dimanche 30 janvier 2011

Égypte: échec au blackout

Le blackout imposé par la police moubarako-soleimanesque sur les communications Internet et téléphoniques est un échec, grâce à la solidarité de la communauté mondiale des internautes.
Lire
Without Internet, Egyptians find new ways to get online

Ben Ali, un partenaire idéal : la double morale de la politique allemande vis-à-vis de la Tunisie

par German-Foreign-Policy.com, 18/1/2011. Traduit par  Michèle Mialane et édité par  Fausto Giudice, Tlaxcala
TUNIS-BERLIN-À Berlin on a réagi à la chute de notre vieil allié tunisien Zine El Abidine Ben Ali par une volte-face grotesque. En plein accord avec son Ministre des Affaires étrangères, la Chancelière a déclaré qu’il  « serait désormais indispensable de respecter des droits humains ». Depuis des dizaines d’années des organisations de défense des droits humains déposaient  des plaintes auprès de la Chancellerie et du Ministère des Affaires étrangères au sujet des graves violations de ces droits imputables au gouvernement tunisien- sans résultat.
De fait, le gouvernement ultra-répressif du Président Ben Ali comptait parmi les alliés de la République fédérale en Afrique du Nord ; non content d’être un collaborateur zélé au plan politique, il offrait aux entreprises allemandes des  conditions extrêmement lucratives - les bas salaires pratiqués en Tunisie en avaient fait pour les managers allemands leur lieu de production préféré en Afrique du Nord. La presse économique allemande  tressait récemment encore des lauriers à Ben Ali, le « dictateur soft », aujourd’hui diabolisé par Berlin, qui souhaite conserver son influence en Tunisie après la chute du Président. Il y a quelques semaines encore la Fondation Konrad Adenauer, proche de la CDU, déclarait que le régime tunisien était un « partenaire idéal ».
Un prolongement des ateliers  allemands ?
Le régime du Président tunisien Zine El Abidine Ben Ali, désormais renversé, entretenait des liens étroits avec Berlin et les entreprises allemandes. La Tunisie est  de quelque importance pour l’industrie allemande : c’est le prolongement de ses ateliers. L’Allemagne est le troisième partenaire commercial de la Tunisie. Elle importe en particulier des produits semi-finis pour en faire - souvent dans des entreprises où les Allemands ont des participations - des produits finis destinés aux consommateurs allemands. Un exemple classique : l’industrie textile, qui introduit des matières premières et les  fait transformer en Tunisie pour des salaires dérisoires. Ce type de production représente 40% des importations tunisiennes d’Allemagne et 80% des exportations vers l’Allemagne. « La Tunisie est au Maghreb le premier partenaire des exportateurs allemands», écrit le Ministère des Affaires étrangères, parlant du rôle de tâcheron économique joué par cet État.1 Parallèlement, l’Allemagne est le quatrième investisseur étranger en Tunisie ; dans ce pays plus de 250 entreprises essentiellement exportatrices travaillent avec du capital allemand; par exemple le sous-traitant automobile Leoni, bien connu, qui fait travailler environ 12 000 Tunisiens pour remplir les poches des Allemands.
 Leoni, fabriquant de faisceaux de câbles à Sousse

Des salaires de misère
Les raisons la prédilection des managers allemands pour la Tunisie ont été en 2008 splendidement exposées par l’Agence fédérale pour le  commerce étranger Germany Trade and Invest (gtai). Celle-ci écrivait alors 2: « Les salaires tunisiens se situent  « tout en bas de l’échelle internationale’. » Seuls quelques pays d’Extrême-Orient pratiquaient « des salaires inférieurs » ; même « le Maroc et la Turquie » sont obligés « d’accorder des salaires plus élevés ». Voilà très précisément décrite la pauvreté qui - jointe  à la corruption, qui apparemment ne cause aucun tort aux firmes allemandes - a déclenché la révolte cotre le régime de Ben Ali. « Un pays évolué et acquis au libéralisme » - voilà ce qu’était la Tunisie pour la presse économique d’il y a plusieurs années, qui se félicitait des salaires de misère tunisiens ; le pays s’imposait ainsi comme « un endroit rêvé pour les investissements industriels. » L’un des principaux responsables de ces conditions lucratives était Ben Ali, le « dictateur soft ». 3
En vertu de l'accord d'association entré en vigueur en 1998, il n'y a plus de barrières douanières entre la Tunisie et l'UE depuis 2008. Ici Ben Ali avec Herman Van Rompuy, président de la Commission européenne

Pas pris au sérieux
De fait Ben Ali a veillé à ce que son pays rapporte aux entreprises européennes. Durant sa présidence, en 1995, Ben Ali a conclu un accord d’association avec Bruxelles, s’est ensuite  rapproché de la politique commerciale de l’UE et a fait  entrer son pays - le premier en Afrique du Nord - dans une zone de libre échange avec l’Europe. Il y a été fortement aidé par la politique allemande d’aide au développement, qui, d’après le Ministère des Affaires étrangères, a fait sien le programme de « modernisation de l’économie tunisienne » - préparant ainsi le pays à « l’union douanière avec l’UE »4. Dans le domaine de la lutte contre l’immigration aussi le gouvernement Ben Ali s’est montré en général coopératif avec l’Europe, en particulier grâce à quelques vedettes militaires d’occasion que Tunis avait rachetées en 2005 à la marine de guerre allemande. Seules  quelques organisations de défense des droits humains protestèrent. Une des clauses de l’accord d’association passé entre l’UE et la Tunisie prévoyait en théorie le respect des droits humains, fit remarquer Amnesty International en 2006 : « Si l’UE prenait ce passage vraiment au sérieux », elle aurait dû « résilier » cet accord depuis longtemps.5
Usine de confection en Tunisie. Salaires horaires des ouvrières : 0,75 €

