruption récents et devant l'apparente absence de volonté d’agir de l’État. L’Inde est un pays corrompu. Plus exactement, l’État indien et ses fonctionnaires sont généralement corrompus. L'utilisation d'une charge publique pour un intérêt privé est presque la norme et il y a un tarif pour chaque service rendu par des institutions publiques, qu’il soit payant ou gratuit, et à tous les niveaux. La corruption est un « business à haut profit et à risque zéro » et pour les pauvres, une extraction de plus-value supplémentaire.
91% de toutes les demandes de pots-de-vin émanent de fonctionnaires. Les vastes coûts des nombreuses campagnes électorales et l’économie néolibérale ont fait des politiciens et des entreprises des partenaires en délinquance. Selon une estimation :
  • L’Inde a perdu 462 milliards de $ en flux de capitaux illégaux entre 1948, au lendemain de son indépendance, et  2008.
  • Ces flux constituent plus du double de la dette extérieure de l’Inde  (230 Mds. $).
  • La fuite totale de capitaux de l’Inde représente  16 .6% de son  PIB.
  • Environ 68% de la perte de capitaux ont eu lieu après l’ouverture de l’économie en  1991.
  • Les "individus à haute valeur nette" et les entreprises privées sont les principaux promoteurs de flux illégaux de capitaux.  
  • La part d’argent que les entreprises indiennes ont déplacé de banques de pays développés vers des “centres financiers offshore” est passée de  36.4% en 1995 à 54.2% en 2009.
Il règne une colère générale contre la corruption, les partis politiques existants suscitent le désenchantement et un consensus est en train d’émerger dans les classes moyennes : il faut un homme fort qui s’attaque au système avec des moyens non-orthodoxes. Anna Hazare semble répondre à cette demande. Il réclame la création d’une agence autonome anti-corruption à l’échelle nationale, dotée de pouvoirs lui permettant de punir les politiciens, Premier ministre compris, les juges et les bureaucrates, sans ingérence du Parlement ou de qui que ce soit. Le gouvernement indien n’aime évidemment pas cette idée et a suggéré une loi alternative, si mollassonne qu’elle n’a satisfait personne.
Quel Indien ayant eu affaire à la corruption peut-il trouver ce mouvement problématique ? Les partis parlementaires sont contre lui, arguant que la loi proposée par Hazare réduirait les pouvoirs du parlement et créerait un précédent qui pourrait encourager d’autres forces à défier l’ État. Ce consensus inclut le parti du Congrès au pouvoir et le principal parti d’opposition, le BJP, nationaliste hindou et anti-minorités. La gauche parlementaire a accepté ce discours : pour elle, Anna Hazare est messianique, donc l’antithèse de la démocratie.
La gauche extra-parlementaire non maoïste, qui est éclatée, sans grande capacité de mobilisation mais néanmoins la plus déterminée à ouvrir des espaces démocratiques, est divisée face à ce mouvement. Elle est d’accord pour convenir qu’il s’agit d’un mouvement élitaire d’Hindous des castes supérieures, qu’il promeut le culte de la personnalité d’Anna Hazare (qu’elle identifie, de manière correcte, comme un homme de droite instinctivement autoritaire), qu’il recourt à des symboles rétrogrades, qu’il n’a aucune vision de la nécessité d’organiser le peuple même s’il joue sur les foules pour faire pression sur le gouvernement, et qu’enfin sa proposition renforce l’État au lieu de le démocratiser.
Élitisme : la‘Team Anna’(‘équipe Anna’), nom sous lequel les medias font le ‘merchandising’ du mouvement, est constituée d’anciens hauts fonctionnaires, d’avocats et de gens de la ‘société civile’ subventionnés par la Fondation Ford. Elle est fortement soutenue par les chaînes de télévision et les réseaux sociaux pour mobiliser les foules. Elle a aussi reçu le soutien de stars de la puissante industrie du cinéma, de leaders religieux-entrepreneuriaux possédant des empires et de grande entreprises.
Culte de la personnalité : la Team Anna a lancé le slogan Anna, c’est l’Inde et l’Inde, c’est Anna (Anna is India and India is Anna). La dernière fois qu’on avait entendu une telle chose, c’était lorsque Indira Gandhi, alors Premier ministre, proclama l’état d’urgence et suspendit tous les droits et libertés en 1975. Son parti utilisa le même slogan (Indira is India, India is Indira) pour écraser toute dissidence. Les gens de la Team Anna n’écoutent pas les autres opinions. Ils n’ont pas engagé de débat avec ceux qui on proposé une démarche différente sur la question du médiateur. Hazare a fait publiquement l’éloge de l’homme le plus haï d’Inde, Narendra Modi, chef du gouvernement de l’État du Gujarat, petit chéri des grandes entreprises et des groupes de médias, organisateur d’un pogrom contre les Musulmans dans son État. Hazara s’est ensuite rétracté mais beaucoup de gens pensent que ce n’était qu’un truc pour paraître politiquement correct.

