jeudi 30 avril 2015

Baltimore : premières leçons

Le soulèvement de la jeunesse "noire" à Baltimore, suite au énième meurtre par un flic d'un jeune, n'est pas un coup de tonnerre dans un ciel serein. 47 ans après les émeutes de Baltimore d'avril 1968, les choses, loin de changer, n'ont fait qu'empirer. Et la présence d'un "Noir" à la Maison blanche ne change rien, au contraire même, peut-être. Les émeutes de 1968 avaient été déclenchées par l'assassinat de Martin Luther King Jr. à Memphis. Alors comme aujourd'hui, les "élites politiques noires" s'étaient bousculées au portillon pour surfer sur la vague de révolte. Alors comme aujourd'hui, sans succès. Aujourd'hui comme alors, les émeutes provoquent un débat sur la violence des émeutiers, les médias dominants s’émouvant plus face aux bris de vitrines qu'au massacre de jeunes par les flics. Aujourd'hui comme alors, il faut proclamer la différence radicale entre la "violence contre les gens" et la "violence contre les choses", que faisait Rudi Dutschke, le leader étudiant allemand mort en 1979 des suites d'un attentat commis en avril 1968 par un jeune ouvrier au cerveau lavé par les médias dominants. Nous vous proposons deux textes sur la situation aux USA, où l'été promet d'être chaud, chaud, chaud.-FG
Baltimore, avril 1968

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http://tlaxcala-int.org/upload/gal_10105.jpghttp://tlaxcala-int.org/upload/gal_10106.jpg Baltimore, avril 2015
 
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Soutien à Baltimore : casser des voitures de police est une stratégie politique logique
par
Radical Faggot Pédé Radical. Traduit par  Nicolas Casaux , édité par  Héléna Delaunay
En tant que nation nous échouons à comprendre la stratégie politique noire de la même façon que nous échouons à reconnaître la valeur de la vie d’un noir.
Nous voyons des ghettos, le crime et des parents absents là où nous devrions voir des communautés luttant activement contre des crises de santé mentale et contre une exploitation économique préméditée. Et lorsque nous voyons des voitures de police cassées et des biens détruits, nous devrions y voir des réponses raisonnables à plusieurs générations de violence étatique extrême, et des décisions logiques sur le genre d' actions entrainant les résultats politiques désirés.
Je suis éberlué par la diffamation généralisée des manifestants de ce week-end à Baltimore, pour ne pas être restés pacifiques. La rhétorique de la « pomme pourrie » voudrait nous faire croire que la plupart des protestataires manifestaient de la bonne manière — selon leur droit constitutionnel — et que seuls quelques-uns venaient troubler la fête, donnant une mauvaise image du mouvement.
Cette manipulation doit être ignorée, tout d’abord en raison du black-out médiatique presque total sur toutes les actions ayant lieu sur le terrain, particulièrement  au cours de ce week-end. Mais aussi parce que ça n’a aucun sens de citer la Constitution dans une manifestation pour les droits civiques des noirs (ce document n’a pas été écrit pour nous, tu te souviens ?), et certainement pas dans une action organisée afin d’attirer l’attention sur le fait que l’État transgresse ses propres lois presque constamment vis-à-vis des opprimés.
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USA : émergence d'une nouvelle génération de radicaux noirs
par Chris Hedges.Traduit par  Nicolas Casaux, édité par  Héléna Delaunay
Les meurtres quasi quotidiens par la police de jeunes femmes et hommes noirs aux USA — crise à laquelle les manifestations de groupes comme Black Lives Matter et la rhétorique vide des élites politiques noires n’ont rien changé — ont donné naissance à un nouveau jeune militant noir.
Ce militant, émergeant des rues ensanglantées de villes comme Ferguson, dans le Missouri, comprend que le monstre n’est pas simplement le suprémacisme blanc, la pauvreté chronique et les multiples formes du racisme, mais l’énergie destructrice du capitalisme. Ce militant a abandonné la politique électorale, les tribunaux et les réformes législatives, il déteste la presse capitaliste et rejette les leaders noirs établis comme Barack Obama, Jesse Jackson, Al Sharpton et Michael Eric Dyson. Ce militant est persuadé qu’il n’y a que dans la rue et dans les actes de désobéissance civile que le changement est possible. Étant donné le refus de l’État capitaliste de s’attaquer aux souffrances croissantes des pauvres et des travailleurs pauvres, la répression étatique draconienne et le recours indiscriminé à la violence d’État létale contre les gens de couleur sans défense, je pense que le nouveau radical noir a raison. L’été s’annonce long, chaud et violent.