Aucune aide à attendre
Il est évident que Berlin n’avait aucun intérêt à gêner une coopération aussi lucrative en insistant sur le respect dû aux droits humains. Même confronté aux reproches faits à l’appareil répressif tunisien de pratiquer la torture, le gouvernement fédéral répondait que « le gouvernement tunisien présente cela sous un tout autre jour », rapporte le journaliste Marc Thörner dans une interview accordée à notre rédaction en 2005. Lui-même avait été victime en Tunisie de répression policière illégale au cours d’investigations en 2003. Ayant, puisqu’il était citoyen allemand, demandé de l’aide à l’ambassade d’Allemagne, il s’était entendu répondre qu’il devait se soumettre aux autorités du pays et n’avait aucune aide à attendre  son ambassade6. Le grand manitou de la diplomatie allemande était à cette époque Joseph (Joschka) Fischer (Bündnis 90/Die Grünen Alliance 90/ Les Verts, Ndlt).  Berlin n’a modifié en rien sa politique tunisienne jusqu’à la fin de l’année 2010. Par exemple, lorsqu’en novembre 2010 une délégation parlementaire tunisienne de haut rang - sous la conduite du Président d’une Commission compétente entre autres en matière de « droits humains » - rendit visite à la Fondation Konrad Adenauer, proche de la CDU, le vice-Premier secrétaire de la fondation qualifia Ben Ali de « partenaire idéal7».
Grotesque
Au prix d’une grotesque volte-face Berlin essaie maintenant de prendre ses distances  d’avec son partenaire Ben Ali, après sa chute. Dès ce week-end la Chancelière - par ailleurs membre du Directoire de cette même Fondation Konrad Adenauer, naguère encore si enthousiaste de l’État répressif de Ben Ali - déclarait qu’il était désormais « indispensable de respecter mes droits humains et de garantir la liberté de presse et de réunion ». L’UE et en particulier l’Allemagne étaient bien sûr prêtes  « à apporter leur soutien pour  ce nouveau départ8 ». Le Ministre des Affaires étrangères, dont les services avaient laissé tomber même des journalistes allemands persécutés par l’appareil répressif tunisien déclarait maintenant que la Tunisie avait besoin « de réformes durables et solides9.  Un coup d’œil aux notes d’ information émises par le Ministère des Affaires étrangères au sujet de la Tunisie révèle cependant les  difficultés que rencontrent ses services pour  se dépêtrer de la chute de son allié tunisien de longue date. On peut y lire, en août 2010 , que « les relations de la Tunisie avec  l’Allemagne sont bonnes et intensives 10». La situation des droits de l’homme dans ce pays répressif d’Afrique du Nord présente certes « quelques déficits » « dans la pratique ». Mais le pessimisme n’est pas de mise : « La Constitution garantit le respect des droits humains et une justice indépendante11 ». 
Notes
1 Beziehungen zu Deutschland (Relations avec l’Allemagne, Ndlt); www.auswaertiges-amt.de  août 2010
2 Lohn- und Lohnnebenkosten - Tunesien (Salaires et charges en Tunisie Ndlt); www.gtai.de  28.03.2008
3 Milder Diktator (Un dictateur soft, Ndlt); www.wiwo.de  03.06.2006
4 Beziehungen zu Deutschland (Relations avec l’Allemagne, Ndlt); www.auswaertiges-amt.de  août 2010
5 Nichts hören, nichts sehen; AI-Journal April 2006 (Ne rien voir, ne rien entendre, Journal d’Amnesty International, avril 2006)
7 Ausgezeichnete Partnerschaft stärker in Wert setzen(Mieux mettre en valeur un partenariat idéal, Ndlt); www.kas.de 11.11.2010
8 Bundeskanzlerin Merkel zur Lage in Tunesien; Presse- und Informationsamt der Bundesregierung 15.01.2011(la Chancelière Merkel sur la situation en Tunisie ; service de  presse et communication du gouvernement fédéral, le 15/01/2011)
9 Bundesaußenminister Westerwelle begrüßt Bildung einer Regierung der nationalen Einheit in Tunesien; Pressemitteilung des Auswärtigen Amts 17.01.2011 (Westerwelle, Ministre allemand des Affaires étrangères salue la formation d’un gouvernement d’unité nationale en Tunisie; déclaration du Ministère des Affaires étrangères à la presse en date du 17/01/2011)
10 Beziehungen zu Deutschland (Relations avec l’Allemagne, Ndlt); www.auswaertiges-amt.de  /août 2010
11 Innenpolitik (Politique intérieure, Ndlt) ; www.auswaertiges-amt.de  / août 2010

samedi 29 janvier 2011

Égypte : un peuple en marche

Suez : la multitude crie sa révolte
Alexandrie: le commissariat central de police brûle
Le Caire : face à face
Gizeh : le commissariat de police brûle
"On ne veut plus de toi"
Une très dangereuse islamiste, comme dirait Caroline Fourest

Une autre très dangereuse islamiste
"Moubarak, nous te haïssons"
Quand les pères de famille saisissent les pavés, ce n'est plus une révolte, c'est une révolution

Réactions de patrons européens à la révolution tunisienne : entre prudence et enthousiasme

La Tunisie est une terre d’élection de l’industrie européenne, qui y sous-traite de nombreuses activités. Les industries mécaniques et électroniques viennent au premier rang, suivies par l’industrie du textile et de l’habillement, qui emploie 200 000 ouvriers et ouvrières, et exporte 97% de sa production vers l’Union européenne. Il est intéressant d’observer les réactions dans ces secteurs à la Révolution en cours. Du côté de l’industrie de la confection, on semble inquiet (lire ci-dessous). En revanche, les « modernistes » se frottent les mains et espèrent « investir dans la démocratie »  tout en faisant leur auto-promotion (lire ci-dessous).
Tunisie: le secteur du textile en pleine incertitude
Par Matthieu Guinebault, Fashionmag, 19/1/2011
Alors que la "Révolution du Jasmin" se poursuit en Tunisie, le marché local du textile et de l’habillement tente de poursuivre son activité dans un contexte très flou.

Ce qu’a notamment pu constater un styliste parisien dont les productions sont réalisées en Tunisie. "Cela fait quelques jours que je ne parviens plus à contacter la société de teinture" explique-t-il. "Du peu d’informations que j'ai pu réunir, il ressort que le transport de marchandises connaît des difficultés. Quelque 800 pièces ont en plus été volées directement dans l’usine".

Et, quand les professionnels locaux sont en mesure de répondre, il devient difficile de discerner les faits au milieu des rumeurs. "On entend de tout" déplore le directeur adjoint d’une usine située près de Tunis. "On entend parler d’usines brûlées, voire de camions pris d’assaut, mais sans jamais pouvoir confirmer cela derrière. On ne sait pas quoi dire à nos clients car nous-mêmes nous ne savons pas si nos prestataires sont opérationnels. Et tant que des proches de Ben Ali resteront au pouvoir, on s'attend à ce que les grévistes restent nombreux". C'est en effet la grève générale du vendredi 14 janvier qui aurait provoqué le départ de l'ex-président.

"La période de transition va évidement être compliquée pour le pays" commente Sélima Hachich, commissaire générale du salon Texmed, qui réunit une fois par an les professionnels locaux du textile et de l’habillement, et qui compte bien mener sa prochaine édition du 8 au 10 juin. "Aujourd’hui, nous espérons simplement que les acheteurs internationaux continueront de venir acheter en Tunisie. Car, même en pleine crise, les Tunisiens savent demeurer professionnels, et veulent tout faire pour aider au redressement du pays”.

