mercredi 5 octobre 2011

France : De la politique de l’égout au dégoût de la politique

par Pedro da Nóbrega, 5/10/2011
Dans l’ambiance décadente de fin de règne qui préside à la conclusion de la monarchie sarkozyste, chaque jour nous livre son lot de turpitudes, de coups tordus, « d‘affaires » et de scandales sulfureux.
D’intermédiaires véreux en commissions occultes, d’hommes de l’ombre porteurs de valises de billets fleurant bon la corruption soudain révélés à la lumière médiatique on ne sait par quel soudain regain de « bonne conscience », de révélations de « trous de serrure » assorties de détails censés être croustillants sur les mœurs des puissants en découvertes de pratiques condamnables qui impliquent les plus haut niveaux de responsabilité de l’Etat, un climat délétère se développe propice aux dérapages les plus démagogiques et permettant surtout d’évacuer le débat de fond sur les choix économiques et politiques.

Il est vrai que face aux résultats désastreux de sa politique, à l’absence de toute proposition politique pour changer le cours des choses et à la perte de crédibilité qui se creuse pour le pouvoir actuel, la tentation est grande de situer le débat au niveau du caniveau pour masquer sa faillite. Exit le recul sans précédent des droits sociaux et collectifs, la casse des services publics et l’explosion de la détresse sociale, la loi scélérate sur les collectivités territoriales qui consacre la mort des communes et l’étouffement de ce qu’il reste de démocratie locale, le bradage de l’économie française aux appétits des financiers, place à la fange et aux « affaires » !

Même si l’histoire ne repasse pas les plats, il n’est jamais inutile d’en rappeler quelques enseignements car il est d’autres époques où la floraison de scandales en tout genre n’aura pas peu contribué à donner du poids aux tentations autoritaires et à favoriser la montée de discours exclusifs et xénophobes dans un contexte où la peur de l’autre comme du lendemain agit comme un ressort fondamental.

Les dérives autoritaires d’aujourd’hui qui s’accompagnent d’atteintes de plus en plus graves aux libertés individuelles et d’une stratégie de criminalisation de toute forme d’opposition qui n’accepte pas de se restreindre au strict cadre institutionnel défini par l’idéologie dominante se traduisent aussi par des tentatives de circonscrire, de façon insidieuse et dans un cadre « légal », le champ de la démocratie en figeant dans le marbre des contraintes économiques et politiques qui obèrent toute alternative dans le champ des possibles.
La fameuse « règle d’or » s’inscrit parfaitement dans cet objectif, dans la droite ligne des objectifs fixés par le Traité Constitutionnel rejeté pourtant, faut-il le rappeler, par une large majorité de votants en France. Traité pourtant revenu par la fenêtre institutionnelle au mépris de l’expression souveraine du peuple.

Mais pour masquer sa faillite politique et économique, l’autre versant de la stratégie d’un pouvoir aux abois, face aux innombrables scandales qui s’accumulent en témoignant de la collusion du pouvoir politique avec les puissances d’argent, consiste à allumer des contre-feux qui ne font qu’alimenter la thèse du « tous-pourris » dont chacun sait qui peut en tirer profit.

Décrédibiliser l’intervention politique offre l’avantage de diluer leurs propres responsabilités et d’encourager la résignation qui, nourrie du sentiment que le politique n’est plus en capacité de changer le réel, ne peut qu’encourager l’abstention, pas seulement électorale, et le repli sur soi. Peut leur chaut qu’un tel processus sape les fondements même de la démocratie, au contraire, car elle ne leur convient tant qu’elle ne remet pas en cause les bases du système.

Il est licite, si j’ose dire, de s’interroger à cet égard, sur le contre-feu providentiel que constitue l’affaire Neyret, du nom de ce haut responsable de la Brigade Criminelle, à qui la rumeur publique prête infiniment plus de vices, que les faits avérés ne semblent indiquer. Sans être je l’avoue un admirateur inconditionnel des agents de la force publique, je trouve curieux qu’un flic unanimement reconnu par ses pairs comme quelqu’un d’efficace sur le plan des résultats, en poste depuis des années sans avoir jamais reçu de sa hiérarchie autre chose que des félicitations, devienne tout d’un coup un affreux « ripoux » dont tous les échotiers ne cessent de décrire par le menu les « supposées » turpitudes.

En l’état des éléments connus à l’heure actuelle, s’il semble que ce haut gradé ait pu prendre quelques libertés avec les procédures administratives, il se situe bien loin des faits de concussion avec le crime organisé qu’un certain cirque médiatique lui impute. D’autant plus qu’il paraît difficile de croire que sa hiérarchie soit « angélique » au point d’ignorer totalement des méthodes qui, aux dires de beaucoup de spécialistes n’avaient rien d’exceptionnel, mais garantissaient des résultats que cette hiérarchie ne se privait pas d’exploiter. La belle affaire que la pseudo-révélation des fréquentations du commissaire chez les « mauvais garçons », comme si pour enquêter sur le milieu, il lui fallait courir les soirées mondaines de la bonne société. Quoique voilà qui pourrait plutôt intéresser les inspecteurs de la Financière concernant la délinquance en « col blanc ». Le commissaire Neyret, victime collatérale des scandales à répétition touchant le cœur du pouvoir ?

Pour paraphraser l’ami Jean Ferrat, « quelle décadence ! Quelque chose est pourri dans le royaume de France ! »

Il est grand temps de reconquérir la dignité du débat politique et de redonner à notre peuple le goût de l’action collective pour relégitimer notre démocratie. Et cela ne passera pas seulement par les urnes même si elles font partie du parcours, mais aussi par un grand dessein commun qui ébauche une alternative claire à cette démocratie de « basse intensité » dans laquelle le pouvoir actuel cherche à enfermer le débat politique, quitte à le faire mariner dans un cloaque.

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