mercredi 28 mai 2014

Tunis, 29 mai 2014 : Solidarité avec les syndicalistes et les ouvrières de Latelec

Rassemblement jeudi 29 mai 2014 à 11h
devant l’ambassade de France, avenue Bourguiba, Tunis
Le syndicalisme n'est pas un crime !
Non aux licenciements des syndicalistes et des travailleurs !

https://www.facebook.com/events/728231540553493/

lundi 26 mai 2014

Colombie : Le grand gagnant de l'élection présidentielle est l'abstention Colombia: El gran ganador es la abstención

Si hay que hablar de un ganador en las elecciones en Colombia, esa es la Abstención, ya que más del 60% de los colombianos y colombianas decidieron darle la espalda a unos comicios en que los dos principales candidatos (precisamente quienes pasan a una segunda vuelta) representan a la derecha y a la extrema derecha. Tanto Juan Manuel Santos como Ivan Zuluaga son parte del mismo sistema que viene malgobernando Colombia desde hace décadas, y sus cantos de sirena no engañan tan fácilmente al electorado. Leer más  

S'il faut parler d'un vainqueur des élections en Colombie, c'est l'abstention, puisque plus de 60 % des électeurs ont décidé de tourner le dos à suffrage dans lequel les deux principaux candidats (qui s'affronteront au second tour) représentent la droite et l'extrême-droite. Tant Juan Manuel Santos qu'Ivan Zuluaga font partie du même système qui malgouverne la Colombie depuis des décennies, et leurs chants de sirène ne trompent pas si facilement l'électorat.
Lire la suite

samedi 24 mai 2014

Sa Sainteté le Maréchal Abdelfattah Bonaparte قداسة المشير عبد الفتاح بونابارت

Wael Qandil وائل قنديل



يترجرج الجنرال الجديد في ثياب الجنرال القديم الميّت، يبدو الأمر فكاهيّاً ومضحكاً، وعبثيّاً أيضاً، بحجم المفارقة بين المأساة و الملهاة (المسخرة بتعبير كارل ماركس).
لقد جمعوا له عوادم الماضي الذي يبعثونه من قبره باعتباره اليقين والمجد، في محاولة كوميدية لصناعة أسطورة جديدة، تماماً، كما فعل تحالف "السيف والقلنسوة الكهنوتية" مع لويس بونابرات، قائد الانقلاب على قيم الثورة الفرنسية الأولى.

Abdelfattah Al-Sissi sera le probable vainqueur de la présidentielle de ces 26-27 mai. Malgré le mythe construit autour du personnage, cette élection perpétuera le règne de l’arbitraire et de la corruption.
Le maréchal [Abdelfattah Al-Sissi] flotte dans les habits de feu son prédécesseur Gamal Abdel Nasser [président nationaliste égyptien, 1956-1970]. L’impression de ridicule, et même d’absurde, est à la mesure de la distance qui sépare le drame de la farce, selon l’expression de Karl Marx. On ramasse les débris du passé pour les coller à Sissi en tant qu’emblèmes de gloire et faire de lui une nouvelle figure de légende.Lire la suite

jeudi 22 mai 2014

Fragments de la réalité (I)




sous-commandant insurgé Marcos,EZLN, mai 2014. Traduit par  Sun with Moon
Original: Fragmentos de la Realidad I
Traductions disponibles : English  Italiano  Deutsch   

 
Mai 2014.
Le petit jour… Il doit être vers les deux ou trois heures, allez savoir. Le silence résonne, ici, dans la réalité. Ai-je dit « le silence résonne » ? Mais oui, parce que par ici le silence possède un son bien à lui, semblable au bruit de scie des grillons, qui se répondent, en face, plus fort et à contretemps, tandis que d’autres encore restent constants, en contrebas. Pas une lumière en vue. Maintenant, la pluie vient rajouter son propre silence. Ici, c’est la saison des pluies, mais pas encore suffisamment pour meurtrir la terre. Tout juste si la pluie l’écorche, comme frappant doucement. Un coup d’ongle par là, une petite flaque par là-bas, comme si de rien n’était. Comme pour avertir que ça vient. Le soleil cependant, le chaleur, rapidement la repousse du sol. L’heure de la boue n’est pas venue. Pas encore. Le temps des ombres, si. Enfin, de fait c’est toujours le temps des ombres. Où que ce soit, elle va toujours partout, peu importe l’heure. Même au plus féroce du soleil, l’ombre se balade encore, s’agrippant aux murs, aux arbres, aux pierres, aux personnes. Comme si la lumière lui donnait plus de force. Ah, mais la nuit… au petit matin, là, c’est son pur moment d’ombre. De même que pendant la journée elle nous soulage, au petit matin elle nous réveille, comme si elle nous disait : « Et alors, toi, tu vas où, tu fais quoi ? » À quoi on répond avec la voix pâteuse de la veille ensommeillée. Jusqu’à ce que, enfin, on puisse répondre, se répondre : « dans la réalité ». Lire la suite 

mercredi 21 mai 2014

Égypte : cris et chuchotements des prisons صوت السجون

6/4/2014
Traduit par  Fausto Giudice, Tlaxcala 
Original: Egypt: The sound of prison
Traductions disponibles : عربي 
 