"On retient encore notre souffle", résume un responsable de la production. "Les professionnels savent bien que, tant qu’un gouvernement accepté par la population n’est pas en place, il y a des chances pour que le clan Ben Ali reste aux affaires. Il va falloir attendre que la fumée retombe pour connaître l’impact que cela a eu sur notre industrie. Il faut donc rester le plus prudent possible pour l'instant tout en n'inquiétant pas nos clients".
***
L’industrie du textile et de l’habillement occupe une place importante dans l’économie tunisienne et vient en 2ème rang  des industries manufacturières, après avoir été devancée par les industries mécaniques et électroniques en 2007, en participant à raison de 30% dans la valeur de ses exportations.
Le secteur du textile-habillement, dominé par les industries de l'habillement, compte  plus de 2000 entreprises et emploie près de 200 mille personnes.
Le secteur textile-habillement tunisien est dominé par la confection et la bonneterie qui participent à hauteur de 90% des exportations et plus de 80% des emplois.  Le secteur textile en amont demeure le maillon faible du système (près de 260 entreprises en filature, tissage et finissage). Les filateurs disposent d’environ 109 000 broches et 6 000 rotors alors que le secteur du tissage compte moins de 4 000 métiers dont plus de  la moitié avec navette. 
La Tunisie figure parmi les principaux leaders mondiaux exportateurs d’habillement, l‘Europe est la  première destination des exportations de vêtements tunisiens (97%).
La Tunisie est classée parmi les cinq premiers fournisseurs de l'UE en produits d'habillement, elle se place  derrière la Chine, la Turquie, le Bangladesh et l'Inde.

Salaires horaires des ouvrières de l’industrie du textile-habillement  (2011)

France : 9 €
Turquie : 1,99 €
Maroc : 0,93€
Algérie : 0,86 €
Tunisie : 0,75 €
Jordanie : 0,61 €
Roumanie : 0,48 €
Bulgarie : 0,45 €
Chine : de 0,35 à 0,84 €
Égypte : 0,24 €
Bangladesh : 0,16  €
Sans commentaire



***
[publicité gratuite]
Tunisie : «Invest in Tunisia and now … Invest in Democracy !»
Par Jean-Paul Rosette, PDG de la société belge FleXos, implantée en Belgique et en Tunisie

Interrogé ces derniers jours, par de nombreux médias sur la situation en Tunisie, Jean-Paul Rosette, PDG de FleXos, reprend à son compte une expression qui circule désormais parmi les entrepreneurs tunisiens et qui complète merveilleusement le slogan «Invest in Tunisia» par «Invest in Democracy».

Très concerné par la Tunisie, Jean-Paul Rosette a suivi les évènements de très près via Internet mais aussi, surtout, à travers l’équipe FleXos à Tunis et via ses innombrables contacts dans la capitale du pays du Jasmin parmi ses amis entrepreneurs. C’est pourquoi, il a souvent été sollicité par les médias belges et tunisiens pour communiquer son avis sur la situation.

Il ajoute: «La nouvelle démocratie tunisienne doit inciter les entreprises déjà présentes à poursuivre leurs investissements financiers et humains dans le pays. Vu l’intelligence des tunisiens dans la gestion de cette véritable révolution, je suis certain que cette nouvelle liberté va créer une dynamique économique comme ce fut le cas en Europe il y a plusieurs dizaines d’années. Le business à un certain niveau était malheureusement confisqué et cadenassé par quelques familles excluant ainsi le jeu normal de la concurrence. Désormais, chaque entreprise pourra prétendre à ce business, ce qui, pour FleXos, est une excellente nouvelle puisque nous sommes spécialisés dans les infrastructures informatiques réseau et, surtout, sécurité principalement à destination des Administrations publiques, des grandes entreprises, des opérateurs téléphoniques/Internet et des banques».

D’une manière plus large, Jean-Paul Rosette poursuit: «J’incite les entrepreneurs belges et étrangers à travailler avec la Tunisie et, pourquoi pas, en Tunisie car ils y trouveront d’excellentes compétences humaines et une porte ouverte sur un continent africain encore trop souvent méconnu mais regorgeant d’opportunités».

En conclusion: «Si je peux être utile, j’aimerais être un point de contact entre la Belgique et la Tunisie. Chaque entrepreneur peut envoyer ses coordonnées à mon adresse email jpr@flexos.com»

A propos de FleXos Tunisie

Créée en 1991 à Verviers en Belgique par Jean-Paul ROSETTE, FleXos ICT est le spécialiste innovant de la sécurité informatique. Depuis 2008, FleXos a développé une vraie stratégie sur le continent africain à partir de ses bureaux de Tunis. Le subtil mélange des compétences belges associé à la grande expertise des ingénieurs tunisiens constitue une des clés du succès de FleXos. Le partenariat solide avec l’américain Fortinet, leader mondial des boîtiers de sécurité multifonctions, permet à FleXos de compter parmi ses clients plusieurs grandes universités tunisiennes (UC, Time, Esprit, IsetCom, SupCom) et des entreprises connues comme l’ANSI, SOTETEL, CNAM, TOPNET, LA POSTE TUNISIENNE ou TUNISAIR entre autres. FleXos est implantée à Verviers, à Bruxelles, à Tunis et à Alger.

En Belgique, FleXos est actif dans l’infrastructure informatique : Réseaux | Sécurité | Mobilité | Services avec de nombreuses références tant en PME qu’en grandes entreprises.

FleXos (désormais holding) est cotée actuellement sur le Marché Libre d’Euronext Bruxelles [ FLEX ] avec l’intention de passer rapidement à Alternext Bruxelles et Paris via acquisitions/fusions en Belgique comme à l’étranger.
Source : http://www.webmanagercenter.com/management/article-100917-tunisie-invest-in-tunisia-and-now-%85-invest-in-democracy
 

vendredi 28 janvier 2011

Tunisie : divergences de l’opposition face à un système RCD relooké

par Yassin Temlali , Maghreb émergent (Algérie), 16/1/2011

La transition démocratique va-t-elle être menée par le parti officiel, le RCD moyennant un petit lifting et quelques figures honnies offertes en pâture à la vindicte populaire ? Au-delà de l’euphorie et des inquiétudes, les signes d’un changement politique radical ne sont pas évidents. Le système RCD relooké pourrait profiter des divergences de l’opposition pour rester au pouvoir. Ici, un état des lieux des forces en présence et de leurs vues dans une Tunisie en ébullition.

Ils sont rares les signes d’un changement politique radical qui ferait de la chute de Zine El Abidine Ben Ali le début d’une époque nouvelle et non d’une autre « Ère du changement ». Le pays est gouverné par un symbole du Parti officiel, Fouad Mbazaâ, qui, pas plus tard qu’en novembre 2010, priait l’ancien président de se porter candidat aux présidentielles de 2014. Son Premier ministre, Mohamed Ghannouchi, est celui-là même dont le gouvernement a réprimé les manifestations de ces dernières semaines, et bien qu'il soit présenté comme un simple « technocrate », son image ne peut être dissociée de celle de l’État-RCD. Les élections présidentielles annoncées dans quelque deux mois seront organisées par ces deux hommes, qui traînent le boulet de leur appartenance à un régime massivement rejeté pendant un mois de troubles. Les manifestants arrêtés depuis le 18 décembre 2010 ont été libérés mais des militants politiques sont encore sous les verrous, dont Ammar Amroussia, un dirigeant du PCOT, le journaliste Fahem Boukeddous et Hassan Ben Abdallah, dirigeant de la contestation populaire dans le Bassin minier de Gafsa (janvier-juin 2008). L’armée, présentée comme « neutre », semble déterminée à assurer la continuité du système sous une forme aménagée. Si elle fait arrêter d’anciens ministres de l’Intérieur, elle offre sa protection à d’autres anciens responsables non moins impliqués dans les exactions policières de ces 23 dernières années. Le « modèle tunisien », célébré par le FMI et la Banque mondiale, et dont l’échec a été magistralement démontré, n’est pas remis en cause. On a presque déjà oublié que le feu de la révolte qui a provoqué la chute d’un des plus anciens despotes de la région s’est allumé dans l’arrière-pays déshérité, marginalisé par un système économique très dépendant de l’économie européenne. Seule la corruption est dénoncée et seuls Ben Ali et sa famille sont désignés à la vindicte populaire, comme si le pillage des ressources tunisiennes était le fait d’une poignée d’hommes et de femmes et que personne au sein du Parti-État n’avait profité de leurs largesses ou leur a offert sa protection.