Pour quelqu’un qui se proclame un homme simple, Hazare a de drôles de supporters branchés
Symbolisme : le mouvement d’Hazare recourt de manière délibérée  à des symboles du passé qui mettent beaucoup de gens mal à l’aise. Arundhati Roy a vivement critiqué cet aspect. Les casquettes d’autopromotion à l’effigie de Gandhi, le grand usage de drapeaux nationaux et de slogans nationalistes ne sont pas bien passés auprès des Hindous de basses castes et des Musulmans, qui voient dans ce mouvement des points communs avec l’agitation menée il y a quelques années par les élites hindoues contre la discrimination positive en faveur de l’emploi d’Indiens des basses castes.
Si la gauche est unie dans le diagnostic, elle est divisée de multiples manières sur la manière de réagir. Arundhati Roy dit que le mouvement risqué de créer une nouvelle couche oligarchique; d’autres qualifient Hazare de fasciste et ses groupies d’islamophobes et d’ennemis des Hindous des basses castes et certains pensent qu’il annonce une époque plus autoritaire.
Ceux qui sont partisans de la participation au mouvement arguent que la gauche devrait y être avec sa voix indépendante, qu’il est à la fois une grande occasion et un danger sérieux, qu’on ne peut pas rejeter un mouvement simplement parce que son leader a un CV qui ne plait pas à la gauche et que le mouvement peut être radicalisé de l’intérieur. Deux organisations populaires éminentes supportent aussi la mission d’Hazare : l’Alliance nationale des mouvements populaires dirigée par  Medha Patkar, qui a mené une lutte épique contre le barrage sur le fleuve Narmada, et la Nouvelle initiative syndicale, un groupe de syndicats indépendants qui argue que la corruption n’a pas le même sens pour les classes moyennes et les classes travailleuses.
Pendant ce temps, Anna Hazare plane au-dessus de tout cela, avec un sourire d’autosatisfaction, installé dans un jardin public de New Delhi sur le podium monté pour lui par le gouvernement même qu’il combat.
 

lundi 29 août 2011

Le dessin du jour كاريكاتير اليوم

Josetxo Ezcurra, Tlaxcala

Guerre coloniale contre la Libye

par Stella Calloni استلا کالونی. Traduit par  Michèle Mialane, Tlaxcala
Original: Guerra colonial contra Libia
Traductions disponibles : Deutsch  فارسی 

La perversité avec laquelle les agences de presse usaméricaines et européennes et leurs valets de par le monde s'acharnent à qualifier les évènements libyens de « guerre civile » montre bien comment une intervention de type colonial contre un pays que les USA et leurs partenaires souhaitaient s’approprier pour diverses raisons a été transformée en une « rébellion » intérieure qu’il fallait soutenir pour des raisons « humanitaires ».
La vérité, c’est que le peuple libyen subit depuis la mi-mars les bombardements de l’OTAN sur un pays de 6 millions d’habitants, en grande partie désertique. Ces bombardements ont semé la mort et la destruction dans tout le pays pour aplanir la route devant les mercenaires qui ont été d’emblée le moteur de la prétendue « rébellion » du peuple libyen contre Kadhafi.
Il n’existe aucun cliché montrant cette « rébellion » populaire ni des prétendus « bombardements de son propre peuple par Kadhafi », « l’excuse » qui a justifié cette brutale intervention en plein XXIe siècle. Depuis, cette même population civile est massacrée par ses « protecteurs », qui détruisent également ses foyers, ses écoles, résidences médicalisées, laboratoires médicaux, universités et hôpitaux, couvrant en outre toute la zone d’uranium appauvri, une catastrophe écologique et humaine à venir.


Victoire des rebelles, par Patrick Chappatte - International Herald Tribune
La résolution 1973 de l’ONU votée le 17 mars de cette année, qui prétendait établir au-dessus de la Libye une zone d’exclusion aérienne n’avait en fait d’autre but que d’empêcher le gouvernement de cette nation souveraine de se défendre. Cette résolution a été adoptée sans audition préalable des observateurs directs.
Les agresseurs s’assuraient ainsi que la Libye ne pourrait employer de DCA. Et l’on peut parler de défaite morale si l’on songe que ce pays a résisté 6 mois aux bombardements de l’OTAN, prouvant ainsi que les prétendus « rebelles » n’existeraient pas sans l’OTAN.
Pour se faire une idée de l’ampleur des réalités que cachent les médias, il suffit de regarder une photo qui circulait durant ces dernières heures et publiée par certains médias. Elle montre de prétendus « opposants libyens », dont l’allure, les vêtements et les armes sont typiquement ceux des mercenaires que les puissances belligérantes ont fait entrer dans ces régions.