Des milliers de personnes ont été incarcérées durant et après les manifestations de ces derniers mois, mais on en sait peu de leurs conditions de détention
Il est 10 heures du matin et les abords de la prison de Tora, au sud du Caire, se remplissent de familles arrivant pour l'heure de visite aux détenus. Des vieilles 504 Peugeot déchargent les passagers, dont les visages sont marqués par la fatigue du voyage. La scène semble être un des visages invisibles du Caire.
Les vendeurs d'oranges et de mandarines font partie de l'économie de la prison, certaines familles d'arrêtant pour acheter des fruits sur leur chemin vers l'intérieur du complexe de la prison. Une fillette qui a l'air d'avoir environ 10 ans porte sur la tête un plateau colossal de kenafeh [pâtisserie feuilletée et trempée dans un sirop, réalisée à base de cheveux d'ange, de fromage, de beurre et de pistaches ou de noix, NdT]. Son frère, plus petit, porte un sac de toile plus grand que lui. Ils s'entretiennent mutuellement dans la file d'attente pour les contrôles de police avant l'entrée dans la prison.
Une heure plus tard, nous sommes lâchés dans une grande salle où les détenus attendent avec impatience l'arrivée de leurs familles. Chacun prend sa famille dans un coin où ils peuvent arracher un moment d'intimité. Une cacophonie de conversations et de disputes familiales crée un paysage sonore carcéral temporaire. Beaucoup de prisonniers sont barbus et leurs parentes entièrement voilées.
Habituellement trois personnes peuvent visiter un prisonnier, mais si une famille arrive avec deux visiteurs, une autre famille peut utiliser le quota disponible. Mais les droits de visite sont à géométrie variable : certains se voient accorder une visite toutes les deux semaines, d'autres une fois par semaine, tandis que le temps alloué varie. Les droits de visite et des détenus sont généralement mieux assurés avant la sentence qu'après.
Manal et Alaa
Manal Hassan a quelques 45 minutes chaque semaine avec son mari, Alaa Abd El Fattah , arrêté le 28 novembre 2013. Elle divise habilement le temps de la visite entre la communication d'informations, la demande de conseils sur les questions familiales et professionnelles et la transmission de salutations de gens de l'extérieur, auxquelles Abd El Fattah répond rythmiquement. Hassan veille à prendre note des demandes d'Abd El Fattah dans son bloc-notes : une paire de chaussettes, des baskets, de nouveaux draps et une serviette verte propre de la maison. A la fin, il leur reste un moment pour un échange émotionnel hâtif et un bref jeu avec leur petit Khaled, deux ans, qui court énergiquement tout autour de la cour de la prison.
A l'extérieur, la sœur d'Abd El Fattah , Sanaa, tente de convaincre un policier d'accepter l'entrée de ruban adhésif dans sa cellule. Abd El Fattah reçoit des photos de ses amis et de leurs enfants et il aime les accrocher au mur de sa cellule - aux côtés de lettres qu'il reçoit - dans une tentative désespérée de rester connecté au monde extérieur.
Quelques semaines plus tard, Abd El Fattah est remis en liberté, alors que son procès pour violation de la loi interdisant les manifestations n'a pas encore eu lie. Des milliers d'autres restent derrière les barreaux, arrêtés pour des accusations similaires, leurs familles cherchant désespérément à faciliter leur expérience de l'emprisonnement.
L'un d'eux est Hicham Abdel Moncef, arrêté le 25 janvier, devant le magasin d'alimentation qu'il gardait dans le centre du Caire. Les manifestations commémorant le troisième anniversaire de la révolution et contre le régime pro - militaire en place battaient leur plein dans la zone quand des hommes masqués se sont jeté sur lui, l'ont ligoté et battu avant de l'emmener au poste de police d'Azbakiya. Là, il s'est mis à regarder nerveusement l'horloge au mur, se disant qu'il allait rater le dernier métro s'il n'était pas rapidement relâché. Il n'imaginait pas qu'il ne serait pas à la maison pendant une longue période - plus de deux mois à ce jour - et qu'il serait condamné à deux ans de prison dans procès dont il n'a compris ni les tenants ni les aboutissants.
Abdel Moncef , maintenant détenu à la prison d'Abou Zaabal , a dit à sa famille lors d'une de leurs visites que dans le car de police après son arrestation, il a entendu un policier dire à son supérieur : "Nous avons seulement réussi à en arrêter quatre ", ce à quoi le supérieur a répondu: "Pas assez pour une inculpation pour rassemblement illégal. Attrapez m'en d'autres". Un mois plus tard, Abdel Moncef a été condamné, aux côtés de 68 autres, sur des accusations de rassemblement et de manifestation illégaux, appartenance à un groupe terroriste et possession d'armes.[le décret adopté le 30 novembre 2013 interdit les rassemblements de plus de 10 personnes, NdT]
Selon son récit, Abdel Moncef n'est qu'un numéro pour ceux qui l'ont arrêté, et il est à peine plus pour les gens à l'extérieur de la prison qui entendent sporadique parler des milliers d'arrestations de ces derniers mois. En fait, il n'y a que sa famille qui sache ce que cela signifie pour Abdel Moncef d'être en prison.
«Chaque fois que je m'assois pour manger, je vois Hicham en face de moi, disant : « Vous êtes là en train de manger et vous me laissez en prison ? », dit, brisé, Ayman Hamed, beau -frère et ami de longue date d'Abdel Moncef.
Maintenant qu'ils savent qu'il est là pour un bon moment, la famille d'Abdel Moncef lui rend visite avec moins d'espoir, mais avec toutes les bonnes choses qui peuvent rendre la vie en prison un brin plus proche de la vie à l'extérieur.
Ils le font parce que personne ne le fait. Reda Marei, avocat et chercheur à l'unité de justice pénale de l'Initiative égyptienne pour les droits de la personne, affirme que l'un des principaux problèmes avec les prisons en Égypte, c'est qu'elles sont sous la tutelle du ministère de l'Intérieur.
" Dans les années 1930 et 1940, les prisons relevaient du ministère des Affaires sociales. Dans d'autres pays elles relèvent du ministère de la Justice. Donc, cela permet au ministère de l'Intérieur de faire ce qu'il veut sans que personne ne les contrôle ", dit-il.
Lors d'une rencontre de 15 minutes toutes les deux semaines, la famille d'Abdel Moncef remplit un vide et leurs mondes se rapprochent pour un moment. Mais c'est une mission difficile.
« Nous prenons un louage pour aller à Abou Zaabal à 4 heures du matin avec des sacs de nourriture et de boissons. Nous arrivons là vers 6h 30. Nous faisons la queue avec d'autres familles pendant une heure. Ensuite, nous sommes fouillés et nous attendons à  l'intérieur pendant encore trois heures. Et puis on a nos 15 minutes. Avant même qu'on ait pu engager une conversation, les policiers sifflent pour signaler la fin de la visite. C'est le moment difficile où il fut se dire au revoir ", dit Hamed.
"À l'intérieur, on croirait entendre des perroquets », explique Mervat Abdel Wahab, la mère de Mohamed Salah, également arrêté le 25 janvier de cette année et maintenant détenu dans la prison d'Abou Zaabal. "Personne n'entend personne".
Abou Zaabal
Abdel Wahab visite Salah une fois par semaine et passe la veille de la visite à cuisiner pour lui. Tout ce qu'elle cuisine ne parvient pas à l'intérieur, puisque la police confisque arbitrairement certains plats lors de l'inspection. "Ce qu'ils font avec nous en prison est extrêmement humiliant ".
Mais l'humiliation vécue par Abdel Wahab et sa famille ne s'est pas limitée aux visites en prison. Ils n'ont découvert où se trouvait Salah qu'après quatre jours de recherches sans relâche dans les postes de police. " On m'avait dit que les mères ont une meilleure chance d'apprendre de la police où sont leurs enfants, alors je suis allé à un camp des Forces centrales de sécurité, je me suis assiste par terre en face d'un policier et lui ai demandé : 'Où est mon fils ? Je ne partirai pas tant que je ne le saurai pas'. "
Elle a écrit son nom sur un tissu et l'a tendu au policier. Et puis elle a su.
Salah, 18 ans, a été arrêté près d'une manifestation au centre du Caire. Il n'est pas membre des Frères musulmans, mais a été mis en colère par la mort de trois de ses amis lors des protestations.
Dix jours après son arrestation, sa mère a pu le voir. "Il était la plupart du temps silencieux et a parlé brièvement pour nous dire qu'il a été battu. Un policier les a menacés de décharges électriques s'ils ne disaient pas qu'ils faisaient partie de la Fraternité musulmane. Mohamed a eu peur et a dit au policier d'écrire n'importe quoi et qu'il signerait", se souvient Abdel Wahab.
Cet aveu lui a valu d'être envoyé à la fameuse prison d'Abou Zaabal où il partage une cellule de trois mètres sur trois avec 60 autres hommes. Sa mère est alors allée plaider son innocence à gauche et à droite, du bureau du procureur général à celui du doyen de son école pour prouver qu'il est un bon élève, sans appartenance connue à la Confrérie.
A la veille de la fête des mères, Abdel Wahab est rentrée à la maison avec une lettre de son fils.
" Ma mère bien-aimée, aujourd'hui, j'aurais du être avec toi et te donner un cadeau. Au lieu de cela, je suis en prison. Pardonne-moi. Et prie pour moi ", écrivait-il.
C'est avec les lettres qu'ils peuvent trouver un canal de communication plus intime. Dans une lettre récemment envoyée à sa femme par un de ses visiteurs, Abdel Moncef a écrit : « Chère femme, j'espère que tu me pardonneras mes erreurs. Je vois Baraa avec mon cœur, même si je ne peux pas le voir de mes yeux ".
L'épouse d'Abdel Moncef venait de donner naissance à leur fils, qu'elle a décidé d'appeler «Baraa », «innocent»  en arabe, dans l'espoir que cela serait de bon augure pour la libération de son père.
Certaines lettres permettent d'entrer dans le monde invisible des prisons, démystifiant la devise triomphante commune en arabe qui dit que " la prison est pour les braves ".
"Je ne peux vivre ici qu'en tant que prisonnier. Écrire régulièrement dans ma cellule et prétendre qu'ainsi, je suis libre serait un crime. Cela ne ferait qu'ajouter des briques et des barbelés à ma prison de mes propres mains", a écrit Abd El Fattah à l'auteure de ces lignes durant sa détention.
«Je contribuerais à rendre la prison plus dure pour les milliers de jeunes arrêtés dans des manifestations et allant en prison en pensant qu'ils auront une bonne expérience et acquerront une compréhension comme tous les célèbres héros de la lutte, pour ensuite se faire écraser par la prison. Non, je ne peux que vivre la vie brisée d'un prisonnier, en admettant cela sans jamais l'accepter. Je vais chercher un moyen de résister ".
Pour Alaa Bekheet, 19 ans, les lettres sont aussi un moyen d'exprimer et d'entretenir l'espoir. Elle vient d'écrire une lettre à son père de 51 ans, lui disant qu'elle demeure optimiste malgré la peine de trois ans prononcée contre lui.
Le père de Bekheet a été arrêté dans sa voiture avec ses deux fils après avoir quitté une manifestation en décembre dernier. Elle dit qu'il est barbu mais pas un membre de la Fraternité. Les deux fils ont été remis en liberté en attendant le procès. Leur grande sœur, Alaa, s'est retrouvée à devoir faire le plus gros du travail occasionné  par l'incarcération de leur père.
Lors d'une de ses récentes visites à Abou Zaabal, une autre longue journée d'attente et de fouilles, elle a entendu les cris des détenus. "J'ai vu des mères pleurer à côté de moi, parce qu'elles savaient que leurs fils étaient en train d'être torturés à l'intérieur. C'était si pénible".
 