Gouvernement d’union nationale…
L’opposition aborde ce nouveau contexte divisée en deux camps. Le premier rassemble les partisans d’une transition douce que conduirait un gouvernement de coalition. Il comprend le Parti démocratique progressiste (PDP) de Mohamed Nedjib Chebbi, le Forum démocratique pour le travail et les libertés (FDTL) de Mustapha Ben Jafaar et El Tajdid (ancien Parti communiste), présidé par Ahmed Brahim. Les deux premières personnalités ont en commun d’avoir été empêchés de se porter candidats aux présidentielles par une loi électorale qui exigeait d’eux le soutien préalable à leur candidature de dizaines d’élus. Ahmed Brahim, quant à lui, a affronté Ben Ali lors de l’élection de 2009 et, naturellement, il n’avait nulle chance d’obtenir plus que 1,57 % des suffrages exprimés. Les trois hommes ont, toutefois, des parcours contrastés. Mohamed Nejdib Chebbi est issu de la gauche radicale, plus précisément de l’organisation maoïsante appelée El Amel El Tounsi (le Travailleur tunisien), dont est également issu le Parti communiste ouvrier de Tunisie (PCOT). Mustapha Ben Jafaar est un ancien militant du Parti socialiste destourien (ancêtre du Rassemblement constitutionnel démocratique, RCD) qu’il a quitté avant de créer, avec d’autres dissidents, le Mouvement des démocrates socialistes (MDS), en 1978, et le FDTL, en 1994.

…Assemblée constituante
Le second camp estime qu’une véritable transition passe par le « démantèlement du système Ben Ali » et l’élection d’une assemblée constituante qui rédigerait une nouvelle Constitution. Il comprend le PCOT et le mouvement islamiste El Nahda, qui ne rejette pas l’option d’un gouvernement d’union (Habib El Louz, Al Jazeera, 16 janvier 2011) s’il n’est pas conduit par un des symboles du RCD, à l’image de l’actuel Premier-ministre (Rached Ghanouchi, Al Jazeera, 15 janvier). Cette attitude est partagée par des militants démocrates à l’exemple de Sihem Ben Sedrine, du Conseil national pour les libertés (CNLT). Le Congrès pour la République (CPR) de l’ancien président de la Ligue tunisienne des droits de l’homme, Moncef Merzouki, paraît proche des positions radicales de ses anciens partenaires au sein du « Front démocratique du 18 Octobre ». Comme les responsables d’El Nahda, il accepte l’idée d’un gouvernement unitaire mais pas dans le cadre du système-RCD (« El Watan, 15 janvier 2011).

PDP et El Tajdid : le préalable d’une amnistie générale
Il n’est pas sans signification que le premier camp soit composé de partis reconnus (le PDP depuis 1988, le FDTL depuis 2002 et El Tajdid depuis 1981, sous le nom de Parti communiste tunisien) qui espèrent passer à la postérité comme les artisans de la transition tout en faisant l’expérience de la gestion des affaires publiques. Ces partis ne jugent pas le présent cadre constitutionnel totalement inadéquat pour amorcer une mutation démocratique et perçoivent l’ancien-actuel Premier ministre, Mohamed Ghanouchi, comme une « personne non corrompue » (Attia Athmouni, du bureau politique du PDP « Le Journal du Dimanche », 16 janvier 2011). Ils ne conditionnent leur participation à un gouvernement d’union que par la proclamation d’une amnistie générale et la reconnaissance des courants qui « ont déjà déposé des demandes d’agrément sans jamais l’obtenir » (cette formulation pourrait exclure El Nahda). Ils évoquent, certes, la refonte de l’arsenal juridique hérité de l’ère Ben Ali (loi électorale, etc.), mais ils n’envisagent pas de la mener dans le cadre d’institutions totalement nouvelles. Le deuxième camp est composé, quant à lui, de partis qui n’ont pas subi seulement d’importantes restrictions à leur activité (PDP, El Tajdid), mais la négation pure et simple de leur droit à l’existence et qui redoutent que cette injustice ne perdure encore. Le PCOT et El Nahda attirent l’attention sur le fait que la Constitution tunisienne a été taillée sur mesure pour les deux seuls présidents qui ont gouverné le pays depuis son indépendance, il y a de cela 55 ans. Ils rappellent que le 7 novembre 1987, Ben Ali a fait à l’opposition des promesses d’ouverture avant de lui réserver une impitoyable répression.

Une autre ligne de partage : la légalisation d’El Nahda
Une autre ligne de partage pourrait bientôt traverser l’opposition et séparer les partisans de la légalisation du courant islamiste de ses adversaires. A priori, le PDP, le PCOT et le CPR (ces deux derniers, eux-mêmes illégaux), ne verront pas d’un mauvais œil la reconnaissance d’El Nahda mais ce ne sera pas forcément le cas d’autres forces, comme El Tajdid, rétif à l’idée de donner une légitimité politique à des mouvements religieux. Les positions de l’ancien Parti communiste sur cette question bénéficient du soutien d’autres groupes (non reconnus) comme le Parti socialiste de gauche (une scission du PCOT), qui ont été ses alliés au sein de l’Initiative démocratique (présidentielles 2009). Elles pourraient être aussi soutenues par des associations qui craignent que la légalisation d’El Nahda n’annonce la fin de la laïcité spécifique tunisienne et la remise en cause des droits des femmes. Le régime relooké de Fouad Mbazaâ pourrait, de son côté, agiter l’épouvantail d’une prise de pouvoir par les islamistes, pour convaincre les grandes puissances d’entériner le changement contrôlé qu’il a amorcé et diviser l’opposition comme Ben Ali a réussi à le faire après le coup d’État du 7 novembre 1987.