mercredi 29 avril 2015

Pourquoi l'Italie ne s'intéresse pas aux Italiens assassinés par des drones US
Sigonella, capitale mondiale de la guerre robotisée

par Antonio Mazzeo, 27/4/2015. Traduit par  Fausto Giudice, Tlaxcala 
Original: Perché all’Italia non interessa degli italiani assassinati dai droni
Ce sont des victimes collatérales, inconscientes et innocentes, de l'énième acte d'une guerre unilatérale. Il ne s'agit plus d'armées contre armées, mais de robots tueurs contre des hommes, des femmes, des enfants. Le coopérant sicilien Giovanni Lo Porto, honteusement ignoré par la politique avec un grand P, les institutions et l'ensemble du Parlement italien, a été brutalement assassiné au Pakistan dans l'un des innombrables bombardements déclenchés par les essaims de drones US.
 
"Il s'est agi d'une erreur tragique et fatale de nos alliés américains, reconnue par le président Obama, mais la mort de Lo Porto et d'un deuxième otage, l'Américain Warren Weinstein, est de l'entière responsabilité des terroristes, contre lesquels nous confirmons l'engagement de l'Italie" : tel a été le commentaires pour solde de tout compte du ministre des Affaires étrangères Paolo Gentiloni. Aucune culpabilité donc des agents de la CIA qui ont ordonné l'attaque, aucune responsabilité politique de ceux qui, à Washington – en violation du droit international - ont encouragé et légitimé l'utilisation de drones, dans une escalade infernale vers la déshumanisation totale des conflits.

mardi 28 avril 2015

Grèce : L’étau se resserre

par Stathis Kouvelakis Στάθης Κουβελάκης, 24/4/2015 Traduit par  Fausto Giudice, Tlaxcala
Original: Greece: The Noose Tightens
Traductions disponibles : Português  فارسی 
 

Pour le gouvernement Syriza, il ne reste que trois options
Les événements en Grèce ont pris un tour dramatique et l'insolvabilité est aux portes. Le 20 avril 2015, le gouvernement grec a émis un décret obligeant les collectivités locales à déposer leurs réserves de liquidités à la Banque De Grèce.
Deux jours plus tard, Dimitris Mardas, le vice-ministre des Finances chargé des recettes de l’État, a déclaré qu’il manquait 400 millions d’euros pour payer les retraites et les salaires à la fin du mois. Quelques heures plus tard, il a dit que l'argent avait été trouvé et qu'il essayait maintenant de constituer des réserves de trésorerie. Mais selon certaines sources, Dimitris Mardas a informé les députés de Syriza lors d'une réunion le même jour que les réserves de l’État ne permettraient d'effectuer tous les paiements en mai.
Et cela bien que, en termes de paiement de la dette, le mois de mai soit un mois relativement « facile », avec seulement 750 millions d’euros à payer  au Fonds Monétaire International (FMI), plus 400 autres millions d’euros d'intérêts à payer.
Le mois de juin sera plus difficile, avec 1 milliard 500 millions d’euros du au FMI, 700 millions dus aux institutions européennes, et 500 millions d’euros en paiements d'intérêts. Un  fardeau sans aucun doute insoutenable.