dimanche 18 mai 2014

Aux prisonniers politiques du peuple égyptien : message de solidarité de prisonniers colombiens رسالة من كولومبيا إلى مساجين الشّعب المصري السّياسيّين

Nous avons reçu cette déclaration de solidarité avec les 20 000 prisonniers politiques égyptiens, émanant des prisonniers politiques et de guerre enfermés dans la terrible geôle de haute sécurité ERON Picota de Bogotá, où ils sont en lutte permanente contre les conditions inhumaines de détention. Un bel exemple de fraternité à suivre.-Tlaxcala




La Picota

L'autodétermination des peuples est un droit inaliénable que les USA et les pays de l'hémisphère nord bafouent pour l'intérêt rapace de leur système décadent, par l'invasion, l'anéantissement, la torture, la terreur et l'enfermement derrière des murs et des barreaux, contre des pays qui cherchent à prendre en main leur propre destin.

L'humanité dans son histoire a connu des laquais de souches diverses. Des collabos déshonorant la culture des peuples dont ils étaient issus.




Ces infâmes ont plongé l'Égypte dans une situation que notre continent latino-américain est censé avoir dépassé ; alors que sous d'autres latitudes des dictatures militaires conformes aux intérêts US s'érigent, sur nos terres elles ont semé la désolation.
Mais les habitants appauvris de notre Amérique latine ont de fait de la mort et de la soumission un chant de vie, un cri de révolte, brandissant leurs poings sans peur de se sacrifier contre l'empire le plus terrible qui ait jamais existé. Les tranchées et les barricades, les idées et la praxis révolutionnaires transformées en combat font souffler aujourd'hui sur notre continent des vents de changement face à l'assaut néo-fasciste.

L'Égypte est confrontée à une crise humanitaire grave et profonde sous le régime de terreur de la dictature militaire rangée sous les drapeaux du nord, dans le silence complice des pays battant pavillons de la liberté et de la démocratie. Ces pavillons sont censés leur donner le droit de déclarer la destruction du peuple palestinien au nom de ce qu'ils ont le culot d'appeler "guerre contre le terrorisme".

Le peuple égyptien, comme beaucoup d'autres dans le monde, est en train de mener une bataille peut-être ultime contre un système en décomposition qui montre son pire visage, bestial, rusé, criminel et inhumain.
Prison de Tora, Le Caire, Égypte

Pendant ce temps, l'Europe, avec son discours fétiche et hypocrite, accueille avec mépris le cri pour la justice et la liberté de cette nation africaine, cherchant à rendre invisible le drame de tant d'humains emprisonnés, conduits à la potence tandis que des milliers d'autres sont soumis à la violence et à la torture.

En Égypte et en Colombie, les prisons sont devenues des centres de torture et de mort en masse. .

Les partis européens censés être porteurs d'espérance, semblent se soucier plus de leurs intérêts sectaires que de cette grave situation humanitaire. .

Nous autres, prisonniers politiques et de guerre égyptiens, palestiniens, basques, colombiens, comme tous ceux qui luttent pour un monde viable et humain, nous avons la tâche essentielle de briser la misère du silence imposé face à l'aberration que nous vivons. Il ne tient qu'à nous de mener des actions de lutte, et pas seulement de résistance, pour atteindre l'objectif précité.
Briser les chaînes du silence et de l'infamie mondiale.

Solidarité avec les prisonniers politiques du peuple égyptien et leur autodétermination.