Égypte-Internet est offline, mais la rue est online : Les jours de Moubarak sont comptés

SOUTIEN à la Révolution égyptienne : Rendez-vous à Paris
Place du Châtelet  vendredi 28 janvier à 18h !
Ambassade d'Égypte, 56 avenue d'Iéna, samedi 29 janvier à 14 h

Le gouvernement égyptien a déconnecté aujourd'hui toute l'Égypte d'Internet. Un défi à ses protecteurs de Washington, qui ont lancé l'année dernière leur opération "Internet Freedom", pour aider les internautes soumis à la censure par les dictatures. Évidemment, l'Égypte de Moubarak n'était pas considérée comme une dictature par Obama et Mrs Clinton.Mais les grands démocrates de Washington ne vont pas pouvoir longtemps encore garder leur masque hypocrite. D'autant plus que Moubarak s'est livré à une autre provocation en assignant à résidence Mohamed El Baradei, le chouchou de la "communauté internationale". Sans parler de la fermeture des bureaux de la chaîne Al Jazeera au Caire. Il suffit que Washington lâche Moubarak et il ne restera plus à celui-ci qu'à prendre l'avion pour Djeddah, si le peuple le lui permet.
Voici le dernier dessin de Carlos Lattuf sur la révolution égyptienne en marche: Internet est déconnecté (offline), mais la rue est branchée (online)!

Les Yéménites entrent à leur tour dans la danse

Les Yéménites, qui subissent le même despote depuis 32 ans (et qui rêve d'organiser une succession dynastique pour son fils) ne veulent pas être en reste par rapport à leurs frères tunisiens, algériens, égyptiens et jordaniens. Ils ont déferlé dans les rues de Sanaa pour dire leur ras-le-bol. Reportage vidéo d'Al Jazeera.

Quelques  slogans sur les banderoles et pancartes  :
Ensemble pour arrêter la farce  désastreuse (al mazala) du parti au pouvoir !
« Le Yémen est dans nos poches », Signé : L’Organisme National pour la Corruption » (El Haia El Watania Lil Fasad)
Non à la succession dynastique !
Non aux collabos (oumalah), non aux opportunistes (mortaziqah), non aux corrompus (mufsidin) !

Les dessins du jour de Mahjoob كاريكاتورية اليوم من محجوب

Le réveil du monstre
Sur les banderoles : « liberté », « justice », « révolution »

En haut : gouvernements arabes 
En bas : la rue
Sur les seringues : « calmants », « tranquillisants », « anesthésiques »

اولى الصور لالقاء القبض على الطرابلسية بعد محاولتهم الفرار من مطار قرطا Premières images de l'arrestation de membres du clan Trabelsi à l'aéroport de Tunis le 14 janvier


“Il est temps de libérer cette énergie positive”: Le cinéaste palestinien Elia Suleiman “rêve” de voir la révolution tunisienne s'étendre

Par Pierre Haski | Rue89 | 27/01/2011
J'avais rendez-vous avec le réalisateur palestinien Elia Suleiman pour parler cinéma. Mais lui s'était levé tôt pour écouter les informations sur les manifestations en Egypte, et parlait avec émotion d'un SMS reçu d'un ami qui se trouvait au cœur de la protestation du Caire. Alors nous avons parlé de la révolution tunisienne, du monde arabe, et du monde tout court. Entretien.
Le réalisateur d'« Intervention divine », primé à Cannes en 2002, et du « Temps qu'il reste » sorti l'an dernier, est le co-parrain du Festival « Un état du monde et du cinéma » qui s'ouvre vendredi au Forum des images de Paris, et dont Rue89 est partenaire.

Elia Suleiman est lui même surpris par son enthousiasme face aux événements de Tunis et du Caire, lui qui se croyait immunisé :

    « Je suis arrivé à un point où je contrôle généralement mon excédent d'enthousiasme qui peut ne pas être utile et peut conduire à de nouvelles déceptions. Nous sommes devenus tellement pessimistes que lorsque surgit un événement de ce type, nous en prévoyons déjà la mort.

    Ça m'a conduit à être trop prudent, à penser que ce dictateur [Ben Ali, ndlr] va sans doute s'en tirer en tuant autant de gens qu'il le faudra. Et puis soudain, il y a la nouvelle qu'il est vraiment parti ! Quelle surprise.

    Et après ça, on commence à avoir ses amis au téléphone, et on devient affamé, politiquement affamé. On veut voir un deuxième pays tomber, un troisième, un quatrième !
    Lorsque l'Egypte a démarré, je me suis dit la même chose, là c'est impossible, c'est trop gros… Ce matin [mercredi, ndlr], la première chose que j'ai faite est de regarder les infos et j'ai été épaté ! Je suis toujours prudent, mais de plus en plus enthousiaste.

    C'est là que je deviens un peu puéril dans ma manière de rêver éveillé : j'espère que ça ne s'arrêtera pas, non seulement en ce qui concerne les Etats, mais aussi pas seulement restreint au monde arabe. Pourquoi seulement les Arabes ? Certes, ce sont des juntes corrompues, mais d'où sortent ces régimes ?

    Ne devrait-il pas y avoir une réévaluation à une échelle globale ? Je ne suis pas capable d'imaginer la moindre forme d'activisme, et donc je jouis de ces événements de manière solitaire, je ne “Facebooke” personne…

    Dans mes rêves, je me dis : pourquoi le monde ne s'arrête-t-il pas maintenant ? Si tout le monde éteignait l'électricité en même temps, ou cessait d'utiliser son portable cinq minutes au même moment, est-ce que ça n'enverrait pas un message fort et provoquerait des changements ?

    Il ne faut imiter le changement à Tunis, mais aussi ceux qui ont fait que la situation de la Tunisie était ce qu'elle était. Il y a une question morale à ne pas établir un cordon sanitaire pour limiter ces soulèvements au monde arabe, même si je n'appelle pas nécessairement à des soulèvements. Ces voix nous parlent aussi, en France ou ailleurs. » (Voir la vidéo, en anglais)

A quel type de changement Elia Suleiman rêve-t-il éveillé, comme il le répète plusieurs fois ?
    « Je ne rêve pas d'une structure particulière, mais d'une forme floue de libération. Je rêve de voir les systèmes s'effondrer pour que les affamés n'aient plus à penser à manger. Pour être franc, je ne sais plus ce que la démocratie signifie en termes philosophiques, je raisonne plus en terme de liberté d'expression, liberté de mouvement. C'est un dû aux peuples, au lieu de les humilier. Et je me demande si l'humiliation n'est pas pire que la faim, même si je dis ça à partir de ma position privilégiée.

    Je ne crois pas que l'immolation de cet homme [Mohamed Bouazizi, ndlr] en Tunisie ait pu provoquer cette révolution. Ce fut juste le déclencheur. La vérité, c'est qu'il y a eu tellement d'humiliation qui s'est transformée en colère.

    Cette humiliation, elle existe également en Egypte, je la connais, je l'ai vue, elle est tellement oppressante.

    Quand je dis que je rêve éveillé, je ne parle pas d'un point de vue statique, c'est une source d'énergie. » (Voir la vidéo en anglais)



Difficile de ne pas évoquer avec ce natif de Nazareth, donc « Arabe israélien », c'est-à-dire membre de la minorité palestinienne d'Israël, l'attitude de l'Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas, qui a interdit toute manifestation aux protestataires tunisiens pendant les événements qui ont conduit au départ de Ben Ali.