Les rebelles ont fêté, mardi après-midi, la prise du quartier général du dictateur libyen en saccageant les symboles du pouvoir déchu.
"Rebelles" prenant la pose pour une photo souvenir de  Sergey Ponomarev/AP (Associated Press) le mardi 23 août, devant le désormais mondialement célèbre bunker de Kadhafi

Pour pouvoir lancer et mener à bien leur intervention les USA et leurs alliés ont utilisé les médias du monde entier placés de fait sous leur contrôle militaire et sécuritaire. En l’occurrence ils ont également pu compter sur la collaboration intéressée ou désintéressée, mais parvenant au même but, de quelques journalistes ou intellectuels considérés comme « progressistes », qui ont été ainsi complices de cette intervention et du tissu de mensonges destiné à la justifier.
Pour pouvoir se justifier ils attendent désormais la victoire de l’OTAN qui permettra aux vainqueurs de répandre le conte des «effrayantes violations des droits humains » commises par le gouvernement libyen afin de cacher les exactions des mercenaires et troupes d’invasion. Comme ils l’ont fait en Afghanistan, en Irak et bien avant.
Ont-ils déjà oublié les Contras nicaraguayens qui à partir de leurs bases honduriennes ont attaqué le Nicaragua sandiniste, détruit des villages, massacré, torturé, violé femmes et es jeunes filles ? Ronald Reagan les appelait alors « combattants de la liberté. »
Donner le nom de « rebelles » aux troupes mercenaires sous commandement de la CIA et de ses alliés, c’est faire affront à tous les authentiques rebelles qui de par le monde luttent pour leur liberté.
Le peuple et le gouvernement libyens avaient non seulement le droit, mais le devoir de se défendre. Tout pays dans le monde victime d’une agression étrangère se doit de le faire.

Commentaire de la rédaction de la rubrique OUMMA  de Tlaxcala:
On trouve parmi ceux qui critiquement durement l'agression de l'OTAN contre la Libye, des défenseurs de théories conspirationnistes. Cet article est écrit dans cette perspective. Les articles de ce genre sont dignes d'attention étant donné que les médias occidentaux informent des événements en Libye à partir de leur propre point de vue. Mais la réalité des faits ne restera pas éternellement occultée. On verra bientôt clairement dans quelle mesure les forces combattant Kadhafi s'appuient sur le peuple libyen et jusqu'à quel point elles sont au service des intérêts de puissances étrangères.

dimanche 28 août 2011

Tunisie Transit: chroniques d'un pays en transition (3) تونس العابر: التقويم الفلكي من بلد يمر بمرحلة انتقالية

Le billet de Hatem Bourial – Surprise-partis

Mesdames et messieurs, l’époque n’est plus aux surboums du samedi et autres surprises-party pour adolescents.
Non, les temps sont devenus plus sérieux même si la multitude de partis politiques ressemble de plus en plus à un bal des faux-culs qui n’a rien de spontané.
Passons ou plutôt marrons-nous un coup devant les turpitudes de quelques-uns de ces partisans prêts à se sacrifier pour le progrès de la nation.
L’info est passée inaperçue et pourtant, elle recèle bien du piquant. Il s’agit de la composition du bureau politique du Parti démocratique pour la justice et la prospérité. Ça sonne bien aux oreilles du public : «PDJP». Et pourtant, j’ai bien peur que ça sonne creux vu que la composition du bureau politique émanant du premier congrès («national» s’il vous plaît !) s’apparente à une grosse blague.
Jugez en : le président du parti se nomme Salem Chaïbi, le vice-président se nomme Ridha Chaïbi et, cerise sur le gâteau familial, le secrétaire général s’appelle Hamda Chaïbi.
Je suis curieux de voir les noms des autres membres, mais j’ai comme l’impression qu’ils ne doivent pas être d’un clan différent !
Voici donc une famille qui a des rêves de grandeur et qui nous fait prendre une zerda dans une zaouia pour un parti politique. C’est pas demain qu’on est sorti de l’auberge, croyez-moi !
Parmi les autres perles que j’ai pu réunir durant cet été, il en est quelques-unes que j’aimerais partager avec vous.
Commençons par ce jeune homme qui me semble déboussolé. En effet, il a adhéré à trois partis différents. Selon lui «c’est pour faire plaisir aux amis qui l’ont sollicité parce qu’il ne s’intéresse pas vraiment à la politique». Celui-là, il mérite la timbale de bronze.
Deuxième cas. Cette fois-ci, il s’agit d’une personne connue de tous pour sa carrière musicale et ses racines andalouses. Je ne nommerai pas cet individu par simple charité. Toutefois, je me fais un devoir de vous révéler que cette personne vient de se trouver des racines familiales dans la région de Kasserine et effectuer un virage à mille degrés.
En effet, notre gars a créé un parti politique qui ressemble étrangement à une ligue régionaliste et s’apprête à entrer en lice pour les élections. J’en perds mon humour et ne peux que bredouiller un timide «Que Dieu leur pardonne».
A lui donc la timbale d’argent. Et, gardons l’or pour le maître absolu, le partisan modèle. Il s’agit du membre d’un des partis qui fleurissent en ce moment.
Invité à la télévision pour s’exprimer à propos du programme économique de son parti, il s’en est sorti avec une surprenante pirouette. Il a répondu à l’animateur qu’il ne s’exprimerait pas sur ce point «de peur que d’autres formations politiques volent les idées contenues dans le programme de son parti».
Fabuleux ! Le gars fait de la politique tout en ne s’exprimant pas sur ses idées ni sur celles de son parti. De là à ce qu’il nous dise qu’en se taisant, il cherche à représenter la majorité silencieuse, il n’y a qu’un pas à franchir !
Vraiment cocasses ces mecs … Pourtant, ils donnent à réfléchir sur la consistance de notre vie politique qui reflète plus des combinazione à l’italienne qu’une révolution en marche.
Encore une pour la route. C’est un jeune qui me l’a racontée. Il était allé à un meeting d’un parti de gauche. Dépité, il me raconte sa surprise lorsqu’il a vu arriver tous les cadres de ce parti dans des berlines grand luxe et des véhicules tout terrain.
Naïf, le gars : il croit que ceux qui s’investissent dans la politique politicienne le font pour les beaux yeux du peuple ou pour le devenir de la nation.
Non mon gars, ils le font parce que la politique est un sport de riches où il n’y a de place ni pour le romantisme ni pour la révolution.
Les indignés, les révoltés et la jeunesse éprise de liberté et surtout de dignité n’ont qu’à s’adresser ailleurs. Et de préférence aux abonnés absents …

