mercredi 22 août 2012

Le « Comte DRAGHI-LA » et les vampires de la BCE

par Pedro da Nóbrega, 22/8/2012
Les déclarations péremptoires assénées par le Président de la Banque Centrale Européenne au début de ce mois conditionnant toute intervention de l’institution qu’il dirige à la poursuite et à l’aggravation des politiques d’austérité qui ne cessent de causer de profonds dégâts sociaux dans les pays de l’Union Européenne ont au moins le mérite d’éclairer d’un jour cru la réalité institutionnelle de cette Union Européenne où le pouvoir effectif est inversement proportionnel à la légitimité démocratique. 
 
Surtout lorsqu’il assortit cette fin de non-recevoir aux demandes d’intervention qui se multiplient face à des situations de récession qui ne cessent de s’étendre, d’une déclaration pour le moins osée, venant d’un technocrate financier dépourvu justement de toute légitimité démocratique : « La politique monétaire ne peut pas tout, et surtout pas compenser le manque d’action des politiques », fermez le ban ! 


Mario Draghi en commandant du Titanic Europe, au carnaval de Viareggio (Italie) en janvier 2012
 
Outre le fait que ces propos traduisent un mépris incommensurable à l’égard des responsables politiques, ils illustrent la matrice illégitime et autoritaire de l’institution que dirige ce triste sire. Car ils négligent totalement le fait que la politique monétaire constitue précisément un des piliers de la souveraineté populaire et démocratique et que son action devrait justement, dans le cadre d’institutions qui se veulent démocratiques, être soumise au contrôle de la représentation politique.
Or il n’en est rien et malgré la situation de récession que connaissent l’Espagne, la Grèce et le Portugal notamment, la seule injonction émise par le Président de la B.C.E. réside dans l’approfondissement de la politique austéritaire, ce qui dans le langage « châtié » des financiers s’intitule la poursuite des « efforts de consolidation budgétaire et de réformes structurelles ». C’est-à-dire continuer à saigner les peuples jusqu’à la dernière goutte.
 
Ils éclairent aussi d’un jour cruel les illusions de ceux qui croient pouvoir infléchir cette dictature des marchés en se satisfaisant de quelques couplets pavés de bonnes intentions sur la croissance mais qui ne comportent aucune obligation ni encore moins d’engagements financiers significatifs.
 
Cette posture ainsi que le sermon sur la « responsabilité budgétaire » apparaissent d’autant plus scandaleux venant de quelqu’un qui a exercé les plus hautes responsabilités au sein d’un groupe financier au cœur des plus gros scandales financiers de ces dernières années, Goldman & Sachs, par exemple celui des « subprimes » aux U.S.A., déclencheur de la crise qui se prolonge aujourd’hui.
Mario DRAGHI allait même jusqu’à affirmer lors de son investiture à la tête de la BCE : « J'assume » mon passage chez Goldman Sachs.
Son « passage » certes, mais assurément pas ses responsabilités puisque le Département US de la Justice a décidé vendredi 10 août de ne pas poursuivre Goldman Sachs à la suite de l’enquête lancée sur les transactions des prêts hypothécaires subprime.
 
Pour un donneur de leçons de morale budgétaire, voilà qui fait tache dans le décor et pose un sérieux problème de crédibilité. Cette décision a inspiré le commentaire suivant à Neil BAROFSKY, professeur de droit à la New-York University dans le magazine économique Business Insider, pourtant peu suspect d’abriter des « exaltés anti-capitalistes » :
"Cela nous rappelle qu'aucun individu, ni aucune institution n'a jusqu'à maintenant été tenu responsable pour son rôle dans la crise financière.  Sans cette prise de responsabilité, les scandales sans fin touchant les mégabanques continueront inévitablement."
Mais le « Comte DRAGHI-LA », tout à son rôle de « vampire en chef » ne saurait s’embarrasser de questions de crédibilité et de responsabilité qu’il prône pour les autres, l’œil toujours rivé sur la ligne des profits de la spéculation financière. Car les pseudos « plans d’aide » destinés à résorber les « dettes publiques » visent surtout et d’abord à protéger les profits des banques privées généreusement alimentés par les prêts à des taux très bas aimablement consentis par cette même BCE. Des masses d’argent que ces mêmes banques privées prêtent à des taux usuraires aux États membres de l’Union Européenne, en particulier pour les plus vulnérables, quand elles ne les placent pas pour les faire fructifier à la BCE, prétextant un « environnement trop risqué » ! Sur les plus de mille milliards d’euros prêtés en 2011 par la BCE à ces établissements privés, moins de la moitié a été mobilisée pour des prêts.
 
Dans ce contexte, la campagne qui se développe actuellement en France pour exiger un référendum sur la ratification du Traité sur la Stabilité, la Coordination et la Gouvernance dans l’Union économique et monétaire, appelé aussi Traité Merkel-Sarkozy prend tout son sens.
 
L’éventualité envisagée par le Président François Hollande d’une ratification sans consultation populaire marquerait non seulement le reniement d’un des engagements majeurs de sa campagne, à savoir la renégociation du Traité qui reste pour l’essentiel intact, mais constituerait un aveu d’impuissance face au pouvoir de la finance lourd de dangers politiques pour l’avenir. Un signal de résignation et de désespérance également pour tous les peuples européens souffrant aujourd’hui très durement des politiques d’austérité. Car c’est la logique même de ce traité qui reste totalement incompatible avec toute politique de gauche : d’abord en soumettant la définition des grandes orientations socio-économiques des États à des organismes non élus dépourvus de toute légitimité démocratique au détriment des représentations politiques issues de consultations populaires. Ensuite en asphyxiant la demande et en étranglant l’investissement, il interdit toute politique de relance et conduit invariablement à la récession, à l’image de ce qui se passe déjà dans plusieurs pays de la zone euro, sous peine de sanctions financières. Plus globalement en nourrissant la défiance envers l’action politique en accordant la primauté à des critères de rentabilité financière qui donnent un pouvoir exorbitant à des institutions financières hors de tout contrôle démocratique telles que les agences de notation par exemple.
 
Le pouvoir socialiste français ferait bien de méditer sur les dégâts causés en Amérique Latine par ces mêmes politiques lors de ce que l’on a appelé la « décennie perdue » mais aussi sur leurs conséquences politiques. C’est par le choix de la rupture avec ces logiques néo-libérales que les peuples d’Amérique Latine ont pu trouver une issue mais certainement pas par la soumission au diktat de la finance qui a vu les gouvernements sociaux-libéraux qui s’y sont soumis en Grèce, en Espagne et au Portugal par exemple être balayés pour laisser la place à une droite plus dure que jamais. Le Président français qui disait lors de sa campagne vouloir affronter le pouvoir de la finance devrait s’en inspirer sous peine de connaître le même sort.

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