    « Il y a deux manières de regarder l'Autorité palestinienne, l'une négative, l'autre positive. La négative, c'est qu'il est pathétique qu'une non-autorité tente de faire preuve d'autorité… A qui parlent-ils, et qui croient-ils tromper ?

    La partie positive c'est que, n'ayant aucune autorité, cela laisse de l'espace pour le changement. Cela entraîne une sorte de solidarité avec la vulnérabilité de l'Autorité palestinienne : les gens savent qu'ils peuvent les renverser d'un seul coup, que la rue peut leur dire d'un seul coup “ça suffit ! ” Et les événements de Tunisie ou d'Egypte rendent ce scénario possible.

    L'Autorité n'a d'autorité sur rien, le vrai visage de l'Autorité, c'est évidemment Israël. C'est triste, je connais des membres de cette Autorité et je sais qu'ils ont de bonnes intentions. Avec ces événements, on en revient aux fondamentaux, c'est-à-dire l'occupation qui dure depuis si longtemps.

    On en vient à être jaloux des autres situations dans le monde, il s'est passé tellement de choses, mais pas chez nous, ou chez eux dans mon cas…

    Ce qui vient de se passer est donc très positif, ça recentre le débat : on devrait mettre fin à ces fausses négociations et se retrouver face à Israël et à ceux qui le soutiennent, et de tous les pouvoirs oppressifs. C'est le message des humiliés de ce monde aujourd'hui, il est temps de libérer cette énergie positive. » (Voir la vidéo en anglais)


jeudi 27 janvier 2011

Zabastan زاباستان: Le clan Ben Ali-Trabelsi, ou le jeu des 2 familles

Il aura fallu 23 ans pour que la presse française, en l'occurrence Le Monde, publie ce genre de documents. Mieux vaut tard que jamais !
 Pour connaître les détails, cliquer ici

يوم الغضب المصري 25/01/2011 من سيدي بشر بالاسكندرية Alexandre, Égypte, 25 janvier : le peuple est dans la rue

thaoura thaoura chaabiyeh
révolution révolution populaire
thaoua thaoura hatta al nasr
révolution révolution jusqu'à la victoire
houma min ouahla min?
qui sont-ils et qui sommes-nous ?
houma al oumra'e oual salatiin
eux, c'est les émirs et les sultans
ouahna el fuqarra'a al madiounin
et nous des pauvres privés de tout

Tunisie : Lettre ouverte à Facebook

Texte de la lettre ouverte à Facebook demandant la préservation et la libre consultation des contenus multimédias déposés sur Facebook durant les événements de décembre 2010 et janvier 2011 en Tunisie [RSF/GV/RWW/CPB]
Monsieur Zuckerberg,
La Tunisie vient de vivre une événement historique à plus d’un titre. Car il s’agit de la première révolution populaire dans le monde arabe, et parce que votre société, Facebook, y a joué un rôle non négligeable.
L’une des rares technologies sociales quasiment libres d’utilisation en Tunisie sous la présidence de Zine el-Abidine Ben Ali, Facebook a longtemps été le seul espace où la liberté d’expression était possible dans ce pays où la toile tunisienne était ultra surveillée et faisait l’objet d’une censure importante. Aujourd’hui, au lendemain de la fuite de l’ancien président, le gouvernement provisoire d’union nationale s’est engagé à garantir la liberté d’expression des citoyens tunisiens, notamment sur Internet.
Le rôle de Facebook reste à éclaircir dans le déroulement des événements en Tunisie, mais il est indéniable que le réseau proposé par votre société et fréquenté par 1,9 million de Tunisiens, – 54,7 pour cent des Tunisiens fréquentant Internet – a eu un rôle non négligeable dans la circulation de l’information concernant les événements survenus en Tunisie. En effet, depuis le 17 décembre 2011 et le début du soulèvement populaire qui a conduit à la chute de Zine el-Abidine Ben Ali, Facebook a servi de plateforme sur laquelle les internautes tunisiens écrivaient des commentaires, postaient des vidéos et des photos, afin de témoigner du caractère extrêmement violent de la répression policière à l’encontre des manifestants.
Il nous semble important que l’ensemble de ces informations (témoignages écrits, vidéo, audio) soient sauvegardées, afin qu’elles puissent servir de base de données pour toute personne qui souhaitera analyser ce tournant historique.
Par la présente lettre, Read Write Web Francophone, l’un des blogs technologiques les plus réputés, Global Voices en français, qui publie depuis mars 2007 les témoignages des blogueurs tunisiens sur la censure et la répression en Tunisie, Reporters sans frontières et le Comittee to Protect Bloggers, associations qui ont défendu les journalistes et les blogueurs tunisiens inquiétés, arrêtés ou emprisonnés et dénoncé la censure, vous demandent de sauvegarder toutes les données relatives aux événements de décembre 2010 et janvier 2011 en Tunisie, afin que ces informations puissent, demain, servir à une nation tunisienne en pleine reconstruction.
Nous vous demandons également de permettre l’accès aux historiens, qu’ils soient Tunisiens ou étrangers, à l’ensemble des informations anonymisées relatives à cette période. Ces données, déposées sur Facebook, appartiennent également au peuple tunisien.
Nous vous remercions d’avance d’examiner positivement notre demande, et vous prions d’agréer, Monsieur, l’expression de nos salutations distinguées.
Fabrice Epelboin
Editeur de ReadWriteWeb francophone
Claire Ulrich
Editeur de Global Voices en français
Jean-François Julliard
Secrétaire Général, Reporters Sans Frontières
Curt Hopkins
Fondateur du Committee to Protect Bloggers
Source :

أكثر من 50 ألف متظاهر اليوم في صفاقس Sfax, 26 janvier : Plus de 50 000 manifestants demandent la démission du gouvernement


البيـــان التأسيســي لجبهـــة 14 جانفـــي للقوى الوطنية والتقدمية والديمقراطية في تونس Tunisie : Déclaration de fondation du Front du 14 Janvier