Les saqueos, c'est contagieux !-Arnaqueurs au grand jour, je vous présente les petits pillards nocturnes


Traduit par  Viktor Dedaj, Le Grand Soir
Edité par  Fausto Giudice فاوستو جيوديشي, Tlaxcala
Original: Daylight Robbery, Meet Nighttime Robbery
Traductions disponibles : Português 

On nous rabâche que les émeutes en Grande-Bretagne n’avaient rien de politique – mais les émeutiers savent que leurs élites, elles, pratiquent le vol à grande échelle et en plein jour..
Je n’arrête pas d’entendre des comparaisons entre les émeutes à Londres et celles d’autres villes européennes – bris de vitrines à Athènes, feux de joie de bagnoles à Paris. Il est certain qu’il y a des similitudes : une étincelle provoquée par la violence policière, une génération qui se sent abandonnée.
Mais les évènements à Londres ont été marqués par des destructions massives, le pillage était un phénomène marginal. Il y a eu cependant d’autres pillages massifs ces dernières années, et peut-être devrions-nous en parler aussi. Il y a eu Bagdad au lendemain de l’invasion par les USA – une vague d’incendies et de pillages qui ont vidé les bibliothèques et les musées. Les usines aussi ont été touchées. En 2004 j’ai visité une usine qui fabriquait des réfrigérateurs. Les employés avaient pris tout ce qui avait de la valeur, puis ils y ont méthodiquement mis le feu jusqu’à ce qu’il n’en reste plus qu’une structure métallique tordue.
A l’époque les gens à la télé trouvaient que le pillage était un geste hautement politique. Ils disaient "voici ce qui arrive lorsqu’un régime n’a plus de légitimité populaire". Après avoir vu pendant des années à Saddam Hussein et ses fils se servir de n’importe quoi et n’importe qui, de nombreux Irakiens ordinaires ont pensé qu’ils avaient eux-aussi le droit de se servir à leur tour. Mais Londres n’est pas Bagdad, et le Premier ministre britannique, David Cameron, n’a rien d’un Saddam, il n’y donc aucune leçon à en tirer.
Bon, alors que diriez-vous d’un exemple pris dans une démocratie ? L’Argentine, vers 2001. L’économie était en chute libre et des milliers d’habitants des quartiers défavorisés (qui étaient jadis des zones industrielles prospères, avant l’arrivée du néolibéralisme) ont pris d’assaut les supermarchés détenus pas des sociétés étrangères. Ils sont ressortis avec des chariots remplis de produits qu’ils n’avaient plus les moyens d’acheter – vêtements, matériel électronique, viande. Le gouvernement a instauré « un état de siège » pour rétablir l’ordre. Les gens n’ont pas apprécié et ils ont renversé le gouvernement.
Le pillage massif en Argentine fût baptisé el saqueo - la mise à sac,  le pillage. Ce qui est politiquement significatif parce que c’est exactement ce terme qui fut employé pour décrire ce que les élites du pays avaient fait en bradant les biens de la nation lors d’opérations de privatisation à l’évidence entachées de corruption, en planquant leur argent dans des paradis fiscaux pour ensuite faire payer le peuple par des mesures brutales d’austérité. Les Argentins avaient bien compris que le saqueo des centres commerciaux n’aurait pas eu lieu sans le saqueo plus vaste du pays, et que les véritables gangsters se trouvaient au pouvoir.