PRISONNIERS POLITIQUES ET DE GUERRE
PRISON ERON PICOTA
BOGOTA
COLOMBIE
AMÉRIQUE DU SUD
 

vendredi 16 mai 2014

À droite toute ! L'Inde prend un virage


Le grand vainqueur, avec des résultats au-delà des attentes, des élections générales indiennes, qui ont duré 35 jours, est le parti religieux hindou de droite  BJP ( Bharatiya Janata Party ou Parti du peuple indien). Le Premier ministre sera Narendra Modi, un mégalomane et un ami proche des grands patrons, qui n'a pas de temps à perdre avec la démocratie libérale. On estime que les foules hindoues et la police ont tué 2.000 musulmans en 2002  dans le Gujarat, l'État dont il était ministre en chef, mais il n'a jamais eu de comptes à rendre pour ces pogroms. Le parti du Congrès, après une décennie au pouvoir au cours de laquelle il a alimenté une économie néo- libérale, a subi une écrasante défaite à cause de la colère populaire contre l'inflation, la corruption et la politique dynastique. La gauche parlementaire traditionnelle a faibli et est devenue quantité négligeable à l'échelle nationale. On attendait beaucoup de l'AAP ( Aam Admi Party, Parti de l'homme commun) , créé il y a à peine deux ans, mais il a eu des résultats médiocres. Le Congrès n'est même pas arrivé à conquérir 10 % des sièges. Les partis régionaux ont fait de bons scores dans certains États, mais, avec une majorité BJP au parlement, ils pèseront peu dans les processus décisionnels nationaux.
"Votre Inde, votre vote : faites-le compter"

En chiffres, les élections indiennes battent les records mondiaux : il y avait 814 millions d' électeurs, dont 168 millions étaient des primo-votants de plus de 18 ans, 919 000 bureaux de vote et 3,6 millions de machines de vote électronique. Chaque bureau avait à gérer un maximum de 1500 électeurs et personne n'avait plus de deux kilomètres à parcourir pour les atteindre, le plus haut était à une altitude de 5000 mètres dans l'Himalaya et le plus isolé dans une réserve forestière du Gujarat (le seul endroit avec une population de lions sauvages en dehors de l'Afrique), où cinq fonctionnaires avaient monté un camp pour un seul électeur. Cinq millions de civils et cinq millions de personnels de sécurité ont géré les élections. Le taux de participation cette fois-ci a été de 66,4 %, le plus élevé de l' histoire du pays, mais encore nettement inférieur à celui d'autres pays du tiers monde comme le Kenya ou la Malaisie, qui ont connu plus de 80% de participation aux élections de l'année dernière. Moins de femmes que d'hommes ont voté et seulement 11 % des candidats étaient des femmes. Leur présence au Parlement sera beaucoup plus faible. Chaque membre du Parlement indien élu par vote direct représente en moyenne 1,5 million d'électeurs , soit plus que la population de pays comme l'Estonie , l'Islande, le Bahreïn ou la Barbade. Les candidats élus sont surtout des hommes, plus jeunes et plus riches que dans les parlements du passé, et beaucoup d'entre eux font face à des accusations criminelles graves. Statistiquement, les candidats honnêtes en Inde ont la plus faible probabilité de gagner et donc ils n'ont pas eu de bons scores cette fois-ci non plus.
 

Modi efface l'ombre des pogroms de 2002
Ce fut également l'élection la plus chère de l'histoire du pays et le BJP semble avoir eu le plus d'argent. Selon une estimation, Modi a dépensé plus en publicité que ce qu'Obama a dépensé dans toutes les élections auxquelles il s'est présenté. L'argent provenait des grandes entreprises, les secteurs de l'immobilier et des mines, d'intermédiaires agricoles et de propriétaires d'établissements d'enseignement privés, qui ont tous des rentrées de fonds élevées. Alors qu'il y avait cinq astrologues, deux mendiants, deux conteurs et un consultant en construction des pyramides parmi les candidats, 16% étaient des patrons de grandes entreprises. Modi était le candidat de choix du big business. Un câble de l'ambassade US de 2009 publié par Wikileaks a raconté comment "cinq des plus puissants chefs d'entreprise de l'Inde ... ont manifesté un appui sans équivoque et sans réserve à Narendra Modi" lors d'une conférence sur l'investissement international, louant son "leadership habile" et appelant à reproduire partout le modèle de développement économique de Modi dans son État. Un an plus tard, un enregistrement fuité exposait comment les grandes entreprises, les propriétaires de médias, les décideurs et les politiciens travaillaient ensemble pour piller les ressources nationales. La Cour suprême a demandé des contrôles plus stricts. C'est alors que les grandes entreprises se sont décidées pour Modi. En 2011, lors d'une autre réunion d'affaires dans le Gujarat, l'homme le plus riche de l'Inde, le milliardaire en dollars Mukesh Ambani, qui a une maison de 27 étages dans le centre financier de l'Inde, Mumbai, a déclaré: « Le Gujarat brille comme une lampe d'or ... Nous avons ici un leader avec la vision et la détermination à traduire cette vision en réalité". Les grands patrons indiens ont soutenu Modi, car ils savaient qu'il ferait sauter la plupart des restrictions légales en matière d'environnement et de travail.
 

A gauche : Le dernier mariage arrangé en Inde : "Le BJP et les oligarques indiens vous invitent aux noces de leurs enfants, le majoritarisme [dictature de la majorité sur les minorités] et le capitalisme de copinage"- A droite : un partisan du BJP avec un T-shirt du Che...
L'argent qui a coulé à flots des grandes entreprises dans sa campagne a été mis à profit pour fabriquer le mythe Modi, celui d'un homme qui apporterait un développement rapide à l'Inde comme il l'avait fait dans son État du Gujarat. Les médias indiens ont activement promu la "marque Modi". En réalité, le Gujarat ne figure pas en tête de l'indice de développement social, même s' il a toujours été un État prospère selon les normes indiennes. Mais il fournit des indices importants sur ce à quoi  l'Inde va ressembler sous Modi. Un État vindicatif y a fait taire toute opposition ; les médias locaux ont été cooptés ; les entreprises ont fait d'énormes profits grâce à des transferts de terres forcés et à bas prix et la corruption est un mode de vie. Le cours de l'action du groupe Adani, une entreprise industrielle qui a ouvertement soutenu Modi, a grimpé de 45 % pendant les élections. Modi a voyagé dans le jet et les hélicoptères de l'entreprise Adani. La société attend d'obtenir l'autorisation environnementale pour un port important dans le Gujarat. Dans la politique indienne, notent les analystes, l'argent n'est pas un prix à payer pour être admis : c'est un acompte d'investissement. Le big business en Inde est certain que Modi va libéraliser le secteur du commerce de détail et de l'assurance : il est leur homme pour prendre des "décisions difficiles" .