تأكيدا لانخراطنا في ثورة شعبنا الذي ناضل من أجل حقّه في الحرية والكرامة الوطنية وقدم تضحيات جسام تمثلت في عشرات الشهداء وآلاف الجرحى والمعتقلين وسعيا لاستكمال النصر على أعدائه الداخليين والخارجيين وتصديا للمحاولات المحمومة للسطو على تضحياته تشكلت جبهة 14 جانفي كإطار سياسي يعمل على التقدم بثورة شعبنا نحو تحقيق أهدافها والتصدي لقوى الثورة المضادة ، إطار يضم الأحزاب والقوى والتنظيمات الوطنية والتقدمية والديمقراطية المؤسسة لها
وتتمثل المهام الملحة لهذه الجبهة في:
1- إسقاط  حكومة الغنوشي الحالية أو أي حكومة تضم رموز النظام السابق التي طبقت سياسة لا وطنية ولا شعبية وخدمت مصالح الرئيس المخلوع
2- حل حزب التجمع الدستوري الديمقراطي ومصادرة مقراته وممتلكاته وأرصدته المالية باعتبارها من أموال الشعب وتسريح متفرغيه
3- تشكيل حكومة مؤقتة تحظى بثقة الشعب وقواه التقدمية المناضلة السياسية والجمعياتية والنقابية والشبابية
4-حل مجلس النواب والمستشارين وكافة الهيئات الصورية القائمة والمجلس الأعلى للقضاء وتفكيك البنية السياسية للنظام السابق والإعداد لإنتخابات مجلس تأسيسي في أجل لا يتجاوز سنة من أجل صياغة دستور ديمقراطي جديد ووضع منظومة قانونية جديدة لتاطير الحياة العامة تضمن الحقوق السياسية والاقتصادية والثقافية للشعب
5- حل جهاز البوليس السياسي وسنّ سياسة أمنية جديدة قوامها احترام حقوق الإنسان وعلوية القانون
6- محاسبة كل من ثبت نهبه لأموال الشعب وارتكابه جرائم في حقه كالقمع والسجن والتعذيب والتقتيل ، قرارا وأمرا وتنفيذا ، وكذلك كل من ثبت ارتشاؤه وسوء تصرفه في الأملاك العمومية
7- مصادرة أملاك أفراد العائلة الحاكمة السابقة والمقربين منهم والمرتبطين بهم وكل المسؤولين الذين استغلوا مواقعهم للإثراء على حساب الشعب
8- توفير الشغل للعاطلين عن العمل واتخاذ إجراءات عاجلة لفائدتهم بقرار منحة بطالة وتغطية اجتماعية وصحية وتحسين المقدرة الشرائية للأجراء
9- بناء اقتصاد وطني يخدم الشعب توضع فيه القطاعات الحيوية والإستراتيجية تحت إشراف الدولة وتأميم المؤسسات التي تمت خوصصتها وصياغة سياسة اقتصادية واجتماعية تقطع مع النهج الرأسمالي الليبرالي
10- إطلاق الحريات العامة والفردية و على رأسها حرية التظاهر والتنظّم والتعبير و الصحافة والإعلام والمعتقد وإطلاق سراح الموقوفين وسن قانون العفو العام
11- تحي الجبهة مساندة الجماهير الشعبية و القوى التقدمية في الوطن العربي و في العالم للثورة في تونس و تدعوها إلي مواصلة إسنادها بكل الوسائل الممكنة
12- مقاومة التطبيع مع الكيان الصهيوني و تجريمه و دعم حركات التحرر الوطني في الوطن العربي و العالم
13- تدعو الجبهة كافة الجماهير الشعبية و القوى الوطنية و التقدمية إلي مواصلة التعبئة و النضال بكل الأشكال المشروعة و في مقدمتها التظاهر في الشارع حتى تحقيق الأهداف المطروحة
14- تحي الجبهة كل اللّجان و الرابطات و أشكال التنظيم الذاتي للجماهير وتدعوها إلي توسيع دائرة تدخلها في كل ما يهم الشأن العام و تسيير مختلف أوجه الحياة اليومية
المجد لشهداء الانتفاضة و النصر لجماهير شعبنا الثائرة      
تونس في 20 جانفي 2011                                                                          
رابطة اليسار العمال
حركة الوحدويين الناصريين
حركة الوطنيون الديمقراطيون
الوطنيون الديمقراطيون (الوطد)
التيار البعثي
اليساريون   المستقلون
حزب العمال الشيوعي التونسي
حزب العمل الوطني الديمقراطي

Ce 20 Janvier 2011, plusieurs organisations de la gauche radicale en Tunisie, notamment le PCOT(Parti Communiste des Ouvriers de Tunisie) et le PTPD (Parti du Travail Patriotique et Démocratique), se sont constitués en Front. Ce front porte le nom de « Front du 14 Janvier » en référence à la date de la fuite de Ben Ali, le président déchu.
Front du 14 janvier
Il se donne pour but notamment d'organiser la résistance au gouvernement de transition actuel auquel participent toujours les caciques du RCD (Rassemblement constitutionnel démocratique), le parti de Ben Ali, et de construire une alternative populaire issue des comités de vigilance créés dans plusieurs quartiers de Tunisie pour se défendre de la terreur semée par les appareils du RCD et de la police présidentielle. L'appel s'adresse à toutes les forces de progrès politiques, syndicales et associatives pour accomplir les objectifs voulus par la révolution populaire tunisienne. Voici la traduction du texte fondateur :

Affirmant notre engagement dans la révolution de notre peuple qui a combattu pour son droit à la liberté et à la dignité nationale et a fait de grands sacrifices dont des dizaines de martyrs et des milliers de blessés et de détenus, et afin d'achever la victoire contre les ennemis intérieurs et extérieurs et de s'opposer aux tentatives avortées pour écraser ces sacrifices, s'est constitué « le Front du 14 Janvier » comme un cadre politique qui s'emploiera à faire avancer la révolution de notre peuple vers la réalisation de ses objectifs et à s'opposer aux forces de la contre-révolution. Ce cadre comprend les partis, les forces et organisations nationales progressistes et démocratiques.

Les tâches urgentes de ce Front sont:

1 – Faire tomber le gouvernement actuel de Ghannouchi ou tout gouvernement qui comprendrait des symboles de l'ancien régime, qui a appliqué une politique antinationale et antipopulaire et a servi les intérêts du président déchu.

2 – La dissolution du RCD et la confiscation de son siège, de ses biens, avoirs et fonds financiers étant donné qu'ils appartiennent au peuple.

3 – La formation d'un gouvernement intérimaire qui jouisse de la confiance du peuple et des forces progressistes militantes politiques, associatives, syndicales et de la jeunesse.

4 – La dissolution de la Chambre des Représentants et du Sénat, de tous les organes fictifs actuels et du Conseil supérieur de la magistrature et le démantèlement de la structure politique de l'ancien régime et la préparation des élections à une assemblée constituante dans un délai maximum d'un an afin de formuler une nouvelle constitution démocratique et fde onder un nouveau système juridique pour encadrer la vie publique qui garantisse les droits politiques, économiques et culturels du peuple.

5 – Dissolution de la police politique et adoption d'une nouvelle politique de sécurité fondée sur le respect des droits de l'homme et la suprématie de la loi.

6 – Le jugement de tous ceux qui sont coupables de vol des deniers du peuple, de ceux qui ont commis des crimes à son encontre comme la répression, l'emprisonnement, la torture et l'humiliation – de la prise de décision à l'exécution – et enfin de tous ceux qui sont convaincus de corruption et de détournement de biens publics.

7 – L'expropriation de l'ancienne famille régnante et de leurs proches et associés et de tous les fonctionnaires qui ont utilisé leur position pour s'enrichir aux dépens du peuple.

8 – La création d'emplois pour les chômeurs et des mesures urgentes pour accorder une indemnisation de chômage, une plus grande couverture sociale et l'amélioration du pouvoir d'achat pour les salariés.

9 - la construction d'une économie nationale au service du peuple où les secteurs vitaux et stratégiques sont sous la supervision de l'État et la re-nationalisation des institutions qui ont été privatisées et la formulation d'une politique économique et sociale qui rompe avec l'approche libérale capitaliste.