vendredi 24 avril 2015

EuroCaravana 43: Tournée des familles des 43 disparus d'Aytozinapa en Europe

Une brigade d’Ayotzinapa, Mexique, parcourt l’Europe pour exiger la présentation en vie des 43 étudiants disparus.
RECORRE EUROPA BRIGADA DE AYOTZINAPA (MÉXICO) POR LA PRESENTACIÓN CON VIDA DE LOS 43 ESTUDIANTES DESAPARECIDOS
 

    • Les membres de cette délégation exigent que cette demande de présentation en vie soit maintenue malgré l’insistance de l’État mexicain à clore l’enquête et la recherche.
    • Ils demandent à la communauté européenne de maintenir une surveillance internationale face aux actes de répression contre le mouvement social qui exige la présentation en vie des étudiants de l'École normale rurale.
    • Ils demandent le soutien pour mettre en place des garanties réelles de non‐répétition, de respect et d’accès plein et entier aux droits de l’homme.

    L’Autre Europe, 16 avril 2015- Une commission de l’École normale d’Ayotzinapa, Mexique, parcourra l’Europe entre le 16 avril et le 19 mai pour informer à la communauté européenne de la poursuite de la lutte des pères et mères de famille pour la présentation en vie des 43 étudiants normaliens disparus, malgré la persistance de l’État mexicain à considérer que ces étudiants ont été brûlés sans qu'il en apporte les preuves. 
    Helsinki eurocaravana43-5
    Omar García, Eleucadio Ortega et Román Hernández devant l'ambassade mexicaine à Helsinki, Finlande
    La brigade, composée d’un père de famille, d’un étudiant et d’un défenseur des droits humains, traversera 13 pays du continent européen pour participer à des réunions avec des organisations étudiantes, des collectifs, des organisations sociales et syndicales pour faire un appel à maintenir l’observation internationale sur le Mexique face à la grave crise que subissent les droits de l’homme dans ce pays et pour exiger l’arrêt des actes de répression commis par le gouvernement mexicain contre les étudiants, les pères et mères de famille des 43 étudiants normaliens et le mouvement social qui réclame la présentation en vie des disparus.

    Dénonçons le crime contre l’humanité commis contre les migrants

    par Claude Calame, Le Monde, 8/4/2015
    English  Exposing the crimes against humanity committed against migrants 
    Plus de 3 400 migrants morts en Méditerranée en 2014, 300 dans la seule deuxième semaine de février 2015, tel est le dramatique bilan de la politique de fermeture des frontières menée par l’Union européenne (UE), de Ceuta et Melilla en face de Gibraltar, au fleuve Evros, en Grèce du Nord. La France n’échappe pas à cette politique d’érection de murs opposés à migrantes et migrants. Non pas en Méditerranée, mais à Calais.
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    Khalid Albaih, Soudan
    Un récent rapport d’Human Rights Watch (HRW) vient de dénoncer les conditions de survie imposées aux quelque 3 000 migrants qui, à Calais et dans le Calaisis, attendent soit une opportunité de passer clandestinement en Angleterre, soit l’incertain résultat d’une demande d’asile déposée en France : au dénuement total dans une situation d’extrême précarité s’ajoutent répression et exactions policières, entre passages à tabac et attaques au gaz lacrymogène.

    mercredi 22 avril 2015

    Les dérives du Forum social mondial: vers la fin du processus ?


