lundi 6 juillet 2015

Chers co-Européens...
Lettre d'un Grec qui a voté "Non"

par Giorgos Faraklas Γιώργος Φαράκλας , 3/7/2015
Original: Αγαπητοί συνευρωπαίοι...

Giorgos Faraklas, spécialiste de dialectique hégélienne, enseigne la philosophie politique à l’université Panteion (Athènes).


... en 1967 ma mère fut arrêtée. Quelques jours plus tard, nous quittions la Grèce pour un autre pays. En 1974, la Turquie envahissait Chypre. Quelques jours plus tard, mon père était mobilisé. Aujourd'hui, je vis à nouveau, comme alors, un moment de peur et d'impuissance. Chers co-Européens, pourquoi nous soumettez-vous à une telle épreuve?
Pourquoi ne devrions-nous pas imposer les plus riches ? Pourquoi ne devrions-nous pas protéger les
Bernard Pras, Le Cri
plus démunis ? Pourquoi ne devrions-nous pas être gouvernés par des gens qui ne sont pas responsables de l'état où nous nous trouvons réduits ? Supporteriez-vous mieux que nous de voir des gens qui ont tout perdu dormir sur les trottoirs, tirer leur pitance des ordures et se suicider ? Ne voudriez-vous pas, vous aussi, leur venir en aide ?
Vous avez raison, ce sont nos propres politiciens qui nous ont menés au gouffre. Et c'est nous qui les avions élus. Et nous étions nombreux à nous arranger d'une situation d'illégalité permanente des transactions financières. Et il y avait des gens qui étaient payés à ne rien faire. Mais il y a aussi tous ceux qui travaillent, qui ne volent pas, qui n'exploitent pas leur prochain, mais s'affligent de sa peine et se réjouissent de sa joie. Vous ne les connaissez pas, parce que nous ne sommes pas encore suffisamment unis. Parce que nous parlons ici une langue minoritaire. Parce que l'esprit de clocher et la haine du voisin, diffus, sont, malheureusement, un commerce florissant.
Toutefois vous, de votre côté, souffrez que nous soyons plus pauvres, mais ne souffrez pas que vos représentants nous imposent des mesures qui creusent des inégalités entre nous que vous-mêmes ne supporteriez pas chez vous. Punissez-nous pour avoir laissé nos dirigeants nous endetter à un tel point, mais ne nous punissez pas pour vouloir partager plus équitablement entre nous le fardeau de la dette. Faites confiance à ce gouvernement, auquel nous faisons confiance. Nous avons nos raisons pour ne pas faire confiance à nos autres politiciens. Permettez-moi de vous dire qu'à notre place, vous en feriez autant.
Si nous disons « non », ce n'est pas à l'Europe que nous le disons. Au contraire, nous n'avions jamais élu un gouvernement au profil plus européen. Aucun avant lui n'avait donné la nationalité grecque aux enfants d'immigrés, aucun ne respectait comme lui l'humanité des prisonniers, aucun ne s'intéressait vraiment aux minorités, aucun ne paraissait vouloir s'attaquer à la corruption comme lui et, enfin, aucun ne semblait intéressé au sort des plus défavorisés, comme il l'est. Nous disons « non » à cette façon de faire qui nous interdit de nous attaquer à l'injustice dans notre pays de la façon qui nous apparaît comme la plus efficace, qui nous refuse le droit de payer notre dette en distribuant sa charge d'une manière que nous savons être plus efficace et plus juste.
Portez-vous bien.

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