Saqueo d'un magasin Val Mart au Chili après le tremblement de terre, mars 2010, ou quand "nécessité fait loi"

Mais l’Angleterre n’est pas l’Amérique latine, et ses émeutes ne sont pas politiques, du moins c’est ce que l’on nous rabâche. En Angleterre, ce sont juste des gamins paumés qui profitent d’une situation pour s’emparer de ce qui ne leur appartient pas. Et la société britannique, nous dit Cameron, a horreur de ce genre de comportement.
Tout cela est dit avec le plus grand sérieux. Comme si les sauvetages massifs des banques n’avaient jamais eu lieu, suivis par des distributions de primes aux dirigeants battant tous les records, une véritable provocation. Suivis par des réunions d’urgence du G8 et du G20, où les dirigeants ont décidé, collectivement, de ne pas punir les banquiers ni de prendre des mesures pour éviter que cela ne se reproduise. Au lieu de cela, ils sont retournés chez eux pour imposer des sacrifices aux plus vulnérables. En licenciant des fonctionnaires, en réduisant le nombre d’enseignants, en fermant des bibliothèques, en augmentant les frais de scolarité, en dénonçant les accords sociaux, en se précipitant pour privatiser les biens publics et diminuer les retraites – choisissez parmi ce qui précède pour l’adapter à votre situation locale. Et qui voit-on à la télévision nous faire la leçon sur la nécessité de renoncer à ces « avantages acquis » ? Les banquiers et les gestionnaires de hedge-funds, évidemment.
C’est le saqueo global, le temps du Grand Hold-up. Alimenté par un sentiment maladif de droit sacré, le pillage se déroule en plein jour, comme s’il n’y avait rien à cacher. Cela dit, ils ont quand même quelques craintes. Début juillet, dans le Wall Street Journal, un sondage indiquait que 94% des millionnaires craignaient « des violences dans les rues ». Il s’avère que cette crainte n’est pas complètement injustifiée.
Bien sûr, les émeutes à Londres n’avaient rien de politique. Mais ceux qui volaient de nuit savaient parfaitement bien que leurs élites commettent leurs vols en plein jour. Les saqueos, c'est contagieux ! Les Conservateurs ont raison lorsqu’ils disent que les émeutes n’ont rien à voir avec les coupes budgétaires. Mais elles ont beaucoup à voir avec ce que ces coupes représentent : être coupé du monde. Se retrouver coincé dans une sous-classe sociale qui ne cesse de s’élargir et voir les rares portes de sortie – un vrai travail, une éducation à portée de bourse – se refermer rapidement les unes après les autres. Les coupes budgétaires sont un message. Un message envoyé à des pans entiers de la société pour leur dire : vous êtes coincés là où vous êtes, comme ces immigrés et ces réfugiés repoussés à nos frontières qui deviennent de plus en plus infranchissables.
La réponse de Cameron aux émeutes est de matérialiser cette exclusion par des mesures concrètes : expulsion des habitations à loyers modérés, coupures des outils de communication et des peines de prison scandaleuses (cinq mois pour une femme qui a accepté un short volé). Une manière d’enfoncer le clou : disparaissez, et en silence.
Au « sommet de l’austérité » du G20 l’année dernière à Toronto, les protestations ont dégénéré et de nombreuses voitures de police ont brûlé. Rien à voir avec Londres 2011, mais pour nous les Canadiens, ce fut un choc. Mais la grande controverse qui a suivi concerna le montant des dépenses effectuées par le gouvernement pour la « sécurité » du sommet, 675 millions de dollars (et avec tout ça ils ont eu du mal à éteindre les feux). A l’époque, nombre d’entre nous ont fait remarquer que tout ce nouvel arsenal coûteux que la police venait d’acquérir – canons à eau, canons soniques, gaz lacrymogènes et balles de caoutchouc – n’était pas uniquement destiné aux manifestants dans les rues. A long terme, il était destiné à contrôler les pauvres qui, dans la nouvelle ère d’austérité, n’auront plus grand chose à perdre.
C’est là où Cameron s’est trompé : on ne peut pas réduire le budget de la police en même temps que tout le reste. Parce que lorsqu’on vole aux gens le peu qui leur reste pour protéger les intérêts de ceux qui ont largement plus qu’il ne leur en faut, il faut s’attendre à une résistance – que ce soit sous la forme de protestations organisées ou des pillages spontanés.