    par Mimoun Rahmani ميمون الرحماني
    Mimoun Rahmani est membre d'ATTAC/CADTM Maroc, du Conseil de pilotage du Forum social  maghrébin  et du groupe de coordination  du Comité pour  l'annulation de la dette du tiers-monde (CADTM). Il représente le Réseau CADTM international au Conseil international du Forum social mondial.
    Genèse du FSM
    Le Forum social mondial (FSM) est né suite à l’émergence du mouvement anti-mondialisation pendant les années 1990, notamment le soulèvement des zapatistes contre l’ALENA en 1994, la campagne contre l’accord multilatéral sur l’investissement (AMI) en 1998 et la grande mobilisation en 1999 à Seattle contre le sommet de l’OMC, avec près de 50 000 participants venus du monde entier.
    C’était un contexte politique et idéologique marqué par le démantèlement du Mur de Berlin et la fin de la guerre froide ayant entrainé l’hégémonie des USA et de l’idéologie libérale, mais aussi par l’émergence des mouvements sociaux en lutte contre les politiques ultralibérales dictées par les institutions économiques internationales (FMI, BM, OMC) dans le cadre du Consensus de Washington.
    Les ennemis du FSM étaient donc bien identifiés : le Forum économique mondial de Davos, le Fonds monétaire international, la Banque mondiale, l’Organisation mondiale du commerce, les multinationales, les USA en tant qu’empire…
    La charte de principes de Porto Alegre définit le FSM comme étant « un espace ouvert de réflexion, de débat d’idées démocratiques, de formulation de propositions, d’échange d’expériences et d’articulation en vue d’actions efficaces entre les mouvements sociaux et organisations de la société civile qui s’opposent au néolibéralisme et à la domination du monde par le capital et toute forme d’impérialisme… »
    Le Forum social mondial n’est donc pas un simple évènement de débat d’idées et de proposition d’alternatives au néolibéralisme. Il est aussi un processus continu qui vise la construction d’actions communes à l’échelle planétaire. En d’autres termes, le FSM devra jouer le rôle de catalyseur des luttes sociales, rendre les luttes plus visibles, dans l’objectif global de renforcer la lutte commune contre le néolibéralisme et, d’une manière générale, contre la globalisation capitaliste, afin de contribuer à inverser les rapports de force au niveau mondial.
    Cependant, le FSM connait des dérives de plus en plus graves qui l’ont « réduit à l’insignifiance »[1], faisant de cet espace une simple foire internationale des associations et ONG de développement. Commercialisation à outrance au sein de l’espace du Forum, sous-traitance de certains aspects de l’organisation à des sociétés privées, frais d’inscription élevés, présence de délégations officielles et des intégristes islamistes, financement du Forum par des gouvernements antidémocratiques et d’autres sources de financement incertaines, enregistrement d’activités en totale contradiction avec la charte de principes du FSM…
    S’ajoute à cela la crise interne que connait le Conseil international (CI) du FSM dont les commissions ne sont plus opérationnelles, ni d’ailleurs le groupe de liaison qui jouait le rôle de coordination entre les commissions et préparait les réunions dudit conseil. Les décisions sont le plus souvent préparées à l’avance par une minorité qui contrôle le CI, essentiellement des membres des grandes ONG dont la présence et l’influence sont de plus en plus importantes devant la faiblesse des mouvements sociaux et des mouvements de lutte.
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    Le massacre des migrants et les responsabilités de l'Europe


    par Annamaria Rivera, Micromega, 21/04/2015.Traduit par  Fausto Giudice, Tlaxcala 
    Au moins 1 800 morts depuis le début de l'année. Victimes du néocolonialisme occidental, de sa politique de pillage, de guerre, d'ingérence "humanitaire", de déstabilisation, qui trouve souvent des complices dans les élites locales. Victimes aussi des politiques prohibitionnistes, donc migranticides, d'une Union européenne qui a jeté aux orties jusqu'aux plus élémentaires des droits de l'homme - le droit à la vie et à l'asile – qui fondent aussi son ordonnance. Une Union qui, comme l'écrit Barbara Spinelli, avec ses 28 États et ses eurodéputés, mais aussi avec le Haut-commissariat des Nations Unies aux réfugiés, est de fait coupable "de crimes de guerre et d'extermination  en temps de paix".
    Face au pire massacre dans l'histoire des exodes en Méditerranée - immédiatement suivi d'un autre naufrage mortel, cette fois près de l'île de Rhodes - la misère morale et politique des institutions et des dirigeants politiques, européens et italiens, s'affiche de manière éclatante.
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