Des centaines de milliers de bénévoles de la RSS (Force nationale de volontaires), une force paramilitaire hindoue ouvertement calquée sur le fascisme, a fait campagne pour lui. L'Inde des patrons a maintenant non seulement un homme à elle comme Premier ministre ; elle dispose également d'une milice pour contrôler les protestations sociales. La classe moyenne hindoue espère que Modi va subjuguer les musulmans à l'échelle nationale comme il l'a fait dans le Gujarat . Il est très probable que Modi va exploiter les divisions de caste et religieuses de l'Inde et rechercher une confrontation avec le Pakistan pour se projeter comme Il Duce de l'Inde. Son plan A est la croissance économique, mais son Plan B est un État hindou. Le chemin vers le capitalisme de copinage sera facilité avec le sang des minorités. Au vu des résultats des élections, Modi va de toute évidence jeter une ombre sur l'Inde pendant de longues années.
Sur le même sujet, lire  Narendra Modi, une énigme indienne - Frédéric Bobin

jeudi 15 mai 2014

Un, deux, cent Buenaventura à travers toute la Colombie ...

Un portrait des vandales au pouvoir
par  José Antonio Gutiérrez D.. Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala
 
"Ceux-ci découvraient une série de corps défigurés dispersés dans la localité , vestiges d'un antagonisme social aveugle et éradicateur. Cette scène aurait pu correspondre à quelque chose d'absolument chaotique et désordonné, dans la mesure où les corps avaient été démembrés, dispersés et empilés un peu partout. Mais il était également possible de trouver des scènes où il y avait un ordre intentionnel, une véritable mise en scène. (... ) Cette procédure visait principalement à terroriser les habitants du village, qui prenaient la fuite en abandonnant tout ".
María Victoria Uribe Alarcón , "Anthropologie de l'inhumanité " , 2004, p.92
Dès qu'on arrive à Buenaventura, on éprouve un certain sentiment de malaise. Il semble que tous les bâtiments sont sur ​​le point de tomber, en proie à la moisissure et à la pourriture. Contrairement à d'autres régions de la Colombie, on respire méfiance et peur ... un sentiment d'abandon est d'emblée évident. Il est incroyable que la plupart des échanges internationaux de la Colombie passent par ce port, ce qui indique le caractère contradictoire du capitalisme dans lequel l'investissement et la dépossession sont des termes inséparables. La misère est un concept relatif et devient d'autant plus odieuse qu'elle est entourée de richesse.
Ce qui se passe à Buenaventura, où apparaissent tous les jours des corps humains démembrés flottant parmi les mangroves ou dispersés dans les rues,  n'est pas quelque chose d'inconnu pour la grande majorité. Soudain, tout le monde s'est mis à parler de Buenaventura en Colombie. Des compte-rendus journalistiques et des programmes télévisés plein d'indignation décrivent la situation désespérée de cette ville aux prises avec le fléau paramilitaire (opérant maintenant sous les noms d'Urabeños, Rastrojos ou Empresa). Un tollé d'horreur a été suscité par les "casas de pique" (maisons d'abattage), véritables boucheries pour humains, que tout le monde – sauf la police, l'armée et les autorités – connaît et voit. Mais le traitement donné à ces informations, comme toujours, est très pauvre, sensationnaliste, décontextualisé. Il ne diffère en rien du traitement que reçoivent périodiquement d'autres scandales humanitaires en Colombie. Un jour, les médias sont outrés par les faux positifs, un autre par les personnes déplacées de force, puis c'est au tour des féminicides, ils trépignent, accusent, sont scandalisés et puis rien ne se passe . C'est comme si à travers la couverture bas de gamme de ces faits on voulait exorciser l'horreur et calmer les consciences, en banalisant du même coup la terreur. Maintenant c'est au tour de Buenaventura.
C'est comme si ces vagues médiatiques spasmodiques cherchaient à concentrer toute la terreur qui existe en Colombie sur un seul point, convertissant le conflit qui consume le pays en un seul événement ponctuel, isolé, identifiable sur la carte. Mais la réalité est que les dépeçages, qui portent la marque incontestable des paramilitaires – tolérés par tout le monde, sauf ceux qui en souffrent -, se produisent dans de nombreuses régions du pays, partout où les intérêts économiques coexistent avec la (para)militarisation. Ce qui est vraiment pénible, c'est que, en dépit de son caractère apparemment exceptionnel, la situation de Buenaventura ne l'est pas tant. Il suffit de penser à Soacha ou aux Altos de Cazuca, pour ne pas trop s'éloigner de la capitale. Ou de voir les photos des massacres de Medellín. Les paramilitaires ont œuvré à créer un, deux, cent Buenaventura sur l'ensemble du territoire colombien. Et ils l'ont fait à coups de tronçonneuse, de machette et de hache, toujours sous le regard complaisant des forces  dites de sécurité.
On pourrait penser que la tragédie de Buenaventura est récente, mais elle en fait elle remonte à longtemps : il y a près de 10 ans qu'il n'y a plus de guérilléros dans les quartiers de Bajamar [litt. "Marée basse", zone de l'île de Cascajal gagnée sur la mer par la population afro-colombienne, qui y vit dans des maisons sur pilotis; 3500 familles y sont menacées d'expulsion par un projet d'extension du port et de création d'un "malecón", un boulevard front de mer,  NdT] et la mainmise totale des paramilitaires a coïncidé avec l'aggravation des cruautés. Des paramilitaires qui, selon tous les rapports officiels  n'existent pas, mais qui sont bien là. Buenaventura dément le mensonge répété ad nauseam que les paramilitaires sont une réponse à la soi-disant " horreur " de la guérilla et que, en l'absence de guérilléros, ils disparaîtront faute de raison d'être. Ce n'est pas un hasard si un garçon m'a confessé nerveusement, quand je lui ai demandé, durant un voyage en bus vers Buenaventura, à quel moment les choses avaient mal tourné : " C'est quand ils ont viré la guérilla, alors là  le boxon a commencé".
Le répertoire des moyens de semer la terreur est aussi une vieille histoire : la profanation du corps de la victime est quelque chose qui vient de l'époque de la «Violence» dans les années 40. C'est de cette époque qu'existe un lexique riche pour désigner les modalités de l'horreur :   bocachiquiar (préparer à la mode du poisson "bocachico"), picar pa’ tamal (découper pour un tamal), matar la semilla (tuer la semence), corte de corbata (coupe-cravate), de franela (coupe-flanelle), de mica (décapitation), de florero (sabrer le pot de fleurs) etc.

Symboliquement, en disloquant le corps de la victime, on disloque la communauté. Il ne s'agit pas seulement de tuer, mais de parachever la mort, comme si on craignait par superstition la vengeance du mort, comme l'indique Uribe Alarcón dans son "Anthropologie de l'inhumanité ". Selon elle, la victime est animalisée pour créer la distance spirituelle permettant le déchiquetage physique et un espace de sacrifice rituel ad hoc est créé. Mais même si dans la "casa de pique" on reproduit le modèle de la boucherie, on va encore plus loin, car dans les véritables boucheries, l'animal n'est pas torturé à mort, on n'utilise ni haches ni tronçonneuses,  on ne l'attache pas vivant sur une table de bois pour le dépecer au milieu de cris d'agonie.