Et ça, ce n’est pas de la politique, c’est de la physique.

samedi 27 août 2011

Le dessin du jour كاريكاتير اليوم


Carlos Latuff كارلوس لاتوف

Craintes palestiniennes pour une source d’eau ancienne en Cisjordanie : les citernes millénaires

par  Tom Perry توم بيري, Reuters, 28/7/2011. Traduit par  Fausto Giudice, Tlaxcala 
Original: Palestinians fear for ancient West Bank water source
Traductions disponibles : Deutsch  
 

 

 ARAB AL RASHAYIDA, Cisjordanie, 28 juillet (Reuters) - Creusées dans le roc, les citernes en forme de grottes qui parsèment le désert au-delà de Bethléem, recueillent depuis des siècles l’eau de pluie qui est fournier aux bergers et à leurs troupeaux durant l’été.
Sous un soleil de plomb, un Bédouin âgé explique que les citernes telles qu’ils se les rappelle de son enfance, dont beaucoup ont été restaurées afin de fonctionner parfaitement ces dernières années, permettent à nouveau à sa communauté de chevriers de survivre.
C’est pourquoi, conclut-il, les autorités israéliennes qui contrôlent la Cisjordanie, en ont démoli au moins trois dans la zone depuis novembre 2010.

« Leur but est peut-être de nous faire partir. Mais nous ne partirons pas », dit Falah Hedawa, un homme de 64 ans, assis sur des coussins sous sa tente familiale dressée dans les collines qui descendent vers la Mer Morte.
Plus loin dans le désert, une mare stagnante est la seule trace qui reste d’une des citernes, creusée à flanc de colline, qui a été détruite récemment. Une piste boueuse sur le terrain par ailleurs sec indique le chemin suivi par l’eau jusqu’à un ouadi, une vallée qui devient rivière lorsqu’il pleut.
Israël a démoli 20 citernes de collecte d’eau de pluie en Cisjordanie durant les six premiers mois  de cette année, selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies (OCHA), qui surveille les conditions dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967.
Ces démolitions font partie d’une accélération marquée des démolitions d’infrastructures palestiniennes dans la « Zone C » » - les 60% de la Cisjordanie sur lesquels Israël exerce un contrôle total.
Définie par les accords intérimaires de paix conclus entre Israël et les Palestiniens dans les années 1990, cette zone C est celle où se trouvent toutes les colonies israéliennes de Cisjordanie.
Pendant les six premiers mois de 2011, plus de Palestiniens ont perdu leurs maisons que pendant 2009 et 2010 réunis, selon l’OCHA. Beaucoup d’entre eux étaient des Bédouins. Jusqu’à présent cette année, un total de 342 structures appartenant à des Palestiniens ont été démolies dans cette zone.
Comble du cynisme, les démolitions sont exécutées au prétexte que ces structures, dont quelques-unes sont de simples tentes, ont été érigées sans la permission des Israéliens, ce qui est quasi impossible à obtenir, selon les Palestiniens.
En ce qui concerne les citernes, l’administration civile israélienne de Cisjordanie dit que dans au moins deux cas, et probablement davantage, elle a procédée aux démolitions parce qu’elles  étaient situées dans des zones d’entraînement militaire où l’utilisation des armes à feu pourraient représenter un danger pour leurs usagers.
“Justification historique”
 Cela , affirment les Palestiniens, n’est qu’une excuse qui fait partie d’un système de restrictions de la part des Israéliens dont le but est d’entraver leur développement tout en favorisant  l’extension des colonies.
Les ONG qui soutiennent le programme de restauration des citernes se disent fort inquiètes : les Bédouins, dont le nombre avoisine les 27.500 dans la zone C, comptent parmi les Palestiniens les plus pauvres.
