mardi 7 février 2012

La Syrie n’est ni la Tunisie ni la Libye

par Sharmine Narwani, 6/2/2012. Traduit par  Fausto Giudice, Tlaxcala
Original
: Syria Is Not Tunisia or Libya
Sharmine Narwani est une commentatrice et analyste politique sur le Moyen-Orient. Elle est membre associée du St. Antony's College à l'Université d'Oxford. Elle a obtenu un master de journalisme et d'études moyen-orientales en Affaires internationales de l'Université Columbia.
Les commentateurs du Réveil arabe font parfois l’erreur de partir du présupposé que les 22 pays arabes sont une seule et même chose, tous appelés à se débarrasser de leurs dictateurs par un enchaînement d’événements suivant soit le modèle tunisien soit le modèle libyen.

Bien qu’il ait fait quelques erreurs grossières de calcul depuis le déclenchement de la crise en mars dernier, le président Bachar El Assad bénéficie encore de la faveur d’une légère majorité de Syriens, à en croire des récents sondages en ligne. Mais ce n’est pas grâce à sa popularité que son gouvernement reste intact. Le régime bénéficie encore du soutien de ses principaux corps constitués : l’armée, les grandes villes, l’élite affairiste liée à lui, les minorités et les laïcs sunnites, avec un nombre limité de défections du type de celles enregistrées par d’autres régimes arabes.
En revanche l’opposition, après 11 mois, reste fondamentalement divisée selon des clivages ethniques, religieux, politiques et géographiques et elle est incapable d’élaborer une plateforme politique articulée et détaillée. En outre, les groupes armés d’opposition –mis en lumière par le récent rapport de la mission d’observateurs de la Ligue arabe – sont dépourvus d’un commandement central, sont basés localement et ont un accès limité et irrégulier aux équipements militaires nécessaires pour opérer à une plus grande échelle.
Les acteurs extérieurs ont également très peu d’influence en Syrie même. La Syrie s’est adaptée à une vie sous sanctions et dispose d’un groupe d’alliés restreint mais faisant preuve de cohésion sur lequel elle peut compter. Le pays fonctionne dans une large mesure sans être pris dans la nasse des dépendances caractérisant d’autres pays arabes, il n’a pas de problème de dette publique, et il a reçu récemment un appui précieux des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) , qui insistent sur le fait que la Syrie doit résoudre sa crise elle-même.
Carlos Latuff
Vue de Syrie, la situation diffère sensiblement du narratif produit à l’extérieur. A y regarder de plus près, le chiffre de 5000 morts donné par l’ONU démontre un manque sévère de discernement entre pertes du côté des fidèles au régime et de l’opposition et oublie de souligner la mort de 2000 soldats réguliers dont les funérailles sont télévisées quotidiennement à l’intérieur du pays. Contrairement aux personnages de l’opposition vivant à l’étranger, ceux qui appartiennent au courant dominant dans le pays –même ceux qui veulent un changement de régime – ont tendance à rejeter les sanctions, les solutions militaires et une intervention étrangère, étant favorables à une solution politique pacifique de la crise.
Si Assad établit une nouvelle constitution et organise des élections nationales d’ici l’été prochain, cela pourrait suffire à lui fournir l’espace nécessaire pour confondre ceux qui le critiquent. Une militarisation et un sectarisme croissants sont plus susceptibles de cimenter l’opinion que de la fragmenter. Les gens n’aspirent peut-être pas tant au pain qu’à la possibilité d’aller au marché pour l’acheter.
 

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