Ici les paramilitaires ne font disparaître les gens que partiellement. Parfois, on retrouve le torse ou la tête, mais on trouve toujours quelque chose, même si ce ne sont que les doigts. Le message horrible est transmis par des preuves physiques de la torture en même temps que le processus rituel de vengeance décrit par Alfredo Molano est empêché : " Le corps est préparé en lui mettant l'un des vêtements dans lesquels il a été tué ; on lui attache les gros orteils avec un lacet d'une paire de chaussures noires récemment achetées et dans sa bouche on met un morceau de papier avec les noms des meurtriers. Quelques jours après les auteurs sont assassinés ou meurent de frayeur » [1]. Les médias qui reproduisent l'événement de manière sensationnaliste, morbide et décontextualisée, diffusent et amplifient la terreur, transmettant ainsi la peur paralysante de façon entièrement fonctionnelle par rapport à l'objectif des paramilitaires.


Image de l'intérieur d'une "casa de pique" diffusée sur les réseaux sociaux en mars dernier
Quel est le but des dépeçages à Buenaventura? Exactement ce que les dépeçages visaient durant le premier cycle de la Violence : que les gens fuient, abandonnant tout. Des militants du Processus des communautés noires (PCN), nous ont expliqué lors d'une visite dans la ville portuaire, dans le cadre de la 10ème délégation asturienne-irlandaise des droits humains, que le but de tout cela était de virer la population locale pour ouvrir la voie à un grand projet de remodelage caressé par les autorités locales et nationales . Pour faire place à l'aéroport et aux méga- ports modernes qui soient à la hauteur des exigences des accords de libre-échange et de l'Alliance du Pacifique, il faudrait évacuer du territoire un bon nombre de Noirs pauvres. Il est plus facile de déplacer que de réinstaller les gens ou de parvenir à un accord satisfaisant pour eux, surtout lorsque le «progrès» n'est pas destiné à leur profiter.
Cette violence n'est ni chaotique ni gratuite, mais répond à un modèle trop familier de terreur généralisée pour déplacer les gens et gagner du terrain au nom du progrès. C'est une violence très ritualisée: "La technique de la terreur exige que les gens se rendent compte, mais ne parlent pas. Qu'ils voient la capture des victimes dans le quartier, comment elles sont attrapées, qu'ils entendent les appels à l'aide, les cris de miséricorde et de clémence et enfin les hurlements de douleur. Puis le silence : un vide terrible. Les cris continuent à résonner dans la tête des gens. Tous craignent d'être le suivant sur une liste que personne n'établit. Les voisins entendent, le quartier entend, la zone sait, la ville est au courant. Les autorités n'entendent pas, ne voient pas , ne savent pas »[2 ] . Malgré tout, il y a encore de la résistance. Les habitants de Nayero Puente, à La Playita , ont décrété leur quartier "Espace de vie et humanitaire", défiant ouvertement les paramilitaires [3]. Depuis février dernier, on assiste à des protestations populaires massives contre les paramilitaires, auxquelles se sont joints même les commerçants, généralement méprisés parce qu'on se souvient que ce sont eux qui ont financé l'arrivée des paramilitaires en 2000, mais que maintenant "ils en ont marre de se faire taxer". Les autorités locales, la police, les militaires, les commerçants, tous ont alimenté ce monstre dépeceur. Le crayon avec lequel le peuple écrit son histoire n'a pas de gomme. Et ainsi se construisent des barrières de confinement de la machine de mort.


Les enquêteurs judiciaires retirent un corps de la scène d'un crime dans le quartier Comfamar de Buenaventura,
novembre 2013 ( Stephen Ferry / HRW.org.es)
C'est maintenant que les gens sont en train de vaincre leur peur que le gouvernement réagit en militarisant la ville portuaire. Cette militarisation ne vise bien sûr pas à bénéficier aux pauvres de toujours, mais à accélérer le projet portuaire et  industriel de Buenaventura. Buenaventura semble être l'endroit le plus désolé de la terre, et pourtant, même là, le peuple colombien fait la preuve qu'il a des réserves morales pour construire un avenir meilleur : il va créer un, deux, cents points de résistance à partir desquels reprendre Buenaventura aux marchands de mort. Ils ne passeront pas : ni leurs paramilitaires ni leurs méga-ports ni leur modèle antisocial  de développement.

Notes
 

mercredi 14 mai 2014

Saint-Denis (93), 17-18 mai 2014 : Fête de l'Insurrection gitane




TIR AU FUSIL  &  POMMES D’AMOUR

SPECTACLE POLITIQUE VIVANT
Depuis Samedi 17 mai 21 h, 
(tribune de Franz Liszt l'orphelin & chants de Mandrino de la Zor)
jusque
Dimanche 18 mai 19h.
(Danses politiques, petits chevaux, débats populaires et barbes à papa)
 Parvis de la Basilique des Rois, Saint-Denis (93)
(ligne 13 : Metro Saint-Denis Basilique)
A l’occasion de la célébration du 70ème anniversaire du soulèvement, le 16 mai 1944, du « camp des familles tziganes », d’Auschwitz II- Birkenau, La voix des Rroms vous invite à un Spectacle Politique Forain.  Il se tiendra là où  il est fait mention la première fois de la présence des « Tziganes » sur le territoire de France : le parvis de la basilique de Saint-Denis (93).  Au même moment dans plusieurs villes d’Europe sous l’impulsion de La voix des Rroms, les organisations rroms européennes mèneront des actions pour ce qui s’appelle désormais le «  Romani Resistance Day » #16May.

Ce rassemblement est un acte vivant d’auto-affirmation et d’émancipation collective, dans un contexte français et européen d’amplification de la violence politique à l’endroit des communautés les plus marginalisées, dont les Rroms les plus pauvres ne sont que le point de concentration, et qui à terme détruira  la vie de tous ceux qui seront jetés en-dehors de la mise en rente du vivant. Ses instigateurs ont le rêve que le feu qu’il engendrera sera à la mesure inverse de l’injustice qui frappe depuis trop longtemps et sans rupture, avec au milieu les camps, l’ensemble des Rroms d’Europe,  et avec eux, ceux qui, des morts libérés, pourraient bien le devenir.