En restaurant des vieilles citernes, les initiateurs du projet espéraient pouvoir contourner les restrictions sévères imposées par les Israéliens à la construction de nouvelles infrastructures hydrauliques, un facteur qui a contribué, selon l’Autorité palestinienne, à aggraver la pénurie d’eau à travers toute la Cisjordanie.
“Ces citernes sont justifiées par l’histoire”, dit  Nadi Farraj, un expert agricole palestinien qui a contribué à la restauration d’environ 140 vieilles citernes ces quatre dernières années.
Les Bédouins racontent que certaines citernes datent de l’époque nabatéenne et ont donc environ 2 000 ans. Pendant les travaux de restauration, les ouvriers recrutés dans les communautés bédouines, ont découvert divers objets dont des casques militaires de l’époque ottomane.
Sur un site isolé dans le désert, parmi des structures de pierres que l’on croit être les restes d’une église chrétienne, les ouvriers ont trouvé des fragments d’antiques sols en mosaïque pendant qu’ils restauraient deux citernes où on mène aujourd’hui les chèvres à boire.
Des photos prises pendant les travaux de restauration montrent des espaces en forme de grottes, soutenus par des piliers et des voûtes. Les citernes ne sont pas toutes souterraines. Quelques-unes sont des bassins creusés au fond de ouadis et destinés à retenir les eaux de pluie.
Atteindre les sites éloignés est souvent la partie la plus dure du travail, dit Farraj. Une fois arrivés là,  les ouvriers doivent enlever les sédiments, consolider l’imperméabilité des cloisons avec du plâtre et ensuite reconstituer les canaux de collecte de l’eau de pluie vers la citerne.
“Pénurie d’eau partout”
Dans le désert, aux portes de la ville de Zaatara, une citerne porte un symbole chrétien qui prouve qu’ elle est antérieure à l’expansion de l’Islam du 7e siècle depuis la péninsule arabique, selon un notable local, Ahmad Abou Rabada.
Cette citerne est l’une des deux citernes dont la restauration a été interrompue par Israël en juin sous prétexte que la région se trouvait à l’intérieur d’une zone de tir. Abou Rabada affirme qu’aucun tir n’y a été entendu depuis des années.
“Ils ont invoqué toutes sortes de prétextes”, dit-il.
Il craint que la démolition de la citerne par l’administration civile ne soit imminente.
Les démolitions ont été condamnées par les Nations-Unies. DanChurchAid, une ONG de l’Eglise danoise qui a financé le programme, soutient que cinq des citernes sur lesquelles elle a travaillé ont été démolies cette année, trois par l’armée israélienne et deux par des colons juifs.
"Je trouve ça extrêmement inquiétant. Toute la Corne de l’Afrique et le Moyen-Orient font face à des sécheresses d’envergure cette année ", dit  Mads Lindegarde, représentant régional de  DanChurchAid, qui fait partie d’une coalition d’ONG ayant constitué le Groupe d’urgence pour l’eau, l’assainissement et l’hygiène dans les territoires palestiniens.
 « La destruction d’antiques citernes d’eau et de ressources d’eau en général, c’est de la folie, et tout particulièrement dans une situation où les gens souffrent d’une
pénurie d’eau », dit-il.
Les démolitions ne font qu’aggraver une pénurie d’eau dans toute la Cisjordanie, selon Shadad Attili, chef de l’Autorité Palestinienne pour l’Eau.
"Quel est leur message? 'Abandonnez cette terre—c’est leur unique message", dit-il.
 Tout en niant vouloir déplacer les Bédouins par de telles méthodes, Israël a un plan pour les reloger dans des constructions en dur.
 "Ils auront de la terre gratuitement, de l’électricité, de l’eau, ce qui améliorera probablement leur situation ", affirme un porte-parole de l’administration civile israélienne. "Ils ne peuvent pas continuer à nomadiser et la terre est limitée."
"Pour les Bédouins, c’est la seule solution."