10 – La garantie des libertés publiques et individuelles, en particulier la liberté de manifester et de s'organiser, la liberté d'expression, de la presse, de l'information et de pensée ; la libération des détenus et la promulgation d'une loi d'amnistie.

11 – Le Front salue le soutien des masses populaires et des forces progressistes dans le monde arabe et dans le monde entier à la révolution en Tunisie, et les invite à poursuivre leur appui par tous les moyens possibles.

12 – La résistance à la normalisation avec l'entité sioniste et sa pénalisation et le soutien aux mouvements de libération nationale dans le monde arabe et dans le monde entier.

13 – Le Front appelle toutes les masses populaires et les forces nationalistes et progressistes à poursuivre la mobilisation et la lutte sous toutes les formes de protestation légitime, en particulier dans la rue jusqu'à l'obtention des objectifs proposés.

14 – Le Front salue tous les comités, les associations et les formes d'auto-organisation populaire et les invite à élargir leur cercle d'intervention à tout ce qui concerne la conduite des affaires publiques et les divers aspects de la vie quotidienne.

Gloire aux martyrs de l'Intifada et Victoire aux masses révolutionnaires de notre peuple.   

Tunisie, le 20 Janvier 2011

Ligue de la gauche travailliste
Mouvement des Unionistes Nassériens
Mouvement des Nationalistes Démocrates (Al-Watad)
Courant Baasiste
Gauche Indépendante
Patriotes Démocrates
PCOT (Parti Communiste des Ouvriers de Tunisie)
PTPD (Parti du Travail Patriotique et Démocratique)

mardi 25 janvier 2011

Chroniques de la vie quotidienne dans la France sarkozyenne (Vol. III, N°2)-Révolte à bord d'un avion Paris-Bamako -

Des passagers d’un avion filment et contestent l’expulsion brutale d’un étranger
par Geoffrey Le Guilcher, Les Inrockuptibles, 25/1/2011

Crédits photo:  Capture d'écran d'une vidéo d'un des passagers du vol.

Le 20 janvier à Roissy, un homme de nationalité malienne doit être expulsé. Monté de force dans un avion de ligne d’Air France, l’homme se débat et crie. Des passagers protestent, d’autres filment la scène… Résultat : deux escouades de la police aux frontières (Paf) débarquent et interpellent quatorze voyageurs, onze d’entre eux finissent en garde à vue et sont désormais passibles de poursuites judiciaires. En exclusivité, les Inrocks se sont procuré trois vidéos de la scène.

Il est environ 16h, jeudi dernier à Roissy. Les passagers du vol AF 3096 à destination de Bamako ont quasiment tous embarqué. Muni d’un fin brassard orange, un fonctionnaire de l’Unité nationale d’escorte, de soutien et d’intervention (Unesi) de la police aux frontières (Paf) passe alors dans les rangs des voyageurs. Dans ses mains, des tracts qu’il distribue aux passagers en guise d’avertissement. S’ensuit un petit laïus quelque peu différent de celui habituellement récité par les hôtesses de l’air.
"Un expulsé va entrer dans l’avion, il risque de crier pendant cinq minutes mais tout ira bien après. Ne faites rien, car vous encourez l’expulsion de l’avion (et des sanctions pénales précisées dans le tract)."

Quelques minutes passent. Tout à coup, la porte arrière gauche de l’appareil s’ouvre. Entourée de trois autres policiers, une personne de nationalité malienne arrive en hurlant. "Lâchez-moi ! Lâchez-moi ! Laissez-moi descendre !" Un quatrième agent de la Paf filme la scène sans interruption. Cette disposition est devenue obligatoire depuis la mort successive –dans des conditions similaires– de deux expulsés en décembre 2002 et janvier 2003.
"Good afternoon ladies and gentlemen…"
Tandis que le commandant de bord entame un "Good afternoon ladies and gentlemen…", les policiers attachent l’homme qui se débat de toutes ses forces sous le regard médusés des voyageurs. Certains sortent leurs téléphones portables ou appareils photos et commencent à filmer la scène. Un steward puis l’un des agents de la Paf leur affirment que c’est interdit. Peine perdue.


A-t-on le droit de filmer ce genre de scène dans un avion ? Comme le rappelle un article de Slate, filmer des policiers dans l’exercice de leurs fonctions –à quelques exceptions près– n’est pas interdit.
Un membre de la Paf de Roissy nous a assuré que filmer dans un avion sans l’autorisation du commandant de bord était prohibé. Une chargée de communication d’Air France nuance, pour ne pas dire dément, cette affirmation.
"Si nous refusons les demandes de vidéos dans le cadre de tournages, nous n’intervenons pas dès lors que c’est l’œuvre de privés (passagers lambdas). Et même en cas de diffusion, la politique de la maison est claire : nous nous abstenons de porter un jugement."
Seul maître à bord, le commandant peut en revanche demander l’interdiction de filmer s’il estime que cela peut nuire à la sécurité du vol. D’après les passagers interrogés par les Inrocks, il ne l’a pas fait.
Quelques passagers vent debout
Comme si l’annonce initiale du policier devait se changer en prophétie, quelques passagers se lèvent, notamment un groupe composé d’une dizaine d’Allemands.

L’ambiance est tendue, le personnel naviguant ne parvient même pas à compter les passagers. "Qu’a fait cet homme ?", demande un voyageur. On lui répond : "C’est un criminel"
Une source policière jointe hier semble contredire ce propos. L’expulsé serait sous le coup d’un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière (APRF) de la préfecture de Haute-Garonne. Comprendre : une décision administrative et non judiciaire.
Un à un, les Allemands sont évacués
Alors que certains passagers sont toujours debout, l’avion commence à rouler sur le tarmac. Quelques instants plus tard, le commandant de bord décide d’immobiliser l’avion. Vers 17h, toujours par la porte arrière de l’avion, ce sont cette fois deux groupes de cinq policiers qui entrent avec des casques et des boucliers, chacun une main posée sur l’épaule du collègue de devant. Un passager décrit la scène :
"Au début, un tel déploiement de policiers surarmés a fait rigoler tout le monde. Puis, un par un, les membres du groupe d’Allemands sont évacués. Ensuite, l’un des policiers en civil désigne trois autres personnes qui ont filmé la scène, elles sont également débarquées."
Bilan : quatorze personnes interpellées, dont onze placées en garde à vue jusqu’à 22h. Un policier, en contact avec des collègues de la Paf de Roissy indique les motifs juridiques des interpellations de ces "passagers qui –selon eux– étaient agressifs et outrageants" : entrave à la circulation aérienne, outrage et rébellion.
"La vidéo réalisée par les policiers est désormais sous scellés, entre les mains du procureur du tribunal de grande instance de Bobigny en charge de l’affaire. C’est à lui de décider des poursuites à engager."
Le seul membre du parquet de Bobigny qui a accepté de s’exprimer –anonymement– a précisé que ce genre de cas était rare. Selon lui, si les expulsions sont monnaie courante, "dans la majorité des cas, les passagers n’interviennent pas".