SAMEDI 17 (21h)

Tribune politique de Franz Liszt l’Orphelin
Tarné Spilari (Jazz manouche)
O Baro Syntax (Rap Gitan)
Mandrino de la Zor et les enfants perdus ( Joc Tzigane)
DJ  set 

DIMANCHE 18 (11H)
 Raymond Gurême le forain et les petits chevaux héroïques
Danses des enfants d’or
Avava-Ovava
(le temps libéré par la formule)
Eric Fassin & Roms & Riverains
violon préparé
Menu complet et liste des invités : www.insurrection-gitane.com

--
Association "La voix des Rroms"
50, rue des Tournelles
75003 PARIS
http://www.lavoixdesrroms.org


mardi 13 mai 2014

La douleur et la rage

par Ejército zapatista de liberación nacional EZLN, 8/5/2014. Traduit par Le Serpent à plumes
Original: El dolor y la rabia
Traductions disponibles : English  Italiano  Deutsch  Ελληνικά  
Le vendredi 2 mai a eu lieu un incident qui a fait 1 mort - José Luis López Solís dit "Galeano" - et 13 blessés dans la communauté de La Realidad au Chiapas, entre bases d'appui de l’EZLN et membres d’organisations paysannes liées aux partis politiques de pouvoir. Face à cette agression, le Conseil de Bon Gouvernement de la communauté zapatiste avait demandé que le commandement de l’EZLN vienne sur place. Voici le communiqué de l’EZLN:
8 mai 2014
Aux compañeros et compañeras de la Sexta :
Compas :
En fait le communiqué était prêt. Succinct, précis, clair, comme doivent l’être les communiqués. Mais… ballonezlnmmh… peut-être plus tard.
Parce que maintenant commence la réunion avec les camarades bases d'appui de La Realidad.
Nous les écoutons.
Le ton et le sentiment de leur voix nous sont connus depuis longtemps déjà : la douleur et la rage.
Je comprends alors qu’un communiqué ne reflètera pas ça.
Ou pas dans toutes ses dimensions.
Bien sûr, une lettre non plus, mais au moins à travers ces mots puis-je essayer, même si ce n’est qu’un pâle reflet.
Parce que…
Ce furent la douleur et la rage qui nous firent défier tout et tout le monde il y a 20 ans.
Et ce sont la douleur et la rage qui aujourd’hui nous font enfiler une nouvelle fois nos bottes, revêtir l’uniforme, mettre le pistolet à la ceinture et nous couvrir le visage.
Et maintenant me coiffer de la vieille casquette usée avec les 3 étoiles à cinq branches
Ce sont la douleur et la rage qui ont mené nos pas jusqu’à La Realidad.
Il y a quelques instants, après que nous avions expliqué que nous étions venus pour répondre à la demande du Conseil de Bon Gouvernement, un camarade base d'appui, prof du cours « La Liberté selon les Zapatistes » nous a dit, plus ou moins en ces termes :
« C’est comme on te dit, camarade sous-commandant, regarde si nous n’étions pas zapatistes depuis le temps nous aurions tiré vengeance et il y aurait eu un massacre, parce que nous avons beaucoup de colère pour ce qu’ils ont fait au camarade Galeano. Mais bon, nous sommes zapatistes et il ne s’agit pas de vengeance mais de rendre la justice. Nous attendons donc ce que tu vas nous dire et nous ferons ainsi. »
En l’écoutant j’ai senti de la jalousie et de la peine.
Jaloux de celles et ceux qui ont eu le privilège d’avoir des hommes et des femmes, tel Galeano et tel celui qui parle maintenant, comme maîtres et maîtresses. Des milliers d’hommes et de femmes du monde entier ont eu ce privilège.
Peiné pour celles et ceux qui n’aurons plus Galeano comme professeur.
Le camarade Sous-commandant Insurgé Moisés a du prendre une décision difficile. Sa décision est sans appel et, si vous me demandez mon avis (ce que personne n’a fait), sans objections. Il a décidé de suspendre pour un temps indéfini la réunion et l’échange avec les peuples originaires et leurs organisations au sein du Congrès National Indigène. Et il a décidé de suspendre également l’hommage que nous préparions pour notre compagnon disparu Don Luis Villoro Toranzo, ainsi que de suspendre notre participation au Séminaire « Éthique face à la Spoliation » qu’organisent des compas artistes et intellectuels du Mexique et du monde.
Qu’est-ce qui l’a mené à prendre cette décision ? Et bien, les premiers résultats de l’enquête, ainsi que les informations qui nous parviennent, ne laissent pas place au doute :
1.- Il s’agit d’une agression planifiée à l’avance, organisée militairement et menée à terme par traîtrise, avec préméditation et avec l’avantage. Et c’est une agression qui s’inscrit dans le climat créé et encouragé d'en haut.
2.- Sont impliquées les directions de la soi-disant CIOAC-Historique*, du Parti Vert Écologiste (nom sous lequel le PRI gouverne au Chiapas), le Parti d’Action National et le Parti Révolutionnaire Institutionnel.
3.- Au minimum est impliqué le gouvernement de l’État du Chiapas. Reste à déterminer le degré d’implication du gouvernement fédéral.
Une femme des contras en est venue à dire que ça avait été planifié et que le plan était de « niquer » Galeano.
En résumé : il ne s’agit pas d’un problème de communauté, où les bandes s’affrontent, sur un coup de sang. Il s’agit de quelque chose de planifié : d’abord la provocation avec la destruction de l’école et de la  clinique, sachant que nos camaradesn’avaient pas d’armes à feu et qu’ils iraient défendre ce qu’humblement ils ont construits par leurs efforts ; puis les positions que prirent les agresseurs, prévoyant le chemin qu’ils suivraient depuis le caracol jusqu’à l’école ; enfin le tir croisé sur nos camarades.
Au cours de cette embuscade nos camarades ont été blessés par armes à feu.
Ce qui est arrivé avec le camarade Galeano est bouleversant : il n’est pas tombé dans l’embuscade, ils l’ont encerclé à 15 ou 20 paramilitaires (oui, ils le sont, leurs tactiques sont paramilitaires) ; le compagnon Galeano les a défiés à un combat d’homme à homme, sans armes à feu ; ils l’ont bastonné et lui il sautait d’un côté à l’autre évitant les coups et désarmant ses agresseurs.
Voyant qu’ils n’y arriveraient pas comme ça avec lui, ils lui ont tiré dessus et une balle dans la jambe l’a mis à terre. Après cela vint la barbarie : ils lui sont montés dessus, l’ont frappé et lui ont donné des coups de machette. Une autre balle dans la poitrine en fit un moribond. Ils ont continué à le frapper. Et en voyant qu’il respirait toujours, un lâche lui a tiré dans la tête.
Il a été touché à bout portant a trois reprises. Et les 3 fois, alors qu’il était encerclé, désarmé et loin de se rendre. Son corps a été traîné par ses assassins sur quelques 80m et ils l’ont balancé là.
Le camarade Galeano est resté seul. Son corps jeté au milieu de ce qui avant avait été le territoire des campeurs, hommes et femmes du monde entier qui arrivaient au « camp de la paix » à La Realidad. Et les compañeras, femmes zapatistes de La Realidad sont celles qui ont bravé la peur et ont été lever le corps.