Les Palestiniens vont bientôt boucler la boucle

Original: Palestinians will soon come full circle
Traductions disponibles : Deutsch  

De nombreuses années ont été gaspillées à faire des concessions aux colonisateurs. Les Palestiniens ont eu raison d’appeler à la création d’un Etat laïc dès le début.
Le Mouvement National de libération  palestinien a atteint son stade terminal. La direction palestinienne - si tant qu'il en existe encore une, légitime, aujourd'hui - s'apprête à porter la question d’un Etat palestinien devant les Nations Unies en septembre. Dans les semaines et les mois qui viennent, nous assisterons à une énième tentative désespérée pour obtenir de la communauté internationale qu’elle assume ses responsabilités et qu’elle garantisse la création d’un Etat palestinien dans les territoires occupés [en 1967].
Les raisons de cet échec sont multiples. Avant tout, le traumatisme provoqué par la création de l’Etat d’Israël parmi les Palestiniens en 1948 n’a jamais vraiment cessé. La moitié de la population palestinienne de l’époque avait dû fuir ses foyers.
Ceux qui ont refusé de fuir sont aujourd’hui citoyens israéliens - une citoyenneté qu’ils n’avaient pas demandée, mais qu’on leur a imposée - et ils représentent aujourd’hui plus d’1,2 million d’âmes, musulmanes et chrétiennes.
Et comme si la dépossession forcée de plus de 78% de leur territoire ne suffisait pas, l'armée israélienne occupe le reste de la Palestine depuis 1967. Israël avait planifié cette occupation bien avant la guerre [de juin 1967]. L’occupation militaire est, par définition, un état de choses provisoire et on pourrait avec beaucoup d'imagination considérer que  la présence israélienne en Cisjordanie, dans la Bande de Gaza et à Jérusalem-Est est toujours provisoire 44 ans plus tard. Mais  ce qui décrit de fait la réalité de manière plus précise est plus le crime d’apartheid que celui d' occupation militaire.
A partir du début des années 1970, les Palestiniens sont devenus, comme l’a dit l’ancien diplomate palestinien Afif Safieh, « déraisonnablement raisonnables ». Année après année, les dirigeants palestiniens ont consenti concession sur concession, essayant d’d'obtenir une résolution équitable à leur dépossession et à l’occupation militaire.
Cette série de concessions apparemment sans fin a connue son apogée avec ce qu’on a appelé les accords de paix d’Oslo en 1993. Ces accords étaient issus de négociations profondément déséquilibrées entre l’OLP et Israël, qui visaient à amener les parties à trouver un « accord sur le statut final » dans un délai de cinq ans.
Les accords d’Oslo ont tout bonnement entériné le principe de l’occupation militaire et ont codifié l’incroyable déséquilibre entre la force occupante (Israël) et le peuple occupé (les Palestiniens). Les accords ont échoué lamentablement et à plusieurs reprises. Non seulement l’accord final n’a jamais vu le jour, mais aujourd’hui on est plus loin que jamais d'une solution à deux Etats. Aucun ergotage de la onzième heure de la part de Barack Obama et de Benjamin Netanyahu pour relancer des négociations en partant de la question des frontières n’est acceptable. Les tergiversations du passé n’avaient engendré que des dommages irréparables sur le terrain, invitant à la capitulation palestinienne plutôt qu’à une reprise des négociations.
Après avoir lutté pour relancer le processus de négociation pendant deux décennies, les Palestiniens ont perdu confiance dans le processus et dans toutes les instances chargées de le superviser, à savoir le Quartet, USA Russie, Union Européenne et Nations Unies. Pendant toute la période de ce processus, Israël a confisqué toujours plus de terres, construit toujours plus de colonies et causé toujours plus de morts et de destructions.
Tout observateur honnête arriverait à la conclusion qu’Israël n’a aucune intention de permettre aux Palestiniens de créer une nouvelle réalité sur le terrain Etat, pour avancer vers une solution viable et réalisable de la crise. Mêmes les puissances qui tiennent le manche, USA et Union Européenne, n’ont engagé aucune action sérieuse pour mettre fin à ce conflit sur la base du droit international. Pour les Palestiniens, la diplomatie a lamentablement échoué, leur laissant toujours moins de terres et d’eau, les laissant toujours plus désunis, toujours plus pauvres, avec de moins en moins d'espoir.
Le drame qui se déroule alors qu'approche l'échéance de septembre tourne autour d’une équation simple. Ceux qui prétendent être les dirigeants palestiniens n’ont plus de tours dans leur manche pour justifier la poursuite de négociations avec la puissance occupante. Il ne leur reste donc que ce qu’ils décrivent comme une démarche stratégique pour effectuer une demande d’adhésion de l’Etat palestinien à l’ONU.
L’objectif politique sous-jacent qu’ils tentent de rétablir est que la solution de ce conflit apparemment insoluble est celle à deux Etats, Israël et Palestine, basée sur la résolution 181 de l’Assemblée Générale des Nations Unies, qui a divisé la Palestine en 1947 (illégalement, pourrais-je ajouter). On peut accorder à cette démarche un 20/20 pour l’effort bien qu’il soit voué à l’échec, que la Palestine soit admise à l’ONU cette année, dans cinq ans ou jamais. Les réalités du terrain ont drastiquement changé depuis 1947. Israël, grâce au soutien aveugle des USA, est parvenu à éliminer la solution à deux Etats des options réalisables.
Les nouveaux dirigeants palestiniens, ceux que les négociateurs israéliens n’ont pas encore rencontrés, voient les choses différemment et refusent de croire qu’Israël désire vivre en paix quand les faits montrent le contraire depuis 64 ans. Ces nouveaux dirigeants palestiniens jugent l’Etat hébreu pour ce qu’il est : un Etat colonialiste, un mouvement d’apartheid puisant ses idées dans le racialisme, une idéologie exclusiviste qui refuse de permettre la création d’un autre Etat entre la Méditerranée et le Jourdain, sans parler du refus exprimé aux Palestiniens de les laisser rentrer chez eux et de les indemniser pour ce qu’ils ont subi, comme cela a été stipulé comme condition à l’admission d’Israël comme Etat membre de l’ONU le 11 mai 1949.
Une fois que la démarche, condamnée d'avance, d’adhésion de la Palestine à l’ONU sera lancée, un nouveau paradigme prendra racine,  qu'Israël redoute car il implique que Palestiniens et Israéliens sont égaux, co-citoyens, partenaires. Cette nouvelle période verra les Palestiniens abandonner l’envie d’un Etat indépendant dans une portion de la Palestine historique. Au lieu de cela, ils souhaiteront faire partie d’une structure politique représentative, défendant leur désir d’autodétermination dans leurs territoires historiques, même si ce pays est aujourd’hui appelé Israël.
Les Palestiniens vont bientôt boucler la boucle. Ils ont eu raison - et cela leur en a coûté - de souhaiter un Etat laïc et démocratique dès le début du conflit. Ils ont malheureusement perdu un temps précieux et trop de vies humaines en essayant d’accepter des modalités injustes de résolution du conflit.
En l’état actuel, plus tôt Palestiniens et Israéliens comprendront que leur destinée est de coexister et d’être égaux, plus tôt nous pourrons commencer à réhabiliter nos communautés et construire une société unique dont les citoyens seront égaux devant la loi et en tant qu’êtres humains.