Oui, il y a une photo du compa Galeano. L’image montre toutes les blessures et alimente la douleur et la rage, bien que les récits entendus n’aient besoin d’aucun renfort. Je comprends évidemment que cette photo puisse heurter la susceptibilité de la royauté espagnoliste, et il vaut donc mieux mettre la photo d’une scène montée avec effronterie, avec quelques blessés, et que les reporters, mobilisés par le gouvernement chiapanèque, commencent à vendre le mensonge d’une confrontation. « Qui paye, ordonne ». Parce qu’il y a des classes, mon brave. La monarchie espagnole est une chose, et s’en est une autre que ces « putains » d’indiens rebelles qui t’envoient au ranch d’AMLO simplement parce qu’ici, à quelques pas, ils veillent le corps encore plein de sang du camaradeGaleano.
La CIOAC-Historique, sa rivale la CIOAC-Indépendante et autres organisations “paysannes” comme l' ORCAO, ORUGA, URPA et d’autres, vivent en provoquant ces confrontations. Ils savent que provoquer des problèmes dans les communautés où nous sommes présents fait plaisir aux gouvernements. Et ils ont l’habitude d’être récompensés par des projets, et de grosses liasses de billets pour les dirigeants, des torts qu’ils nous font.
Dans la bouche d’un fonctionnaire du gouvernement de Manuel Velasco : « nous préférons que les zapatistes soient occupés à des problèmes créés artificiellement, plutôt qu’ils organisent des activités auxquelles viennent des «  güeros » (littéralement « blond », mais s’entend comme « blanc », « visage-pâle », ndt) de partout. C’est ce qu’il a dit : « visage-pâle ». Oui, c’est comique que s’exprime ainsi le laquais d’un « visage-pâle ».
Chaque fois que les leader de ces organisations « paysannes » voient baisser leurs subventions pour les bringues qu’ils s’octroient, ils organisent un incident et vont voir le gouvernement du Chiapas afin qu’il les paye pour « se calmer ».
Ce « modus vivendi » de dirigeants qui ne savent même pas faire la différence entre « sable » et « gravier », a débuté avec l’oublié du PRI « croquettes » Albores, a repris avec le lopezobradoriste Juan Sabines, et se poursuit avec le soi-disant  écologiste vert Manuel « le visage-pâle » Velasco.
Attendez un peu…
Un compa parle maintenant. Il pleure, oui. Mais nous savons que ces larmes sont de rage. Avec des mots entrecoupés de sanglots, il dit ce que tous ressentent, ce que nous ressentons : nous ne voulons pas la vengeance, nous voulons la justice.
Un autre interrompt : « camarade sous-commandant insurgé, n’interprétez pas mal nos larmes, elles ne sont pas de tristesse, mais de révolte ».
Arrive alors un rapport d’une réunion des dirigeants de la CIOAC-Historique. Les dirigeants disent, textuellement : « avec l’EZLN on ne peut pas négocier avec de l’argent. Mais une fois que seront détenus tous ceux qui sont dans le journal, qu’on aura enfermé certains 4 ou 5 ans, et après que le problème se sera calmé, il sera possible de négocier leur libération avec le gouvernement ». Un autre ajoute : « Ou on peut dire qu’il y a eu un mort chez nous, et que ça fait match nul, un mort de chaque côté et que les zapatistes doivent se calmer. On invente qu’untel est mort ou on le tue nous-même et le problème est réglé. »
Bref, la lettre s’allonge et je ne sais pas si vous pouvez sentir ce que nous, nous ressentons. De toute manière le Sous-commandant Insurgé Moisés m’a chargé de vous prévenir que…
Attendez…
Maintenant ils parlent au sein de l’assemblée zapatiste de La Realidad.
Nous sommes sortis pour qu’ils s’accordent entre eux sur la réponse à donner à la question que nous leur avons posée : « Le commandement de l’EZLN est poursuivi par les gouvernements, vous le savez bien, vous qui étiez là lors de la trahison de 1995. Alors, voulez-vous que nous restions ici pour suivre le problème et obtenir justice ou préférez-vous que nous allions ailleurs ? Parce que vous tous pouvez désormais subir la persécution directe des gouvernements, de leurs policiers et leurs militaires. »
On écoute maintenant un jeune. Une quinzaine d’année. On me dit que c’est le fils de Galeano. Je m'approche et oui, malgré son jeune âge, c’est un Galeano en puissance. Il dit qu’on reste, qu’ils nous font confiance pour la justice et pour retrouver ceux qui ont assassiné son papa. Et qu’ils sont prêts à n’importe quoi. Les voix en ce sens se multiplient. Les camarades parlent. Les compañeras parlent quand les enfants cessent leurs larmes : ce sont elles qui ont reconnecté l’eau, malgré les menaces des paramilitaires. « Elles sont courageuses », dit un homme, vétéran de guerre.
Que nous restions, voilà l’accord.
Le Sous-commandant Insurgé Moisés remet un soutien économique à la veuve.
L’assemblée se disperse. Malgré tout on peut voir que le pas de chacun est ferme une fois encore, et qu’il y a dans leurs regards une autre lumière.
Où en étais-je ? Ah, oui. Le Sous-commandant Insurgé Moisés m’a chargé de vous prévenir que les activités publiques de mai et juin sont suspendues pour un temps indéfini, ainsi que les cours de « la liberté selon les zapatistes ». Bon voilà, donc c’est vu pour les annulations et le reste.
Attendez…
On nous informe maintenant qu’en haut ils commencent à encourager ce qu'on appelle le « modèle d’Acteal » : « ça é été un conflit intracommunautaire pour un banc de sable ». Mmh… ça continue donc, la militarisation, le cri hystérique de la presse domestiquée, les simulations, les mensonges, la persécution. Ce n’est pas pour rien qu’on retrouve le vieux Chuayffet (gouverneur du Chiapas au moment de la tuerie d’Acteal, ndt), avec des élèves appliqués au sein du gouvernement du Chiapas et des organisations « paysannes ».
Nous savons ce qui va suivre.
Quant à moi ce que je veux c’est profiter de ces lignes pour vous demander :
Nous, ce sont la douleur et la rage qui nous ont amenés jusqu’ici. Si vous pouvez les sentir vous aussi, où vous mènent-elles ?
Parce que nous, nous sommes ici, dans la réalité. Là où nous avons toujours été.
Et vous ?
Allez. Salut et indignation.
Depuis les montagnes du Sud-Est mexicain,
Sous-commandant Insurgé Marcos,
Mexique, Mai 2014. Dans la vingtième année du début de la guerre contre l'oubli.
P.S.- L’enquête est menée par le Sous-commandant Insurgé Moisés. Il vous informera des résultats, ou lui à travers moi.
Autre P.S.- Si vous me demandez de résumer notre travail en cours en quelques mots, je dirais : nos efforts sont pour la paix, leurs efforts sont pour la guerre.
* La CIOAC-Historique est issue de la scission de la Centrale Indépendante des Ouvriers Agricoles y Paysans. Le courant « historique » est lié au Parti de la Révolution Démocratique (gauche), et le courant démocratique est lié à l’ex-parti unique revenu au Pouvoir, le Parti Révolutionnaire Institutionnel (centre-gauche).